LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 juin 2021
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 479 F-D
Pourvoi n° W 19-23.463
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2021
Le syndicat intercommunal d'assainissement et eau potable de Vannes Ouest, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 19-23.463 contre le jugement rendu le 14 août 2019 par le tribunal d'instance de Vannes, dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [T],
2°/ à Mme [A] [T],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du syndicat intercommunal d'assainissement et eau potable de Vannes Ouest, après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (Vannes, 14 août 2019), rendu en dernier ressort, le 4 décembre 2015, la Société d'aménagement urbain et rural, qui assure la distribution de l'eau potable sur le secteur de Vannes en vertu d'un contrat de marché public de services conclu avec le syndicat intercommunal d'assainissement et d'eau potable de Vannes Ouest (le syndicat), a émis, après avoir procédé au relevé du compteur de M. et Mme [T] (les usagers), une facture d'un montant de 8 763,08 euros pour une consommation d'eau de 1 695 m3, dont 2 793,45 euros au titre de la distribution de l'eau potable.
2. Le 29 juin 2018, le syndicat a émis à l'encontre des usagers un avis des sommes à payer, sous-titré ampliation de titre de recette, de ce montant total de 2 793,45 euros au titre de la facture litigieuse pour la part eau potable et 17,21 euros au titre des pénalités.
3. Par déclaration au greffe du 18 octobre 2018, M. [T] a formé opposition contre ce titre exécutoire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le syndicat fait grief au jugement d'annuler le titre de recette exécutoire et limiter la condamnation de M. [T] à lui payer la somme de 214,98 euros, alors « que les relevés du compteur d'eau bénéficient d'une présomption d'exactitude, qu'il appartient à l'usager du service de distribution de l'eau de renverser ; qu'en retenant, pour annuler le titre de recette émis par le syndicat au titre de la consommation relevée sur le compteur, qu'il ne justifie pas de la fiabilité de son compteur, cependant qu'il appartenait à M. et Mme [T], redevables des factures émises par le syndicat, de justifier des éléments de nature à renverser la présomption d'exactitude des relevés du compteur, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1353 du code civil :
5. En application de ce texte, il appartient à l'usager d'un service de distribution d'eau, qui invoque l'inexactitude de la facturation établie à partir du relevé de son compteur, d'apporter la preuve d'une erreur de relevé, d'un dysfonctionnement du compteur ou de toute autre anomalie.
6. Pour annuler le titre exécutoire litigieux et limiter la condamnation des usagers, le jugement retient qu'il incombe au syndicat demandant le paiement d'une consommation d'eau de justifier de la fiabilité de son compteur et que faute de l'établir, il ne peut invoquer sa seule facture et l'étalonnage pour fonder sa créance.
7. En statuant ainsi, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 août 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Vannes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lorient ;
Condamne M. et Mme [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [T] et les condamne à payer au syndicat intercommunal d'assainissement et eau potable de Vannes Ouest la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le syndicat intercommunal d'assainissement et eau potable de Vannes Ouest
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir annulé le titre de recette exécutoire émis par le syndicat intercommunal d'assainissement et d'eau potable Vannes Ouest à l'encontre des époux [D] [T] pour 2810,66 ? et d'avoir limité la condamnation de M. [D] [T] à payer au syndicat intercommunal d'assainissement et d'eau potable Vannes Ouest SIAEP V. O EAU à la somme de 214,98 ? ;
Aux motifs que pour expliquer la consommation d'un volume de 1695 m3, entre le 10 novembre 2014 et le 6 octobre 2015, le syndicat fait valoir que les époux [D] [T] ont fait procéder à des travaux d'extension de leur maison, selon permis de construire du 4 novembre 2014, avec une déclaration d'ouverture de chantier du 15 mars 2015.
[O] [M] déclare, à défaut d'attester dans les formes prescrites par l'article 202 du code de procédure civile, qu'il n'a pas constaté de fuite sur le mois d'avril pour les travaux d'extension pendant lesquels la tranchée jusqu'au compteur était ouverte. Si cette attestation n'est pas accompagnée de la pièce d'identité de son auteur, elle n'est pas alléguée mensongère. Elle sera retenue à titre d'élément de preuve dans le litige.
Ces travaux n'ont pas été portés à la connaissance du médiateur par le client, alors qu'il y était invité.
L'entreprise qui a réalisé les travaux d'extension de la maison [T] n'a constaté aucune fuite. Aucun élément versé au dossier ne permet de mettre en lumière une fuite ayant affecté les canalisations de la maison [T].
Demandant le paiement d'une consommation d'eau, il incombe au syndicat de justifier de la fiabilité de son compteur.
Si l'étalonnage du compteur n'a révélé aucun dysfonctionnement dans l'enregistrement des volumes consommés, il reste qu'un « saut » reste possible pour expliquer cette surconsommation, ainsi qu'il ressort des écritures des parties, même si le syndicat estime qu'un tel événement est rare.
Faute de justifier de la fiabilité du compteur d'eau, le syndicat ne peut invoquer sa seule facture et l'étalonnage pour fonder sa créance.
Les époux [D] [T] avouant une consommation de 20 m3, seul ce volume sera imputé aux clients : 120 m3 x 2793,45 ? / 1695 m3 = 197,77 ?.
Dès lors le titre de recette sera annulé pour ce motif tiré d'une consommation non imputable au client, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens surabondants ;
ALORS D'UNE PART QUE les relevés du compteur d'eau bénéficient d'une présomption d'exactitude, qu'il appartient à l'usager du service de distribution de l'eau de renverser ; qu'en retenant, pour annuler le titre de recette émis par le syndicat au titre de la consommation relevée sur le compteur, qu'il ne justifie pas de la fiabilité de son compteur, cependant qu'il appartenait aux époux [T], redevables des factures émises par le syndicat, de justifier des éléments de nature à renverser la présomption d'exactitude des relevés du compteur, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil ;
ALORS D'AUTRE PART et en toute hypothèse QUE le juge qui statue par des motifs hypothétiques ne satisfait pas à son obligation impérative de motiver ses décisions ; qu'en se fondant sur la possibilité d'un saut du compteur pour en déduire que le syndicat ne justifie pas de la fiabilité du compteur d'eau malgré un étalonnage correct et le débouter de sa demande de paiement, le tribunal a statué par un motif hypothétique et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;