La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2021 | FRANCE | N°20-86197

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 juin 2021, 20-86197


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 20-86.197 F-D

N° 00915

CG10
29 JUIN 2021

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 JUIN 2021

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Fleet, parties intervenantes, ont formé des pourvois contre l'arrêt

de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 27 octobre 2020, qui, dans la procédure suivie contre M. [I] ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 20-86.197 F-D

N° 00915

CG10
29 JUIN 2021

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 JUIN 2021

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Fleet, parties intervenantes, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 27 octobre 2020, qui, dans la procédure suivie contre M. [I] [N] du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire, commun aux demandeurs, et un mémoire en défense, ont été produits.

Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat des sociétés MMA Iard, et MMA Iard assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covea Fleet les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mmes [L] [A], [H] [S], et M. [U] [D], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 juin 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 23 avril 2007, un accident de la circulation a impliqué le véhicule conduit par M. [N], assuré par la société Azur assurances, aux droits de laquelle est venue la société Covéa fleet, aux droits de laquelle se trouvent aujourd'hui les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et un véhicule conduit par [O] [D].

3. Par jugement du 21 octobre 2008, le tribunal correctionnel a déclaré M. [N] coupable de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois et entièrement responsable du préjudice subi par [O] [D], et a notamment ordonné une expertise.

4. [O] [D] est décédé le [Date décès 1] 2010.

5. M. [U] [D] et Mme [H] [D], ses parents, M. [W] [D] et M. [R] [D], ses frères, et Mme [L] [A], sa compagne, ont poursuivi l'instance en qualité d'ayants droit de la victime.

5. Par jugement du 28 mars 2018, le tribunal correctionnel statuant sur intérêts civils a notamment débouté Mme [A] de sa demande au titre du préjudice économique, condamné M. [N] à payer diverses sommes aux consorts [D] et à Mme [A] et a déclaré le jugement opposable aux compagnies d'assurance MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

6.Les consorts [D] et Mme [A] ont relevé appel de ce jugement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [N] à payer à Mme [A] une somme de 403 918,72 euros au titre de son préjudice économique alors :

« 1°/ que la réparation du dommage doit être intégrale, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que le préjudice doit donc être quantifié avec précision ; qu'en cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par l'ensemble de la famille proche du défunt doit être évalué en prenant en compte comme élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci, et des revenus que continue à percevoir le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant ; et que les revenus de référence permettant d'évaluer le préjudice économique d'une victime indirecte sont les revenus net avant imposition sur le revenu ; qu'en prenant comme référence, pour évaluer le préjudice économique subi par Mme [A], un revenu supposé d'[O] [D] au jour de l'accident mentionné dans un relevé de carrière Carsat, document pourtant impropre à établir les revenus effectivement perçus par la victime dès lors que les montants mentionnés ne correspondent pas à la rémunération perçue mais au salaire annuel brut soumis à cotisations, dans la limite du plafond de la sécurité sociale de l'année, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 1240 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ainsi que le principe de réparation intégrale ;

2°/, qu'en se fondant, pour évaluer le préjudice économique subi par Mme [A], sur un revenu supposé d?[O] [D] au jour de l'accident tiré d'un relevé de carrière Carsat, lequel se bornait pourtant à ne mentionner que des revenus bruts annuels avant cotisation, la cour d'appel, qui a retenu ce montant brut sans déterminer quel était le revenu net perçu par la victime directe au jour de l'accident, a violé les articles 1240 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale et le principe de réparation intégrale ;

3°/ que la réparation du dommage doit être intégrale, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que le préjudice subi par la victime est évalué par le juge au jour de sa décision ; qu'ainsi, en cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par l'ensemble de la famille proche du défunt doit être évalué en prenant en compte, comme élément de référence, le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci, et des revenus que continue à percevoir le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant ; qu'en fixant, pour évaluer « le préjudice viager du foyer », la perte annuelle du foyer à la somme de 8 968 euros, obtenue après avoir déduit des revenus du foyer au jour de l'accident la part d'autoconsommation de la victime directe et les revenus que percevait Mme [A] au jour de l'accident (tirés de son avis d'imposition sur les revenus de 2006), la cour d'appel, qui n'a pas pris en compte les revenus perçus par le concubin au jour de sa décision a violé, ensemble, les articles 1240 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ainsi que le principe susvisé ;

4°/ qu'en appliquant, après avoir déterminé la perte annuelle du foyer, un barème de capitalisation viager, sans déterminer l'âge de la retraite de la victime directe et l'incidence de cet événement sur l'évaluation du préjudice économique subi par le concubin survivant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principe susvisés. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Vu les articles 1240 du code civil et 593 du code de procédure pénale :

8. Le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.

9. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

10. Pour évaluer le revenu professionnel d'[O] [D] pour l'année 2006, dernière année complète avant l'accident, dans le cadre de la détermination du préjudice économique de Mme [A], l'arrêt énonce que son relevé de carrière établi par la Carsat de Normandie pour le calcul des droits à la retraite constitue un document suffisant pour justifier que son revenu annuel s'établissait à la somme de 19 919 euros, sans qu'il y ait lieu de rejeter la demande au motif que l'avis d'imposition de l'intéressé n'est pas produit.

11. En prononçant ainsi, par des motifs impropres à s'assurer que ce document lui permettait de déterminer le salaire net de la victime directe avant imposition, qui seul doit être pris en compte pour le calcul du préjudice subi en ce qu'il correspond aux sommes qu'elle percevait effectivement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Vu les articles 1240 du code civil et 593 du code de procédure pénale :

13. D'une part, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.

14. D'autre part, l'évaluation du préjudice doit être faite par le juge, au moment où il rend sa décision, en tenant compte de tous les éléments connus à cette date.

15. Enfin, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

16. Pour évaluer le préjudice économique de Mme [A], la cour d'appel prend en compte les revenus de cette dernière en se fondant sur l'avis d'imposition sur les revenus de 2006 qu'elle produit, et retient qu'elle disposait d'un revenu professionnel annuel de 11 370 euros.

17. En se déterminant ainsi, alors que Mme [A] exerçait une activité professionnelle avant le décès de son compagnon et que cette situation n'a pas été modifiée à la suite de ce décès, la cour d'appel, qui ne s'est pas placée au jour de sa décision pour évaluer ces revenus, n'a pas justifié sa décision.

18. Il s'ensuit que la cassation est également encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, en date du 27 octobre 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin deux mille vingt et un.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 20-86197
Date de la décision : 29/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 27 octobre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jui. 2021, pourvoi n°20-86197


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.86197
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award