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23/06/2021 | FRANCE | N°20-10969

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 juin 2021, 20-10969


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 juin 2021

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 816 F-D

Pourvoi n° M 20-10.969

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 JUIN 2021

La société Défense conseil international servic

es et assistance - DCI, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-10.969 contre l'a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 juin 2021

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 816 F-D

Pourvoi n° M 20-10.969

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 JUIN 2021

La société Défense conseil international services et assistance - DCI, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-10.969 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [K] [R], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Défense conseil international services et assistance, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 12 mai 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 19 novembre 2019), M. [R] a été engagé aux termes de plusieurs contrats à durée déterminée de droit saoudien et de droit qatarien, au cours de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 août 2014, par la société Défense conseil international services et assistance, pour exercer, aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite et au Qatar, divers emplois en lien avec l'accompagnement de contrats d'exportation d'armements et de matériels militaires.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 20 juillet 2016, afin d'obtenir la requalification de ces contrats en un contrat de travail à durée indéterminée, que la cessation de la relation de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et que la société soit condamnée au paiement de diverses sommes à ces titres.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de dire la loi française applicable à la relation de travail ayant existé entre elle et le salarié du 1er janvier 2005 au 26 mai 2014, alors « qu'il résulte des articles 3 et 8 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles que le contrat est régi par la loi choisie par les parties, sans que ce choix puisse priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable, à savoir la loi du pays dans lequel, ou à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, ou à défaut, la loi du pays dans lequel est situé l'établissement qui l'a embauché, ou encore, s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays, la loi de cet autre pays ; que les dispositions impératives de la loi de l'autre pays avec lequel le contrat de travail présente des liens plus étroits n'ont toutefois vocation à prévaloir sur la loi d'autonomie prévue dans le contrat de travail qu'à la condition qu'elles s'avèrent plus protectrices pour le salarié concerné ; qu'en l'espèce où les contrats de travail prévoyaient que la loi saoudienne ou qatarie était la seule applicable à la relation contractuelle, la cour d'appel, en se bornant, pour dire que la loi française était applicable à la relation de travail, à énoncer qu'il se déduisait des pièces produites par le salarié que la relation de travail présentait des liens très étroits avec la France, sans constater, ni justifier en quoi les dispositions impératives de la loi française, dont font partie les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée déterminée et au licenciement, seraient plus protectrices que celles de la loi choisie par les parties dans le contrat de travail, c'est à dire la loi saoudienne ou qatarie, a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 8 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles et les articles 3 et 8 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) :

4. Selon l'article 3 de cette convention et l'article 3 de ce règlement, le contrat est régi par la loi choisie par les parties.

5. Selon l'article 6 de la Convention de Rome, le choix par les parties de la loi applicable à un contrat de travail ne peut avoir pour effet de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du même texte. Selon ce paragraphe, le contrat est régi, à défaut de choix des parties : a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, ou b) si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.

6. Selon l'article 8 du règlement n° 593/2008, ledit choix ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 de cet article. Selon ce paragraphe 2, à défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Aux termes du paragraphe 3, si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'établissement qui a embauché le travailleur. Aux termes du paragraphe 4 de cet article, s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s'applique.

7. Pour dire que la loi française est applicable à la relation de travail ayant existé entre la société et le salarié, l'arrêt retient, après avoir constaté que les contrats de travail à durée déterminée désignaient soit le droit saoudien, soit le droit qatarien, que cette relation présente des liens très étroits avec la France.

8. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher, après avoir retenu, pour déterminer la loi qui aurait été applicable à défaut de choix, l'existence de liens plus étroits avec la France, si les dispositions impératives de la loi française relatives aux contrats à durée déterminée et au licenciement sont plus protectrices que celles des lois choisies par les parties dans les contrats de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société fait grief à l'arrêt de requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2005 et, en conséquence, de dire que la rupture de la relation de travail advenue le 31 août 2014 s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnité spéciale de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen de cassation entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a requalifié les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2005 et a, en conséquence, dit que la rupture de la relation de travail advenue le 31 août 2014 s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société DCI SA à payer à M. [R] la somme de 6 468 euros à titre d'indemnité spéciale de requalification, celle de 12 936 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, celle de 12 720,40 euros à titre d'indemnité de licenciement et celle de 38 808 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. En application de ce texte, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt disant la loi française applicable à la relation de travail entraîne la cassation de l'ensemble des autres chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen pris en sa première branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Défense conseil international services et assistance

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit la loi française applicable à la relation de travail ayant existé entre M. [R] et la société DCI SA du 1er janvier 2005 au 26 mai 2014 ;

AUX MOTIFS QUE les règles de conflit permettant de déterminer la loi applicable au contrat de travail international sont fixées par règlement CE 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit règlement « Rome I » ; que les dispositions de ce règlement s'appliquent même si la loi qu'il désigne n'est pas celle d'un Etat membre et par voie de conséquence, le texte, à vocation universelle, s'applique quelle que soit la loi choisie par les parties au contrat ; que le principe posé par le règlement est celui de la liberté du choix des parties sur la loi qui régira le contrat de travail selon les dispositions de l'article 3-1 du règlement au titre des règles uniformes : « Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat » ; que s'agissant du contrat de travail il est rappelé à l'article 8 du règlement : « Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l'article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article » ; que le paragraphe 4 de l'article 8 précité ajoute : « S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s'applique » ; qu'il est constant que la contrainte à laquelle les parties doivent se soumettre lors du choix de la loi applicable au contrat de travail est que ce choix ne peut pas avoir pour effet de « priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix » ; que par voie de conséquence la loi applicable pourra être la loi française si le contrat de travail présente des liens étroits avec la France ; que pour effectuer cette vérification au visa du règlement sur la loi applicable aux obligations contractuelles dans le contrat de travail, il appartient au juge de procéder à la détermination de la loi applicable au contrat de travail en se référant aux critères de rattachement définis par règlement, et en particulier au critère du lieu d'accomplissement habituel du travail ou aux éléments démontrant que le contrat est relié de façon plus étroite à un État autre que celui de l'accomplissement habituel du travail, auquel cas il conviendra d'écarter la loi de l'État d'accomplissement du travail et d'appliquer celle de cet autre État ; que lorsqu'un contrat est relié de façon plus étroite à un Etat autre que celui de l'accomplissement habituel du travail, il convient d'écarter la loi de l'Etat d'accomplissement du travail et d'appliquer celle de cet autre Etat : à cette fin, la juridiction de renvoi doit tenir compte de l'ensemble des éléments qui caractérisent la relation de travail ; que lorsqu'il s'agit de rechercher, la loi qui aurait été applicable à défaut de choix exercé en application de l'article 3, c'est à celui qui prétend écarter la loi du lieu d'accomplissement habituel du travail de rapporter la preuve que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays ; qu'en l'espèce : du mois de janvier 2005 au mois d'août 2014 des contrats de travail à durée déterminée étaient successivement conclus entre les parties et portaient le titre de « contrat de travail international » et désignaient respectivement le droit saoudien ou quatari comme seul applicable au contrat de travail dans les termes suivants : « Le présent contrat est conclu entre les parties en application des dispositions du code du travail saoudien et notamment des articles 70 et suivants » ou : « le contrat est conclu entre les parties en application des dispositions de la loi fédérale n° 14 de 2004 portant code du travail dans le secteur privé au Qatar » ; qu'au visa des dispositions du paragraphe 4 de l'article 8 du règlement et revendiquant l'application de la loi française, M. [R] fait valoir à l'appui des pièces produites que « les contrats de travails litigieux présentaient des liens indiscutablement plus étroits avec la France » en ce que : - les deux parties à la relation contractuelle sont de nationalité française, - chacun des contrats de travail a été conclu au siège de la société « DCI SA », sis à [Localité 1], - les bulletins de salaire étaient établis en France et la rémunération était acquittée en euros, - le salaire de référence et l'indemnité d'expatriation étaient versés en intégralité en euros sur un compte bancaire français, - l'affiliation au régime de sécurité sociale était celle des « expatriés » et le salarié se trouvant en situation de détachement, il continuait à bénéficier du régime de sécurité sociale français à l'étranger, - le salarié était affilié à un régime de prévoyance français et au Pôle emploi s'agissant de l'assurance-chômage, - l'employeur acquittait l'intégralité des cotisations sociales en France et non pas dans l'un ou l'autre des pays d'accueil, - le document « Conditions d'emploi des salariés dans DCI Services et Assistance » renseigne les éléments suivants : « A son départ de France le salarié est affilié au régime de la sécurité sociale de la caisse des français à l'étranger [Localité 2] pour les risques maladie, invalidité, décès, accident du travail, assurance vieillesse » - « le salarié est affilié au groupement des Assedic de la région parisienne » - « les salariés sont rattachés obligatoirement à un régime médico-chirurgical et de prévoyance auprès du cabinet JP Labalette » - « Les congés sont acquis au prorata du temps de présence effective en Arabie sur la base de 46 jours calendaires par année d'affectation dans le pays » - ce même document contenait un paragraphe « Discipline générale » - le salarié justifie de ce qu'il est toujours resté domicilié en France et acquittait ses impôts sur les revenus au ministère de l'économie et des finances français ; qu'il se déduit de l'analyse des pièces que : - le fait que les parties soient toutes deux de nationalité française n'a pas d'influence en soi sur la qualification de la loi applicable au contrat de travail, - tous les contrats de travail produits aux débats sont signés à [Localité 1], et seuls certains avenants sont signés à [Localité 3] (Emirat du Quatar), - les contrats de travail sont rédigés en langue arabe et en langue française, - le salarié était affilié à la « caisse des français de l'étranger », organisme non affilié au régime général de sécurité sociale mais soumis à la législation française s'agissant de ses règles et fonctionnement, - le salarié était affilié au Garp de Pôle emploi, assurance chômage destinée aux salariés expatrié pour laquelle la procédure d'affiliation est effectuée par l'employeur auprès de « Pôle emploi services », - il n'est pas contesté que l'employeur acquittait en France l'intégralité des cotisations sociales générées par le contrat de travail, - les bulletins de salaire étaient établis en France et la rémunération mensuelle était acquittée en euros ; en dehors du salaire de référence seule une indemnité journalière de séjour et l'allocation forfaitaire de transport étaient versées en devise locale, - s'agissant du domicile du salarié, il justifie d'une résidence en France et de charges courantes liées à l'occupation de cette habitation, - les documents fiscaux font mention de la même adresse et les impôts sur le revenus sont acquittés en France ; -s'agissant de la subordination, elle s'exerce directement des organes de direction français, le document « conditions d'emploi des salariés dans DCI Services et Assistance » rapportant que : « le salarié est tenu de se conformer aux consignes, ordre ou directives édictées par la direction, le délégué général en Arabie DCI SA ou les autorités déléguées » ; qu'il se déduit de l'ensemble que : - la relation de travail ayant lié M. [K] [R] à la société « DCI SetA » présentait des liens très étroits avec la France, - il convient en conséquence faisant application des dispositions de l'article 8 paragraphe 4 du règlement CE 593/2008 du 17 juin 2008 de dire que la loi française s'applique à la relation de travail ;

1°) ALORS QU' il résulte des articles 3 et 8 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles que le contrat est régi par la loi choisie par les parties, sans que ce choix puisse priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable, à savoir la loi du pays dans lequel, ou à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, ou à défaut, la loi du pays dans lequel est situé l'établissement qui l'a embauché, ou encore, s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays, la loi de cet autre pays ; que la détermination du pays avec lequel le contrat présente des liens plus étroits résulte d'un faisceau d'indices que le juge est tenu d'examiner dans son ensemble ; qu'en se bornant, pour dire que la loi française était applicable à la relation de travail, à énoncer qu'il se déduisait des pièces produites par le salarié que la relation de travail présentait des liens très étroits avec la France, sans aucunement examiner les éléments significatifs de rattachement dont l'employeur se prévalait pour rattacher le contrat de travail à l'Arabie Saoudite et au Qatar, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 8 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;

2°) ALORS QU' il résulte des articles 3 et 8 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles que le contrat est régi par la loi choisie par les parties, sans que ce choix puisse priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable, à savoir la loi du pays dans lequel, ou à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, ou à défaut, la loi du pays dans lequel est situé l'établissement qui l'a embauché, ou encore, s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays, la loi de cet autre pays ; que les dispositions impératives de la loi de l'autre pays avec lequel le contrat de travail présente des liens plus étroits n'ont toutefois vocation à prévaloir sur la loi d'autonomie prévue dans le contrat de travail qu'à la condition qu'elles s'avèrent plus protectrices pour le salarié concerné ; qu'en l'espèce où les contrats de travail prévoyaient que la loi saoudienne ou qatarie était la seule applicable à la relation contractuelle, la cour d'appel, en se bornant, pour dire que la loi française était applicable à la relation de travail, à énoncer qu'il se déduisait des pièces produites par le salarié que la relation de travail présentait des liens très étroits avec la France, sans constater, ni justifier en quoi les dispositions impératives de la loi française, dont font partie les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée déterminée et au licenciement, seraient plus protectrices que celles de la loi choisie par les parties dans le contrat de travail, c'est à dire la loi saoudienne ou qatarie, a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 8 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2005 et d'AVOIR, en conséquence, dit que la rupture de la relation de travail advenue le 31 août 2014 s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société DCI SA à payer à M. [R] la somme de 6.468 euros à titre d'indemnité spéciale de requalification, celle de 12.936 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, celle de 12.720,40 euros à titre d'indemnité de licenciement et celle de 38.808 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée quelque soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que la nature exceptionnelle du contrat de travail à durée déterminée impose qu'il n'y soit fait recours que sous des conditions dérogatoires et limitatives, pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, n'ayant pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'en l'espèce les contrats à durée déterminée se présentaient dans les fonctions attribuées selon la chronologie suivante : - le premier contrat courait du 01/01/2005 au 31/12/2005 pour des fonctions de « conseiller étatique auprès de la marine royale » des Emirats Arabes Unis, - le second contrat courait du 01/01/2006 au 30/06/2006 pour des fonctions « d'analyste de soutien logistique naval et aéronautique » en Arabie Saoudite, - le troisième contrat courait du 01/07/2006 au 30/09/2006 pour des fonctions d'adjoint au conseiller logistique hélicoptères en Arabie Saoudite, - le quatrième contrat courait du 01/10/2006 au 30/09/2007 pour des fonctions de « conseiller technique logistique » auprès de la Marine royale en Arabie Saoudite, - le cinquième contrat courait du 01/10/2007 au 30/09/2008 pour des fonctions de « conseiller logistique hélicoptères » en Arabie Saoudite ; qu'un avenant du 01/09/2008 repoussait le terme au 05/11/2008, - le sixième contrat courait du 01/04/2009 au 15/04/2011 pour des fonctions de « manager technique » au Qatar ; qu'un avenant du 02/03/2011 repoussait le terme au 30/04/2011, - le septième contrat courait du 01/05/2011 au 31/07/2011 pour des fonctions de « chargé de mission à la rédaction des procédures Golfeau » au Qatar, - le huitième contrat courait du 01/08/2011 au 31/10/2011 pour des fonctions de « chargé de mission - rédacteur de cours de mécanique projet Air academy » au Qatar ; qu'une série d'avenants régulièrement signés reportait le terme au 31/12/201, - le neuvième contrat courait du 01/01/2013 au 30/06/2013 pour des fonctions de « manager technique » chargé d'assistance technique auprès du ministère de la défense au Qatar ; qu'un avenant du 18/03/2013 repoussait le terme au 31/12/2013, - le dixième contrat courait du 01/01/2014 au 31/08/2014 pour des fonctions de « manager technique » chargé d'assistance technique auprès du ministère de la défense au Qatar ; qu'il est constant qu'il appartient au juge de restituer au contrat sa véritable qualification et l'article D. 1242-1 du code du travail dispose : « En application du 3° de l'article L. 1242-2, les secteurs d'activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants : ....11° Les activités de coopération, d'assistance technique, d'ingénierie et de recherche à l'étranger. » ; qu'en l'espèce, tous les contrats à durée déterminée portent sur des missions d'aide technique et de coopération avec des pays étrangers et il s'agit de l'activité principale exercée par l'entreprise : il s'en déduit qu'en l'espèce les contrats doivent être qualifiés de .contrats d'usage. au sens de l'article D. 1242-1 11° du code du travail ; que l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive européenne 1999/70/CE du 28 juin 1999, prévoit que l'utilisation des contrats à durée déterminée doit être fondée sur des raisons objectives afin de prévenir les abus et impose de vérifier que le recours à des contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ; qu'il appartient à l'employeur d'établir le caractère temporaire de l'emploi concerné ; qu'en l'espèce : - le salarié occupait des fonctions de même nature sous des intitulés différents mais tendant tous à une mission d'assistance technique dans les domaines de la logistique navale et aéronautique, - certains contrats ont été prorogés par avenants sur une ou deux années puis reconduits pour la même activité mais sous une appellation de fonctions différentes ; qu'en outre le contrat d'usage doit comme les autres contrats à durée déterminée dits de « droit commun », comporter la définition précise de son motif ; qu'en l'espèce aucun contrat ne précise le motif du recours à un contrat précaire à durée déterminée ; qu'en conclusion : - l'analyse des postes occupés de 2005 à 2014 révèle que les fonctions qui apparaissaient imprécises dans leur définition sont très proches dans leurs objets et parfois identiques : chargé de mission à la rédaction de procédures, chargé de mission rédacteurs de cours de mécanique, manager technique ou conseiller technique dans les domaines de la logistique technique ou de l'assistance technique et autres exemples ; que de plus tous les contrats de travail ont trait à des missions technique de conseil et d'appui dans le domaine de la logistique de matériels aéronautiques auprès de ministères, - l'activité normale et permanente de l'entreprise « DCI SetA » est « d'accompagner la vente d'équipements militaires à des pays étrangers en fournissant une formation opérationnelle et une transmission du savoir-faire français sur les équipements vendus », - les contrats à durée déterminée que les missions d'assistance et de formation confiées à M. [R] avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, - aucun des contrats litigieux ne désigne le motif du recours au caractère précaire du contrat à durée déterminée, - en cas de méconnaissance des règles qui ont été évoquées le contrat de travail est réputé à durée indéterminée comme en dispose l'article L. 1245-1 du même code selon lequel « est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, L. 1243-11 et L. 1244-3 du code du travail » ; qu'en conséquence : - conformément aux dispositions de l'article L. 1245-1 du code du travail, l'ensemble de la relation contractuelle doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2005 : le jugement sera infirmé de ce chef, - en application des dispositions de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du code du travail qui dispose « lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée », il convient de fixer l'allocation allouée à hauteur d'un mois de salaire : le jugement sera infirmé de ce chef ; que sur la rupture et les conséquences : qu'en ne fournissant plus de travail à compter du 31 août 2014, terme du dernier contrat de travail à durée déterminée de M. [R], la société « DCI SetA » a rompu la relation de travail requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée sans l'envoi d'une lettre de licenciement motivée ; que la rupture s'analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit à indemnisation ; que la société « DCI SetA » ne contestant pas utilement le mode de calcul pour les indemnités légales, elle sera condamnée à payer à M. [R] les sommes suivantes : - 6.468 euros à titre d'indemnité spéciale de requalification, - 12. 936 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 1.293,60 euros au titre des congés payés y afférents, - 12 .720,40 euros à titre d'indemnité de licenciement ; que s'agissant de la demande à hauteur de 150.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, M. [R] ne justifie pas par une argumentation pertinente et des pièces objectives d'un préjudice personnel dont l'indemnisation devrait être supérieure à celle légalement prévue : il convient donc de lui allouer une somme de 38.808 euros ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen de cassation entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a requalifié les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2005 et a, en conséquence, dit que la rupture de la relation de travail advenue le 31 août 2014 s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société DCI SA à payer à M. [R] la somme de 6.468 euros à titre d'indemnité spéciale de requalification, celle de 12.936 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, celle de 12.720,40 euros à titre d'indemnité de licenciement et celle de 38.808 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-10969
Date de la décision : 23/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 19 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jui. 2021, pourvoi n°20-10969


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.10969
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