LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 juin 2021
Cassation partielle
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 795 F-D
Pourvoi n° G 19-17.379
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 JUIN 2021
La Régie autonome des transports parisiens (RATP), établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-17.379 contre l'arrêt rendu le 9 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à M. [A] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 avril 2019), M. [H] été engagé le 23 octobre 2000 par la Régie autonome des transports parisiens (la RATP) en qualité de machiniste receveur de bus.
2. La RATP lui a notifié, par lettre du 30 avril 2013, une mise à pied de trois jours, qui a été mise en oeuvre les 22, 23 et 24 mai 2013.
3. Le salarié a contesté cette mise à pied devant la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en disponibilité d'office des 22, 23 et 24 mai 2013, de lui enjoindre de retirer toute mention écrite de cette mise en disponibilité d'office dans le dossier du salarié, et de le condamner à lui payer certaines sommes au titre du paiement des salaires retenus et à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que dans ses conclusions d'appel, pour demander l'annulation de la sanction de mise en disponibilité d'office prononcée à son encontre, M. [H] se bornait à soutenir que la procédure disciplinaire s'était déroulée de manière déloyale et attentatoire au principe de la contradiction, et que la RATP avait mis en place une ''stratégie'' pour l'empêcher de former un recours contre cette sanction ; que M. [H] n'a jamais soutenu que les délais prévus par l'instruction générale n° 408 de la RATP relative à la disciplinaire n'avaient pas été respectés ; qu'après avoir écarté l'ensemble des griefs présentés par M. [H], la cour d'appel a toutefois retenu que la procédure disciplinaire était irrégulière, au motif que le délai de recours contre la sanction prévu par l'article 2.7 et celui de mise en oeuvre de la mesure disciplinaire prévu par l'article 2.9 de l'instruction générale susmentionnée n'avaient pas été respectés ; que pour statuer de la sorte, la cour d'appel a estimé que la date de notification de la sanction était celle du retrait par le salarié du courrier recommandé adressé par l'employeur et non celle de la première présentation du courrier ; que ces moyens n'ont donné lieu à aucun débat entre les parties ; que dès lors, la cour d'appel s'est fondé sur des moyens qu'elle a relevés d'office, sans recueillir les observations des parties, et a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
6. Pour annuler la mise en disponibilité d'office des 22, 23 et 24 mai 2013, l'arrêt retient que l'article 2.7 de l'instruction générale 408 prévoit que « l'agent adresse au directeur, dans les 48 heures qui suivent la notification de la mesure » son appel et que « l'appel est suspensif ». L'arrêt relève ensuite, d'une part, que la sanction a été notifiée le 21 mai 2013 au salarié, qui en a interjeté appel le 22 mai, et, d'autre part, que la sanction a été mise en oeuvre dès le 22 mai 2013, soit avant l'expiration du délai d'appel. L'arrêt ajoute que si l'article 2.9 de l'instruction générale 408 prévoit que « la mesure disciplinaire ne peut intervenir moins d'un jour franc ni plus d'un mois après le jour de la notification de la décision définitive », la mise en disponibilité d'office du salarié a été mise en oeuvre dès le lendemain de cette notification. L'arrêt en déduit que ces irrégularités de procédure doivent entraîner l'annulation de la sanction du 30 avril 2013 et son retrait du dossier personnel du salarié.
7. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré du non-respect des deux délais procéduraux prévus aux articles 2.7 et 2.9 de l'instruction générale n° 408 de la RATP, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation des chefs de dispositif annulant la mise en disponibilité d'office des 22, 23 et 24 mai 2013, enjoignant à l'employeur de retirer toute mention écrite de cette mise en disponibilité d'office dans le dossier du salarié, et condamnant l'employeur à lui payer certaines sommes au titre du paiement des salaires retenus et de dommages et intérêts, n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la mise en disponibilité d'office des 22, 23 et 24 mai 2013, enjoint à la RATP de retirer toute mention écrite de cette mise en disponibilité d'office dans le dossier du salarié, et condamne la RATP à payer à M. [H] la somme de 387 euros au titre du paiement des salaires retenus les 22, 23 et 24 mai 2013 et la somme de 150 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi, l'arrêt rendu le 9 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Régie autonome des transports parisiens
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé la mise en disponibilité d'office des 22, 23 et 24 mai 2013, d'AVOIR enjoint à la RATP de retirer toute mention écrite de cette mise en disponibilité d'office dans le dossier de M. [H], et d'AVOIR condamné la R.A.T.P à payer à M. [H] la somme de 387 ? au titre du paiement des salaires retenus les 22, 23 et 24 mai 2013 et 150 ? à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ;
AUX MOTIFS QUE « Suite à un épisode neigeux important sur [Localité 1] en janvier 2013, de nombreux mauvais fonctionnements des dispositifs de sécurité et de contrôle ont perturbé fortement le trafic du métropolitain sur les portions aériennes. Une enquête administrative a été menée pour déterminer si des fautes des conducteurs avaient pu aggraver cette situation chaotique. Se voyant reprocher une faute de conduite, alors que de nombreuses erreurs étaient constatées dans le rapport d'enquête, M. [H] a alors rédigé le 19 février 2013, une lettre à l'intention de M. [F], cadre transport de la ligne 6. Par lettre du 28 mars 2013, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable à une sanction, en raison du contenu de sa lettre du 19 février 2013. En arrêt de travail pour maladie, M. [H] a informé son employeur qu'il ne pourrait pas se présenter le 12 avril 2013 à 18H30. C'est dans ces conditions que M. [M] [D], responsable du terminus de la ligne 6, lui a adressé le 12 avril 2013 un courriel l'assurant de ce qu'il aurait la possibilité de fournir des éléments de réponse lors de son retour dans l'entreprise. Par lettre datée du 30 avril 2013, adressée le 2 mai 2013, une notification d'une sanction de trois jours de mise en disponibilité d'office pour les 22, 23 et 24 mai 2013 a été adressée au salarié. Celui-ci n'a retiré cette lettre recommandée qu'à son retour de congés payés le 21 mai 2013. [Sur la régularité de la procédure disciplinaire]. M. [H] soutient que la RATP aurait commis plusieurs irrégularités dans la procédure de sanction : - une prise de sanction avant son retour dans l'entreprise postérieurement à son arrêt de travail puis à son congé annuel, malgré l'engagement pris le 12 avril 2013 de lui permettre de faire valoir ses réponses ; - la notification de la sanction pendant son congé annuel le 2 mai 2013 ; - l'absence de mention des voies de recours dans le courrier de notification de la sanction ; - le non respect du délai de recours de 48 heures. La R.A.T.P. soutient qu'elle n'a pas l'obligation de mentionner les voies de recours dans le courrier de sanction ou de donner une information verbale au salarié en lieu et place de l'entretien et que la procédure disciplinaire, strictement encadrée, n'exclut pas sa continuation pendant les absences (maladie, congés payés) de l'agent. Sur le premier grief, la cour relève que la formulation de la lettre de convocation ne permet aucun doute sur la sanction envisagée et la procédure par entretien préalable, la possibilité d'assistance par un autre agent de la R.A.T.P lors de l'entretien y est mentionnée, conformément aux dispositions de l'article 151 du statut du personnel et l'article 2.2 l'instruction générale 408. Par ailleurs, la cour relève que M. [H] n'a pas sollicité le report de cet entretien. Sur le grief de prise de la sanction et sa notification pendant les absences régulières de M. [H], aucune disposition de l'article 151 du statut du personnel et de l'instruction générale 408 ne conditionne la poursuite de la procédure disciplinaire à la présence effective de l'agent dans l'entreprise. Sur le grief d'absence de mention de voie de recours, les dispositions susvisées ne stipulent aucune obligation de porter les voies de recours sur la lettre de notification de la sanction. Par ailleurs, M. [H] avait parfaitement connaissance de cette possibilité puisqu'il a agi le 22 mai 2013, soit le lendemain de la notification de la sanction, en interjetant appel sur l'imprimé idoine. En revanche, l'article 2.7 de l'instruction générale 408 prévoit que « l'agent adresse au directeur, dans les 48 heures qui suivent la notification de la mesure » son appel et que « l'agent doit utiliser la formule imprimée dite « demande personnelle », enfin que « l'appel est suspensif ». Or, d'une part, la sanction a été notifiée à M. [H] le 21 mai 2013 et il a interjeté appel sur l'imprimé « demande personnelle » le 22 mai ; d'autre part, la sanction a été mise en oeuvre dès le 22 mai 2013, soit, avant l'expiration du délai d'appel. Par ailleurs, l'article 2.9 de l'instruction générale 408 prévoit que « la mesure disciplinaire ne peut intervenir moins d'un jour franc ni plus d'un mois après le jour de la notification de la décision définitive. » Or, la mise en disponibilité d'office de M. [H] a été mise en oeuvre dès le lendemain de cette notification. Ainsi, ces irrégularités de procédure doivent entraîner l'annulation de la sanction du 30 avril 2013 et son retrait du dossier personnel de M. [H] [Sur les demandes financières]. L'annulation de la sanction impose la régularisation du versement du salaire des trois jours correspondants et il sera ainsi alloué à M. [H] la somme de 387 ? à ce titre. Par ailleurs, le retrait de la sanction du dossier personnel de M. [H] le rétablit dans ses droits à promotion et en l'état des pièces produites, le préjudice lié à un retard de promotion n'est pas justifié. Le préjudice moral sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 150 ? » ;
ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que dans ses conclusions d'appel, pour demander l'annulation de la sanction de mise en disponibilité d'office prononcée à son encontre, M. [H] se bornait à soutenir que la procédure disciplinaire s'était déroulée de manière déloyale et attentatoire au principe de la contradiction, et que la RATP avait mis en place une « stratégie » pour l'empêcher de former un recours contre cette sanction ; que M. [H] n'a jamais soutenu que les délais prévus par l'instruction générale n° 408 de la RATP relative à la disciplinaire n'avaient pas été respectés ; qu'après avoir écarté l'ensemble des griefs présentés par M. [H], la cour d'appel a toutefois retenu que la procédure disciplinaire était irrégulière, au motif que le délai de recours contre la sanction prévu par l'article 2.7 et celui de mise en oeuvre de la mesure disciplinaire prévu par l'article 2.9 de l'instruction générale susmentionnée n'avaient pas été respectés ; que pour statuer de la sorte, la cour d'appel a estimé que la date de notification de la sanction était celle du retrait par le salarié du courrier recommandé adressé par l'employeur et non celle de la première présentation du courrier ; que ces moyens n'ont donné lieu à aucun débat entre les parties ; que dès lors, la cour d'appel s'est fondé sur des moyens qu'elle a relevés d'office, sans recueillir les observations des parties, et a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile.