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16/06/2021 | FRANCE | N°19-22410;19-22411;19-22412;19-22413;19-22414;19-22415;19-22416;19-22417;19-22418;19-22419;19-22420;19-22421;19-22422;19-22423;19-22424;19-22425;19-22426;19-22427

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 juin 2021, 19-22410 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Cassation

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 782 F-D

Pourvois n°
B 19-22.410
à V 19-22.427

JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 JUIN 2021

La soc

iété La Redoute, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° B 19-22.410, C 19-22.411, D 19-22.412, E 19-22.413, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Cassation

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 782 F-D

Pourvois n°
B 19-22.410
à V 19-22.427

JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 JUIN 2021

La société La Redoute, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° B 19-22.410, C 19-22.411, D 19-22.412, E 19-22.413, F 19-22.414, H 19-22.415, G 19-22.416, J 19-22.417, K 19-22.418, M 19-22.419, N 19-22.420, P 19-22.421, Q 19-22.422, R 19-22.423, S 19-22.424, T 19-22.425, U 19-22.426 et V 19-22.427 contre dix-huit jugements rendus le 13 juin 2019 par le conseil des prud'hommes de Roubaix (section commerce) dans les litiges l'opposant respectivement à :

1°/ M. [Z] [D], domicilié [Adresse 2],

2°/ M. [J] [N], domicilié [Adresse 3],

3°/ Mme [D] [R], domiciliée [Adresse 4],

4°/ Mme [R] [V], domiciliée [Adresse 5],

5°/ M. [L] [S], domicilié [Adresse 6],

6°/ Mme [Y] [X], domiciliée [Adresse 7],

7°/ M. [Q] [W], domicilié [Adresse 8],

8°/ M. [F] [H], domicilié [Adresse 9],

9°/ M. [D] [Y], domicilié [Adresse 10],

10°/ Mme [H] [F], domiciliée [Adresse 11],

11°/ Mme [S] [P], domiciliée [Adresse 12],

12°/ M. [N] [O], domicilié [Adresse 10],

13°/ M. [V] [I], domicilié [Adresse 13],

14°/ M. [G] [G], domicilié [Adresse 14],

15°/ M. [U] [B], domicilié [Adresse 15],

16°/ Mme [O] [Z], domiciliée [Adresse 16],

17°/ Mme [P] [E], domiciliée [Adresse 17],

18°/ Mme [W] [A], domiciliée [Adresse 18],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société La Redoute, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [D] et des dix-sept autres salariés, après débats en l'audience publique du 5 mai 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller rapporteur référendaire, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° B 19-22.410 à V 19-22.427 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les jugements attaqués (Roubaix, 13 juin 2019), rendus en dernier ressort, M. [D] et dix-sept autres salariés, engagés en qualité de préparateurs de commandes par la société La Redoute (la société), entreprise de vente à distance, ont été affectés sur le site logistique « [Localité 1] ».

3. Estimant que le temps de déplacement pour se rendre de leur poste de travail sur le lieu de pause devait être considéré comme un temps de travail effectif, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappel de salaire correspondant à la retenue opérée par l'employeur pour dépassement du temps de pause journalier conventionnellement rémunéré.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief aux jugements de faire droit aux demandes de rappel de salaire des salariés pour le mois de mars 2017, de le condamner à leur payer un rappel de salaire outre les congés payés afférents et de rejeter sa demande de diminution de salaire, alors « que le temps de trajet pour se rendre de son poste de travail au lieu de pause, ce dernier serait-il imposé par l'employeur, ne constitue pas un temps de travail effectif et n'a pas à être rémunéré pour sa partie excédant la durée de la pause conventionnellement rémunérée dans l'entreprise, sauf si le salarié établit être, durant ce temps de trajet, à la disposition de l'employeur et tenu de se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; qu'en se bornant, pour juger que le temps de déplacement pour se rendre jusqu'au lieu de pause devait être considéré comme un temps de travail effectif et condamner l'employeur à rembourser la retenue sur salaire correspondant au dépassement du temps de pause conventionnellement rémunéré de 20 minutes par jour, à relever que le lieu de pause était imposé par la direction, que l'inspecteur du travail avait adressé une lettre le 26 janvier 2017 [en réalité le 1er février 2017], que le courrier de M. [U] à l'inspection du travail du 3 mars 2017 reconnaissait une problématique de trajet pour rejoindre la salle de pause et que les décisions de la société La Redoute de créer une seconde salle de pause et de concéder une tolérance de démarrage du temps de pause au franchissement du portique d'entrée sur les zones de travail confirmaient la problématique du déplacement, le conseil de prud'hommes, qui n'a pas caractérisé en quoi les salariés étaient, durant ce déplacement, à la disposition de l'employeur et tenus de se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1, L. 3121-2 et L. 3121-16 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3121-1 du code du travail :

5. Selon ce texte, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

6. Pour condamner l'employeur au paiement de sommes à titre de rappel de salaire pour le mois de mars 2017, de congés payés afférents et rejeter sa demande de diminution de salaire, les jugements retiennent que le lieu de pause est imposé par la direction, que l'inspection du travail a adressé un courrier le 26 janvier 2017, que le courrier de M. [U] à l'inspection du travail du 3 mars 2017 reconnaissait une problématique de trajet pour rejoindre la salle de pause, que les décisions de la société de créer une seconde salle de pause et de concéder une tolérance de démarrage du temps de pause au franchissement du portique d'entrée sur les zones de travail confirment la problématique du déplacement.

7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que les salariés se trouvaient, durant le temps de trajet pour se rendre de leur poste de travail au lieu de pause, à la disposition de leur employeur et devaient se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les jugements rendus le 13 juin 2019, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Roubaix ;

Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces jugements et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Lille ;

Condamne MM. [D], [N], [S], [W], [H], [Y], [O], [I], [G] et [B] et Mmes [R], [V], [X], [F], [P], [Z], [E] et [A] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen commun produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société La Redoute, demanderesse aux pourvois n° B 19-22.410 à V 19-22.427

IL EST FAIT GRIEF aux jugements attaqués d'AVOIR déclaré donner droit aux demandes de rappels de salaire des 18 salariés visés en tête des présentes pour le mois de mars 2017, condamné la société La Redoute à leur verser un rappel de salaire et de congés payés afférents et rejeté la demande de diminution de salaire sollicitée par la société La Redoute ;

AUX MOTIFS QUE « Attendu l'article L. 3121-1 du code du travail : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. » ; Attendu l'article L. 3121-16 du code du travail « Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives. » ; Attendu l'accord d'entreprise du 20 avril 2016 définissant le temps de travail à 35h semaine réparti en 7h20 à 8h20 par jour en fonction des équipes, dont un temps de pause rémunéré de 20 mn. Attendu l'article L. 3121-2 « Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunis. » ; Attendu que le lieu de pause est imposé par la direction. Attendu le courrier de l'inspection du travail du 26/01/2017. Attendu le courrier de M. P. [U] à l'inspection du travail du 03/03/2017 reconnaissant une problématique de trajet pour rejoindre la salle de pause. Attendu les décisions de la société La Redoute de créer une seconde salle de pause et de concéder une tolérance de démarrage du temps de pause au franchissement du portique d'entrée sur les zones de travail. Ces faits confirment la problématique du déplacement. Le conseil donne droit à la demande [du salarié] de rappels de salaire et des congés payés concernant le mois de mars. Attendu que la société La Redoute a pris acte de la problématique des temps de trajet poste de travail/salle de pause. Attendu que par sa décision sur la validité du rappel de salaire, le conseil induit que le temps de déplacement est considéré comme du temps de travail » ;

1. ALORS QUE le temps de trajet pour se rendre de son poste de travail au lieu de pause, ce dernier serait-il imposé par l'employeur, ne constitue pas un temps de travail effectif et n'a pas à être rémunéré pour sa partie excédant la durée de la pause conventionnellement rémunérée dans l'entreprise, sauf si le salarié établit être, durant ce temps de trajet, à la disposition de l'employeur et tenu de se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; qu'en se bornant, pour juger que le temps de déplacement pour se rendre jusqu'au lieu de pause devait être considéré comme un temps de travail effectif et condamner l'employeur à rembourser la retenue sur salaire correspondant au dépassement du temps de pause conventionnellement rémunéré de 20 minutes par jour, à relever que le lieu de pause était imposé par la direction, que l'inspecteur du travail avait adressé une lettre le 26 janvier 2017 [en réalité le 1er février 2017], que le courrier de M. [U] à l'inspection du travail du 3 mars 2017 reconnaissait une problématique de trajet pour rejoindre la salle de pause et que les décisions de la société La Redoute de créer une seconde salle de pause et de concéder une tolérance de démarrage du temps de pause au franchissement du portique d'entrée sur les zones de travail confirmaient la problématique du déplacement, le conseil de prud'hommes, qui n'a pas caractérisé en quoi les salariés étaient, durant ce déplacement, à la disposition de l'employeur et tenus de se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1, L. 3121-2 et L. 3121-16 du code du travail ;

2. ALORS en tout état de cause QUE les juges du fond doivent préciser l'origine des renseignements ayant servi à motiver leur décision ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que suite à un certain nombre d'échanges avec les organisation syndicales et avec les salariés, il avait été admis qu'un salarié puisse prendre sa pause non pas dans la salle de pause mais à proximité de son poste de travail s'il le souhaitait et que des bancs avaient été installés à cette fin et qu'ainsi au moment des faits ayant donné lieu à la retenue sur salaire contestée, il n'était plus imposé aux salariés de prendre leur pause dans la salle de pause (conclusions, p. 8-9 ; prod. 7) ; qu'en affirmant péremptoirement que le lieu de pause était imposé par la direction, sans préciser d'où il tirait la persistance de l'obligation de prendre sa pause dans un lieu déterminé à la date de la retenue sur salaire litigieuse, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3. ALORS enfin QUE dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait avoir pris la décision de concéder une tolérance de démarrage du temps de pause au franchissement du portique d'entrée sur les zones de travail à proximité des salles de pause (conclusions, p. 9), ce que le conseil de prud'hommes a constaté ; qu'en s'abstenant de rechercher dès lors s'il n'en résultait pas que les salariés avaient, indépendamment du trajet pour se rendre dans la salle de pause et en revenir, dépassé le temps de pause de 20 minutes par jour, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-16 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-22410;19-22411;19-22412;19-22413;19-22414;19-22415;19-22416;19-22417;19-22418;19-22419;19-22420;19-22421;19-22422;19-22423;19-22424;19-22425;19-22426;19-22427
Date de la décision : 16/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Roubaix, 13 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 jui. 2021, pourvoi n°19-22410;19-22411;19-22412;19-22413;19-22414;19-22415;19-22416;19-22417;19-22418;19-22419;19-22420;19-22421;19-22422;19-22423;19-22424;19-22425;19-22426;19-22427


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.22410
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