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16/06/2021 | FRANCE | N°19-20940

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 juin 2021, 19-20940


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 436 F-D

Pourvoi n° D 19-20.940

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2021

M. [K] [A], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-20.94

0 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-3), dans le litige l'opposant à la société Le Crédit lyonna...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 436 F-D

Pourvoi n° D 19-20.940

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2021

M. [K] [A], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-20.940 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-3), dans le litige l'opposant à la société Le Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. [A], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Le Crédit lyonnais, et après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 mai 2019), suivant offre acceptée le 26 février 2006, la société Le Crédit lyonnais a consenti à M. et Mme [A] un prêt immobilier.

2. Soutenant que la mention du taux effectif global portée sur l'offre de crédit était erronée, M. [A] (l'emprunteur) a assigné la banque en déchéance de son droit aux intérêts conventionnels.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable car prescrite, alors « que le délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels court du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant, dans l'offre de crédit immobilier, le taux effectif global, sans que l'emprunteur ne doive recourir à l'étude d'un sachant pour s'en convaincre ; que s'il met en oeuvre une telle étude, qui conduit à révéler une irrégularité indécelable pour un profane, on ne peut lui opposer d'en avoir retardé la commande et d'avoir ainsi reporté le point de départ du délai de prescription ; que, pour déclarer prescrite l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée par l'emprunteur, la cour d'appel a énoncé que l'emprunteur ne peut invoquer la découverte d'une prétendue nouvelle irrégularité relative au calcul actuariel du TEG, issue de travaux de tiers, auxquels il a eu recours, sous peine de faire dépendre le délai de prescription de sa seule volonté ; qu'en statuant ainsi, cependant que la découverte d'une irrégularité non décelable pour un profane constitue le point de départ du délai de prescription, peu important la date à laquelle l'emprunteur a pris l'initiative de commettre le sachant lui ayant révélé une irrégularité dont il n'avait pu se convaincre lui-même à la signature du contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L.110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :

4. En application de ce texte, le délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels court du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant, dans l'offre de crédit immobilier, le taux effectif global.

5. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels, après avoir estimé que certaines erreurs évoquées par l'emprunteur ressortaient de la simple lecture de l'offre, l'arrêt retient qu'il ne peut invoquer, en outre, la découverte d'une prétendue nouvelle erreur tirée du calcul actuariel du TEG, issue de travaux d'un sachant auquel il a eu recours, sous peine de faire dépendre le délai de prescription de sa seule volonté.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a écarté à tort comme point de départ de la prescription la date de la découverte par l'emprunteur d'irrégularités décelées et portées à sa connaissance par un sachant, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Le Crédit lyonnais aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le Crédit lyonnais et la condamne à payer à M. [A] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [A]

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré l'action de M. [A] irrecevable comme prescrite,

Aux motifs propres que « l'action en déchéance du droit aux intérêts fondée sur les anciens articles L. 312-8 et L. 312-3 dans leur rédaction applicable au présent litige, soumise à la prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce, a vu son délai de prescription de 10 ans être réduit à 5 ans depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; que le point de départ de cette prescription court, s'agissant d'un consommateur ou d'un non professionnel, à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux, soit à la date de la convention si l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur soit, lorsque tel n'est pas le cas, à la date de révélation de celle-ci à l'emprunteur ; qu'au soutien de sa demande en déchéance des intérêts, l'appelant invoque l'absence de prise en compte du montant réel et exact des assurances obligatoires, l'absence de mention de la mise à disposition des fonds, l'application de l'année lombarde et enfin, le calcul du TEG selon la méthode actuarielle et non proportionnelle ; qu'il affirme qu'étant un emprunteur non averti, il n'a pu découvrir les irrégularités du taux effectif global qu'à la lecture du rapport dressé le 15 juin 2015 par [C] [D] tandis que la banque répond que l'offre contenait toutes les données nécessaires permettant à [K] [A] de déceler les vices qu'il allègue ; qu'il ressort expressément de l'offre de prêt que le coût de l'assurance n'a pas été pris en compte dans le calcul du TEG et que la date de mise à disposition des fonds n'a pas été indiquée ; que l'offre précise également en page 3 que « Les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an. » ; qu'elle fait ainsi explicitement ressortir à sa simple lecture les erreurs évoquées par [K] [A] ; qu'il en résulte que le point de départ de l'action en déchéance du droit aux intérêts se situe, relativement aux deux omissions alléguées et au recours à l'année lombarde, qui s'avèrent parfaitement décelables par l'emprunteur lui-même dès la conclusion du contrat, au 26 février 2006, date de l'acceptation de l'offre ; que, selon l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 précitée, les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que, dès lors, le délai de l'action en déchéance du droit aux intérêts formée par [K] [A], qui a commencé à courir à compter du 26 février 2006 et a été réduit à compter du 19 juin 2008, a expiré le 18 juin 2013 ; que l'appelant ne peut, subséquemment, invoquer la découverte d'une prétendue nouvelle irrégularité relative au calcul actuariel du TEG, issue de travaux de tiers, auxquels il a eu recours, sous peine de faire dépendre le délai de prescription de sa seule volonté ; qu'en conséquence, l'action en déchéance du droit aux intérêts, engagée le 3 décembre 2015 est prescrite ; que l'action en responsabilité, également soumise à la prescription quinquennale, doit être aussi déclarée prescrite ; que le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions » ;

Alors 1°) que le délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels court du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant, dans l'offre de crédit immobilier, le taux effectif global ; que, pour déclarer prescrite l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée par M. [A], la cour d'appel a énoncé qu'il ressort expressément de l'offre de prêt que le coût de l'assurance n'a pas été pris en compte dans le calcul du taux effectif global et que la date de mise à disposition des fonds n'a pas été indiquée et que l'offre précise également que les intérêts courant entre deux échéances « seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an », de sorte qu'elle fait explicitement ressortir à sa simple lecture les erreurs évoquées par M. [A] et que le point de départ de la prescription se situe, ces erreurs étant parfaitement décelables par l'emprunteur lui-même dès la conclusion du contrat, au 26 février 2006, date de l'acceptation de l'offre ; qu'en statuant ainsi, par des motifs d'où il ne résulte pas que M. [A], simple consommateur, était en mesure de déceler, par lui-même, la double erreur affectant le taux effectif global, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 110-4 du code de commerce ;

Alors 2°) que le délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels court du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant, dans l'offre de crédit immobilier, le taux effectif global, sans que l'emprunteur ne doive recourir à l'étude d'un sachant pour s'en convaincre ; que s'il met en oeuvre une telle étude, qui conduit à révéler une irrégularité indécelable pour un profane, on ne peut lui opposer d'en avoir retardé la commande et d'avoir ainsi reporté le point de départ du délai de prescription ; que, pour déclarer prescrite l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée par M. [A], la cour d'appel a énoncé que M. [A] ne peut invoquer la découverte d'une prétendue nouvelle irrégularité relative au calcul actuariel du TEG, issue de travaux de tiers, auxquels il a eu recours, sous peine de faire dépendre le délai de prescription de sa seule volonté ; qu'en statuant ainsi, cependant que la découverte d'une irrégularité non décelable pour un profane constitue le point de départ du délai de prescription, peu important la date à laquelle l'emprunteur a pris l'initiative de commettre le sachant lui ayant révélé une irrégularité dont il n'avait pu se convaincre lui-même à la signature du contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-20940
Date de la décision : 16/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 02 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 jui. 2021, pourvoi n°19-20940


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20940
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