LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 juin 2021
Rejet
Rectification d'erreur matérielle
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 731 F-D
Pourvoi n° Z 19-19.096
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [E]
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 mars 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 JUIN 2021
La société Somah, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-19.096 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. [S] [E], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Somah, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 mai 2019) et les productions, M. [E], engagé le 25 janvier 2011 par la société Somah en qualité de plaquiste, a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail le 24 juillet 2015. Il a été licencié pour faute grave le 23 septembre 2015.
2. Contestant cette mesure, le salarié a saisi la juridiction prud'homale qui l'a débouté de toutes ses demandes. Le salarié a relevé appel de la décision et il lui a été accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui, pris en sa première branche, est irrecevable et qui, pris en ses deuxième et troisième branches, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions, M. [E] demandait la condamnation de la société Somah à payer à Me [J] la somme de 2 500 euros TTC au titre de l'article 700 al. 2 du code de procédure civile ; que, dans ses conclusions, la société Somah demandait à la cour d'appel de débouter M. [E] de l'ensemble de ses fins et prétentions ; que dès lors en condamnant la société Somah à payer à M. [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cependant qu'aucune des parties ne demandait la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit du salarié, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'employeur est sans intérêt à critiquer le chef de dispositif de l'arrêt relatif à l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dès lors qu'il est, en toute hypothèse, débiteur de cette indemnité.
6. Cependant, l'employeur a intérêt à critiquer le chef de dispositif le condamnant à payer au salarié une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile dès lors qu'il soutient que ce dernier n'avait pas formé de demande en ce sens.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
8. Sous le couvert du grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à dénoncer une erreur matérielle qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation à laquelle est déféré l'arrêt et dont la rectification sera après ci-après ordonnée.
9. Le moyen ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
RECTIFIE l'arrêt attaqué en ce sens que :
- en page 6 au lieu de « La société Somah succombant, il convient de la condamner à payer à M. [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile » il convient de lire « La société Somah succombant, il convient de la condamner à payer à Mme [J], avocat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;
- en page 7 au lieu de « CONDAMNE la société Somah à payer à M. [E] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; » il a lieu de lire « CONDAMNE la société Somah à payer à Mme [J], avocat, la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; » ;
Condamne la société Somah aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Somah et la condamne à payer à la SCP Delvolvé et Trichet la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Somah
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable la demande tendant au prononcé de la résiliation du contrat de travail, prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Somah à la date du 23 septembre 2015, dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Somah à payer à M. [E] les sommes de 3 979,26 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 397,92 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 1 890,44 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 12 000 euros à titre de dommages-intérêts réparant la perte injustifiée de son emploi ;
AUX MOTIFS QUE la société Somah invoque l'irrecevabilité de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formée par M. [E] pour la première fois à hauteur d'appel ; que cependant, dès lors que M. [E] avait saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes en paiement au titre de « l'indemnisation de la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée », à savoir une indemnité de préavis, des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, tandis que le contrat de travail n'avait pas encore été rompu par la mesure de licenciement, il ne fait que préciser, à hauteur d'appel, le fondement juridique desdites demandes en indiquant demander le prononcé de la résiliation du contrat de travail ; qu'au surplus, dès lors qu'il a saisi le conseil de prud'hommes avant l'abrogation de l'article R 1452-7 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret du 7 mars 2008, sa demande nouvelle est recevable, même en appel, puisqu'elle dérive du même contrat de travail ; que par ailleurs, dès lors que M. [E] avait saisi le conseil de prud'hommes des demandes précitées avant qu'il ne fasse l'objet d'un licenciement, sa demande de résiliation judiciaire est recevable ; que sur le fond, M. [E] soutient que la société Somah a commis plusieurs manquements rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'il résulte de l'attestation de M. [L], que le 28 mai 2015, les deux fils du patron de la société Somah sont venus au domicile de M. [E] et l'ont insulté et accusé de vol de matériel ; que de telles déclarations, précises et circonstanciées, corroborent les déclarations effectuées par M. [E] suivant une déclaration de main courante au commissariat de [Localité 1] le 29 mai 2018 ; qu'il convient d'observer que la société Somah reconnait la venue de M. [T], gérant de la société Somah, au domicile de M. [E], pour récupérer du matériel ; que ce seul fait du 28 mai 2015 constitue un manquement grave de l'employeur à ses obligations, lequel, compte tenu des insultes et menaces, rend impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'il suffit à entrainer le prononcé de la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ; (?) que d'autre part, M. [E] soutient qu'il travaillait chaque semaine 40 heures alors qu'il n'était payé que 39 heures, dont 4 heures supplémentaires ; qu'il produit une lettre adressée sur ce point à l'inspection du travail le 9 juin 2015, quelques tickets de caisse mentionnant l'achat de matériaux après 16h45, heure de fin du travail selon son contrat de travail, et même après 18 heures, ainsi qu'un décompte du nombre d'heures supplémentaires non rémunérées chaque mois depuis juillet 2012 ; que tandis qu'il étaie ainsi sa demande, la société Somah ne produit pas d'éléments permettant d'établir sa durée hebdomadaire de travail ; que le fait que, comme elle le soutient, le contrat de travail prévoit 35 heures hebdomadaires réparties de manière précise chaque jour, est insuffisant à établir l'absence de réalisation d'heures supplémentaires dans la limite de celle indiquée par M. [E], dès lors d'une part, que le contrat de travail prévoit la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires dans la limite de 42 heures et où, d'autre part, que les bulletins de salaire montrent que M. [E] a régulièrement été rémunéré pour des heures supplémentaires à hauteur de 16 heures par mois au maximum ; qu'il convient en conséquence de dire que M. [E] établit avoir réalisé une heure supplémentaire chaque semaine qui ne lui a pas été rémunérée ; (?) que compte tenu de la durée d'exécution du contrat de travail, un tel manquement, en ce qu'il s'ajoute à celui précité, est également suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail et à en prononcer la résiliation judiciaire ;
ALORS QUE 1°), l'appel en matière prud'homale est porté devant la chambre sociale de la cour d'appel et est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire ; que dans les procédures d'appel avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif desdites conclusions ; que dès lors, en déclarant recevable la demande de M. [E] tendant au prononcé de la résiliation du contrat de travail et en prononçant la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Somah à la date du 23 septembre 2015, cependant que le dispositif des dernières conclusions de M. [E] ne formulait aucune demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel, qui ne pouvait statuer sur une telle demande, dont elle n'était pas saisie, a violé les articles 954 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et R1461-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n°2016-660 du 20 mai 2016,
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE 2°), lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail postérieurement à son licenciement, la rupture du contrat de travail qui résulte du licenciement rend nécessairement sans objet la demande de résiliation judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. [E] a interjeté appel le 26 janvier 2018 du jugement du conseil de prud'hommes de Mulhouse en date du 7 décembre 2017 (arrêt, p. 2, §1), que « par lettre du 23 septembre 2015, il a été licencié pour faute grave » (arrêt, p. 2, pénultième) et que « M. [E] avait saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes au titre de « l'indemnisation de la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée », à savoir une indemnité de préavis, des dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » (arrêt, p. 3, §1) ; que dès lors, en jugeant que M. [E] était recevable et bien fondé à demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail après avoir pourtant constaté que M. [E] n'avait pas saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et formulait une telle demande pour la première fois en appel, postérieurement à son licenciement, ce dont il résultait que la demande de résiliation judiciaire était sans objet, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a ainsi violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L1231-1 du code du travail,
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE 3°), la société Somah faisait valoir que l'attestation de M. [L] et les différents courriers émanant de M. [E], produits par le salarié au soutien de ses prétentions, avaient été écrits par la même personne (conclusions d'appel, p. 6) ; que dès lors, en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusion et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Somah à payer à M. [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la société Somah succombant, il convient de la condamner à payer à M. [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions, M. [E] demandait la condamnation de la société Somah à payer à Me [J] la somme de 2 500 ? TTC au titre de l'article 700 al. 2 du code de procédure civile (conclusions, p. 11) ; que, dans ses conclusions, la société Somah demandait à la cour d'appel de débouter M. [E] de l'ensemble de ses fins et prétentions (conclusions, p. 15) ; que dès lors en condamnant la société Somah à payer à M. [E] la somme de 2 000 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cependant qu'aucune des parties ne demandait la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit du salarié, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.