La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2021 | FRANCE | N°20-15061

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 juin 2021, 20-15061


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 704 F-D

Pourvoi n° J 20-15.061

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 février 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

____________________

_____

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2021

Mme [Z] [L], ép...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 704 F-D

Pourvoi n° J 20-15.061

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 février 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2021

Mme [Z] [L], épouse [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-15.061 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-6, anciennement dénommée 18e chambre), dans le litige l'opposant à la société Bergon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 janvier 2019), Mme [L] épouse [R] a été engagée le 8 septembre 2008 en qualité d'employée de piste par la société Bergon (la société) qui exploitait une station-service sous l'enseigne Total. Le 31 décembre 2010, le contrat liant les deux sociétés n'était pas renouvelé.

2. Le 9 février 2011, la société a proposé à la salariée un poste sur un autre site qu'elle a refusé le 7 mars 2011. La salariée a été convoquée, le 22 avril 2011, à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique et a accepté, le 11 mai suivant, la convention de reclassement personnalisé.

3. Contestant la rupture de son contrat de travail, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la proposition d'une modification du contrat de travail, que le salarié peut toujours refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé, sur l'obligation de reclassement, que la lettre du 9 février 2011 qui proposait à Mme [R], en raison de la réorganisation du site de [Localité 1], un emploi similaire sur le site de [Localité 2] avec prise en charge des frais de déplacement liés à ce changement, valait proposition de reclassement, de sorte qu'il convenait de considérer que l'employeur avait satisfait à cette obligation ; qu'en statuant comme elle a fait, alors que l'employeur étant tenu de proposer au salarié dont le licenciement était envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

5. Il résulte de ce texte que la proposition d'une modification du contrat de travail pour motif économique refusée par le salarié ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement et par suite de lui proposer éventuellement le même poste dans l'exécution de cette obligation.

6. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient notamment que la lettre de l'employeur du 9 février 2011 qui proposait à la salariée en raison de la réorganisation du site de [Localité 1], un emploi similaire sur le site de [Localité 2] avec prise en charge des frais de déplacement liés à ce changement, vaut proposition de reclassement, de sorte que l'employeur a satisfait à cette obligation.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation de l'arrêt en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette les demandes de la salariée à ce titre emporte, par voie de conséquence, cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnant aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure et pour préjudice moral et en paiement d'une somme au titre de l'indemnité légale de licenciement présentées par Mme [L], épouse [R], et en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Bergon, l'arrêt rendu le 11 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Bergon aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bergon à payer à la SCP Rousseau et Tapie la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme [L]

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes ;

Aux motifs que selon l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que l'article L. 1222-6 précise que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus ; le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire ; à défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée ; qu'en l'espèce, le 9 février 2011, l'employeur écrivait au salarié : « Dans le cadre de la réorganisation de l'activité de notre site de [Localité 1], pour faire face à la rupture du contrat qui nous liait à la société Total et aux lourds investissements nécessaires à la mise aux normes de notre station-service, nous sommes amenés à vous proposer un poste similaire au votre sur notre station de [Localité 2]. Les frais de déplacement (trajets travail) consécutifs à cette proposition de mutation, si vous l'acceptez, seront à la charge de notre société. Les frais de formation et d'adaptation à ce nouveau poste seront également à notre charge. Vous disposez d'un délai d'un mois à compter de la première présentation par la poste de la présente lettre pour nous signifier votre accord ou votre refus? » ; par courrier recommandé du 7 mars 2011, la salariée refusait cette proposition ; par lettre du 24 mars 2011, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable au licenciement au cours duquel une convention de reclassement personnalisée était proposée à Mme [R] qui l'acceptait ; que l'employeur produit : - l'avenant de prorogation au contrat de concession de marque et l'avenant de prorogation au contrat de commission signés avec la société Total Raffinage Marketing du 1er mars 2007 qui mentionnent qu'ils prendront définitivement fin le 31 décembre 2010 , - le courrier adressé par l'employeur à la mairie de [Localité 1] le 9 août 2010 l'informant de l'arrêt de la station-service à compter du 31 décembre 2010 en raison de la nécessité d'une mise aux normes et du coût disproportionné en découlant eu égard aux quantités de produits délivrés à la pompe, - la réponse d'ERDF du 12 août 2010 concernant la demande de travaux suite à la nécessité du fait de l'arrêt de la station-service, d'extraire la cuve du sol, - le mail de Total du 7 janvier 2011 concernant les résultats analytiques des sols et eaux souterraines sur le site de la station-service de [Localité 1] réalisés par le groupe Ortec spécialisé en dépollution, le récépissé de déclaration d'intention de commencement des travaux délivré par ERDF le 20 décembre 2010, - des photos de la station-service avant et après réalisation des travaux, le rapport d'exécution du diagnostic des sols réalisé pour le compte de Total Raffinage Marketing le 12 avril 2011 ; qu'il résulte de ces éléments que la cause de la demande de modification du contrat de travail de Mme [R] résidait dans la nécessité pour l'entreprise de se réorganiser en raison de l'expiration du contrat avec la société Total et de l'impossibilité de faire face au coût des travaux de dépollution et de remise en état sans l'aide d'une compagnie pétrolière ; en conséquence, le motif économique est fondé ; sur l'obligation de reclassement, la lettre du 9 février 2011 qui proposait à Mme [R] en raison de la réorganisation du site de [Localité 1], un emploi similaire sur le site de [Localité 2] avec prise en charge des frais de déplacement liés à ce changement, vaut proposition de reclassement, de sorte que l'employeur a satisfait à cette obligation ;

Alors 1°) qu'il résulte des articles L. 1233-65 et L. 1233-67 du code du travail que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation de la convention de reclassement personnalisé par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le 9 février 2011, l'employeur a écrit à la salariée pour lui proposer une modification de son contrat de travail à la suite de la réorganisation de l'activité du site de [Localité 1], pour faire face à la rupture du contrat le liant à la société Total et aux investissements nécessaires à la mise aux normes de la station-service, et lui a indiqué qu'elle disposait d'un mois pour signifier son accord ou son refus ; que le 7 mars 2011, la salariée refusait cette proposition et que le 24 mars 2011, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable au cours duquel une convention de reclassement personnalisée était proposée à Mme [R], qui l'avait acceptée ; qu'en décidant que la cause de la demande de modification du contrat de travail résidait dans la nécessité pour l'entreprise de se réorganiser en raison de l'expiration du contrat avec la société Total et de l'impossibilité de faire face au coût des travaux de dépollution et de remise en état de la station-service sans l'aide d'une compagnie pétrolière, de sorte que le motif économique était fondé, cependant qu'elle constatait que le document écrit du 9 février 2011 énonçant le motif économique avait été remis à la salariée lors de la procédure spécifique de modification de son contrat de travail et qu'aucun autre écrit énonçant la cause économique de la rupture n'avait été remis ou adressé à la salariée au cours de la procédure de licenciement engagée le 24 mars 2011 et avant son acceptation de la convention de reclassement personnalisé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Alors 2°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en l'espèce, Mme [R] a invoqué l'application l'article L. 1224-1 du code du travail (conclusions p. 5 et suivantes) et a soutenu que « la continuation de l'entreprise ne faisant aucun doute », elle « n'aurait jamais dû être licenciée, mais son contrat de travail aurait dû être repris par la nouvelle structure » (p. 6) ; qu'en statuant sans répondre à ce moyen de droit déterminant tiré de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que la proposition d'une modification du contrat de travail, que le salarié peut toujours refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé, sur l'obligation de reclassement, que la lettre du 9 février 2011 qui proposait à Mme [R], en raison de la réorganisation du site de [Localité 1], un emploi similaire sur le site de [Localité 2] avec prise en charge des frais de déplacement liés à ce changement, valait proposition de reclassement, de sorte qu'il convenait de considérer que l'employeur avait satisfait à cette obligation ; qu'en statuant comme elle a fait, alors que l'employeur étant tenu de proposer au salarié dont le licenciement était envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-15061
Date de la décision : 09/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jui. 2021, pourvoi n°20-15061


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15061
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award