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09/06/2021 | FRANCE | N°19-19220

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 juin 2021, 19-19220


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2021

Cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 700 F-D

Pourvoi n° J 19-19.220

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2021

L'association Société des courses Côte d'Azu

r, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 19-19.220 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (cham...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2021

Cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 700 F-D

Pourvoi n° J 19-19.220

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2021

L'association Société des courses Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 19-19.220 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Q] [Q], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Mme [D] [S], domiciliée [Adresse 3], prise en qualité de curatrice de M. [Q] [Q],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association Société des courses Côte d'Azur, de Me Balat, avocat de M. [Q] et de Mme [S], ès qualités, après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mai 2019), M. [Q], engagé le 13 novembre 1973 par l'association Société des courses Côte d'Azur en qualité d'ouvrier agricole, a été convoqué en entretien préalable à un éventuel licenciement le 26 mars 2015. Il a été licencié pour faute grave le 27 avril 2015.

2. Contestant son licenciement, il a saisi, assisté de sa curatrice, la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire les faits reprochés au salarié prescrits et de le condamner à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué au salarié le salaire dont il a été privé à l'occasion de sa mise à pied conservatoire, et les congés payés afférents, le préavis, et les congés payés afférents, ainsi que l'indemnité légale de licenciement, alors « que la prescription ne court que du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte et complète de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ; que lorsque cette connaissance résulte d'un document écrit, c'est la date à laquelle il est réceptionné par l'employeur qui constitue le point de départ de la prescription et non celle à laquelle il lui est envoyé ; que le salarié avait été licencié pour avoir perçu, en espèces et de manière illégale, de l'argent et des cadeaux d'entraîneurs en récompense de différents services rendus ; que l'employeur faisait valoir que ce n'était que le 26 janvier 2015 qu'il avait eu connaissance de la copie du dossier pénal comprenant l'audition du salarié, aux termes de laquelle celui-ci affirmait avoir reçu de l'argent et des cadeaux de la part d'entraîneurs en contrepartie de services rendus ; que l'employeur produisait à ce titre une lettre de son conseil émise le 20 janvier 2015 annonçant la transmission du dossier pénal et portant un tampon de réception daté du 26 janvier 2015 d'une part, le cahier de réception des courriers répertoriant et référençant chacun d'entre eux, avec mention de leur date de réception d'autre part ; qu'en se bornant à relever que la lettre de transmission du dossier pénal à l'employeur était datée du 20 janvier 2015, pour en déduire que le licenciement du salarié était prescrit dès lors que la procédure de licenciement avait été introduite le 26 mars 2015, sans à aucun moment préciser la date à laquelle l'employeur avait réceptionné le dossier pénal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

5. Pour dire les faits prescrits et le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur indique n'avoir pris connaissance des déclarations faites par le salarié devant les services de police qu'à l'occasion de la transmission par son conseil d'une copie du dossier pénal. Il ajoute que
la lettre de transmission de ce dossier à la société porte la date du 20 janvier 2015, en sorte que cet employeur avait jusqu'au 20 mars 2015 pour engager la procédure de licenciement.

6. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui soutenait, offres de preuve à l'appui, n'avoir eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié, qu'à réception, le 26 janvier 2015, du dossier pénal, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [Q], assisté de sa curatrice, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'association Société des courses Côte d'Azur

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a alloué au salarié le salaire dont il a été privé à l'occasion de sa mise à pied conservatoire, et les congés payés afférents, le préavis, et les congés payés afférents, ainsi que l'indemnité légale de licenciement, d'AVOIR, statuant à nouveau pour le surplus, dit prescrits les faits reprochés, d'AVOIR condamné à verser au salarié une indemnité de 80 000 euros en réparation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR dit que les créances salariales porteraient intérêts au taux légal à compter du 12 août 2015, d'AVOIR dit que l'employeur délivrerait au salarié un bulletin de salaire mentionnant les créances salariales allouées en justice, son reçu pour solde de tout compte, ainsi qu'une attestation destinée au Pôle emploi portant la même mention, d'AVOIR condamné l'employeur aux entiers dépens, d'AVOIR, en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné l'employeur à verser au salarié une indemnité de 3 000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « M. [Q] a été au service de la Société des Courses Côte d'Azur, qui exploite l'hippodrome de Cagnes-sur-Mer, en qualité d'ouvrier agricole, par un contrat de travail verbal qui a pris effet le 13 novembre 1973 et a été rompu le 27 avril 2015 par son licenciement pour faute grave.
La lettre de licenciement reproche à ce salarié la perception d'espèces ou d'alcool par certains entraîneurs dans le cadre du service des box afin leur procurer divers avantages.
Il est versé aux débats un procès-verbal d'audition établi le 9 mars 2012 par la police nationale de M. [Q], dans le cadre d'une plainte pour harcèlement moral visant un supérieur hiérarchique, dans lequel le salarié déclare rendre personnellement des services aux entraîneurs (prêts de box, prêt de matériel appartenant à l'entreprise ...) en contrepartie desquels il recevait 'de l'alcool, du cidre, du jambon, des bouteilles de pastis. De temps en temps, ils nous donnaient la pièce ... 50 ou 60 euros, ça dépendait du service rendu. Rien de méchant ...'.
La matérialité des faits est donc établie.
Pour conclure à la nullité de son licenciement, M. [Q] soutient que cette sanction était une mesure de rétorsion pour avoir témoigné contre le directeur de service, ce qui ne ressort pas des éléments du dossier.
Le conseil du salarié, en revanche, fait utilement valoir que les faits ayant motivé la procédure de licenciement étaient connus par l'employeur plus de deux mois avant son introduction.
En effet, cet employeur indique n'avoir pris connaissance des déclarations faites par M. [U] devant les services de police qu'à l'occasion de la transmission par son conseil d'une copie du dossier pénal.
La lettre de transmission de ce dossier pénal à la Société des Courses Côte d'Azur porte la date du 20 janvier 2015 (sa pièce 4), de sorte que cet employeur avait jusqu'au 20 mars 2015 pour engager la procédure de licenciement.
Pour avoir introduit cette procédure le 26 mars 2015, au-delà du délai de deux mois édicté par l'article L. 1332-4 du code du travail, bien qu'ayant eu dès le 20 janvier 2015 une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié, ces faits sont prescrits.
Le licenciement de M. [Q] est donc nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il alloue au salarié un rappel du salaire dont il a été privé à l'occasion de sa mise à pied conservatoire, ainsi que ses indemnités de rupture dont les montants ne sont pas contestés.
M. [Q], licencié à l'âge de 56 ans, après 41 années de service, a perdu un salaire mensuel de 2 977,35 euros brut.
L'intéressé justifie de son inscription au Pôle emploi à compter du 14 juin 2015 ; il perçoit à ce jour 494,40 euros par mois au titre de l'allocation de solidarité spécifique (sa pièce 10).
La cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour arrêter à la somme de 80 000 euros la juste et entière du préjudice certain lié à la perte d'un emploi pérenne.
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 12 août 2015, date de la convocation de la débitrice devant le bureau de conciliation et d'orientation valant première mise en demeure de payer.
La Société des Courses Côte d'Azur délivrera à M. [Q] un bulletin de salaire mentionnant ces créances salariales, son reçu pour solde de tout compte, ainsi qu'une attestation destinée au Pôle emploi portant la même mention.
Il n'y a lieu d'assortir, en l'état, cette délivrance d'une mesure d'astreinte.
Le certificat de travail délivré le 29 avril 2015 est conforme à la réalité.
L'intimée supportera les entiers dépens » ;

ALORS QUE la prescription ne court que du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte et complète de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ; que lorsque cette connaissance résulte d'un document écrit, c'est la date à laquelle il est réceptionné par l'employeur qui constitue le point de départ de la prescription et non celle à laquelle il lui est envoyé ; qu'en l'espèce, le salarié avait été licencié pour avoir perçu, en espèces et de manière illégale, de l'argent et des cadeaux d'entraîneurs en récompense de différents services rendus ; que l'employeur faisait valoir que ce n'était que le 26 janvier 2015 qu'il avait eu connaissance de la copie du dossier pénal comprenant l'audition du salarié, aux termes de laquelle celui-ci affirmait avoir reçu de l'argent et des cadeaux de la part d'entraîneurs en contrepartie de services rendus (conclusions d'appel de l'exposante p. 3 et p.7) ; que l'employeur produisait à ce titre une lettre de son conseil émise le 20 janvier 2015 annonçant la transmission du dossier pénal et portant un tampon de réception daté du 26 janvier 2015 d'une part (production n° 5), le cahier de réception des courriers répertoriant et référençant chacun d'entre eux, avec mention de leur date de réception d'autre part (production n° 6) ; qu'en se bornant à relever que la lettre de transmission du dossier pénal à l'employeur était datée du 20 janvier 2015, pour en déduire que le licenciement du salarié était prescrit dès lors que la procédure de licenciement avait été introduite le 26 mars 2015, sans à aucun moment préciser la date à laquelle l'employeur avait réceptionné le dossier pénal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-19220
Date de la décision : 09/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jui. 2021, pourvoi n°19-19220


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.19220
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