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03/06/2021 | FRANCE | N°19-25571

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 juin 2021, 19-25571


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juin 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 547 F-P

Pourvoi n° N 19-25.571

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021

La société LMI multi-services, anciennement dénommée LMI BTP et manuten

tion, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 19-25.571 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2019 par...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juin 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 547 F-P

Pourvoi n° N 19-25.571

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021

La société LMI multi-services, anciennement dénommée LMI BTP et manutention, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 19-25.571 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2019 par la cour d'appel de Lyon (protection sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du [Localité 1], dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société LMI multi-services, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 1], et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 avril 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Gauthier, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 octobre 2019), M. [W], salarié de la société de travail intérimaire LMI BTP et manutention, devenue la société LMI multi-services (l'employeur), a déclaré avoir été victime d'un accident qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle, après enquête, par décision de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 1] du 11 février 2013.

2. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de lui déclarer opposable la décision de prise en charge des conséquences financières de l'accident subi par son salarié, alors :

« 1°/ qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés ; que la décision de prise en charge d'un accident est inopposable à l'employeur lorsque la caisse, qui a estimé nécessaire de procéder à une mesure d'instruction, a envoyé un questionnaire au salarié, mais qu'elle n'a pas procédé à cet envoi auprès de l'employeur ; qu'en retenant, pour dire la décision de prise en charge opposable à la société Lmi, qu'en l'absence de réserves motivées de l'employeur, la CPAM n'était pas tenue d'adresser à l'employeur un questionnaire portant sur les circonstances ou les causes de l'accident quand, peu important l'existence ou non des réserves, dès lors qu'elle avait procédé à une enquête et envoyé un questionnaire au salarié et non à l'employeur, la décision de la CPAM était inopposable à l'employeur, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-356 du 23 avril 2019 ;

2°/ que les principes du contradictoire et d'égalité des armes, ainsi que le principe de loyauté qui s'impose aux organismes de sécurité sociale, impliquent que la caisse de sécurité sociale, qui procède à une enquête à la suite d'une déclaration d'accident du travail, doit mettre en mesure le salarié et l'employeur de répondre dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités aux questions posées ; qu'en retenant néanmoins que le contradictoire avait été respecté par la CPAM du [Localité 1] au cours de l'enquête dès lors que, si le salarié avait reçu un questionnaire précis et que ce n'était pas le cas de l'employeur, ce dernier avait été interrogé par la caisse par téléphone, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, les modalités d'instruction par les services d'un organisme social d'une demande de prise en charge d'un accident ou d'une maladie au titre de la législation professionnelle ne sont pas comprises dans le champ d'application des stipulations de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen est dès lors, sur ce point, inopérant.

5. D'autre part, il résulte de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable au litige, qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés, selon des modalités qui peuvent être distinctes entre eux.

6. Ayant constaté que la caisse avait adressé un questionnaire à la victime et procédé à un entretien téléphonique avec l'un des préposés de l'employeur, l'arrêt relève qu'il ressortait de l'enquête administrative que cet entretien avait permis de recueillir des éléments d'information complets et pertinents. Il en déduit que la caisse a loyalement respecté le principe du contradictoire en enquêtant auprès de l'employeur et de la victime selon les modalités qu'il lui appartenait de fixer.

7. Par ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, a retenu que la demande de prise en charge avait été régulièrement instruite à l'égard de l'employeur.

8. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

La société fait grief à l'arrêt de la condamner aux dépens de l'instance, alors :

« 1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; que si, dans les procédures orales, les moyens soulevés d'office sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience, cette preuve peut résulter de ce que l'arrêt constate que les parties ont développé à l'audience leurs observations écrites lorsque celles-ci ne font pas état de tels moyens ; que dans ses conclusions écrites, développées oralement à l'audience la CPAM du [Localité 1] se bornait à solliciter la confirmation du jugement sans solliciter de condamnation aux dépens (arrêt p. 3, alinéas 2 et 3) et n'invoquaient pas l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale ? aux termes desquelles la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est gratuite, qu'en retenant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, qu'au regard de l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-10, abrogation applicable aux instances en cours en application de l'article 17, III, du décret du 29 octobre 2018, il convenait de condamner la société LMI aux dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que les principes de sécurité juridique et de prévisibilité de la règle de droit, composants du droit à un procès équitable, impliquent notamment que le justiciable soit à même de prévoir à un degré raisonnable les conséquences pouvant résulter d'un acte déterminé ; que si l'exercice du pouvoir réglementaire implique, pour son détenteur, la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante, c'est sous réserve du respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant l'entrée en vigueur de ces dispositions ; que l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, prévoyant l'application immédiate aux instances en cours des dispositions de procédure, méconnaît ces principes en ce qu'il implique l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale prévoyant la gratuité de la procédure suivie devant les juridictions de sécurité sociale et l'application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile prévoyant la condamnation de la partie perdante aux dépens, y compris aux instances engagées par des actes antérieurs à l'entrée en vigueur du décret ; qu'en faisant dès lors application immédiate des dispositions de l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 pour condamner la société LMI aux dépens, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, de l'instance d'appel engagée par acte du 29 mai 2018, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret susvisé, la cour d'appel a violé les principes susvisés ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

9. En premier lieu, en application de l'article 2 du code civil et de l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, les dispositions de ce texte abrogeant l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale sont d'application immédiate aux instances en cours et ne contreviennent pas au principe de non-rétroactivité des actes réglementaires. En outre, l'application immédiate de l'article 696 du code de procédure, en raison de cette même abrogation, n'a pas pour effet de restreindre, de manière disproportionnée, au regard des objectifs de bonne administration de la justice et de bon emploi des deniers public poursuivi par le décret susvisé, le droit des requérants à un procès équitable et ne porte ainsi atteinte ni au droit d'accès effectif au juge ni au principe de sécurité juridique.

10. En second lieu, tenu de statuer sur les dépens, le juge doit, en application de l'article 696 du code de procédure civile, même en l'absence de toute demande des parties et sauf décision motivée de sa part, condamner la partie perdante aux dépens. C'est ainsi sans manquer au principe de la contradiction que la cour d'appel a mis les dépens à la charge de la société.

11. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne la société LMI multi-services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société multi-services et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 1] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société LMI multi-services

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré La Maison de l'Intérim, aujourd'hui dénommée Lmi Multi-Services, mal fondée en son recours et d'AVOIR confirmé l'opposabilité à La Maison de l'Intérim, aujourd'hui dénommée Lmi Multi-Services, de la décision de prise en charge, par la CPAM du [Localité 1] de l'ensemble des conséquences pécuniaires liées à l'accident dont M. [W] a été victime le 13 décembre 2012 ;

AUX MOTIFS PRORPRES QUE sur ce point, la société Lmi Btp et manutention soutient que : - dans le cadre de son instruction, la CPAM a adressé à Monsieur [W] un questionnaire, mais s'est abstenu de lui en adresser un, - le bref appel téléphonique 'de mauvaise qualité' réalisé par l'agent enquêteur ne lui permettait pas de faire valoir ses observations dans les mêmes conditions que la victime, de sorte que les propos rapportés par l'enquêteur sont imprécis puisqu'il n'a pas mentionné l'absence de fait soudain ou le caractère répété des mouvements à l'origine des lésions du salarié, et a 'détourné' les propos de l'employeur en ce que le salarié intérimaire ' se rendrait chez son médecin' et non pas qu'il 's'y rendait' ; il en résulte que la CPAM n'a pas satisfait à ses obligations contradictoires lors de son instruction ; en réponse, la CPAM affirme que : - le salarié a effectivement été destinataire d'un questionnaire, lors de son instruction ; - la CPAM s'est entretenue 'au téléphone' avec Madame [H], assistante administrative de la société Lmi Btp et manutention, puis avec Monsieur [S], chef d'atelier de l'entreprise utilisatrice ; - Madame [H] atteste que le salarié a bien quitté son travail à 10h45 pour se rendre aux urgences ; - en tout état de cause, les dispositions de l'article R411-11 du code de sécurité sociale n'impose aucune modalité d'instruction du dossier, la CPAM étant souveraine dans l'appréciation des mesures d'instruction à mettre en oeuvre ; - son devoir d'information a été rempli dans la mesure où elle justifie avoir adressé un courrier le 22 janvier 2013 à l'employeur l'informant de la clôture de l'instruction du dossier et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier ; en application de l'article R.441-11 III du code de la sécurité sociale «'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès'» ; en présence d'une déclaration d'accident du travail assortie de réserves motivées de l'employeur portant sur les circonstances ou la cause de l'accident, la Caisse qui décide d'adresser un questionnaire au salarié pour recueillir ses observations sur ce point, est tenue d'en adresser également un à l'employeur ;

La Caisse peut par ailleurs décider de procéder à une enquête ou d'envoyer un questionnaire aux intéressés, si elle l'estime nécessaire ; en l'espèce, alors que l'employeur n'a assorti la déclaration d'accident du travail d'aucune réserves, la CPAM a estimé nécessaire d'adresser un questionnaire au salarié le 16 janvier 2013 et a informé la société LMI de sa décision de recourir à un délai complémentaire d'instruction ; il est exact que la société la société Lmi Btp et manutention n'a pas été elle-même destinataire d'un questionnaire ; toutefois, il ressort de l'enquête administrative versée (pièce 7) que le 21 janvier 2013, la CPAM a contacté par téléphone l'employeur, en la personne de sa préposée, Madame [H], et l'entreprise utilisatrice, en la personne de Monsieur [S] ; la société Lmi Btp et manutention n'explique pas en quoi l'entretien téléphonique se réduirait à un ' bref appel téléphonique de mauvaise qualité', alors que les éléments recueillis auprès de Mme [H] apparaissent complets et pertinents ; de même, la société la société Lmi Btp et manutention, qui se limite à soutenir que l'agent enquêteur a 'détourné' les propos de sa préposée, Madame [H], en rapportant que le salarié aurait quitté son poste de travail avant la fin de sa journée pour se rendre aux urgences, ne produit aucun élément permettant de démontrer qu'il aurait en fait poursuivi sa journée de travail malgré une forte douleur ; cette allégation est du reste sans conséquence tant sur le caractère professionnel de l'accident que sur le non-respect allégué du contradictoire ; en tout état de cause, il convient de retenir qu'en l'absence de réserves motivées, la CPAM n'était pas tenue d'adresser à l'employeur un questionnaire portant sur les circonstances ou les causes de l'accident, qu'en procédant à un entretien par téléphone avec l'un de ses préposés, la CPAM a loyalement respecté le principe du contradictoire, qu'au demeurant, elle a enquêté auprès de l'employeur et de la victime selon les modalités qu'il lui appartenait de fixer ; il convient dès lors de confirmer le jugement déféré sur ce point ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE sur le respect du contradictoire : que l'article R. 441-11 III du code de la sécurité sociale dispose : « En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident ou d'une maladie professionnelle un questionnaire sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. » ; qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que la CPAM a, dans le cadre de son enquête administrative, adressé un questionnaire à M. [W] le 8 janvier 2013 et s'est entretenue au téléphone avec Mme [H], assistante administrative de la société et M. [S], chef de l'atelier de l'entreprise utilisatrice ; qu'il est exact que l'employeur n'a pas été lui-même destinataire d'un questionnaire mais qu'il n'est pas pour autant fondé à invoquer la violation à son égard du principe du contradictoire ;

qu'en effet, la caisse qui choisit de recourir à une enquête peut, dans ce cadre, adresser au salarié un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident, sans être tenue d'en adresser également un à l'employeur sa seule obligation en exécution des textes en vigueur étant : - d'informer l'employeur, avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 de son recours à une enquête complémentaire ; - de l'informer de la clôture de l'instruction, de la date à laquelle elle rendra sa décision et de la possibilité dont il dispose de venir consulter préalablement les pèces du dossier ; que la société La Maison de l'Intérim a été mise en mesure de venir prendre connaissance des éléments du dossier susceptibles de lui faire grief, notamment des explications fournies par son salarié, et faire utilement valoir ses observations en temps utile ; que dans ces conditions, la société La Maison de l'intérim n'est pas fondée à invoquer la violation à son égard du principe du contradictoire ;

1°) ALORS QUE en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés ; que la décision de prise en charge d'un accident est inopposable à l'employeur lorsque la caisse, qui a estimé nécessaire de procéder à une mesure d'instruction, a envoyé un questionnaire au salarié, mais qu'elle n'a pas procédé à cet envoi auprès de l'employeur ; qu'en retenant, pour dire la décision de prise en charge opposable à la société Lmi, qu'en l'absence de réserves motivées de l'employeur, la CPAM n'était pas tenue d'adresser à l'employeur un questionnaire portant sur les circonstances ou les causes de l'accident quand, peu important l'existence ou non des réserves, dès lors qu'elle avait procédé à une enquête et envoyé un questionnaire au salarié et non à l'employeur, la décision de la CPAM était inopposable à l'employeur, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-356 du 23 avril 2019 ;

2°) ALORS QUE, les principes du contradictoire et d'égalité des armes, ainsi que le principe de loyauté qui s'impose aux organismes de sécurité sociale, impliquent que la caisse de sécurité sociale, qui procède à une enquête à la suite d'une déclaration d'accident du travail, doit mettre en mesure le salarié et l'employeur de répondre dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités aux questions posées ; qu'en retenant néanmoins que le contradictoire avait été respecté par la CPAM du [Localité 1] au cours de l'enquête dès lors que, si le salarié avait reçu un questionnaire précis et que ce n'était pas le cas de l'employeur, ce dernier avait été interrogé par la caisse par téléphone, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Lmi Btp et Manutention, devenue Lmi Multi-Services, aux entiers dépens d'appel ;

AUX MOTIFS QUE il y a lieu de statuer sur les dépens, au regard de l'article 696 du code e procédure civile, l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale, prévoyant la gratuité en la matière ayant en effet été abrogé à compter du 1er janvier 2019, par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ; la société Lmi Btp et manutention qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel ;

1°) ALORS, d'une part, QUE le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; que si, dans les procédures orales, les moyens soulevés d'office sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience, cette preuve peut résulter de ce que l'arrêt constate que les parties ont développé à l'audience leurs observations écrites lorsque celles-ci ne font pas état de tels moyens ; que dans ses conclusions écrites, développées oralement à l'audience la CPAM du [Localité 1] se bornait à solliciter la confirmation du jugement sans solliciter de condamnation aux dépens (arrêt p.3, alinéas 2 et 3) et n'invoquaient pas l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale ? aux termes desquelles la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est gratuite, qu'en retenant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, qu'au regard de l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-10, abrogation applicable aux instances en cours en application de l'article 17, III, du décret du 29 octobre 2018, il convenait de condamner la société Lmi aux dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, d'autre part, QUE les principes de sécurité juridique et de prévisibilité de la règle de droit, composants du droit à un procès équitable, impliquent notamment que le justiciable soit à même de prévoir à un degré raisonnable les conséquences pouvant résulter d'un acte déterminé ; que si l'exercice du pouvoir réglementaire implique, pour son détenteur, la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante, c'est sous réserve du respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant l'entrée en vigueur de ces dispositions ; que l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, prévoyant l'application immédiate aux instances en cours des dispositions de procédure, méconnaît ces principes en ce qu'il implique l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale prévoyant la gratuité de la procédure suivie devant les juridictions de sécurité sociale et l'application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile prévoyant la condamnation de la partie perdante aux dépens, y compris aux instances engagées par des actes antérieurs à l'entrée en vigueur du décret ; qu'en faisant dès lors application immédiate des dispositions de l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 pour condamner la société Lmi aux dépens, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, de l'instance d'appel engagée par acte du 29 mai 2018, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret susvisé, la cour d'appel a violé les principes susvisés ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-25571
Date de la décision : 03/06/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux général - Procédure - Procédure gratuite et sans frais - Application dans le temps de la réforme issue du décret 2018-928 du 29 octobre 2018 - Règles de procédure - Application immédiate - Portée

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi de forme ou de procédure - Application immédiate - Portée CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Principe de sécurité juridique - Violation - Exclusion - Cas - Sécurité sociale - Application dans le temps de la réforme issue du décret 2018-928 du 29 octobre 2018

En application de l'article 2 du code civil et de l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, les dispositions de ce texte abrogeant l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale sont d'application immédiate aux instances en cours et ne contreviennent pas au principe de non-rétroactivité des actes réglementaires. En outre, l'application immédiate de l'article 696 du code de procédure, en raison de cette même abrogation, n'a pas pour effet de restreindre, de manière disproportionnée, au regard des objectifs de bonne administration de la justice et de bon emploi des deniers publics poursuivi par le décret susvisé, le droit des requérants à un procès équitable et ne porte ainsi atteinte ni au droit d'accès effectif au juge ni au principe de sécurité juridique


Références :

Sur le numéro 1 : article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009


Sur le numéro 2 : article 2 du code civil

article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018

article 696 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 15 octobre 2019

N1à rapprocher :2e Civ., 6 juillet 2017, pourvoi n° 16-18774, Bull. 2017, II, n° 162 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 jui. 2021, pourvoi n°19-25571, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25571
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