LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 juin 2021
Cassation
sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 530 FS-D
Pourvoi n° E 19-23.724
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021
1°/ L'Agent judiciaire de l'Etat, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ l'administrateur général des finances publiques de la Polynésie-Française, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° E 19-23.724 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige les opposant à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat et de l'administrateur général des finances publiques de la Polynésie-Française, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 14 avril 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot conseiller doyen, Mmes Taillandier-Thomas Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mme Le Fischer, M. Gauthier, Mme Dudit, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 11 juillet 2019), le directeur du commissariat des armées en Polynésie française a émis, en sa qualité d'ordonnateur, des titres de perception pour le paiement de transports aériens effectués, par moyens militaires, dans le cadre d'évacuations sanitaires urgentes (Evasan) entre les mois de novembre 2010 et novembre 2012. Ces titres ont été notifiés par la direction générale des finances publiques à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (la caisse) entre le 19 juillet et le 6 décembre 2013. Des commandements de payer ont été notifiés à la caisse pour le recouvrement de ces sommes.
2. La caisse a saisi le tribunal de première instance de Papeete d'une demande d'annulation des titres de perception et des commandements de payer.
Examen du moyen relevé d'office
3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, les articles 7 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004, modifiée, portant statut d'autonomie de la Polynésie française et 76, alinéa 2, du code de procédure civile :
4. Selon le dernier de ces textes, le moyen pris de l'incompétence du juge judiciaire peut être relevé d'office par la Cour de cassation.
5. Il résulte de l'article R. 351-2 du code de l'aviation civile que dans le cas exceptionnel où des transports aériens par moyens militaires seraient effectués au profit de personnes privées ou de services publics ne relevant pas du ministère de la défense, ces transports donnent lieu à remboursement dans des conditions fixées par un arrêté interministériel.
6. Les créances de l'Etat nées de transports aériens par moyens militaires effectués dans le cadre d'évacuations sanitaires urgentes, fondées sur les dispositions de l'article R. 351-2 du code de l'aviation civile, constituent, en l'absence de toute convention conclue avec un organisme de sécurité sociale pour le paiement direct de la part de la dépense incombant à l'assurance maladie, des créances de nature administrative. Les litiges relatifs à l'existence, au montant et à l'exigibilité de ces créances relèvent, dès lors, de la compétence de la juridiction administrative.
7. Saisie, par la caisse, aux fins d'annulation des titres exécutoires et commandements de payer qui lui avaient été notifiés pour le paiement de ces créances, la cour d'appel a constaté la prescription de ces dernières et prononcé la décharge des sommes litigieuses.
8. En statuant sur ces demandes qui ne relevaient pas de la compétence des juridictions judiciaires, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
11. Il y a lieu de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître du litige ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour l'Agent judiciaire de l'Etat et l'administrateur général des finances publiques de la Polynésie-Française
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la prescription des créances résultant des titres de perception émis par la DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES entre le 19 juillet 2013 et le 6 décembre 2013, pour le recouvrement des frais induits par les évacuations sanitaires, dites « Evasan », réalisées entre le 10 novembre 2010 et le 6 novembre 2012 au profit d'assurés sociaux de la CPS, d'AVOIR prononcé la décharge totale, au profit de la CPS des sommes réclamées à ce titre, représentant un total de 78.997.571 FCP, majorations et frais inclus, et d'AVOIR dit sa décision opposable à l'ADMINISTRATEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES de la POLYNESIE FRANCAISE ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription : aux termes de l'article 45 du code de procédure civile de la POLYNESIE FRANCAISE : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer /adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir tel [...] la prescription... » ; sur les faits, il sera observé que les titres de perception litigieux, émis par la DIRECTION DU COMMISSARIAT DE LA POLYNESIE FRANCAISE via son directeur, agissant en qualité d'ordonnateur, et notifiés à la CPS par la DIRECTION DES FINANCES PUBLIQUES, chargée d'en assurer le recouvrement, concernent la prise en charge de dépenses d'évacuation sanitaire, tant entre les îles du territoire que vers l'extérieur (essentiellement la métropole et la NOUVELLE-ZELANDE), engagées au profit de plusieurs assurés sociaux ; il convient également de rappeler que la procédure utilisée, dite "Evasan", prévoit que, dans une situation d'urgence et à défaut de moyens civils disponibles, les aéronefs de la Défense présents en POLYNESIE FRANCAISE peuvent être réquisitionnés par un médecin urgentiste en vue du transport sanitaire d'un assuré social ; s'agissant en l'espèce de frais d'évacuation sanitaire engagés sur la période de novembre 2010 à novembre 2012, les dispositions de la convention n° 4816-2016 signée le 23 mai 2016, entre le commandant supérieur des forces armées en POLYNESIE FRANCAISE, représentant le ministre de la Défense, le Président de la POLYNESIE FRANCAISE, et la CAISSE DE PREVOYANCE SOCIALE de POLYNESIE FRANCAISE, en application notamment de l'instruction n° 120/DEF/EMA/PERFIBPSO du 1er octobre 2015 relative aux "transports aériens effectués par moyens militaires sur demande de services publics ne relevant pas du Ministère de la Défense ou sur ordre du ministre de la Défense dans l'intérêt des armées", ne sont pas applicables ; la CPS soutient que les créances réclamées sont prescrites, ainsi que l'action en recouvrement engagée à son encontre par la DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES, au motif que les titres de perception en cause n'ont pas été émis et notifiés dans le délai d'un an prévu par les dispositions combinées des articles 43 de la délibération n° 74-22 du 14 février 1974 modifiée, 4-1 de la délibération n° 94-170 AT du 29 décembre 1994 modifiée et 39 de la délibération n° 95-262 AT du 20 décembre 1995 modifiée, en matière de paiement de prestations sociales ; en effet, selon elle, il résulte d'une jurisprudence du Conseil d'Etat que la POLYNESIE FRANCAISE, compétente en matière de protection sociale et d'aide sociale, est habilitée en cette matière à éditer des dispositions réglementaires, notamment en matière de prescription, qui sont d'ordre public et s'imposent à tous, y compris à l'Etat ; elle considère au surplus que la prescription quadriennale prévue par la loi n° 68-,1250 du 31 décembre 1968 n'est pas applicable en l'espèce des lors que l'Etat n'est pas débiteur, mais créancier de l'organisme social ; concernant la qualification des sommes réclamées : il importe tout d'abord d'observer que les titres de perception produits aux débats ne mentionnent pas le fondement juridique de leur émission, se contentant d'indiquer que l'objet de la créance se rapporte à une évacuation médicale ; les textes cités par l'agent judiciaire de l'Etat dans ses conclusions, à savoir l'article 7 de la loi organique 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la POLYNESIE FRANCAISE, l'article R.351-2 du code de l'aviation civile, l'article 1er du décret n° 2001-421 du 14 mai 2001 relatif au remboursement des frais de certains transports aériens par moyens militaires, ainsi que l'article 7 de l'arrêté du 29 octobre 2012 relatif au transport aérien par moyens militaires réalisés au profit de personnes privées ou de service public ne relevant pas du Ministère de la Défense, ne constituent pas un fondement juridique pertinent, puisqu'ils se rapportent exclusivement aux principes selon lesquels le Ministère de la Défense doit et peut obtenir le remboursement des frais de transport aérien par avions militaires, sans considération du statut du bénéficiaire ; s'agissant en l'espèce d'une demande de cette nature, mais dirigée spécifiquement à l'encontre de la CPS de POLYNESIE FRANCAISE, il convient de se référer aux textes régissant la matière dans ce territoire, à savoir : - pour les salariés, les articles 13 et suivants de la délibération de la POLYNESIE FRANCAISE n° 74-22 du 14 février 1974 instituant un régime de prévoyance comprenant notamment les assurances maladie, longue maladie et invalidité, qui énoncent : « Art. 13. Transports - Les prestations accordées aux bénéficiaires du présent régime comprennent le remboursement des frais de transport de l'intéressé, de sa résidence habituelle à la formation sanitaire ou à l'établissement hospitalier concerné, quel que soit le moyen d'acheminement et par la voie la plus directe, sur la base de tarifs homologués par la CAISSE DE PREVOYANCE SOCIALE. Ces frais de transport comprennent également le retour de l'intéressé vers sa résidence habituelle après guérison ou décès. En cas d'évacuation sanitaire, la prise en charge des frais de transport aller-retour s'effectue dans les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa du présent article. Article 13 bis. La prise en charge par le régime assurance maladie-invalidité des frais de transport aller-retour effectués à l'intérieur du territoire de la POLYNESIE FRANCAISE et au titre des évacuations, sanitaires, est possible, sous réserve que l'autorité ayant décidé l'évacuation fournisse à la CAISSE DE PREVOYANCE SOCIALE le dossier d'assurance maladie constitué et les documents médicaux et administratifs réunis par l'intéressé ; - pour les non-salariés, les articles 17 à 19 de la délibération n° 94-170 AT du 29 décembre 1994 aux termes desquels : « Art. 17.- Les frais de transport de l'intéressé, de sa résidence habituelle à la formation sanitaire ou à l'établissement hospitalier concerné, sont à sa charge sous réserve des dérogations des articles 18, 19 et 20. Art. 18.- La prise en charge par le régime assurance maladie des frais de transport aller-retour, effectués à l'intérieur du territoire de la POLYNESIE FRANCAISE, est assurée en cas d'urgence médicalement justifiée. L'autorité ayant décidé du transport devra fournir à l'organisme de gestion les documents administratifs et médicaux qu'elle aura réunis. Les déplacements interinsulaires non urgents, nécessaires pour raison médicale, sont pris en charge par le régime après accord préalable de l'organisme de gestion. Toutefois, ceux en rapport avec les séances de dialyse peuvent faire l'objet d'une prise en charge mensuelle sur entente préalable. Art. 19.- La prise en charge des frais de transport aller-retour effectué à l'extérieur du territoire de la POLYNESIE FRANCAISE est strictement subordonnée à un avis médical donné par la commission des évacuations sanitaires. Seront également pris en charge au titre du régime assurance maladie-invalidité, les déplacements aller-retour entre les archipels du territoire et TAHITI nécessités par les contrôles périodiques auxquels doivent se soumettre certains malades [...] » ; - et enfin pour les ressortissants du régime de solidarité territorial instauré par une délibération n° 95-262 AT du 20 décembre 1995, ses articles 15 à 17, ainsi rédigés : « Art. 15.- Les frais de transport du ressortissant, de sa résidence habituelle à la formation sanitaire ou à l'établissement hospitalier concerné, sont à sa charge, sous réserve des dispositions des articles 16 et 17. Art. 16.- La prise en charge par le régime de solidarité territorial des frais de transport aller-retour effectués à l'intérieur du territoire de la POLYNESIE FRANCAISE est assurée en cas d'urgence médicalement justifiée. L'autorité ayant décidé du transport fournit à l'organisme de gestion les documents administratifs et médicaux qu'elle a réunis. Les déplacements interinsulaires non urgents nécessaires pour raison médicale sont pris en charge par le régime de solidarité territorial après accord préalable de l'organisme de gestion. Art. 17.- La prise en charge des frais de transport aller-retour, effectués à l'extérieur du territoire de la POLYNESIE FRANCAISE, est strictement subordonnée à un avis médical donné par la commission des évacuations sanitaires instituée par la délibération n"? 92-21 AT du 20 février 1992 » ; dès lors que l'obligation à paiement de la CPS résulte de dispositions édictées par plusieurs délibérations instaurant des régimes de prévoyance au profit d'assurés sociaux, incluant notamment les assurances maladie au titre desquels des évacuations sanitaires ont été ordonnées, et que les prestations servies visent à prendre en charge, au titre de la solidarité sociale, des dépenses incombant normalement auxdits assurés, il s'agit bien, contrairement à ce qu'a dit le premier juge, de prestations de sécurité sociale, encore appelées « prestations sociales » ; concernant le délai de prescription applicable et sa computation : les textes susvisés prévoient donc la prise en charge directe par la CPS des frais de transport de l'assuré social, en cas d'évacuation sanitaire ; il n'est pas contestable qu'hors ces dispositions, le débiteur de ces frais de transport serait l'assuré social en tant que bénéficiaire de la prestation d'évacuation par voie aérienne ; il en résulte que le mécanisme ainsi mis en place consiste en un système de "tiers-payant", dispensant l'assuré social de faire l'avance de frais qui peuvent s'avérer considérables ; par suite, et contrairement à l'appréciation du premier juge, l'agent judiciaire de l'Etat, intervenant à la demande du Ministère de la Défense, ne fonde pas son action en paiement à l'égard de la CPS sur un rapport de droit privé de nature contractuelle, d'autant moins que les dispositions législative et réglementaires régissant le droit de la sécurité sociale sont d'ordre public, ce qui exclut toute possibilité d'aménagement conventionnel entre les organismes sociaux et les assurés ; le Ministère de la Défense a donc agi en qualité de subrogé de l'assuré social par application du mécanisme de tiers payant décrit ci-dessus ; en effet, en effectuant le transport par avion militaire de l'assuré social, le Ministère de la Défense assume des frais, imputables à cet assuré mais dont ce dernier est fondé à réclamer la prise en charge par la CPS en application des textes précités ; en sollicitant le paiement de ces frais de transport directement auprès de la CPS, le Ministère de la Défense agit donc en lieu et place de l'assuré social, dispensé de tout paiement ; or, s'agissant du paiement de prestations sociales, les article 43 de la délibération n° 74-22 du 14 février 1974 modifiée, 4-1 de la délibération n° 94-170 AT du 29 décembre 1994 modifiée, et 39 de la délibération n° 95-262 AT du 20 décembre 1995 modifiée, énoncent que : « L'action de l'assuré pour le paiement des prestations [...] se prescrit par année à compter du premier jour du mois suivant celui auquel se rapportent les dites prestations » ; l'Etat subrogé ne dispose pas de plus de droits que l'assuré lui-même ; par ailleurs, il n'est pas contesté qu'aux termes de la jurisprudence constante du Conseil d'Etat (notamment arrêts n° 350313 du 7 novembre 2012 et n° 361767 du 13 juin 2013), les autorités de la POLYNESIE FRANCAISE sont compétentes en matière de réglementation relative à la protection sociale et à l'aide sociale, en ce compris d'éventuelles règles de prescription ; contrairement à ce que soutient l'intimé, les règles du code civil en matière de prescription ne peuvent donc prévaloir sur les dispositions spéciales édictées sur ce point dans des matières relevant de la compétence exclusive de la POLYNESIE FRANCAISE ; il ne peut davantage être opposé à la CPS la prescription quadriennale issue de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; en effet, cette dernière est relative à : « La prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics », démontrant qu'il s'agit de dispositions, dérogatoires au droit commun, instaurées en faveur des collectivités publiques prises en leur qualité de débitrice ; l'article 1 de cette loi, fixant un délai de prescription de quatre ans, ne saurait donc être opposé par l'Etat créancier à son débiteur, de surcroît en violation de textes spéciaux relevant de la compétence de ce dernier ; d'autant que la Cour de cassation juge de manière constante que les prescriptions spécifiques en matière de sécurité sociale sont opposables aux personnes publiques ; par conséquent, l'Etat disposait d'un délai d'un an, décompté à partir du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'évacuation sanitaire a été effectuée, pour réclamer à la CPS le paiement des frais de transport correspondants ; s'agissant enfin de la computation du délai annal édicté par ces textes spéciaux, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de cette cour, ce délai de prescription doit être analysé par référence à la jurisprudence constante de la Cour de cassation relative aux conditions d'application de l'article L. 332-1 du code de la sécurité sociale, laquelle considère qu'il s'agit d'un délai de forclusion et de déchéance, non susceptible d'interruption ou de suspension ; or, il est établi, par les pièces versées aux débats, que les "Evasan" en cause ont été réalisées entre le 10 novembre 2010 et le 6 novembre 2012 ; il s'en déduit que les créances résultant des titres de perception émis par la DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES entre le 19 juillet 2013 et le 6 décembre 2013, pour le recouvrement des frais induits par les "Evasan" susvisés, sont prescrites en application du délai de forclusion prévu par les articles 43, 4-1 et 39 des délibérations précitées, pour avoir toutes été notifiées à la CPS après l'échéance de leur délai annal respectif ; le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions et l'agent judiciaire de l'Etat, ès qualité, sera débouté de ses entières demandes, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus des moyens de la CPS alléguant la nullité des titres litigieux et des commandements de payer y afférents » (arrêt pp. 3 à 8) ;
ALORS QUE 1°), la créance de l'Etat en remboursement de frais de transports aériens par moyens militaires réalisés au profit soit de personnes privées, soit de services publics est une créance de nature non fiscale détenue par l'Etat à l'encontre de l'entité publique ou privée qui en a bénéficié, quel que soit son statut ; que dès lors en qualifiant de prestation sociale la créance de l'Etat contre la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (CPS) en remboursement de frais de transports aériens par moyens militaires, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 13 et 13bis de la délibération n° 74-22 du 14 février 1974, 17 à 19 de la délibération n° 94-170 AT du 29 décembre 1994 et 15 à 17 de la délibération n° 95-262 AT du 20 décembre 1995, et, par refus d'application, l'article R. 351-2 du code de l'aviation civile, dans sa version applicable en la cause ;
ALORS QUE 2°), l'action de l'Etat en paiement de sa créance contre la CPS en remboursement de frais de transports aériens par moyens militaires relève de la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil, dans sa version applicable en Polynésie française ; qu'en retenant au contraire que l'action de l'Etat contre la CPS en remboursement des frais de transports aériens par moyens militaires était soumise à la prescription annale applicable à l'action de l'assuré en paiement de prestations sociales, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 43 de la délibération n° 74-22 du 14 février 1974, 4-1 de la délibération n° 94-170 AT du 29 décembre 1994 et 39 de la délibération n° 95-262 AT du 20 décembre 1995, et, par refus d'application, les articles R. 351-2 du code de l'aviation civile, dans sa version applicable en la cause, et 2262 du code civil, dans sa version applicable en Polynésie française ;
ALORS QUE 3°), lorsque l'Etat assure l'évacuation sanitaire d'une personne par moyens militaires de transport aérien, dans le cadre de la procédure dite « Evasan », en cas d'urgence médicale et à défaut de moyens civils disponibles, c'est en sa seule qualité de créancier direct de la CPS qu'il sollicite le paiement de sa prestation, et non en qualité de subrogé dans les droits de la personne transportée ; que dès lors, en affirmant au contraire que le Ministère de la Défense aurait agi en qualité de subrogé de l'assuré social, en assumant des frais imputables à cet assuré, et dont ce dernier serait fondé à réclamer la prise en charge par la CPS, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 1249 et 1251 du code civil, dans leur version applicable en la cause, et, par refus d'application, l'article R. 351-2 du code de l'aviation civile, dans sa version applicable en la cause.