LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 juin 2021
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 564 F-D
Pourvoi n° J 19-21.888
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [V].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 1er septembre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021
La caisse d'allocations familiales (CAF) [Localité 1], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 19-21.888 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant à M. [O] [V], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse d'allocations familiales [Localité 1], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [V], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 avril 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 juin 2019), par lettre du 19 mai 2017, la caisse d'allocations familiales [Localité 1] (la caisse) a notifié à M. [V] (l'allocataire), bénéficiaire de diverses prestations familiales, un indu d'allocation aux adultes handicapés et de majoration pour vie autonome et l'a informé de la suppression des prestations hors aide personnalisée au logement pour un certain montant, ainsi que de la retenue de la totalité de son aide personnalisée au logement.
2. L'allocataire a saisi la commission de recours amiable, puis le président d'une juridiction de sécurité sociale, statuant en référé, aux fins de voir ordonner l'arrêt des retenues, et condamner la caisse au remboursement des retenues d'ores et déjà pratiquées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de lui enjoindre, à titre de mesure conservatoire, d'interrompre les retenues sur les prestations de l'aide personnalisée au logement effectuées depuis le mois de mai 2017 et de lui enjoindre, à titre de mesure de remise en état, de verser à l'allocataire les sommes retenues sur les prestations de l'aide personnalisée au logement, alors « que le juge des référés du contentieux général de la sécurité sociale peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que par ailleurs, si la récupération d'un indu de prestations familiales par des retenues sur les prestations à venir de l'allocataire est exclue lorsque celui-ci conteste l'indu, c'est à la condition que sa contestation présente un caractère sérieux ; que par suite, la récupération d'un indu de prestations familiales par des retenues n'est manifestement illicite qu'en présence d'une contestation sérieuse de l'indu ; que faute de s'être prononcée sur le caractère sérieux de la contestation de l'allocataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 553-2 et R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale ».
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, le président du tribunal des affaires de sécurité sociale peut, dans les limites de la compétence dudit tribunal, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
6. Aux termes de l'article L. 821-5-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, applicable au litige, tout paiement indu de prestations mentionnées au présent titre est, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, récupéré sur l'allocation à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution. A défaut, l'organisme payeur peut, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l'indu par retenues sur les échéances à venir dues, notamment, au titre de l'aide personnalisée au logement mentionnée à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation.
7. Pour retenir l'existence d'un trouble manifestement illicite et prescrire une mesure de remise en état, l'arrêt constate que le 6 juin 2017, l'allocataire a contesté l'indu d'allocation aux adultes handicapés et de majoration pour vie autonome devant la commission de recours amiable de la caisse et que cette dernière a procédé à des retenues sur l'aide personnalisée au logement après cette date.
8. Par ce seul motif substitué d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse d'allocations familiales [Localité 1] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales [Localité 1]
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a, infirmant l'ordonnance, enjoint à la Caisse, à titre de mesure conservatoire, d'interrompre les retenus sur les prestations APL dues à M. [V] effectuées depuis le mois de mai 2017 et enjoint à la Caisse, à titre de mesure de remise en état, de verser à M. [V] les sommes retenues sur les prestations APL dues à M. [V] ;
AUX MOTIFS QU' « En application des dispositions de l'article R 142-21 du code de la sécurité sociale, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal des affaires de sécurité sociale peut, dans les limites de la compétence dudit tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Le président du tribunal des affaires de sécurité sociale peut, dans les mêmes limites, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. L'article 553-2 du code de la sécurité sociale prévoit que « Tout paiement indu de prestations familiales est récupéré, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, par retenues sur les prestations à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution.(...) Dans des conditions définies par décret, les retenues (...) sont déterminées en fonction de la composition de la famille, de ses ressources, des charges de logement, des prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales, à l'exception de celles précisées par décret. » En l'espèce, M. [V] invoque l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la retenue intégrale par la CAF de ses droits à allocation afin de recouvrer un indu ayant fait l'objet d'une contestation de sa part. Il ressort des pièces produites que par courrier du 16 mai 2017, la CAF a notifié à M. [V] : - un indu d'un montant de 3,182,50 ? au titre de la période du ler janvier 2017 au mois de mai 2017 compte tenu du changement de ses droits à compter du mois de janvier 2017, - la fixation du remboursement mensuel de l'indu la somme de 106,60 ? par mois, - la suppression de ses prestations hors APL pote un montant de 84 ? à compter de juin, - la retenue en totalité de l'APL d'un montant de 84 ?. Suite à ce courrier, M. [V] justifie avoir saisi le 6 juin 2017 la commission de recours amiable d'un recours pour contester cet indu. Compte tenu de celte contestation, la CAF ne devait plus pratiquer de retenue sur l'allocation APL duc à l'allocataire. Or, il ressort du courrier de la CAF du 19 juin 2017 qu'elle confirme la retenue de 84 ? soit la totalité des allocations de M. [V], ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas. Au surplus, le fait de retenir la totalité de la prestations due au titre des APL est manifestement illicite dès lors que la CAF n'a pas pris en compte les éléments prévus par l'article 553-2 du code de la sécurité sociale. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre à la Caf [Localité 1], à titre de mesure conservatoire, d'interrompre les retenues sur prestations effectuées depuis le mois de mai 2017, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et à titre de mesure de remise en état, de lui enjoindre de verser les sommes retenues dans un délai d'un mois à compter de la notification, du présent arrêt. Il n'apparaît pas nécessaire d'assortir cette décision du prononcé d'une astreinte » ;
ALORS QUE, premièrement, le juge des référés du contentieux général de la sécurité sociale peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que par ailleurs, si la récupération d'un indu de prestations familiales par des retenues sur les prestations à venir de l'allocataire est exclue lorsque celui-ci conteste l'indu, c'est à la condition que sa contestation présente un caractère sérieux ; que par suite, la récupération d'un indu de prestations familiales par des retenues n'est manifestement illicite qu'en présence d'une contestation sérieuse de l'indu ; que faute de s'être prononcée sur le caractère sérieux de la contestation de M. [V], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 553-2 et R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, deuxièmement, et plus subsidiairement, aux termes de ses écritures d'appel, reprises oralement lors de l'audience, la Caisse faisait valoir qu'en tout état, les retenues étaient licites dès lors que M. [V] demeurait redevable d'une somme de 16.654,17 euros au titre d'un indu qu'un jugement du 28 novembre 2011 du Tribunal correctionnel de Grenoble l'avait condamné à rembourser à la Caisse ; que faute d'avoir répondu à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, troisièmement, la liste, posée à l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale, des éléments à prendre en considération pour déterminer le montant des retenues a été arrêtée par le législateur à destination du pouvoir réglementaire ; que ce dernier, tenant compte de ces éléments, a fixé, à l'article D. 553-1 du même code, les modalités de calcul des retenues qui s'imposent aux Caisses ; qu'en reprochant à la Caisse de ne pas avoir pris en compte les éléments visés à l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 553-2 et D. 553-1 du code de la sécurité sociale.