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02/06/2021 | FRANCE | N°19-14948

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 juin 2021, 19-14948


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 juin 2021

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 663 F-D

Pourvoi n° R 19-14.948

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 JUIN 2021

M. [G] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 19-14.948 contre l'

arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Electricité de France (EDF)...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 juin 2021

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 663 F-D

Pourvoi n° R 19-14.948

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 JUIN 2021

M. [G] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 19-14.948 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Electricité de France (EDF), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [S], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Electricité de France, après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 8 novembre 2018), M. [S], ancien salarié de la société Electricité de France (EDF), qui a été employé au sein de la centrale thermique d'[Localité 1], a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété en invoquant avoir été exposé, du fait de son employeur, à l'inhalation de poussières d'amiante.

Sur le second moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [S] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, alors « que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir en réparation de son préjudice d'anxiété contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [S] de sa demande en réparation de son préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé qu'un salarié exposé à l'amiante dans une entreprise non listée ACAATA ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété, cette indemnisation étant réservée aux salariés ayant travaillé dans des entreprises listées ACAATA et que tel n'était pas le cas du demandeur, ancien salarié d'EDF, entreprise non inscrite sur la liste ministérielle des établissements ouvrant droit à ce dispositif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige :

4. Il résulte de ces textes que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, pour manquement de ce dernier à cette obligation, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée.

5. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, l'arrêt retient que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation n'est ouverte qu'au salarié ayant travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante et qui répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque. Il en déduit que sauf dans le cadre de la prise en charge d'une maladie professionnelle découlant d'une exposition à l'amiante, un salarié exposé à l'amiante dans une entreprise non listée ACAATA ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété qui recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques résultant d'une exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur. Il constate qu'il n'est pas contesté qu'EDF n'est pas classée ACAATA et que l'intéressé n'a jamais été employé par une telle entreprise.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [S] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, l'arrêt rendu le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Electricité de France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Electricité de France à payer à M. [S] la somme de 100 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. [S]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [G] [S] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), créé par la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, a pour objectif de permettre aux travailleurs de l'amiante de partir de façon anticipée à la retraite, en compensant la perte éventuelle des droits à la retraite qu'ils peuvent subir, découlant d'un risque d'espérance de vie plus courte en raison de l'inhalation de fibres d'amiante ; que seuls peuvent prétendre au versement de cette prestation, les salariés travaillant ou ayant travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où l'amiante et des matériaux contenant de l'amiante étaient fabriqués et ou traités ; que de même, il est de jurisprudence désormais constante, que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque ; qu'il en résulte que, sauf dans le cadre de la pris en charge d'une maladie professionnelle découlant d'une exposition à l'amiante, un salarié exposé à l'amiante dans une entreprise non listée ACAATA ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété qui recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques résultant d'une exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur ; qu'en l'espèce, M. [G] [S] ne conteste pas le fait qu'EDF ne soit pas classée ACAATA mais soutient que cette situation crée une inégalité de traitement en sa défaveur dans la mesure où, bien qu'exposé à l'amiante comme les salariés qui travaillaient dans un établissement listé ACAATA, il ne peut pas, à la différence de ceux-ci, être indemnisé de son préjudice d'anxiété ; qu'il maintient sa demande en réparation du préjudice d'anxiété et du préjudice résultant d'une exposition fautive à l'amiante (pages 9 et 80 de ses conclusions reprises oralement à l'audience) sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle ? article 1147 du code civil pris dans numérotation ancienne ? et sur les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail ; qu'il soutient que ce préjudice est d'autant plus établi qu'en 2013, sur les 115 victimes de l'amiante qui avaient été employées au sein de la centrale d'[Localité 1], 33 sont décédés des suites d'une maladie professionnelle liée à ce matériau ; qu'il affirme que la faute de l'employeur au regard du manquement à l'obligation de sécurité de résultat se caractérise : - d'une part, par une méconnaissance des mesures réglementaires sur l'hygiène et la sécurité qui a eu pour effet de l'exposer à un risque d'inhalation des poussières d'amiante, sans mise en oeuvre effective par l'employeur des moyens de protection adaptés pour supprimer ou réduire ce risque ; - d'autre part, par un défaut d'information sur les risques encourus alors que l'information était rendue obligatoire pour les entreprises utilisatrices d'amiante depuis le décret du 17 août 1977 ; qu'il ajoute que la société EDF, du fait de son activité, ne pouvait ignorer la présence d'amiante sur le lieu de travail de ses salariés et était particulièrement avertie des dispositions légales et de l'état des connaissances scientifiques sur les graves maladies provoquées par ce matériau et ce, dès son embauche ; que cependant : dès lors qu'il a déjà été rappelé aux termes d'une jurisprudence constante : - que d'une part, le préjudice dit d'anxiété recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques et/ou les troubles dans les conditions d'existence nés de l'exposition à l'amiante ; que d'autre part, que la réparation de ce préjudice « spécifique » est réservée aux salariés ayant travaillé dans des entreprises listées ACAATA ; que par ailleurs, M. [G] [S] n'a jamais été employé par une telle entreprise ; qu'en outre, pour être mise en oeuvre la responsabilité contractuelle de droit commun impose, notamment la démonstration d'un préjudice réparable ; qu'enfin, M. [G] [S] invoque vainement le principe d'égalité de traitement qui ne peut se concevoir qu'entre salariés placés dans une situation identique ou similaire ce qui n'est précisément pas le cas des salariés ayant travaillé pour le compte d'une entreprise listées à l'ACAATA et de ceux dont l'employeur ne figure pas sur cette liste ; que l'intimé doit être débouté de sa demande d'indemnisation du préjudice qu'il qualifiait d'exposition en première instance et d'anxiété devant la cour ; que le jugement est donc infirmé ;

1) ALORS QUE le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir en réparation de son préjudice d'anxiété contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [G] [S] de sa demande en réparation de son préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé qu'un salarié exposé à l'amiante dans une entreprise non listée ACAATA ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété, cette indemnisation étant réservée aux salariés ayant travaillé dans des entreprises listées ACAATA et que tel n'était pas le cas du demandeur, ancien salarié d'EDF, entreprise non inscrite sur la liste ministérielle des établissements ouvrant droit à ce dispositif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 ;

2) ALORS QU'en supposant que tel est le sens des motifs, les juges du fond sont tenus de motiver leur décision et ne peuvent ni statuer par simple affirmation, ni débouter une partie de ses demandes, sans analyser, ni même viser, les pièces sur lesquelles ils fondent leur décision ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [G] [S] de sa demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé que la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle de droit commun imposait la démonstration d'un préjudice réparable ; qu'en statuant ainsi, par voie d'affirmation générale, sans analyser, fût-ce sommairement, ni même mentionner, les éléments de preuve produits par le salarié et dont il se prévalait expressément dans ses conclusions, notamment les attestations de proches, pour justifier de l'angoisse ressentie du fait de son exposition à l'inhalation de fibres d'amiante, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. [G] [S] de sa demande tendant à la remise d'une attestation d'exposition à l'amiante ;

AUX MOTIFS QUE la société EDF s'oppose à la remise des attestations d'exposition aux agents CMR et agents chimiques dangereux au motif que le salarié était parti à la retraite avant l'établissement de la réglementation applicable en l'espèce et que de surcroit, il s'abstiendrait de rapporter la preuve qu'il a été exposé aux produits litigieux ; que Monsieur [G] [S], retraité depuis le 15 juin 1995, maintient sa demande formée contre EDF de remise des attestations d'exposition aux agents chimiques dangereux et aux CMR au motif qu'il incombe à l'employeur d'assurer la traçabilité des expositions aux agents chimiques dangereux, et ou agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction ; qu'il précise que cette obligation relève de l'obligation générale de sécurité prévue par les dispositions de l'article L. 4121-1 et suivants du code du travail, dont l'employeur ne peut s'exonérer s'agissant, d'un principe général de prévention ; qu'il fonde sa demande sur les articles : D. 461-25 du code de la sécurité sociale qui prévoit que : 'La personne qui au cours de son activité salariée a été exposée à des agents cancérogènes figurant dans les tableaux visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ou au sens de l'article R. 231-56 du code du travail et de l'article 1er du Décret du 2 octobre 1986, peut demander, si elle est inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, à bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou l'organisation spéciale de la sécurité sociale. (...) Cette surveillance est accordée par l'organisme mentionné à l'alinéa précédent sur production par l'intéressé d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail' ; R. 4412-58 du code du travail pris dans sa rédaction antérieure au 30 janvier 2012 ; qu'il conteste que la remise de ces attestations soit subordonnée à la preuve de l'exposition à ces substances par le salarié ; qu'il ajoute que diverses notes internes à EDF GDF rappelaient l'obligation de délivrer systématiquement des attestations d'exposition à un risque cancérogène à tout salarié, ayant occupé un emploi faisant partie de la liste des emplois exposés et qu'en tout état de cause, la société employeur ne peut se retrancher derrière l'absence d'outil d'information alors qu'elle dispose d'une matrice intitulée « MATEX » pouvant retracer toutes les expositions, poste par poste ; que l'attestation d'exposition a pour seul objet la prise en charge financière par les organismes de sécurité sociale de la surveillance médicale post professionnelle des salariés ; que sa production permet ainsi : - de faire procéder à des examens médicaux très réguliers sur la personne exposée afin de dépister précocement une éventuelle pathologie, - de ne pas faire supporter aux salariés le coût important de ces examens automatiquement réalisés en cas d'exposition avérée ; que l'obligation pour l'employeur de délivrer des attestations d'exposition s'est construite dans le code du travail de la façon suivante : * le décret du 26 mars 1993, complété par son arrêté d'application du 28 février 1995, publié au Journal Officiel le 22 mars 1995, a créé l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale ainsi rédigé : 'La personne qui au cours de son activité salariée a été exposée à des agents cancérogènes au sens de l'article R. 231-56 du code du travail et de l'article 1er du décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986 peut demander, si elle est inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, à bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou l'organisation spéciale de sécurité sociale. Les dépenses correspondantes sont imputées sur le fonds d'action sanitaire et sociale. Cette surveillance post professionnelle est accordée par l'organisme mentionné à l'alinéa précédent sur production par l'intéressé d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail. Le modèle type d'attestation d'exposition et les modalités d'examen sont fixés par arrêté' ; * le décret du 4 janvier 1995 a élargi le champ d'application du texte aux situations d'exposition aux agents cancérogènes figurant dans les tableaux de maladie professionnelle visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ; * le décret du 1er février 2001, publié le 3 février 2001, au Journal Officiel, a établi les règles particulières de prévention des risques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction en créant dans le code du travail, l'article R. 231-56-11 (ancienne numérotation) imposant à l'employeur notamment de délivrer au salarié une attestation d'exposition aux produits cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ; * le décret du 23 décembre 2003, publié le 28 décembre 2003 au Journal Officiel, entré en vigueur le 1er juillet 2004 - premier jour du septième mois suivant la publication du présent décret au Journal Officiel - relatif à la prévention du risque chimique a étendu la délivrance de l'attestation aux agents chimiques dangereux, obligation reprise par l'article R. 4412-58 du code du travail après sa recodification qui prévoyait que 'une attestation d'exposition aux produits chimiques dangereux mentionnées à l'article R. 4412-40, remplie par l'employeur et le médecin du travail, est remise au travailleur à son départ de l'établissement, quel qu'en soit le motif' ; * le décret du 30 janvier 2012, publié au Journal Officiel le 31 janvier 2012, entré en vigueur le 1er février 2012, tirant les conséquences de la création de la fiche prévue à l'article L. 4121-3-1 du code du travail a abrogé les articles R. 4412-58 et R. 4412-40 à R. 4412-43 du même code et a prévu en son article 4 que 'l'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux établie pour l'application de l'article R. 4412-58 jusqu'à la date d'entrée en vigueur du présent décret est remise au travailleur à son départ de l'établissement' ; qu'il en résulte que sur le fondement de l'article 2 du code civil selon lequel 'la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif', les attestations ne peuvent être délivrées qu'aux salariés ayant quitté l'entreprise à compter du 22 mars 1995 pour les agents cancérogènes (qui ont pris ensuite la dénomination d'agents CMR) et du 1er juillet 2004 pour les agents chimiques dangereux ; que * pour la remise d'exposition aux agents chimiques dangereux, Monsieur [G] [S] a été placé en inactivité avant le 1er juillet 2004, soit avant l'entrée en vigueur du texte imposant la délivrance de cette attestation ; que par application du principe de non-rétroactivité de la loi, il convient de le débouter de sa demande de remise d'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux et de confirmer le jugement attaqué ; que * pour la remise d'exposition aux agents CMR, comme rappelé précédemment, l'obligation pour l'employeur ?dont le salarié est exposé à des agents cancérogènes? de remettre une attestation au salarié, notamment lorsqu'il part à la retraite, a été instaurée par le décret du 26 mars 1993, complété par l'arrêté du 28 février 1995 qui est devenue opposable à l'employeur le 22 mars 1995 ; qu'en l'espèce, les pièces versées aux débats démontrent que : dès le mois de décembre 1990, le service général de médecine du travail interne à EDF a annoncé la création d'une projet pour l'évaluation des expositions professionnelles, utilisable pour des études épidémiologiques à EDFGDF qui s'appuyait sur deux instruments : - une matrice d'emplois/expositions dite MATEX spécifique à EDF, une fiche individuelle dite FINDEX qui permettrait un suivi des expositions professionnelles ; * le 26 juin 1996, le département de protection sociale d'EDF a prévu, par une note diffusée à l'ensemble de ses établissements les modalités de remise de l'attestation aux produits cancérogènes et un schéma pour le traitement des demandes antérieures au 1er janvier 1995 ; * le 18 juin 1998, la direction a demandé un recensement des produits et matériaux dangereux pour la fin de l'année ; * courant août 2006, le service de médecine du travail interne à EDF a réalisé une analyse sur vingt ans de la mortalité des travailleurs et ex-travailleurs d'EDF-GDF en utilisant les fichiers MATEX et FINDEX qui ont permis de déterminer tous les métiers exercés à EDFGDF et d'avoir des informations sur 27 substances chimiques utilisées dans l'entreprise dont certaines avaient des effets cancérogènes avérés ou supposés ; * à partir de ces documents, EDF a déterminé pour chaque métier et chaque substance, selon les différentes périodes d'emploi, des indices d'exposition ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que dès 1990, la société était consciente de l'exposition à des produits cancérogènes et que par la suite, elle a élaboré plusieurs notes pour maîtriser ces risques et déterminée une méthode pour la délivrance des attestations d'exposition notamment pour la période d'exposition antérieure à 1995 ; que compte tenu des postes occupés par M. [G] [S], parti en retraite après le 22 mars 1995 et de ses périodes d'emploi : - rondier et chef d'équipe , du 7 décembre 1967 au 15 juin 1995, sur la centrale et mine d'[Localité 1], le croisement des différentes pièces produites et citées cidessus, - fichiers MATEX et FINDEX, détermination des métiers exposés et fiches de poste ? permet de présumer l'exposition de l'intimé aux produits cancérogènes et/ou chimiques pour lesquels il demande des attestations ; que la société EDF ne rapporte aucune preuve contraire ; qu'il en découle que cette dernière, était tenue de lui remettre les attestations visées ci-dessus, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'il convient en conséquence de condamner la SA EDF à lui remettre l'attestation d'exposition à des agents cancérogènes prévue par l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale ; le tout dans un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision et passé de ce délai sous astreinte provisoire de 25 ? par jour de retard pendant trois mois ; que le jugement attaqué est donc confirmé ;

AUX MOTIFS ENCORE QUE sur la remise des attestations d'exposition à l'amiante, si M. [G] [S] sollicite l'infirmation du jugement attaqué, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de remise des attestations d'exposition à l'amiante, et aux agents chimiques dangereux, en revanche il ne réclame aux termes de ses dernières conclusions reprises oralement à l'audience, que la délivrance des « attestations d'exposition aux agents chimiques dangereux » (pages 5, 6, 80 de ses conclusions) ; qu'il en résulte donc qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de remise des attestations d'exposition à l'amiante ;

ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE sur le fondement de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale et de l'ancien R. 4412-58 du code du travail, M. [G] [S] sollicite de voir ordonner à la SA EDF la remise des attestations d'exposition à l'amiante, aux agents CMR et agents chimiques dangereux ; que l'article R. 4412-58 du code du travail prévoyait qu' « une attestation d'exposition aux produits chimiques dangereux mentionnées à l'article R. 4412-40, remplie par l'employeur et le médecin du travail, est remise au travailleur à son départ de l'établissement, quel qu'en soit le motif » ; que cet article et d'ailleurs les articles R. 4412-20 à R. 4412-43 du même code ont été abrogés par le décret du 30 janvier 2012 tirant les conséquences de la création de la fiche prévue à l'article L. 4121-3-1 du code du travail ; que ce décret prévoit en son article 4 que « l'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux établie pour l'application de l'article R. 4412-58 jusqu'à la date d'entrée en vigueur du présent décret est remise au travailleur à son départ de l'établissement » ; que ce texte est entré en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel intervenue le 31/01/2012, soit le 1er février 2012 ; qu'il en résulte que pour les expositions antérieures au 1er février 2012, l'employeur est tenu de remettre à son salarié l'attestation d'exposition aux produits chimiques dangereux ; que s'il va de soi que cette attestation ne peut être exigée que pour la période postérieure à sa date de création par le législateur, le fait que cette obligation n'ait pas existé dès la signature du contrat de travail est sans incidence sur son application à l'employeur ; qu'il appartient à l'employeur de délivrer les attestations conformément aux textes en vigueur au départ du salarié ; que l'obligation de délivrer une attestation d'exposition a été prévue par le décret du 1er février 2001 introduisant l'article R. 231-56-11 (ancienne numérotation) dans le code du travail et prévoyant la remise par l'employeur d'une attestation d'exposition aux produits cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ; que le décret du 23 décembre 2003 a ensuite étendu la délivrance de l'attestation aux agents chimiques dangereux, obligation désormais reprise par l'article R. 4442-58 du code du travail après sa recodification ; que l'obligation de remise de l'attestation d'exposition prévue au code du travail est donc opposable aux employeurs à compter du 03 février 2001, date de la publication au JO du décret ; que par ailleurs en ce qui concerne l'attestation d'exposition à l'amiante qu'il convient de constater que par un décret du 7 février 1996 et son arrêté d'application du 6 décembre 1996 applicable dans les établissements relevant de l'article 231- du code du travail et pour les activités et interventions sur des matériaux ou appareils susceptibles de libérer des fibres d'amiante, définies comme des activités et interventions dont la finalité n'est pas de traite de l'amiante mais qui sont susceptibles de provoquer l'émission de fibres d'amiante, l'établissement et la remise d'une fiche d'exposition à l'amiante au salarié ont été prévus ; que ces dispositions étaient bien applicables aux activités d'EDF ; que par un décret du 30 juin 2006 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante et modifiant le code du travail, les obligations contenues dans le décret précité ont été codifiés dans les anciens l'articles R. 231-10 et 11 du code du travail ; qu'à compter de la publication au JO soit le 01/07/2006, il était donc prévu la remise d'une attestation d'exposition et plus d'une fiche ; que M. [G] [S] ayant été placé en inactivité le 16/06/1995, aucun des textes visés ci-dessus n'était encore applicable ; qu'en application du principe de non rétroactivité des lois, M. [G] [S] n'est donc pas recevable à exiger la remise par son ancien employeur de ces deux attestations ; qu'il convient par conséquent de le débouter de cette demande ; qu'en revanche, selon l'article D. 461-25 de la sécurité sociale, « la personne qui au cours de son activité salariée a été exposée à des agents cancérogènes figurant dans les tableaux visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ou au sens de l'article R. 231-56 du code du travail et de l'article 1er du décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986 peut demander, si elle est inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, à bénéficier d'une surveillance médicale post-professionnelle prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou l'organisation spéciale de sécurité sociale. (...) Cette surveillance post-professionnelle est accordée par l'organisme mentionné à l'alinéa précédent sur production par l'intéressé d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail » ; que l'obligation pour l'employeur dont le salarié est exposé à des agents cancérogènes de remettre une attestation à son salarié, notamment lorsqu'il est à la retraite, a été instaurée par un décret du 26 mars 1993, renvoyant à un arrêté les conditions de rédaction de cette attestation ; que l'arrêté du 28 février 1995 est venu fixer un modèle type d'attestation et a déterminé en son annexe 1 les informations devant y figurer ; que cette obligation est donc opposable aux employeurs depuis le 22/03/1995, date de publication au JO de l'arrêté ; qu'à cet effet, par une note du 26/06/1996, le département de protection sociale d'EDF a prévu les modalités de remise de l'attestation aux produits cancérogènes et un schéma pour le traitement des demandes antérieures au 1er janvier 1995 ; que par une note de la direction du 18/06/1996, le département de protection sociale d'EDF a prévu les modalités de remise de l'attestation aux produits cancérogènes et un schéma pour le traitement des demandes antérieures au 1er janvier 1995 ; que par une note de la direction du 18/06/1998, il était demandé un recensement des produits et matériaux dangereux pour la fin de l'année ; que par ailleurs dès le mois de décembre 1990, le service général de médecine du travail interne à EDF, annonçait la création d'un projet pour l'évaluation des expositions professionnelles, utilisable pour des études épidémiologiques à EDF-GDF ; que ce projet s'appuie sur deux instruments : - une matrice d'emplois/expositions dite MATEX spécifique à EDF, - une fiche individuelle d'exposition dite FINDEX qui permettrait un suivi permanent des expositions professionnelles, que courant août 2006, le service de médecine du travail interne à EDF a réalisé une analyse sur vingt ans de la mortalité des travailleurs et ex-travailleurs d'EDF-GDF ; que cette étude s'est servie notamment, des outils précités ; qu'ainsi à partir de la base matex, ils ont pu déterminer tous les métiers exercés à EDF-GDF et avoir des informations sur 27 substances chimiques utilisées dans l'entreprise dont certaines ont des effets cancérogènes avérés ou supposés ; qu'il en résulte qu'à partir de ces documents, il est possible de déterminer pour chaque métier et chaque substance, selon différentes périodes d'emploi, des indices d'exposition ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que de manière générale les salariés d'EDF GDF ont été exposés à des produits cancérogènes et/ou chimiques ; que la société en est d'ailleurs consciente puisque sa direction a élaboré plusieurs notes pour maîtriser ce risque chimique et déterminer une méthode pour la délivrance des attestations d'exposition notamment pour la période d'exposition antérieure à 1995 ; que de façon particulière, il convient de constater que compte tenu des emplois exercés par M. [G] [S] et des dates auxquelles ils ont été exercés, les différentes pièces produites et citées ci-dessus permettent de présumer une exposition de celui-ci à des produits cancérogènes et notamment à l'amiante ; que la SA EDF ne produit aucune pièce permettant d'écarter pour M. [G] [S], notamment compte tenu de sa période d'emploi ou des postes occupé, cette présomption ; qu'enfin l'inactivité de M. [G] [S] date de juin 1995 soi postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ensemble des textes visés ci-dessus ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater que M. [G] [S] a démontré que son employeur était tenu de lui remettre l'attestation d'exposition aux agents cancérogènes ; qu'il convient par conséquent de condamner la SA EDF à remettre à M. [G] [S] l'attestation d'exposition à des agents cancérogènes prévue par l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, le tout dans un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision et passé ce délai sous astreinte de 25 ? par jour de retard ;

1) ALORS QUE l'amiante figure dans les tableaux visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale et constitue donc un agent cancérogène au sens de l'article D. 461-25 du même code, de sorte qu'une attestation doit être délivrée par l'employeur à l'ancien salarié exposé à cette substance aux fins de lui faire bénéficier d'une surveillance médicale renforcée ; que le salarié exposé à l'inhalation de fibres d'amiante qui demande la délivrance d'une attestation d'exposition aux agents cancérogènes demande donc implicitement mais nécessairement une attestation d'exposition à l'amiante; qu'en l'espèce, l'employeur ayant été condamné en première instance à remettre au salarié une attestation d'exposition aux agents cancérogènes conforme à l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, motifs pris de son exposition à de tels produits « et notamment à l'amiante » (jugement page 15 § 8), le salarié demandait en cause d'appel la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait ordonné la remise d'une attestation d'exposition aux agents cancérogènes mais l'infirmation du jugement en ce qu'il avait débouté de sa demande tendant à se voir remettre une attestation d'exposition à l'amiante ; que pour confirmer néanmoins le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'attestation d'exposition à l'amiante, la cour d'appel a énoncé que s'il demandait l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'avait débouté de cette demande, il ne demandait pas la condamnation de son ancien employeur à lui délivrer cette attestation; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE subsidiairement, après avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société EDF à remettre au salarié une attestation d'exposition à des agents cancérogènes, motifs pris de son exposition à de tels produits « et notamment à l'amiante » (jugement page 15 § 8), la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'attestation d'exposition à l'amiante ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-14948
Date de la décision : 02/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 08 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 jui. 2021, pourvoi n°19-14948


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.14948
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