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27/05/2021 | FRANCE | N°20-23287

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 27 mai 2021, 20-23287


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 491 FS-P

Pourvoi n° A 20-23.287

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MAI 2021

M. [R] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-23.

287 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre civile A), dans le litige l'opposant à la commune de Tresque...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 491 FS-P

Pourvoi n° A 20-23.287

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MAI 2021

M. [R] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-23.287 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre civile A), dans le litige l'opposant à la commune de Tresques, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [L], de Me Haas, avocat de la commune de Tresques, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Boyer, conseillers, Mmes Georget, Renard, M. Zedda, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 novembre 2020), le 3 septembre 2011, M. [L], propriétaire d'un domaine viticole situé sur le territoire de la commune de Tresques, a déposé une demande de permis de construire en vue de l'édification d'une maison à usage d'habitation.

2. Par un arrêté du 30 mars 2012, le maire de [Localité 1] a refusé de délivrer le permis sollicité.

3. Par un jugement du 21 décembre 2012, le tribunal administratif a annulé cet arrêté.

4. Le 2 janvier 2013, M. [L] a confirmé sa demande de permis de construire sur le fondement de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme.

5. Par un arrêt du 19 décembre 2014, la cour administrative d'appel a, sur l'appel de la commune de Tresques, annulé le jugement du 21 décembre 2012.

6. M. [L] ayant construit sa maison dans le courant de l'année 2013, la commune de Tresques l'a assigné en démolition sur le fondement de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

8. Aux termes du premier de ces textes, lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative.

9. Il résulte des deux derniers que, s'il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de statuer sur l'action d'une commune tendant, sur le fondement de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, à la démolition d'une construction irrégulièrement édifiée sur une propriété privée, il appartient à la juridiction administrative de statuer sur l'existence d'un permis de construire tacite, conformément auquel la construction aurait été édifiée, né du silence gardé par l'administration à l'expiration du délai d'instruction de la confirmation de la demande de permis de construire formée par le pétitionnaire sur le fondement de l'article 600-2 du code de l'urbanisme, avant que le jugement d'annulation de la décision qui a refusé de délivrer le permis de construire ne soit définitif.

10. Pour accueillir la demande en démolition, l'arrêt retient qu'il se déduit de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme que la confirmation de la demande de permis de construire sur le fondement de ces dispositions doit intervenir dans les six mois suivant la notification de la décision qui confère un caractère définitif à l'annulation du refus de permis de construire, que M. [L] était irrecevable en sa demande présentée le 2 janvier 2013 puisque, à cette date, la décision du tribunal administratif n'était pas définitive et que, dès lors, il n'était pas titulaire d'un permis de construire tacite lorsqu'il a procédé aux travaux de construction de sa maison dans le courant de l'année 2013, sa demande irrecevable n'ayant pu faire courir le délai à l'issue duquel, en l'absence de refus de l'administration, le pétitionnaire est de plein droit titulaire d'un permis tacite.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

Condamne la commune de Tresques aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [L]

Monsieur [R] [L] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamné à procéder à la démolition de sa maison à usage d'habitation sise à [Adresse 3], construite sans permis de construire, sous astreinte de 200 euros par jour de retard en cas d'inexécution passé le délai de quatre mois suivant la signification de sa décision et, partant, d'avoir dit qu'il n'est pas fondé en sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Alors, d'une part, que selon l'article L 600-2 du code de l'urbanisme « lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire » ; que ce texte, dont il résulte que la demande de permis de construire ayant donné lieu à une décision de refus annulée par le juge administratif, à condition qu'elle soit confirmée dans les six mois suivant la notification de l'annulation et que cette annulation soit devenue définitive, ne peut pas donner lieu à un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la décision de refus, impose ainsi au pétitionnaire, pour pouvoir se prémunir contre un nouveau refus de permis de construire qui serait fondé sur une modification des dispositions d'urbanisme, de confirmer sa demande dans ce délai de six mois ; que si le pétitionnaire doit par ailleurs confirmer sa demande afin de faire courir un nouveau délai de nature à faire naitre une autorisation tacite, il n'est pas soumis, à cet égard, à la condition de délai précitée ; que lorsqu'il tire les conséquences d'une décision d'annulation d'un refus de permis de construire et confirme sa demande, cette confirmation fait courir le délai de trois mois prévu à l'article R 423-23 du code de l'urbanisme à l'issue duquel, selon l'article R 424-1 du même code, le silence conservé par l'autorité administrative vaut permis de construire tacite, peu important qu'elle n'ait pas été formée à l'intérieur du délai de six mois précité ; qu'en considérant que la confirmation de la demande de permis de construire formulée par Monsieur [L] le 2 janvier 2013 était prématurée, au regard de l'article L 600-2 du code de l'urbanisme, et, comme telle, irrecevable et insusceptible de pouvoir donner naissance à un permis de construire tacite en application des articles R 423-23 et R 424-1 du même code, la Cour d'appel a violé l'article L 600-2 du code de l'urbanisme, ensemble les articles R 423-23 et R 424-1 du même code ;

Alors, d'autre part, subsidiairement, que selon l'article L 600-2 du code de l'urbanisme « lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire » ; que ce texte, dont il résulte que la demande de permis de construire ayant donné lieu à une décision de refus annulée par le juge administratif, à condition qu'elle soit confirmée dans les six mois suivant la notification de l'annulation et que cette annulation soit devenue définitive, ne peut pas donner lieu à un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la décision de refus, n'impose pas au pétitionnaire de ne confirmer sa demande, en cas d'appel d'un jugement d'annulation, qu'après que celui-ci soit devenu définitif ; qu'en considérant que la confirmation de la demande de permis de construire formulée par Monsieur [L] le 2 janvier 2013 était prématurée, au regard de l'article L 600-2 du code de l'urbanisme, puisque le jugement rendu par le Tribunal administratif de Nîmes le 21 décembre 2012 ayant annulé le refus de permis de construire était frappé d'appel et n'était donc pas définitif et qu'étant ainsi irrecevable, elle n'avait pas pu faire courir les délais à l'issue desquels, en l'absence de refus de l'administration, le pétitionnaire est de plein droit titulaire d'un permis tacite, la Cour d'appel a violé l'article L 600-2 précité du code de l'urbanisme, ensemble les articles R 423-23 et R 424-1 du même code ;

Alors, de troisième part, que l'article L 480-14 du code de l'urbanisme, en tant qu'il prévoit que les communes et établissements public de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme peuvent saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé, en particulier, sans permis de construire, ne saurait, sans porter une atteinte excessive au droit de propriété, être interprété comme autorisant la démolition d'un tel ouvrage lorsque le juge peut, en application de ce texte, ordonner à la place sa mise en conformité et que celle-ci est acceptée par le propriétaire ; qu'en ordonnant la démolition de la maison d'habitation de Monsieur [L] sans rechercher s'il n'était pas possible d'ordonner à la place la mise en conformité de cette construction, la Cour d'appel a violé l'article L 480-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction, applicable en la cause, résultant de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

Alors, de quatrième part, qu'en relevant, que « les travaux de construction ayant été réalisés sans autorisation et la commune ayant agi dans le délai de 10 ans de la réalisation de cet ouvrage, la sanction de la démolition sollicitée par la commune de Tresques s'impose au juge judiciaire en application des dispositions de l'article L480-14 du code de l'urbanisme », cependant que cette sanction de la démolition ne s'impose pas aux juges du fond, qui disposent d'un pouvoir d'appréciation, en considération des circonstances de la cause, la Cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé l'article L 480-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction, applicable en la cause, résultant de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

Alors, de cinquième part, et en toute hypothèse, que toute personne a droit au respect de ses biens ; qu'en se prononçant de la sorte, quand il résulte des énonciations de l'arrêt que Monsieur [L] a accompli de très nombreuses diligences en vue d'obtenir un permis de construire, sans rechercher si la démolition de la maison d'habitation ainsi édifiée, sur la croyance légitime d'un permis de construire tacite, dont le Tribunal avait retenu l'existence, ne constituait pas, dans les circonstances de l'espèce, une sanction disproportionnée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1° du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L 480-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction, applicable en la cause, résultant de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

Et alors, enfin, et en toute hypothèse, que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile ; qu'en se prononçant de la sorte, quand il résulte des énonciations de l'arrêt que Monsieur [L] a accompli de très nombreuses diligences en vue d'obtenir un permis de construire, sans rechercher si la démolition de la maison d'habitation ainsi édifiée, sur la croyance légitime d'un permis de construire tacite, dont le Tribunal avait retenu l'existence, ne constituait pas, dans les circonstances de l'espèce, une sanction disproportionnée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L 480-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction, applicable en la cause, résultant de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Démolition d'une construction irrégulière - Compétence exclusive

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Contentieux de l'urbanisme - Applications diverses - Litige relatif à l'existence d'un permis de construire tacite SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Appréciation de la légalité, de la régularité ou de la validité - Incompétence judiciaire - Urbanisme - Permis de construire - Litige relatif à l'existence d'un permis de construire tacite

S'il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de statuer sur l'action d'une commune tendant, sur le fondement de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, à la démolition d'une construction irrégulièrement édifiée sur une propriété privée, il appartient à la juridiction administrative de statuer sur l'existence d'un permis de construire tacite, né du silence gardé par l'administration à l'expiration du délai d'instruction de la confirmation de la demande de permis de construire formée par le pétitionnaire sur le fondement de l'article 600-2 du code de l'urbanisme, avant que le jugement d'annulation de la décision qui a refusé de délivrer le permis de construire ne soit définitif


Références :

article 49, alinéa 2, du code de procédure civile

loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III.

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 05 novembre 2020


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 3e, 27 mai. 2021, pourvoi n°20-23287, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, Me Haas

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 3
Date de la décision : 27/05/2021
Date de l'import : 06/07/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20-23287
Numéro NOR : JURITEXT000043617958 ?
Numéro d'affaire : 20-23287
Numéro de décision : 32100491
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2021-05-27;20.23287 ?
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