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27/05/2021 | FRANCE | N°19-25891;19-25892;19-25893;19-25894

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 mai 2021, 19-25891 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 616 F-D

Pourvois n°
K 19-25.891
M 19-25.892
N 19-25.893
P 19-25.894 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE

, DU 27 MAI 2021

La société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [W], en qualité de liqui...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 616 F-D

Pourvois n°
K 19-25.891
M 19-25.892
N 19-25.893
P 19-25.894 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021

La société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société CL Innovation santé, a formé les pourvois n° K 19-25.891, M 19-25.892, N 19-25.893 et P 19-25.894 contre quatre arrêts rendus le 21 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à Mme [D] [D], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à M. [N] [Y], domicilié [Adresse 3],

3°/ à Mme [E] [H], domiciliée [Adresse 4],

4°/ à Mme [U] [S], domiciliée [Adresse 5],

5°/ à la société Pharmafield groupe, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], anciennement dénommée Pharmafield France,

6°/ à l'AGS CGEA [Localité 1] (association), dont le siège est [Adresse 7],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, le moyen unique identique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société BTSG, prise en la personne de M. [W], ès qualités, de la SCP Spinosi, avocat de la société Pharmafield groupe, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° K 19-25891, M 19-25892, N 19-25893 et P 19-25894 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 21 février 2019), Mme [D] et trois autres salariés de la société CL Innovation santé ont été licenciés pour motif économique le 22 octobre 2012, et ce après placement de la société en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 22 août 2012 et autorisation par ordonnance du juge-commissaire du 16 octobre 2012 de licencier deux cent trente et un salariés.
3. La société a été placée en liquidation judiciaire le 22 novembre suivant, la SCP BTSG étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le mandataire liquidateur fait grief aux arrêts de fixer au passif de la société CL Innovation santé les sommes dues aux salariés à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur ne s'étend pas aux entreprises extérieures au groupe dont il relève sauf convention ou engagement contraire ; qu'il s'ensuit qu'en retenant, pour considérer que M. [W], ès qualités, ne justifiait pas avoir rempli son obligation de reclassement sérieusement, que les réponses aux courriers de demande de reclassement adressés aux différentes entités, dont les filiales cédées à la société Pharmafield groupe, n'étaient pas produits dans leur intégralité, tandis qu'aucune explication n'était fournie sur l'issue de ces demandes, sans qu'il résulte de ses constatations que lesdites sociétés appartenaient au même groupe que l'employeur ou étaient tenues par convention ou engagement à une obligation de reclassement à l'égard des salariés de cet employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 :

5. Selon ce texte, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Cette recherche de possibilités de reclassement doit être réalisée par l'employeur, si la société fait partie d'un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

6. Pour fixer au passif de la société CL Innovation santé diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les arrêts retiennent que le liquidateur ne justifiait pas avoir rempli son obligation de reclassement sérieusement, que les réponses aux courriers de demande de reclassement adressés aux différentes entités, dont les filiales cédées à la société Pharmafield groupe, n'étaient pas produits dans leur intégralité, tandis qu'aucune explication n'était fournie sur l'issue de ces demandes.

7. En statuant ainsi, sans qu'il résulte de ses constatations que les sociétés cédées appartenaient au même groupe de reclassement que l'employeur ou étaient tenues par convention ou engagement à une obligation de reclassement à l'égard des salariés de cet employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

8. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Pharmafield groupe, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils fixent la créance des salariés au passif de la société CL Innovation santé à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les arrêts rendus le 21 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Met hors de cause la société Pharmafield groupe ;

Condamne Mme [D], M. [Y], Mmes [H] et [S] santé aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé par Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président en ayant délibéré en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen identique produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société BTSG, prise en la personne de M. [W], ès qualités.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé au passif de la société CL Innovation Santé la somme due à la salariée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE la salariée soutient qu'il y a confusion d'intérêts entre la société CL Innovation et Santé et la société Pharmafield Groupe ; qu'en conséquence la société aurait dû chercher des postes de reclassement au sein des filiales transférées ; qu'en outre, l'absence de sérieux dans la recherche de reclassement ressort selon elle de la publication d'offres d'emploi pour un contrat à durée déterminée de délégué pharmaceutique publiée le 3 juillet 2012 et de délégué médical comme de délégué pharmaceutique du 29 octobre 2012 ; qu'enfin, alors que le mandataire a précisé qu'ils avaient obtenu dans le cadre d'une recherche de reclassement externe quatre propositions, ils en ont diffusé la liste aux salariés, alors qu'il aurait dû être procédé à des offres écrites, précises, concrètes et personnalisées ; que ces sociétés ont répondu n'avoir aucun poste disponible alors que plusieurs dizaines d'offres d'emploi ont été publiées pendant la même période ; qu'ainsi le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Considérant que Me [W], es qualité, répond que les trois seules sociétés du groupe sont la Celimox, maison mère, la SFE Pharma et la Selitis, la première et la dernière ayant été placées en liquidation judiciaire en même temps que la société SNC CL Innovation Santé, alors que les fonctions de l'intéressée ne pouvaient être exercées au sein de ces entités, dont l'objet était pour la première, une activité de holding, pour la deuxième une activité de soutien aux entreprises et pour la troisième du placement de main d'oeuvre ; qu'au surplus, ajoute-t-il, ces sociétés ont répondu négativement à la demande de reclassement en leur sein formée par le liquidateur. En application de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient, sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; Considérant que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein le cas échéant, du groupe auquel l'entreprise appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; Considérant que l'employeur ne répond pas à l'argument pertinent de la salariée, selon lesquels des offres d'emploi en contrat à durée déterminée ont été diffusées par la société SNC CL Innovation Santé quasiment au moment de la rupture, sans avoir été proposées à Mme [D] [D] ; qu'en particulier il n'explique pas comment de telles offres si proches de la rupture intervenue en octobre 2012 pouvaient ne pas être connues au moment de cette dernière, à raison notamment de leur motif de recours ; que de multiples demandes de reclassement ont été faites selon une liste établie par l'administrateur judiciaire auprès des diverses sociétés et notamment des filiales qui ont été cédées à la société Pharmafield Groupe ; que la société SNC CL Innovation Santé ne produit pas le livre d'entrée et de sortie du personnel pour la période comprise entre le 1er janvier 2012 et le 30 avril 2013 ; que la société SNC CL Innovation Santé laisse dans le doute la question de savoir si ces sociétés constituaient avec elle un groupe au sens de l'obligation de reclassement ; que les réponses aux courriers de demande de reclassement adressés aux différentes entités, ne sont pas produits dans leur intégralité, tandis qu'aucune explication n'est fournie sur l'issue de ces demandes ; que, dans ces conditions, Me [W], ès qualités, ne justifie pas avoir rempli son obligation de reclassement sérieusement et c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé la rupture dénuée de cause réelle et sérieuse (arrêt p. 5 et 6) ;

1) ALORS QUE la cour d'appel a elle-même constaté que Maître [H] [W], ès qualités, en réponse à l'argumentation de la salariée sur les recherches de reclassement, avait indiqué « que les trois seules sociétés du groupe sont la Celimox, maison mère, la SFE Pharma et la Selitis, la première et la dernière ayant été placées en liquidation judiciaire en même temps que la société SNC CL Innovation Santé » ; qu'en considérant pourtant que la société CL Innovation Santé laissait dans le doute la question de savoir si les sociétés, dont les filiales cédées à la société Pharmafield Groupe, à qui avaient été adressées de multiples demandes de reclassement, constituaient avec elle un groupe au sens de l'obligation de reclassement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QU' en toute hypothèse, il appartient au juge, en cas de contestation sur la consistance ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la salariée n'a nullement contesté le périmètre du groupe de reclassement, se bornant à prétendre que Maître [H] [W] ès qualités était tenu à une obligation de reclassement externe à l'égard notamment des filiales cédées ; qu'en se bornant à considérer que la société CL Innovation Santé laissait dans le doute la question de savoir si les sociétés, dont les filiales cédées à la société Pharmafield Groupe, à qui avaient été adressées de multiples demandes de reclassement, constituaient avec elle un groupe au sens de l'obligation de reclassement, sans préciser elle-même le périmètre du groupe de reclassement, au vu des éléments fournis par les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

3) ALORS QUE l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur ne s'étend pas aux entreprises extérieures au groupe dont il relève sauf convention ou engagement contraire ; qu'il s'ensuit qu'en retenant, pour considérer que Maître [W], ès qualités, ne justifiait pas avoir rempli son obligation de reclassement sérieusement, que les réponses aux courriers de demande de reclassement adressés aux différentes entités, dont les filiales cédées à la société Pharmafield Groupe, n'étaient pas produits dans leur intégralité, tandis qu'aucune explication n'était fournie sur l'issue de ces demandes, sans qu'il résulte de ses constatations que lesdites sociétés appartenaient au même groupe que l'employeur ou étaient tenues par convention ou engagement à une obligation de reclassement à l'égard des salariés de cet employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;

4) ALORS QU' en considérant que l'employeur ne répondait pas à l'argument pertinent de la salariée, quant à la prétendue méconnaissance de l'obligation de reclassement, selon lequel des offres d'emploi en contrat à durée déterminée auraient été diffusées par la société CL Innovation Santé quasiment au moment de la rupture, sans avoir été proposées à Mme [D] [D], et qu'en particulier il n'expliquait pas comment de telles offres si proches de la rupture intervenue en octobre 2012 pouvaient ne pas être connues au moment de cette dernière, à raison notamment de leur motif de recours, sans préciser si ces offres émanaient de sociétés appartenant au même groupe que l'employeur ou étant tenues par convention ou engagement à une obligation de reclassement à l'égard des salariés de cet employeur, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-25891;19-25892;19-25893;19-25894
Date de la décision : 27/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 21 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 mai. 2021, pourvoi n°19-25891;19-25892;19-25893;19-25894


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Spinosi, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25891
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