La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2021 | FRANCE | N°19-23436

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 mai 2021, 19-23436


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 613 F-D

Pourvoi n° S 19-23.436

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021

La société STN Tefid, société par

actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société STN Groupe SAS, a formé le pourvoi n° S 19-23.436 contre l'arrê...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 613 F-D

Pourvoi n° S 19-23.436

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021

La société STN Tefid, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société STN Groupe SAS, a formé le pourvoi n° S 19-23.436 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [C] [F], épouse [V], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société STN Tefid, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [F], épouse [V], après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 juillet 2019), Mme [F] a été engagée par la société l'Union le 14 septembre 1992.

2. Elle était en dernier lieu salariée de la société STN Groupe, aux droits de laquelle est venue la société STN Tefid, en qualité de chef d'agence.

3. Elle a été licenciée le 19 décembre 2013.

Examen des moyens

Sur le second moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la salariée diverses sommes à titre de rappel de salaire au titre de la rémunération variable, au titre des congés payés afférents, à titre d'heures supplémentaires, au titre des congés payés afférents, au titre de l'indemnité de repos compensateur ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, ''l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense'' et que le juge méconnaît les termes du litige lorsqu'il déclare incontesté un fait dont l'inexactitude est discutée ou qu'il introduit dans le litige des moyens que les parties n'avaient pas invoqués ; qu'en affirmant que dans le cadre de son appel principal, la société STN groupe n'avait pas remis en cause les sommes allouées à Mme [V] au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur ainsi qu'au titre des rappels de salaires pour rémunération variable, quand il ressortait de l'exposé des prétentions de l'employeur qu'il demandait à la cour de réformer le jugement pour le surplus et de débouter la salariée de ses demandes ainsi que de ses écritures d'appel régulièrement notifiées, qu'il réclamait qu'elle soit déboutée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, en contestant le bien fondé de ses demandes de rappels de salaire au titre de la rémunération variable, des heures supplémentaires et de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

7. Pour condamner l'employeur à verser à la salariée diverses sommes, l'arrêt retient que celui-ci ne remet pas en cause les sommes allouées à l'intéressée au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur ainsi qu'au titre du rappel de salaire pour la rémunération variable et que la salariée ne forme pas appel incident de ce chef.

8. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, l'employeur sollicitait le débouté de toutes les demandes de la salariée, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation à intervenir sur le premier moyen est sans incidence sur le chef du dispositif relatif à la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel, justifié par d'autres condamnations.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant condamné la société STN Groupe au paiement des sommes de 108 663,93 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de la rémunération variable, 10 866,39 euros bruts au titre des congés payés afférents, 24 193,65 euros bruts à titre d'heures supplémentaires, 2 419,36 euros bruts au titre des congés payés afférents, et 12 994,04 euros bruts au titre de l'indemnité de repos compensateur, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne Mme [F], épouse [V], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé par Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président en ayant délibéré en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société STN Tefid.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société STN Groupe à verser à Mme [V] les sommes de 108 663,93 ? à titre de rappel de salaire au titre de la rémunération variable, de 10 866,39 ? au titre des congés payés afférents, de 24 193,65 ? au titre des heures supplémentaires, de 2 419,36 ? au titre des congés payés afférents, de 12 994,04 ? au titre de l'indemnité de repos compensateur et de 1 500 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « dans le cadre de son appel principal, la société STN Groupe ne remet pas en cause les sommes allouées à Mme [V] au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur ainsi qu'au titre du rappel de salaire pour la rémunération variable et Mme [V] ne forme pas appel incident de ces chefs, de sorte qu'il convient de confirmer la décision déférée sur ces points non discutés à hauteur d'appel » ;

1/ ALORS QU'aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, « l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense (?) » ; que le juge méconnaît en conséquence les termes du litige lorsqu'il déclare incontesté un fait dont l'exactitude est discutée ou qu'il introduit dans le litige des moyens que les parties n'avaient pas invoqués ; qu'en affirmant que dans le cadre de son appel principal, la société STN Groupe n'aurait pas remis en cause les sommes allouées à Mme [V] au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur ainsi qu'au titre des rappels de salaires pour rémunération variable, quand il ressortait de l'exposé des prétentions de l'employeur (arrêt p. 3) qu'il demandait à la cour de réformer le jugement pour le surplus et de débouter la salariée de ses demandes, ainsi que de ses écritures d'appel régulièrement notifiées qu'il réclamait qu'elle soit déboutée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, en contestant le bien fondé de ses demandes de rappels de salaire au titre de la rémunération variable (conclusions p. 5 et s), des heures supplémentaires (p. 8 et s) et de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos (p. 11), la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

2/ ALORS QUE les juges ont l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui leur est soumis ; que pour confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils avaient accordé à Mme [V] des sommes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et de la rémunération variable, la cour d'appel a retenu que la société ne remettait pas en cause ces condamnations ; qu'en statuant ainsi, alors que la société STN Groupe faisait valoir dans ses écritures que la salariée devait être déboutée de ses demandes de rappels de salaire au titre de la rémunération variable (conclusions p. 5 et s), des heures supplémentaires (p. 8 et s) et de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos (p. 11), la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé le principe susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement pour faute grave de Mme [V] était dénué de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la société STN groupe à lui verser les sommes de 23 354,80 ? à titre d'indemnité légale de licenciement, de 11 130 ? à titre d'indemnité de préavis, de 1 113 ? au titre des congés payés sur préavis, de 89 040 ? à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 500 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

AUX MOTIFS QU'« il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ; qu'aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse ;
Qu'il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ;
Qu'en l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement que la société STN Groupe a licencié Mme [V] pour faute grave en invoquant :
- la réalisation de prestations de nettoyage de locaux et de vitres non-conformes au cahier des charges ;
- un traitement défaillant des doléances des clients tant sur le terrain (manque de suivi sur site) que sur le terrain administratif ;
- les marges très faibles obtenues sur certains clients ;
- une mauvaise organisation de l'agence ;
- un mauvais approvisionnement des produits ;
- une absence de transparence sur la situation de l'agence ;
- une mauvaise gestion du personnel ;
- un nombre insuffisant d'appels d'offre décrochés ;
Que Mme [V] conteste la réalité de ces griefs ;
Qu'il ressort des éléments factuels du dossier que si la société STN Groupe produit des éléments attestant de difficultés rencontrées au sein de l'agence de [Localité 1] dirigée par Mme [V] relatives à des mécontentements de clients, il lui appartient de démontrer l'absence de suivi par celle-ci des prestations réalisées, l'absence de coordination des équipes, de réponse aux relances ou doléances des clients ou le manque de réactivité, enfin l'absence de transparence sur les difficultés rencontrées ;
Que l'audit réalisé par M. [J] en octobre 2013 qui stigmatise en effet la désorganisation de l'agence de [Localité 1] et une insatisfaction notoire des clients ne permet pas cependant de démontrer en soi que ces difficultés résulteraient des manquements reprochés à Mme [V] ;
Qu'au contraire, Mme [V] produit aux débats des éléments établissant clairement non seulement que la société STN Groupe était au courant des difficultés rencontrées mais encore qu'elle a été à l'origine de certaines de ces difficultés ;
Que Mme [V] démontre d'abord qu'au sein de l'agence, avant le rachat par la société STN Groupe, elle dirigeait la branche administrative, en sa qualité de directrice des ressources et avait sous ses ordres une assistante RH, une assistante comptable et un responsable qualité, tandis que la branche d'exploitation était dirigée par une directrice générale supervisant un responsable achats, un directeur technique, un chargé de clientèle et un directeur d'exploitation (M [V]) ayant sous ses ordres trois chefs de site ;
Qu'après le rachat, il apparaît que Mme [V] est devenue directrice de l'agence et s'est ainsi vue confier la gestion et l'organisation générale de l'agence et la responsabilité de l'ensemble des activités de cette dernière, tout en conservant la gestion du personnel avec l'aide de deux assistantes administratives et que le poste de responsable qualité a été rapidement supprimé ainsi que ceux de responsable achats, de directeur technique et de chargé de clientèle ;
Que par ailleurs, la société STN Groupe ne conteste pas qu'elle a absorbé une autre agence du groupe située à [Localité 2], puis 4 nouvelles entreprises du groupe situées à [Localité 3], elle ne verse aucun élément permettant de contredire les éléments produits par Mme [V] quant à l'insuffisance des moyens humains, matériels et financiers pour faire face à ces clients, alors qu'en décembre 2012, l'agence qu'elle dirigeait comprenait 920 chantiers sur lesquels travaillaient 730 salariés alors qu'auparavant l'agence sous l'enseigne L'Union gérait seulement 350 chantiers pour 316 salariés ; qu'en outre le périmètre d'intervention était ainsi élargi à 7 départements ;
Qu'ainsi, Mme [V] démontre qu'elle a mis en ?uvre tous les moyens mis à sa disposition par le siège pour effectuer les prestations de nettoyage de locaux et de vitres conformément au cahier des charges et ce alors :
- qu'il est démontré que les contrats établis par les entreprises absorbées par la société STN Groupe n'ont pas été transmis et notamment le contrat avec Casino conclu avec la société Sud Est Nettoyage ;
- que le nombre de contrats résiliés avancé par la société STN Groupe provient en grande partie des sociétés absorbées (115 sur 126 sites), les 11 sites dépendant à l'origine de L'Union correspondant à des fins de marchés ;
- que le compte bancaire de l'agence n'a jamais été suffisamment approvisionné par le siège, qui a été alerté à de nombreuses reprises par elle et M. [V] (pièces 7.4, 7.6, 7.8, 7.9 et 7.13 de l'appelante) ;
- que la société STN ne réglait pas avec régularité les factures de location de matériel et ce malgré des relances qui lui étaient adressées, ce qui a eu pour conséquence des réclamations des sociétés Adret services, Kiloutou, Ada Lyon, Paredes et Rotowash et la fin des relations avec la société AJR distribution services ;
- que les commandes de matériel étaient effectuées avec diligence mais que l'agence attendait parfois des réponses ou constatait des livraisons insuffisantes : cette pénurie de matériel est attestée par M. [P] (pièce 8.8) et M. [X] (pièce 9.7) ;
- que la direction était alertée sur les difficultés pour recruter du personnel à raison de réductions des heures et de personnel imposées par la direction ce qui rendait difficile la réalisation de certaines prestations ;
- que des réponses étaient apportées par l'agence aux mails de mécontentement de clients sur la qualité des prestations dans la mesure de ses moyens et de la répercussion qui lui était faite de ces mécontentements ;
- que concernant les prestations de vitrerie, l'agence ne disposait que de deux laveurs à temps plein ;
- que le mécontentement des clients était exacerbé par le système de facturation imposé par le siège, une facture mensuelle étant en effet émise même en cas d'absence de prestation et après validation d'une demande d'avoir, une facture régularisée adressée au client ; que par ailleurs des augmentations de tarifs étaient imposées par le siège alors que le contrat n'était pas révisable (pièce 10.2) ;
- Mme [V] démontre également que les marges très faibles réalisées sur certains chantiers ont été la conséquence du manque de moyens humains et matériels ; que ce fait explique également le rejet d'un appel d'offre produit, émanant de l'université [Établissement 1] au regard de l'absence de planning, d'une description très succincte du système qualité et de l'absence de fiches produits, enfin d'un prix élevé, au surplus, la société STN Groupe ne vient pas démontrer au-delà de ce courrier le faible taux d'appels d'offres remportés qu'elle allègue ;
Que par ailleurs, la société STN Groupe ne répond pas concernant l'embauche de chefs de site, alors que Mme [V] affirme, sans être contredite, qu'elle devait gérer à compter de décembre 2012 près de 920 chantiers avec seulement 3 chefs de site : ce point est du reste confirmé par la production de la liste du personnel de l'agence par la société STN Groupe ;
Que Mme [V] démontre également que l'ensemble de ces difficultés a été porté à la connaissance du siège mais que ni le président de la société ni le directeur général d'exploitation, qui est son frère, ne sont venus à la réunion sollicitée par Mme [V] (et son époux) en février 2013 ; que Mme [W] confirme que Mme [V] a de manière répétée alerté M. [Y] sur le manque de moyens humains (pièce 9.5) ;
Que sur la gestion de personnel, la société STN Groupe reproche par ailleurs à Mme [V] :
- de n'avoir pas su encadrer M. [V], son époux, directeur d'exploitation ;
- d'avoir autorisé de nombreux salariés à prendre des congés en juillet et août 2013 et les avoir remplacés par des CDD, entamant la marge brute d'exploitation de l'agence,
- d'avoir fait travailler des salariés sans bulletin de salaire ;
- d'avoir payé des salariés qui ne travaillaient pas ;
- de n'avoir pas réaffecté des salariés non transférés en annexe 7 suite à des chantiers perdus ;
- de n'avoir pas déclenché de procédures de licenciement à l'égard de salariés en absence injustifiée ;
- de n'avoir jamais répondu à des doléances de certains salariés ;
Que sur ces points ayant trait à la gestion du personnel, la société STN Groupe sur laquelle pèse la charge de la preuve produit sous sa pièce 9 des doléances exprimées par des salariés :
- concernant Mme [D], il apparaît que celle-ci convoquée à entretien préalable par Mme [V] et mise à pied, n'a finalement pas été licenciée mais a reçu un avertissement, cette situation posant uniquement une difficulté concernant la régularisation de la paie ;
- concernant M. [I] qui, le 28 novembre 2013, indique ne pas avoir de proposition de travail ;
- concernant Mme [S] se plaignant d'une erreur sur son salaire de juin concernant une journée décomptée à tort ;
- concernant M. [T], se plaignant dans un courrier du 23 octobre 2013 adressé à M. [Y] de divers dysfonctionnements dans la gestion de son emploi et de ses congés ;
- concernant Mme [C] qui se plaint de l'absence de reprise de son poste après visite du médecin du travail après le 16 septembre 2013 ;
- concernant Mme [R] qui se plaint de ne pas avoir de matériel sur son lieu d'intervention ;
- concernant Mme [M] qui se plaint de ne plus avoir de lieu d'affectation ;
Que ces différents courriers n'apparaissent cependant pas suffisants pour démontrer les défaillances de Mme [V] dans la gestion du personnel, alors qu'au surplus, il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas su encadrer M. [V] ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société STN Groupe ne démontre pas que les faits imputés à Mme [V] sont établis ; qu'ils ne sauraient dès lors caractériser la faute grave ; que par ailleurs, ils ne sauraient justifier par une cause réelle et sérieuse le licenciement, de sorte que le jugement déféré sera réformé de ce chef ».

1/ ALORS QU'en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs et les juges d'appel sont dès lors tenus de s'expliquer sur les motifs du jugement entrepris ; que le conseil de prud'hommes a retenu en l'espèce, pour conclure à l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, que bien que chargée, en sa qualité de chef d'agence, de la gestion, du contrôle et du suivi des ressources humaines, Mme [V] n'avait pas fait diligence sur des points importants tels que l'absence de présence à un entretien préalable, l'absence de réponse aux courriers recommandés, l'absence de procédure engagée à l'encontre de salariés en absence injustifiée ou encore les erreurs sur les éléments de paie, de sorte que le grief tiré d'une mauvaise gestion du personnel était avéré ; qu'en se contentant d'énoncer, pour exclure que ce grief puisse justifier la rupture, que les courriers produits par la société n'apparaissait pas suffisants pour démontrer la défaillance de l'intéressée, sans s'expliquer sur les motifs déterminants des premiers juges qu'elle avait décidé d'infirmer, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 954 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE la société avait invoqué (conclusions p. 37 et s.) pour illustrer la mauvaise gestion par Mme [V] du personnel placé sous ses ordres, le fait qu'elle avait laissé Mme [U] travailler sans contrat de travail, ce qui avait valu à l'entreprise une procédure devant les prud'hommes, qu'elle avait laissé Mme [H] travailler sept jours sur sept, qu'elle n'avait pas répondu aux courriers et appels de Mme [L] ou encore avait octroyé des congés payés à un nombre de salariés trop important et avait été contrainte ensuite de trouver une solution couteuse pour assurer leur remplacement ; qu'en se bornant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, à écarter les courriers de MM [I] et [T] et de Mmes [S], [C], [R] et [M], sans s'expliquer sur l'absence de contrat de travail établi pour une salariée, le fait qu'une autre ait été tenue de travailler sept jours sur sept ou encore les raisons pour lesquelles la chef d'agence ne répondait pas aux courriers recommandés et appels de ses salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1232-1 et L.1234-1 du code du travail.

3/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant, pour écarter le grief tiré de la mauvaise gestion du personnel dont Mme [V] avait la charge, que les courriers de MM [I] et [T] et de Mmes [S], [C], [R] et [M] n'étaient pas suffisants pour démontrer les défaillances de la salariée, quand la société avait également justifié (conclusions p. 37 et s. et pièces numérotées 9) de ce qu'elle avait laissé Mme [U] travailler sans contrat de travail, ce qui l'avait conduite à saisir le conseil de prud'hommes de Dole, que Mme [H] avait travaillé sept jours sur sept, ainsi qu'il ressortait de l'avenant à son contrat de travail, que Mme [L] n'avait obtenu aucune réponse à la lettre recommandée envoyée à la salariée, ni réussi à la joindre par téléphone et que Mme [V] avait octroyé des congés payés à trop de salariés en juillet et août 2013, ce qui l'avait ensuite contrainte, pour palier leur absence, à recruter des salariés en contrat précaire, générant ainsi des surcoûts inutiles pour l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-23436
Date de la décision : 27/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 04 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 mai. 2021, pourvoi n°19-23436


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23436
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award