LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 21-80.849 F-D
N° 00711
SL2
19 MAI 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 MAI 2021
M. [N] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 27 janvier 2021, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises spécialement composée de Paris sous l'accusation d'assassinats, tentatives d'assassinats et destructions aggravées, en relation avec une entreprise terroriste.
Un mémoire et des observations complémentaires en demande et des mémoires en défense ont été produits.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [N] [K], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [A] [L], [L] [L], Mmes [T] [C] et [X] [C], et de l'Union libérale israélite de France, parties civiles, et de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocats de Mme [D] [I] et l'association française des victimes du terrorisme (AFVT), parties civiles, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 12 mai 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Un attentat a été commis le 3 octobre 1980 aux abords de la synagogue de la rue Copernic à Paris. Quatre passants ont trouvé la mort et une quarantaine de personnes ont été blessées ; de nombreux dégâts matériels ont été occasionnés.
3. Il a été établi qu'une charge explosive avait été disposée sur une motocyclette, dont certains débris ont été relevés sur place.
4. Ce véhicule avait été acheté à Paris, le 23 septembre 1980, par un homme se présentant sous l'identité d'[G] [E], de nationalité chypriote, qui avait passé la nuit du 22 au 23 septembre dans un hôtel à Paris, où il avait rempli une fiche. Un homme, interpellé pour vol à Paris, le 27 septembre 1980, avait présenté un passeport chypriote à ce nom, et ce document s'est révélé faux.
5. Le 8 octobre 1981, M. [W] [M], chef des opérations spéciales du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) a été arrêté à l'aéroport [Localité 1], en provenance de Beyrouth, en possession d'un passeport authentique au nom M. [N] [K], délivré par les autorités libanaises, mentionnant des déplacements en Grèce et en Espagne, entre août et octobre 1980.
6. Il est apparu que M. [K] avait sollicité la délivrance d'un nouveau passeport auprès de la sûreté générale libanaise, ayant déclaré avoir égaré le sien en avril 1981, alors qu'il l'avait mis dans une valise, perdue à Beyrouth, lors d'un trajet en motocyclette.
7. Un procès-verbal de la brigade criminelle, dressé en novembre 1981, indique qu'un service de police étranger avait précisé détenir des informations imputant l'attentat de la rue Copernic à cinq terroristes palestiniens, dont l'un, nommé [N], ayant pour nom de code Hamer, était connu à Beyrouth.
8. Un rapport de la Direction de la Surveillance du Territoire, établi en 1999, a relevé des éléments selon lesquels l'attentat aurait été préparé à Paris par M. [Q] [O] et Mme [I] [F], arrivés respectivement d'Athènes et de Beyrouth, l'auteur de l'attentat étant M. [K], qui aurait loué la motocyclette et confectionné la bombe dans sa chambre d'hôtel, l'équipe étant venue à Paris depuis Madrid, avant de revenir dans cette ville après l'attentat.
9. En exécution d'un mandat d'arrêt délivré par le juge d'instruction, M. [K] a été interpellé le 13 novembre 2008 à Ottawa (Ontario-Canada) où il demeurait depuis1989, ayant obtenu la nationalité canadienne en 1993.
10. La procédure d'extradition a abouti à la remise de M. [K] le 15 novembre 2014, et ce dernier a été mis en examen le même jour.
11. M. [K] a nié toute implication dans les faits. Il a déclaré n'avoir jamais adhéré à un parti ou une association, n'avoir été militant d'aucune cause, ne pas s'être impliqué dans la question palestinienne - il est issu d'une famille chiite libanaise - et être opposé à toute action violente.
12. Il a affirmé qu'au début du mois d'octobre 1980, il se trouvait à Beyrouth et préparait ou passait ses examens, auxquels il avait été reçu. C'est ainsi qu'il s'était inscrit en deuxième année le 30 octobre 1980. Il a indiqué avoir conduit Mme [S] [W] à l'aéroport [Localité 2] le 28 septembre 1980, laquelle partait à Londres.
13. Quant au passeport découvert à Rome entre les mains d'un tiers, le mis en examen a indiqué se souvenir de l'avoir utilisé pour voyager en Grèce en août et jusqu'au 12 septembre 1980 avec Mme [W], et l'avoir perdu peu de temps après son retour au Liban.
14. Par ordonnance du 12 janvier 2018, les juges d'instruction co-saisis de la section anti-terroriste du tribunal judiciaire de Paris ont rendu à l'égard de M. [K] une ordonnance de non-lieu.
15. Le ministère public a interjeté appel, ainsi que plusieurs parties civiles, Mmes et MM. [D] [I], [E] [T], [X] et [T] [C], [S] et [A] [L], l'association LICRA, l'association Familles de l'attentat du DC10 d'UTA, l'association française des victimes du terrorisme et l'association Union libérale israélite de France.
Examen des moyens
Sur le sixième moyen
16. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu, a mis en accusation M. [K] des chefs d'homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire et destruction de biens par l'effet d'une substance explosive, avec préméditation et en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur et de l'avoir renvoyé devant la cour d'assises de Paris spécialement composée, alors « que les informations transmises par des services spécialisés de renseignement français et étrangers ne peuvent être utilisées que pour orienter d'éventuels actes d'investigation et ne peuvent l'être pour apprécier l'existence de charges suffisantes et pour mettre en accusation une personne en examen, que ce soit à titre d'élément à charge ou d'élément confortant un élément à charge ; qu'en retenant que les informations contenues dans les rapports de renseignement transmis par la direction de surveillance du territoire et par les services de renseignement allemands et israéliens pouvaient être utilisés pour conforter des éléments et des charges éventuelles, ou au contraire pour les infirmer, et en retenant, parmi les éléments dont la réunion lui a permis de retenir l'existence de charges suffisantes, les informations qui étaient contenues dans les rapports de la direction de surveillance du territoire et des services de renseignement israéliens selon lesquels le mis en examen était désigné comme ayant été l'auteur de l'attentat dans le cadre d'une implication au FPLP, la chambre de l'instruction a violé les articles 211 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
18. Pour infirmer l'ordonnance des juges d'instruction et ordonner la mise en accusation de M. [K] et son renvoi devant la cour d'assises, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'une information émanant d'un service de renseignement ne peut avoir pour effet d'asseoir une culpabilité, mais peut fournir des axes de recherches, et conforter des éléments et des charges éventuelles, ou au contraire les infirmer.
19. Les juges ajoutent qu'en l'espèce, les informations reçues sous cette forme, dont les sources sont incertaines, viennent conforter les autres éléments pesant sur M. [K].
20. Ils concluent que lesdits renseignements doivent s'apprécier à l'aune de certains témoignages et éléments d'enquête relatifs à l'éventuelle appartenance de la personne mise en examen au FPLP-OS.
21. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
22. En effet, si le recueil de renseignement ne peut être mis en oeuvre pour constater des infractions à la loi pénale, les informations émanant des services de renseignement, régulièrement versées dans une procédure judiciaire et soumises au débat contradictoire, peuvent être prises en compte en ce qu'elles ont guidé les investigations, bien qu'elles ne puissent, à elles seules, fonder une déclaration de culpabilité.
23. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.
Et sur les premier, troisième, quatrième et cinquième moyens
Enoncé des moyens
24. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu, a mis en accusation M. [K] des chefs d'homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire et destruction de biens par l'effet d'une substance explosive, avec préméditation et en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur et de l'avoir renvoyé devant la cour d'assises de Paris spécialement composée, alors « que pour mettre en accusation le mis en examen, l'arrêt énonce que des charges suffisantes résultent de la réunion d'éléments dont il est précisé que, pris isolément, chacun d'entre eux serait insuffisant pour justifier le renvoi ; qu'il résulte également des motifs de l'arrêt que ces éléments sont constitués des informations transmises par les services de renseignement qui désigneraient le mis en examen comme ayant commis l'attentat comme membre du FPLP-OS, de trois témoignages qui confirmeraient une implication dans le mouvement FPLP, du passeport authentique du mis en examen qui fait état d'une entrée en Espagne et d'une sortie de ce pays à des dates qui encadrent celle de l'attentat et de la circonstance que les descriptions données par les premiers témoins sont compatibles avec le physique de l'époque du mis en examen, que les portraits-robots ont permis à certains de reconnaître ce dernier, que l'écriture qui figure sur la fiche d'hôtel est compatible avec celle de l'intéressé et que l'alibi n'a pas été confirmé de façon formelle ; qu'en retenant que participent des éléments à charge dont la réunion est de nature à permettre de retenir l'existence de charges suffisantes, l'absence d'alibi, la circonstance que la description donnée par les témoins est compatible avec le physique du mis en examen et celle que son écriture est compatible avec celle de la fiche d'hôtel, quand ces éléments ne font que traduire une absence d'éléments à décharge et ne constituent pas des éléments à charge, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une contradiction de motifs quant au point de savoir si les éléments ainsi réunis suffisent à retenir des charges suffisantes et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
25. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu, a mis en accusation M. [K] des chefs d'homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire et destruction de biens par l'effet d'une substance explosive, avec préméditation et en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur et de l'avoir renvoyé devant la cour d'assises de Paris spécialement composée, alors :
« 1°/ que pour retenir que les éléments obtenus par la commission rogatoire internationale et notamment les témoignages faisant état de la présence du mis en examen au Liban au cours de ses examens universitaires et des révisions qui les avaient précédées n'étaient pas de nature à exclure que l'intéressé ait pu être l'auteur de l'attentat commis le 3 octobre 1980, l'arrêt énonce que ces éléments et témoignages ne confirment pas la présence du mis en examen au Liban « au moment de l'attentat » après avoir relevé qu'une présence au Liban en septembre ou en octobre 1980 n'empêchait pas un voyage de quelques jours à Paris ou en Espagne pour commettre l'attentat ; qu'en statuant ainsi sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire qui lui était soumis par lequel le mis en examen faisait valoir qu'il n'avait pu effectuer à l'insu des personnes ayant témoigné de sa présence au Liban fin septembre-début octobre 1980 un voyage de 17 jours en Europe entre le 20 septembre et le 7 octobre 1980, qui sont les dates retenues par les juges du fond comme étant celles entre lesquelles l'auteur de l'attentat se serait rendu en Europe pour y commettre cet attentat, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en retenant qu'un alibi pertinent ne devait concerner que le jour de l'attentat et non les jours ou semaines avoisinantes et qu'une présence au Liban en septembre ou en octobre 1980 n'empêchait pas un voyage de quelques jours à Paris ou en Espagne au tout début du mois d'octobre tout en constatant, pour caractériser l'élément à charge qu'elle qualifiait elle-même de déterminant, que le passeport du mis en examen trouvé entre les mains d'un homme suspecté d'appartenir au FPLP-OS comportait des tampons espagnols faisant état d'un voyage de 17 jours, entre le 20 septembre et le 7 octobre 1980, en Europe via l'Espagne et que ces dates encadraient celle de l'attentat, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs quant à la durée du séjour en Europe qui aurait été compatible tout à la fois avec les tampons du passeport qu'elle retenait à charge et avec la présence au Liban à cette période qui était susceptible de constituer un alibi, et a ainsi violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'après avoir énoncé dans l'exposé des faits que « les recherches dans les archives de l'université du Liban permettaient notamment de confirmer qu'au cours de l'année 1980, les épreuves avaient vraisemblablement eu lieu en septembre ou octobre sans que davantage de précisions puissent être apportée », et que « M. [C] [Y] ? se rappelait tout d'abord que les examens s'étaient déroulés en septembre ou en octobre 1980. Selon lui, les épreuves n'étaient pas terminées le 9 octobre 1980, date qui correspondait à son 20e anniversaire », puis constaté que « M. [C] [Y] a confirmé avoir passé avec M. [K] les épreuves de 1er année, qui avaient lieu selon lui en octobre "ou bien vers la fin du mois de septembre" », que M. [O] [X] avait déclaré, après avoir fixé dans les premiers temps les examens en juin ou fin mai, n'avoir gardé aucun souvenir de la date et qu'une autre étudiante, Mme [B] [V], avait également dit ne pas se souvenir de la date des épreuves « avant d'estimer qu'elles avaient sans doute eu lieu en septembre ou en octobre » (préc.), la chambre de l'instruction retient que « les auditions n'avaient pas permis de savoir quand avaient eu lieu les épreuves » pour estimer, par déduction du délai de correction des épreuves qu'il faut « en général » compter au Liban, qu'il était possible que les épreuves aient eu lieu « au début de l'été, et non au mois d'octobre » ; qu'en énonçant d'un côté le contenu des auditions de deux témoins, non contredites par le troisième témoin, faisant état d'examens vraisemblablement en septembre ou en octobre, vraisemblance de date dont elle indiquait, en outre, qu'elle avait été confirmée par les recherches dans les archives de l'université et en constatant, en même temps, que ces auditions n'avaient pas permis de savoir quand avaient eu lieu les épreuves, qu'il n'avait été retrouvé dans les archives de l'université aucune date exacte des examens et que ces épreuves avaient pu avoir lieu au début de l'été, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs contradictoires et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'il résulte de la pièce D6379 constituée d'un courrier adressé le 21 juin 2016 par le chef de la section des affaires des étudiants, le secrétaire général et le directeur de l'institut des sciences sociales de l'université [Localité 2], en réponse à la demande d'information du juge d'instruction concernant les dates d'examen en 1980 pour la première année de licence et en 1981 pour la deuxième année de licence, que « les dates des épreuves de la première année de sciences sociales ? Annexe 1 pour l'année 1980 ne sont pas disponibles dans les dossiers de l'Institut vu qu'à cette époque les examens étaient passés au mois d'octobre. Il en va ainsi pour la deuxième année de Sciences sociales Annexe 1 pour l'année 1981 » ; qu'il résulte par ailleurs des pièces relatant l'audition des témoins MM. [C] [Y] (D6423) et [F] [P] [V] (D6551) que ces derniers ont indiqué qu'il y avait eu un report des examens à raison des combats qui sévissaient à Beyrouth en juillet 1980 ; qu'en se fondant sur ces pièces D6379, D6423 et D6551 pour retenir, au motif inopérant que les dates exactes des épreuves demeuraient incertaines, qu'il n'était pas établi que la session d'examen avait été reportée en septembre ou octobre 1980, la chambre de l'instruction a tiré de ces pièces des constatations directement contraires à leur contenu, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que pour retenir qu'il n'était pas exclu que les examens aient eu lieu au début de l'été et non fin septembre ou début octobre, l'arrêt énonce qu'il serait résulté des investigations réalisées au Liban « qu'il faut en général compter un délai d'un mois et demi à deux mois entre les épreuves et la proclamation des résultats » ; qu'en se référant ainsi à la situation d'ordre « général » en la matière au Liban, la chambre de l'instruction n'a pas répondu à l'articulation essentielle du mémoire qui faisait valoir que cette session d'examen avait été reportée à raison de la guerre et des combats, ce dont il résultait que des délais de correction ne pouvaient être ceux pratiqués en règle générale et qu'il convenait de se reporter aux déclarations des témoins faisant état de leur souvenir, précisément aux déclarations de MM. [C] [Y] et de [F] [P] [V] qui indiquaient un délai d'un mois pour le premier et de deux semaines pour la seconde, et a ainsi violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
6°/ qu'en retenant « qu'il faut en général compter un délai d'un mois et demi à deux mois entre les épreuves et la proclamation des résultats » sans préciser l'origine de ces constatations, quand ces délais de correction ne sont mentionnés dans aucun élément du dossier autres que les déclarations des témoins MM. [C] [Y] et de [F] [P] [V] qui faisaient état à l'inverse d'un délai d'un mois ou de deux semaines, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
7°/ qu'après avoir écarté comme non probantes les déclarations de Mme [W] selon lesquelles le mis en examen l'avait accompagnée à l'aéroport [Localité 2] pour son départ en Angleterre qui avait eu lieu à la date, incontestée, du 28 septembre 1980, la chambre de l'instruction a retenu que la date des épreuves n'était pas certaine et s'est référée à ce titre aux déclarations des témoins notamment celles de M. [X] ; qu'ainsi que le soulignait le mis en examen dans son mémoire, il résulte de la pièce D6422 constituée du procès-verbal d'audition de M. [X] que cette dernière indiquait, accessoirement à ses déclarations sur la date des examens, que « j'ai appris, certes, le départ de Mme [W] en Angleterre, mais je ne me souviens plus de la date exacte de son départ ; j'ai appris cela par M. [N] [K] qui, à cette époque, se trouvait au Liban » ; qu'en se fondant sur les déclarations de M. [X] figurant dans cette pièce D6422 pour retenir qu'il n'était pas établi que les examens aient eu lieu fin septembre ou début octobre 1980 sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire du mis en examen au terme de laquelle il résultait de ces mêmes déclarations qu'était avérée la présence au Liban de M. [K] à l'époque du départ de Mme Nawal Copty le 28 septembre 1980, ce qui excluait le séjour en Europe entre le 20 septembre et le 7 octobre 1980, la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
26. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu, a mis en accusation M. [K] des chefs d'homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire et destruction de biens par l'effet d'une substance explosive, avec préméditation et en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur et de l'avoir renvoyé devant la cour d'assises de Paris spécialement composée, alors :
« 1°/ que pour retenir que la circonstance que M. [K] avait pu perdre son passeport courant 1981 ou en septembre 1980 n'était pas de nature à priver de sa portée l'élément à charge tiré de ce que ce passeport avait été trouvé le 8 octobre 1981 avec huit autres documents d'identité sur un homme suspecté d'appartenir au FPLP-OS et lui-même porteur d'un passeport algérien au nom de M. [Y] [P] et que figuraient alors sur le passeport de M. [K], en autres, un visa et deux tampons d'entrée et de sortie du territoire espagnol à des dates qui encadrent l'attentat, l'arrêt énonce que les visas litigieux n'auraient pas pu être délivrés par les ambassades sans que le passeport, dont la photographie n'avait pas été modifiée, ait été présenté par son titulaire, que ces visas sont antérieurs à la perte du passeport indiquée par M. [K] et qu'une perte de ce document en septembre 1980 supposait que le visa espagnol du 20 septembre 1980 aurait été accordé en quelques jours ; qu'en statuant ainsi sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire du mis en examen qui faisait valoir que ce visa et ces tampons d'entrée et de sortie du territoire espagnol avaient été identifiés à partir d'une comparaison avec les visas et tampons également espagnols qui figuraient sur le passeport algérien établi au nom de M. [Y] [P], que ces derniers visas et tampons étaient nécessairement des faux puisqu'il était acquis au regard du dossier que le passeport algérien en question figurait initialement au sein d'un lot de vrais passeports dérobés aux autorités algériennes en décembre 1980, soit une date postérieure à celle qu'indiquaient ces visas et tampons et qu'il s'agissait ainsi, que ce soit pour les tampons qui figuraient sur le passeport de M. [K] ou pour ceux qui figuraient sur le passeport algérien, de faux utilisés pour crédibiliser des faux passeports ou des passeports volés, ce dont il résultait que ces visas et tampons n'excluaient pas que le passeport ait été perdu en septembre 1980 puis utilisé à l'insu du mis en examen, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en s'abstenant de répondre à l'articulation essentielle du mémoire du mis en examen qui faisait valoir que, comme l'avaient retenu les juges d'instruction dans l'ordonnance de non-lieu, s'il avait utilisé ce passeport pour se rendre en Espagne afin de commettre l'attentat en France, M. [K] n'aurait pas indiqué une date de perte postérieure à ce voyage aux services libanais lorsque ces derniers l'interrogeaient en 1983 sur son passeport trouvé entre les mains d'une personne suspectée d'appartenir à un mouvement terroriste, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
27. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu, a mis en accusation M. [K] des chefs d'homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire et destruction de biens par l'effet d'une substance explosive, avec préméditation et en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur et de l'avoir renvoyé devant la cour d'assises de Paris spécialement composée, alors :
« 1°/ qu'en retenant des déclarations de M. [H] [D] et de son épouse Mme [U] [A] que M. [K] aurait fait partie d'une organisation palestinienne sans répondre aux articulations essentielles du mémoire du mis en examen qui faisait valoir que ces déclarations se contredisaient puisque M. [H] [D] faisait état d'une appartenance au Parti des travailleurs socialistes arabes (PTSA) qui aurait été la « vitrine légale du FPLP » alors que son épouse faisait quant à elle état d'une appartenance au FPLP, que la déclaration de M. [H] [D] était incohérente dans la mesure où, comme l'avaient attesté des spécialistes entendus comme témoins, le PTSA ne pouvait constituer qu'un groupuscule inconnu et le FPLP n'avait pas de « vitrine légale » et n'en avait pas besoin puisqu'il s'agissait à la fois d'un groupe armé et d'un mouvement politique ayant pignon sur rue, que les déclarations de Mme [U] [A] étaient tout autant incohérentes puisqu'elles situaient un engagement de Mme Nawal Copty à des dates où l'intéressée était âgée de 16 ans et vivait en Grèce et où Mme [U] [A] n'avait elle-même que 14 ans et vivait au Sénégal, que, comme l'avait relevé l'ordonnance de non-lieu, les déclarations des deux époux faisaient uniquement état d'une orientation politique sans mentionner le moindre élément concret concernant cet engagement politique et que les auditions des membres du FPLP et de leurs proches avaient toutes conduit les intéressés à déclarer qu'ils ne connaissaient personne dénommé [N] [K], la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en retenant que M. [K] aurait côtoyé « de plus ou moins près » les membres présumés du FPLP que seraient MM. [H] [D], [V] [N], Mmes [S] [W] et [J] [B] sans s'expliquer, ni sur la circonstance, relevée par les juges d'instruction à l'appui de leur décision de non-lieu, que M. [H] [D] n'avait été militant d'organisations palestiniennes qu'à compter de 1986, soit bien après les faits et à une date où l'intéressé et le mis en examen ne se fréquentaient plus, ni sur le fait, s'agissant de l'appartenance au FPLP attribuée à Mme [S] [W], que les déclarations de Mme [U] [A] sur lesquelles elle se fondait exclusivement situaient cet engagement à des dates où l'intéressée était âgée de 16 ans et vivait en Grèce et où Mme [U] [A] n'avait elle-même que 14 ans et vivait au Sénégal, ni préciser, s'agissait du fait d'avoir « côtoyé » M. [V] [N] un élément autre que le fait unique et équivoque, relevée par elle, que M. [K] « a reconnu le connaître pendant un interrogatoire » et en laissant, s'agissant des relations avec Mme [J] [B], indéterminé le point de savoir si l'intéressée et M. [K] se fréquentaient à l'époque des faits quand le mis en examen faisait valoir que, comme l'avaient retenu les juges d'instruction à l'appui de leur décision de non-lieu, leur proximité n'était née qu'en 1990, la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que, pour retenir que les informations issues des rapports des services de renseignement venaient conforter les éléments à charge, l'arrêt énonce qu'il en résultait, malgré leurs contradictions, une constance qui serait la désignation d'un dénommé [N] [K] dit [R] membre du FPLP comme étant l'auteur de l'attentat ; qu'en statuant ainsi sans répondre aux moyens pris de ce que les auditions des membres du FPLP et de leurs proches avaient toutes conduit les intéressés à déclarer qu'ils ne connaissaient personne dénommé M. [K], que tous les témoins qui étaient étudiants avec le mis en examen à l'époque des faits avaient indiqué ne pas avoir constaté d'engagement politique de ce dernier et qu'aucune des personnes auditionnées comme témoin, même celles dont la chambre de l'instruction a cru pouvoir retenir qu'elles avaient confirmé une prétendue implication du mis en examen dans le FPLP, à savoir M. [H] [D], Mmes [U] [A] et [Z] [H], n'avait fait état d'un surnom [R], et en se déterminant par ce motif sans que rien dans le dossier ne permettait de faire le lien entre le dénommé [R] dont la désignation serait une constante des services de renseignement et le mis en examen, excepté ces mêmes rapports de renseignement, la chambre de l'instruction, à qui il appartenait d'ordonner d'office un supplément d'information si elle estimait que la citation dans les rapports des services de renseignement d'un dénommé [R] associé au nom de [N] [K] était un élément à charge, n'a pas légalement motivé sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en se fondant sur les informations issues des rapports des services de renseignement pour en déduire une constance qui serait la désignation d'un dénommé [N] [K] dit [R] membre du FPLP comme étant l'auteur de l'attentat sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire du mis en examen, prise de ce qu'il résulte de l'exploitation de ces mêmes rapports une différence frappante entre M. [K], sur lequel aucune information n'est collectée, et les autres personnes qui ont pu être mises en cause au cours de la procédure et sur lesquelles étaient collectées des informations sur leur parcours, leurs contacts, leurs documents identité, autant d'indices d'un activisme pour la cause palestinienne et de contacts avec des cadres du FPLP et du FPLP-OS inexistant s'agissant de M. [K], la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
28. Les moyens sont réunis.
29. Pour infirmer l'ordonnance des juges d'instruction et ordonner le renvoi de M. [K] devant la cour d'assises, l'arrêt attaqué, en réponse à l'argumentation du demandeur qui soutenait qu'il se trouvait au Liban lors de l'attentat, énonce que la seule certitude provenant de l'université est que M. [K] a réussi ses examens de première année et s'est inscrit pour la deuxième année le 30 octobre 1980, mais que la date exacte de ces examens n'a pas pu être retrouvée dans les archives de l'établissement, que les auditions réalisées sur commission rogatoire internationale au Liban n'ont pas apporté d'éléments plus précis, qu'il en résulte cependant qu'il faut en général compter un délai d'un mois et demi à deux mois entre les épreuves et la proclamation des résultats.
30. Les juges retiennent également que si Mme [W] a fait état, tardivement, de ce que M. [K] l'avait accompagnée le 28 septembre 1980 à l'aéroport [Localité 2], ce fait n'est pas confirmé par le père de celle-ci, qui avait fait le voyage avec elle.
31. Ils en concluent qu'une éventuelle présence de l'intéressé au Liban en septembre ou en octobre 1980 n'empêche nullement qu'il se soit rendu quelques jours à Paris ou en Espagne au tout début du mois d'octobre.
32. Les juges soulignent par ailleurs que M. [K] a sollicité la délivrance d'un nouveau passeport, le 17 mai 1983, et aurait indiqué avoir perdu le précédent en avril 1981, avant d'affirmer l'avoir égaré au retour d'un voyage en Grèce, en septembre 1980 ce qui signifierait que le visa d'entrée en Espagne aurait été accordé en quelques jours. Les juges en déduisent que cela rend probable que tous les visas délivrés pour les mois de septembre et d'octobre 1980 aient été accordés au titulaire du passeport, M. [K] lui-même.
33. L'arrêt relève encore les dépositions de M. [H] [D], lui-même ancien membre du FPLP, qui a déclaré en 1988 que M. [K] faisait partie du PTSA, qualifié de "vitrine politique du FPLP sur la scène libanaise", qu'il a confirmé ses déclarations en 2008, et de Mme [U] [A] ayant cité M. [K] et sa femme Mme [W] comme membres du FPLP, précisant que cette dernière avait milité au sein de ladite structure dans les années 1975-1976. Ils se réfèrent par ailleurs à des éléments qui laissent à penser que M. [K] a fréquenté des membres du FPLP.
34. En l'état de ces motifs, outre ceux qui ne font pas l'objet des griefs des moyens, la chambre de l'instruction, à laquelle il appartient d'apprécier la valeur des éléments recueillis par l'information et de se prononcer sur l'existence des éléments dont elle estime souverainement qu'ils sont ou ne sont pas à charge, a répondu aux articulations essentielles du mémoire du mis en examen, et, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision.
35. En effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen constituent une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement.
36. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
37. La procédure est régulière et les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [N] [K] devra payer aux parties représentées par la SCP Piwnica et Molinié, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf mai deux mille vingt et un.