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19/05/2021 | FRANCE | N°19-24550

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 2021, 19-24550


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 602 F-D

Pourvoi n° C 19-24.550

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

M. [E] [A], domicilié [Adresse 1], a

formé le pourvoi n° C 19-24.550 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2019 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 602 F-D

Pourvoi n° C 19-24.550

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

M. [E] [A], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 19-24.550 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2019 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Est ouvrages, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Item Lux, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3][Adresse 4] Luxembourg,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [A], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Est ouvrages, après débats en l'audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [A] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Item Lux.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 mars 2019), M. [A] a été employé au sein de la société Est ouvrages (la société), en vertu de contrats de mise à disposition conclus avec la société de travail intérimaire Item lux, à compter du 20 mai 2013, en qualité de chef d'équipe. La relation de travail a pris fin avec le dernier contrat de mission, le 28 février 2014.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant à la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'intégralité de ses demandes en requalification de sa relation de travail avec la société en un contrat à durée indéterminée y compris les demandes indemnitaires, salariales, et en rectification des documents de fin de contrat afférentes, alors « que le juge est tenu de répondre au moyen des conclusions des parties de nature à influer sur la solution du litige ; qu'en omettant de répondre au moyen des conclusions de M. [A] duquel il résultait qu'il y avait lieu à requalification de ses contrats de missions en contrat à durée indéterminée dès lors que certains avaient d'entre eux avaient fait l'objet de deux renouvellements par avenant de prolongation cependant que dans leur rédaction antérieure et applicable au litige, les articles L. 1251-12 et L. 1251-35 prévoyaient un seul renouvellement au contrat de mission, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est nouveau, le salarié n'ayant pas projeté la règle invoquée sur les faits pour solliciter la requalification en raison du nombre de renouvellements.

6. Cependant le moyen n'est pas nouveau dès lors que le salarié a soutenu que les règles relatives au renouvellement du contrat de mission n'avaient pas été respectées, puisque l'employeur l'avait employé sous l'égide de deux renouvellements prévus par avenant, au lieu d'un seul permis durant la période d'emploi.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

9. Pour débouter le salarié de sa demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, l'arrêt retient que le recours au travail temporaire n'avait pas pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société.

10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que les règles relatives au renouvellement du contrat de mission n'avaient pas été respectées, puisque l'employeur l'avait employé sous l'égide de deux renouvellements prévus par avenant, au lieu d'un seul permis durant la période d'emploi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [A] de ses demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, d'indemnités de rupture et de remise des documents de fin de contrat rectifiés, l'arrêt rendu le 27 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Est ouvrages aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Est ouvrages et la condamne à payer à M. [A] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [A]

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. [A] de l'intégralité de ses demandes de requalification de sa relation de travail avec la société Est Ouvrages en un contrat à durée indéterminée y compris les demandes indemnitaires, salariales, et de rectification des documents de fin de contrat afférentes,

AUX MOTIFS QUE
Sur la requalification des contrats de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée

M. [F][A] se base sur divers fondements pour réclamer la requalification de ses contrats de travail temporaires en contrat de travail à durée indéterminée.

Il se fonde tout d'abord sur le motif de recours au contrat intérimaire, ainsi que sur le non-respect des règles relatives au renouvellement du contrat.

Il se fonde ensuite sur le non-respect du délai de carence, et ajoute que, si ce non-respect n'est pas de nature à entraîner la qualification des contrats de mission en contrat è durée indéterminée è l'égard de l'entreprise utilisatrice, cependant, il y a lieu de le prendre en compte en tant qu'élément supplémentaire dans l'appréciation de la situation pouvant permettre de considérer qu'il a été pourvu par le salarié temporaire à un emploi durable dans l'entreprise.

La Sarl Est Ouvrages réplique qu'un salarié ne peut obtenir la requalification auprès de l'entreprise utilisatrice en invoquant une violation des dispositions relatives au respect d'un délai de carence entre deux contrats de mission.

La cour rappelle que, selon l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Par ailleurs, l'article L. 1251-12 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que la durée totale du contrat de mission ne peut excéder dix-huit mois.

L'article L. 1251-36 de ce même code, dans sa rédaction applicable au litige, précise que, à l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée, ni à un contrat de mission, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission, renouvellement inclus.

Ce délai de carence est égal au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat est de quatorze jours ou plus, et à la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée de ce contrat est inférieure à quatorze jours.

Enfin, l'article L. 1251-40 du code du travail dispose que lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Si, selon ce dernier texte, le non-respect des dispositions relatives au délai de carence entre deux contrats n'est pas sanctionné par la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, il peut être pris en compte dans l'appréciation de la situation pouvant permettre de considérer qu'il a été pourvu par le salarié temporaire à un emploi durable dans l'entreprise, comme l'a rappelé M. [A].

En l'espèce, M. [A] a été mis à disposition de la société Est Ouvrages pour les périodes allant du 21 avril 2012 au 21 décembre 2012, puis du 20 mai 2013 au 31 mai 2013, et du 1er juillet 2013 au 28 février 2014, par le biais de douze contrats de mission.

Cela représente une première mise à disposition de huit mois, suivi d'une seconde mise à disposition de douze jours, et d'une troisième de huit mois, séparées respectivement d'une période de cinq mois et d'une période d'un mois.

Ces périodes de mise à disposition, même cumulées, ne dépassent pas le maximum légal de 18 mois.

Ont ainsi été conclus douze contrats de mission en l'espace d'un an et dix mois, chacun pour le même emploi et la même qualification (gestion d'une équipe coffrage ferraillage et bétonnage - chef d'équipe), ainsi que pour le même motif (accroissement temporaire d'activité).

Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 9 février 2016. Il n'est pas contesté qu'il n'a plus été mis à disposition de la société Est Ouvrages, et qu'il n'a plus travaillé pour son compte, postérieurement au 28 février 2014.

Ainsi, sur une période totale de trois ans et neuf mois, il a été mis à disposition de la société pendant 18 mois et 12 jours ; sans que l'entreprise n'ait recours à ce salarié temporaire durant les deux dernières années de cette période.

En conséquence, au vu de ces seuls éléments, il ne peut être retenu que le recours au travail temporaire avait pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société Est Ouvrages.

Par ailleurs, si effectivement les délais de carence légalement imposés entre les contrats de missions successifs n'ont pas été respectés, ce seul non-respect n'est pas sanctionné par la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a requalifié la relation de travail de M. [A] avec la société Est Ouvrages en un contrat à durée indéterminée.

M. [A] sera débouté de ses demandes à ce titre, y compris les demandes indemnitaires, salariales, et de rectification des documents de fin de contrat afférentes,

1° ALORS QUE la possibilité donnée à l'entreprise utilisatrice de recourir à des missions successives avec le même salarié, pour faire face à un accroissement temporaire de son activité, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité durable et permanente ; qu'une entreprise utilisatrice ne peut recourir, de façon systématique, aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main d'?uvre ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si, au-delà du motif de recours allégué, ces contrats n'avaient pas eu pour objet et pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, cependant qu'elle avait constaté que douze contrats de mission avaient été conclus en l'espace d'un an et dix mois, chacun pour le même emploi et la même qualification (gestion d'une équipe coffrage ferraillage et bétonnage -chef d'équipe), ainsi que pour le même motif (accroissement temporaire d'activité), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail,

2° ALORS QUE la possibilité donnée à l'entreprise utilisatrice de recourir à des missions successives avec le même salarié, pour faire face à un accroissement temporaire de son activité, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité durable et permanente; qu'une entreprise utilisatrice ne peut recourir, de façon systématique, aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main d'?uvre; qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée et après avoir constaté que douze contrats de mission avaient été conclus en l'espace d'un an et dix mois, chacun pour le même emploi et la même qualification (gestion d'une équipe coffrage ferraillage et bétonnage - chef d'équipe), ainsi que pour le même motif (accroissement temporaire d'activité), si, l'employeur rapportait la preuve du motif de recours allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail,

3° ALORS QUE la possibilité donnée à l'entreprise utilisatrice de recourir à des missions successives avec le même salarié, pour faire face à un accroissement temporaire de son activité, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente ; qu'une entreprise utilisatrice ne peut recourir, de façon systématique, aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main d'?uvre ; qu'en se fondant sur la durée de la mise à disposition de M. [A] sur la période s'étant écoulée entre le premier contrat de mise à disposition et la saisine du conseil de prud'hommes pour dire qu'il ne pouvait être retenu que le recours au travail temporaire avait eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société Est Ouvrages, cependant qu'il lui appartenait d'apprécier cette durée sur la période comprise entre le début du premier contrat de mission et le terme du dernier contrat de mission, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail,

4° ALORS QUE le juge est tenu de répondre au moyen des conclusions des parties de nature à influer sur la solution du litige; qu'en omettant de répondre au moyen des conclusions de M. [A] duquel il résultait qu'il y avait lieu à requalification de ses contrats de missions en contrat à durée indéterminée dès lors que certains avaient d'entre eux avaient fait l'objet de deux renouvellements par avenant de prolongation cependant que dans leur rédaction antérieure et applicable au litige, les articles L. 1251-12 et L. 1251-35 prévoyaient un seul renouvellement au contrat de mission (cf. conclusions d'appel, p. 6 et 8), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-24550
Date de la décision : 19/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 27 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 2021, pourvoi n°19-24550


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24550
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