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19/05/2021 | FRANCE | N°19-19561

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 2021, 19-19561


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 574 F-D

Pourvoi n° E 19-19.561

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

M. [D] [D], domicilié [Adresse

1], a formé le pourvoi n° E 19-19.561 contre l'arrêt rendu le 21 mai 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposan...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 574 F-D

Pourvoi n° E 19-19.561

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

M. [D] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 19-19.561 contre l'arrêt rendu le 21 mai 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'Association de sauvegarde et de prévoyance de la personne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

L'Association de sauvegarde et de prévoyance de la personne a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [D], de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de l'Association de sauvegarde et de prévoyance de la personne, après débats en l'audience publique du 23 mars 2021 où étaient présents Mme Monge, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, M. Sornay, conseiller, Mme Techer, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 21 mai 2019), M. [D] a été engagé en qualité de directeur par l'Association de sauvegarde et de promotion de la personne (la Sauvegarde) suivant contrat à durée indéterminée à effet du 1er février 2000. Dans le dernier état de leurs relations contractuelles, le salarié occupait les fonctions de directeur général. Parallèlement, il a été embauché à compter du 2 mai 2012, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, par l'association Accueil et Famille en qualité de directeur.

2. Par courrier du 31 décembre 2013 remis au président de la Sauvegarde, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail. Selon convention, datée de la même date, les présidents de cette association et de l'association Accueil et famille, sont convenus de la mise à la disposition du salarié par la seconde à la première, pour une durée de quatre mois, à l'effet d'exercer les fonctions de directeur général à plein temps.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail avec la Sauvegarde.

Examen des moyens

Sur les deux moyens du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme au titre de la prime d'astreinte, alors « que lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ; qu'en l'espèce, l'arrêt retient, d'une part, que l'avenant n° 2 du contrat de travail du 6 février 2003 stipule que le salarié bénéficiera d'une indemnité de 180 points destinée à compenser les astreintes auxquelles il est tenu, ce qui correspond à l'indemnisation de l'accomplissement de deux semaines d'astreinte par mois, soit 26 semaines d'astreintes maximum dans l'année tel que prévu par l'annexe 6 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, d'autre part, que l'accord de branche du 22 avril 2005 étendu a prévu ultérieurement que l'indemnité d'astreinte, fixée dorénavant en fonction du minimum garanti (MG) s'élèvera à 103 MG par semaine complète d'astreinte ; qu'en déboutant cependant, par des motifs inopérants, le salarié de sa demande de rappel d'indemnités d'astreinte fondée sur la base de 103 MG par semaine complète d'astreinte soit 206 MG pour les deux semaines d'astreinte accomplies, la cour d'appel a violé l'article L. 2254-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2254-1 du code du travail et l'article 3 de l'accord n° 2005-04 du 22 avril 2005 étendu relatif aux astreintes dans la branche sanitaire, sociale et médico-sociale :

6. Aux termes du premier de ces textes, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables.

7. Selon le second, l'indemnité d'astreinte est fixée en fonction du minimum garanti (MG) et évoluera aux mêmes dates que celui-ci. Elle s'élève à 103 MG par semaine complète d'astreinte (y compris le dimanche).

8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de l'indemnité d'astreinte, l'arrêt retient que l'accord de branche du 22 avril 2005 énonce en son article 3 que l'indemnité d'astreinte évoluera aux mêmes dates que le minimum garanti et fixe son montant à 103 MG et que l'avenant n° 2 du contrat de travail en date du 6 février 2003 stipule que le salarié bénéficiera d'une indemnité de 180 points destinée à compenser les astreintes auxquelles il est tenu. Il relève qu'aucune disposition contractuelle ne prévoyait que le montant de la prime d'astreinte serait égal au double du montant conventionnel et en déduit que le montant de la prime allouée au salarié étant supérieur au taux fixé par l'accord de branche, celui-ci ne peut prétendre à aucun rappel de prime.

9. En statuant ainsi, par des motifs inopérants à établir que le salarié, qui avait bénéficié en vertu de son contrat de travail d'une indemnité d'astreinte de 180 points par mois, avait ainsi perçu par semaine d'astreinte complète une indemnité d'un montant supérieur à celui prévu par l'accord de branche étendu, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'une démission et de le débouter de ses demandes en paiement subséquentes, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la censure des dispositions de l'arrêt relatives aux effets de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

11. La cassation à intervenir entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs du dispositif relatifs à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié et aux demandes en paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [D] doit produire les effets d'une démission et déboute M. [D] de ses demandes en paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'une somme de 11 900 euros au titre de la régularisation du montant de la prime d'astreinte et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que de sa demande en condamnation de l'Association de sauvegarde et de promotion de la personne aux dépens, l'arrêt rendu le 21 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne l'Association de sauvegarde et de promotion de la personne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Association de sauvegarde et de promotion de la personne et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [D]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ses dispositions déboutant le salarié de sa demande en paiement d'une somme de 11 900 euros.

AUX MOTIFS propres QUE sur la régularisation du montant de la prime d'astreinte, M. [D] soutient qu'en application de l'article 3 de l'accord de branche du 22 avril 2005 étendu par décision ministérielle du 19 décembre 2006, la rémunération de ses astreintes aurait du être fixée à 206 fois le minimum garanti à compter du 1er mai 2005 et réclame le payement d'un rappel de 11 900 euros ; que pour confirmer le rejet de cette prétention par les premiers juges, il suffira de relever que l'accord de branche du 22 avril 2005 énonce en son article 3 que l'indemnité d'astreinte évoluera aux mêmes dates que le minimum garanti et fixe son montant à 103 MG, que l'avenant n° 2 du contrat de travail en date du 6 février 2003 stipule que M. [D] bénéficiera d'une indemnité de 180 points destinée à compenser les astreintes auxquelles il est tenu ; qu'aucune disposition contractuelle ne prévoyait donc que le montant de la prime d'astreinte serait égal au double du montant conventionnel et que le montant de la prime allouée à M. [D] étant supérieur au taux fixé par l'accord de branche, celui-ci ne peut prétendre à aucun rappel de prime.

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE concernant le défaut de régularisation du montant de l'indemnité contractuelle d'astreintes, M. [D], prétend que l'indemnité d'astreinte fixée en fonction du « minimum garanti » (MG), qui lui a été appliquée à partir d'une base de 180 MG, aurait du être traitée, à compter du 1er mai 2005 sur la base d'une valeur de 206 MG ; que M. [D] demande de condamner l'Association Sauvegarde à lui payer à titre de régularisation, une somme de 11 900 ? outre 1 190 ? de congés payés y afférent sur une période ; qu'il est constaté aux pièces que le montant prévu par la convention collective est de 103 MG alors que M. [D] a bénéficié d'une base de valeur de 180 MG ; que par ailleurs, M. [D], ne justifie pas l'application d'une valeur de 206 MG qu'il invoque ; qu'en conséquence, le Conseil déboute M. [D] de ses demandes au titre d'une régularisation du montant de l'indemnité contractuelle d'astreintes.

ALORS QUE lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ; qu'en l'espèce, l'arrêt retient d'une part que l'avenant n° 2 du contrat de travail du 6 février 2003 stipule que M. [D] bénéficiera d'une indemnité de 180 points destinée à compenser les astreintes auxquelles il est tenu, ce qui correspond à l'indemnisation de l'accomplissement de deux semaines d'astreinte par mois, soit 26 semaines d'astreintes maximum dans l'année tel que prévu par l'annexe 6 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, d'autre part que l'accord de branche du 22 avril 2005 étendu a prévu ultérieurement que l'indemnité d'astreinte, fixée dorénavant en fonction du minimum garanti (MG) s'élèvera à 103 MG par semaine complète d'astreinte ; qu'en déboutant cependant, par des motifs inopérants, le salarié de sa demande de rappel d'indemnités d'astreinte fondée sur la base de 103 MG par semaine complète d'astreinte soit 206 MG pour les deux semaines d'astreinte accomplies, la cour d'appel a violé l'article L. 2254-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ses dispositions disant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'une démission et déboutant le salarié de ses demandes en paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS propres QUE sur les effets de la prise d'acte de la rupture, à titre liminaire, il convient de rappeler que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement nul si les faits invoqués sont constitutifs d'un harcèlement moral, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si d'autres faits invoqués la justifiait, soit, dans le cas contraire d'une démission ; que les faits invoqués doivent non seulement être établis par le salarié, sur qui pèse la charge de la preuve, mais constituer des manquements suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, dans sa lettre notifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail et dans ses écritures, M. [D] formule différents griefs et qu'il convient d'examiner successivement pour déterminer s'ils sont établis, en tout ou partie, et dans l'affirmative pour apprécier si la gravité de l'ensemble de ceux établis est de nature à justifier la prise d'acte ; qu'il invoque tout d'abord un harcèlement moral dont il aurait fait l'objet ; que le harcèlement moral d'un salarié est constitué dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que le salarié est tenu, en application de l'article L. 1154-1 du code du travail, de présenter des faits précis et concordants qui permettent de présumer l'existence de harcèlement, les certificats médicaux étant à eux seuls insuffisants pour constituer une telle présomption, et que lorsque tel est le cas, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que par ailleurs l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés qui lui impose de prendre toute mesure nécessaire pour prévenir tout harcèlement moral et de sanctionner les salariés qui se rendraient auteurs de tels agissements ; qu'il appartient au juge saisi d'un litige relatif à l'existence d'un harcèlement moral de tenir compte de l'ensemble des faits invoqués par le salarié, de rechercher s'ils sont établis et dans l'affirmative, de dire s'ils sont dans leur ensemble, de nature à faire présumer un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, M. [D] soutient tout d'abord que le harcèlement moral dont il a été victime est caractérisé par les procédures judiciaires engagées contre lui pour entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, pour faux et usage de faux par Mme [Y] et par la plainte pour harcèlement moral déposée contre lui par un représentant syndical dans l'entreprise, M. [T] ; que force est de constater que les poursuites pénales pour entrave au fonctionnement du comité d'entreprise et pour harcèlement moral ont été engagées à l'initiative d'un syndicat et du ministère public, qui a requis pour deux procédures l'ouverture d'une information judiciaire, qu'elles ne sont pas imputables à l'employeur, qui ne pouvait empêcher des tiers à l'entreprise, a fortiori le Ministère Public, d'engager des poursuites pénales, que si la répétition des poursuites a pu générer chez M. [D] un sentiment d'injustice et de persécution, l'employeur lui a manifesté le 28 novembre 2013 au travers d'un vote de son conseil d'administration sa pleine confiance et a pris en charge ses frais d'avocat pour ces procédures ; que de même on ne voit pas en quoi le fait pour La Sauvegarde de ne pas avoir mis en oeuvre des poursuites judiciaires pour des détournements de fonds qui auraient été commis au préjudice de La Sauvegarde par les dirigeants d'une autre association plusieurs années auparavant, de lui demander de comptabiliser les résultats sur les comptes de l'association, de comptabiliser le résultat d'une négociation avec l'entreprise d'insertion Archimède sur le montant d'une dette serait constitutif de harcèlement moral, étant observé qu'il s'agit d'allégations sur l'attitude de l'employeur qu'aucun document ne vient corroborer et que M. [D] ne justifie pas avoir à un quelconque moment formulé des observations ou des contestations à ce sujet auprès du président de l'association ou du conseil d'administration ; que M. [D] soutient ensuite avoir été victime d'une discrimination salariale, justifiant sa prise d'acte, dans la mesure où il a travaillé sur des programmes européens pour lesquels l'association a été destinataire de ressources importantes (sic) sans avoir été rémunéré pour ce travail, au contraire de ses collègues, inégalité qui devait selon lui être compensée par l'indemnité de 56 085 euros que La Sauvegarde s'était engagée à verser dans la transaction et justifie de plus fort la prise d'acte ; que cette dernière affirmation n'est apparue que tardivement, les deux protocoles transactionnels successivement établis n'en faisant pas mention ; qu'aucun justificatif n'est produit au soutien de cet argument, si ce n'est une attestation disant que M. [D] préparait les dossiers en vue de permettre à La Sauvegarde de bénéficier de fonds européens, ce qui à l'évidence entrait dans ses attributions de directeur général de l'association, pour lesquelles il était rémunéré, et l'avenant au contrat de travail d'une salariée établi en 2008 par M. [D] lui-même, majorant sa prime de sujétion, éléments ne permettant aucune comparaison de la situation réelle de salariés qui au demeurant n'exerçait pas des fonctions identiques ou similaires et ne caractérisant en rien une inégalité ou une discrimination salariale ; qu'en définitive, sont seuls établis le fait que les primes d'astreinte n'ont pas été inclues dans l'assiette de calcul des jours de congés à porter au compte épargne-temps et le fait que les primes d'astreinte dues d'avril 2012 à décembre 2013 n'ont été portées sur le compte-épargne temps qu'en décembre 2013 ; que ces seuls faits établis ne présentaient qu'une gravité très relative compte tenu des fonctions exercées par M. [D], qui font qu'il en était lui-même directement à l'origine, et en tout cas ne rendaient pas impossible la poursuite du contrat de travail, ce que le comportement de M. [D] lui-même confirme ; qu'en effet le jour même où il a remis à M. [Q] sa lettre prenant acte de la rupture de son contrat de travail, M. [D] a été mis par l'association Accueil et Famille, dont il était par ailleurs directeur à temps partiel depuis mars 2012, à la disposition de l'association La Sauvegarde pour exercer la fonction de directeur général de La Sauvegarde sous la direction et le contrôle de M. [Q], c'est à dire pour se remplacer lui-même ; qu'il a donc continué à exercer exactement les mêmes fonctions avec les mêmes attributions et les mêmes pouvoirs hiérarchiques sur les salariés, y compris M. [T] dont le comportement gravement fautif lui aurait prétendument rendu intolérable la poursuite de son contrat de travail ; que cet élément, dont La Sauvegarde fait justement observer qu'il a été nécessairement préparé dans les jours précédents la remise de la lettre de prise d'acte, conjugué à l'absence de gravité des manquements de l'employeur, suffisent pour écarter la qualification de comportement fautif de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail, étant rappelé que M. [Q] par ailleurs signataire du contrat de mise à disposition du 31 décembre 2013 était parfaitement informé de cette situation ; que dès lors il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [D] doit produire les effets d'une démission ; que sur les conséquences financières, la rupture produisant les effets d'une démission, M. [D] ne peut prétendre ni à indemnité de licenciement, ni à indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, ni à dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ; que s'agissant de la remise tardive des documents de fin de contrat, qui n'est intervenue qu'en mars 2016, force est de constater que M. [D] soutient qu'elle lui a nécessairement causé un préjudice, mais qu'il ne démontre pas la réalité de ce préjudice alors qu'il lui appartient d'en faire la preuve tant sur le principe que sur le montant, étant rappelé, d'une part, qu'il résulte des pièces produites que dès le 8 janvier 2014, son contrat de travail avec l'association Accueil et Famille a fait l'objet d'un avenant, son travail à temps partiel étant transformé en travail à temps plein et qu'il ne justifie d'aucune difficulté, ni d'aucune perte financière générée par ce retard, d'autre part, que dans le cadre de sa mise à disposition à partir du 1er janvier 2014 pour exercer les attributions de directeur général, il disposait de tous les pouvoirs nécessaires pour faire établir ces documents et n'en a rien fait.

AUX MOTIFS adoptés QUE M. [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en date du 31 décembre 2013 par lettre remise en main propre au Président de l'ASPP ; que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d' une démission ; que les manquements reprochés à l'employeur doivent revêtir un caractère suffisamment grave pour justifier les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la lettre de prise d'acte de rupture ne fixe pas les limites du litige, et que le salarié peut invoquer devant le Conseil de Prud'hommes des griefs non énoncés dans sa lettre de prise d'acte ; que M. [D] demande de requalifier sa prise d'acte de rupture du 31 décembre 2013 en licenciement sans cause et sérieuse avec toutes ses conséquences ; qu'il justifie sa décision par des conditions de travail devenues insupportables du fait de l'employeur, à savoir, pour des faits de harcèlement moral, un contexte de procédures judiciaires, des absences de remboursement de frais d'honoraires et de litiges permanents sur les bases de monétisation de versements sur son CET ; qu'après analyse des faits invoqués au titre de harcèlement, le Conseil juge qu'ils ne s'avèrent pas constitués et ne répondent pas aux dispositions de l'article L.1151-1 du Code du travail ; que néanmoins, qu'il est constaté aux pièces que les conditions de travail de M. [D] ont été rendues difficiles, notamment, par 3 procédures pénales subies dans le cadre de ses fonctions et par un désaccord récurrent avec l'employeur concernant la valorisation des versements à affecter au CET que dans ce contexte, un différend sérieux s'est installé avec le Conseil d'Administration de l'ASPP et son Président, qui a conduit M. [D] à sa prise d'acte de rupture du contrat de travail ; que néanmoins, pour être justifiée, la prise d'acte de rupture du contrat de travail doit intervenir en raison de manquements suffisamment graves de l'employeur pour qu'ils rendent impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail ; qu'il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement la gravité des manquements de l'employeur invoqués par le salarié, sans se limiter aux seuls mentionnés dans la lettre de rupture ; que compte tenu de sa position de Directeur Général de l'Association, le Conseil estime que les manquements reprochés n'étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que M. [D] ayant accepté notamment de continuer ses fonctions de Directeur général, certes dans un contexte de passation pour une durée déterminée de 4 mois, ce fait qui écarte tout critère de gravité aux griefs allégués ; qu'en conséquence, le Conseil requalifie la prise d'acte de rupture de M. [D], en une simple démission ; qu'en conséquence, le Conseil le déboute de toutes ses demandes relatives aux conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1° ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera, par voie de conséquence, la censure des dispositions de l'arrêt relatives aux effets de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

2° ALORS QUE si la prise d'acte de la rupture du contrat de travail entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, la circonstance que l'intéressé a continué à accomplir les prestations de travail relatives à son contrat de travail pour préparer sa succession est sans incidence sur l'appréciation de la gravité des manquements invoqués à l'appui de la prise d'acte ; que pour dire que les faits relatifs aux primes d'astreinte ne rendent pas impossible la poursuite du contrat de travail, l'arrêt relève que le salarié a été mis par l'association Accueil et Famille, dont il était par ailleurs directeur à temps partiel, à la disposition de l'association La Sauvegarde pour continuer à exercer la fonction de directeur général, retenant ainsi la circonstance que les parties avaient convenu que M. [D] assurerait pendant quatre mois la passation avec son successeur ; qu'en statuant ainsi, par un motif radicalement inopérant, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, devenus les articles 1103, 1104 et 1226 du même code.

3° ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en énonçant, par voie de pure affirmation, que les faits établis « ne présentaient qu'une gravité très relative compte tenu des fonctions exercées par M. [D], qui font qu'il en était lui-même directement à l'origine », la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour l'Association de sauvegarde et de prévoyance de la personne

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné l'association La Sauvegarde à payer à M. [D] la somme de 15 735 euros au titre des conséquences de l'inclusion de la prime d'astreinte dans l'assiette de calcul des jours de congés à inscrire au compte-épargne temps (CET) ;

Aux motifs qu'aux termes de l'article L. 3151-1 du code du travail, le CET permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ou des sommes qu'il y a affectées ; que selon l'accord de branche du 1er avril 1999, qui a mis en oeuvre le CET dans la branche sanitaire, sociale et médico-sociale privée à but non lucratif, chaque salarié peut, en accord avec l'employeur, affecter à son CET la conversion de tout ou partie des primes conventionnelles en jours de congés supplémentaires ; qu'en application de l'article 18 de l'accord, les primes ainsi affectées sont converties en temps équivalent de repos proportionnellement au salaire horaire de l'intéressé, par application de la formule suivante : horaire mensuel contractuel x prime due = temps de repos à inscrire au CET ; que cette conversion des primes en jour de congé doit être réalisée en chiffrant la valeur de la journée de repos sur la base du salaire effectivement perçu, majoré des primes présentant un caractère contractuel ; qu'en vain l'association soutient que M. [D] ne peut se prévaloir d'une règle dont il avait expressément refusé l'application au personnel cadre de l'association, cette règle conventionnelle s'imposant à l'employeur qui ne peut y déroger ; que par ailleurs, la prime d'astreinte systématiquement versée à M. [D] depuis 2003, en application d'une clause contractuelle la fixant à 180 points par mois, présentait en raison de sa généralité, constante et fixité un caractère contractuel ; que par suite elle devait être incluse dans l'assiette de calcul de la valeur de la journée de repos, évaluation nécessaire pour convertir la prime affectée au CET en jours de congé ; que cette convention n'ouvre en principe pas droit directement à paiement, mais seulement à évaluation des jours de congés supplémentaires à inscrire au CET ; qu'en raison de l'absence de prise en compte de la prime d'astreinte dans l'assiette de calcul, les droits inscrits sur le CET ouvert par La Sauvegarde au nom de M. [D] ont été minorés ; que les droits acquis ne pourront être portés sur le CET du fait de sa clôture ;

que par suite, M. [D] subira lors de la monétarisation des droits minorés transférés sur le CEYT ouvert par l'association Accueil et Famille un préjudice financier dont l'évaluation n'est pas critiquée par l'association La Sauvegarde qui en a discuté le principe et non le montant ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande et réformant le jugement, de condamner l'association La Sauvegarde à payer à M. [D] la somme de 15 735 euros ;

Alors que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en n'ayant pas répondu aux conclusions de l'association La Sauvegarde soutenant que la demande de M. [D] était prescrite, ayant été formulée tardivement et pour la première fois dans le cadre de la première instance, plus de 2 ans après son départ (conclusions d'appel p. 79), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné l'association La Sauvegarde à payer à M. [D] la somme de 11 939 euros au titre des congés non pris ;

Aux motifs que M. [D] réclame 19 238 euros au titre de congés non pris que La Sauvegarde a refusé de verser sur son compte épargne temps ; que le 31 décembre 2013, date de la rupture du contrat de travail, M. [D] disposait d'un reliquat de droits à congés de 40 jours, dont il a demandé le transfert à l'association Accueil et Famille ; que selon courriel du 5 juin 2014, l'attachée de direction de la Sauvegarde a passé des écritures comptables en vue de transférer ces droits à l'association Accueil et Famille ; que le 1er avril 2016, La Sauvegarde a adressé à M. [D] un bulletin de salaire correspondant à la rémunération des 40 jours de congés non pris au 31 décembre 2013 accompagné d'un chèque de 9 544,17 euros, que le 26 avril 2016, M. [D] a retourné ce chèque à la Sauvegarde en contestant le montant en demande que la somme soit affectée à son CET ; qu'il résulte de ces éléments que la contrepartie des 40 jours de congés non pris n'a en définitive pas été perçue par M. [D], que l'affectation sur le CET ouvert à son nom à la Sauvegarde n'est pas davantage intervenue et n'était plus possible en avril 2016, du fait de la clôture de ce compte le 29 mars 2016 et du transfert des droits à congés de M. [D] sur le CET ouvert à son nom par l'Association Accueil et Famille ; que dès lors, la demande d'indemnité compensatrice de congés non pris est fondée en son principe et qu'il convient d'y faire droit à hauteur du montant non utilement contesté par les parties de 11 939 euros figurant sur le bulletin de paie complémentaire transmis à M. [D] le 1er avril 2016 ;

Alors qu'après avoir rappelé que M. [D] réclamait une somme au titre de congés non prisque La Sauvegarde avait « refusé de verser sur son compte épargne temps », la cour d'appel a constaté qu'au 31 décembre 2013, date de rupture du contrat de travail, M. [D] disposait de 40 jours de droits à congés « dont il avait demandé le transfert à l'association Accueil et Famille » ; que le 1er avril 2016, La Sauvegarde lui a adressé un bulletin de paie correspondant à la rémunération des 40 jours avec un chèque de 9 544,17 euros, que M. [D] a retourné ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que si la contrepartie des 40 jours de congés non pris n'avait pas été perçue par M. [D] et si l'affectation sur le CET ouvert à son nom à la Sauvegarde n'était pas intervenue et n'était plus possible en avril 2016, du fait de la clôture de ce compte le 29 mars 2016 et du transfert des droits à congés de M. [D] sur le CET ouvert à son nom par l'Association Accueil et Famille, cette situation était imputable à M. [D] qui avait demandé le transfert de son CET au sein de son nouvel employeur et avait refusé le chèque qui lui avait été envoyé par l'association la Sauvegarde, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 3141-28 et L. 3151-1 et suivants du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-19561
Date de la décision : 19/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 21 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 2021, pourvoi n°19-19561


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.19561
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