LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mai 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 418 F-D
Pourvois n°
T 20-10.584
F 20-10.826 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021
I. La Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-10.584 contre un arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d'appel de Dijon (pôle social), dans le litige l'opposant à M. [L] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
II. [L] [Y], a formé le pourvoi n° F 20-10.826 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, défenderesse à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° T 20-10.584 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi n° F 20-10.826 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les dossiers on été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, de Me Occhipinti, avocat de M. [Y], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° T 20-10.584 et F 20-10.826 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 14 novembre 2019), la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (la CIPAV) a décerné à M. [Y] (le cotisant), le 3 août 2017, une contrainte au titre des cotisations et majorations de retard dues pour l'année 2015.
3. Le cotisant a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le pourvoi n° T 20-10.584
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La CIPAV fait grief à l'arrêt d'annuler la contrainte litigieuse, alors « que l'apposition sur la contrainte d'une image numérisée d'une signature manuscrite ne permet pas, à elle seule, de retenir que son signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte, qu'en retenant le contraire, pour annuler la contrainte litigieuse, la cour d'appel a violé les articles R. 133-3, R. 133-4 et R. 641-5 du code de la sécurité sociale dans leur version alors en vigueur. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 133-3 et R. 641-5 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
5. Il résulte du premier de ces textes que la contrainte doit être décernée par le directeur de l'organisme de recouvrement ou son délégataire.
6. Pour annuler la contrainte litigieuse, l'arrêt retient qu'il est patent que la signature figurant sur la contrainte est une signature scannée, que la CIPAV ne communique aucun élément démontrant que cette signature, reproduite par procédé d'impression informatique, émane bien de son directeur et que la seule signature scannée attribuée à M. [J] est insuffisante pour s'assurer que celui-ci est bien le signataire de la contrainte dont s'agit, en sorte que la validité de l'acte est affectée.
7. En statuant ainsi, alors que l'apposition sur la contrainte d'une image numérisée d'une signature manuscrite ne permet pas, à elle seule, de retenir que son signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le pourvoi n° F 20-10.826
Enoncé du moyen
8. Le cotisant fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en remboursement d'un indu de cotisations, alors « que les cotisations des assurés relevant de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales sont calculées, chaque année, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l'avant-dernière année ou des revenus forfaitaires, et font l'objet, lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, d'une régularisation ; que ces principes s'appliquent également aux cotisations au régime complémentaire ; qu'en estimant que cette régularisation ne pouvait pas avoir lieu, la cour d'appel a violé les articles L. 642-1 et L. 642-2 du code de la sécurité sociale, et 3 du décret du 21 mars 1979. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 3 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, experts et conseils, seul applicable au paiement des cotisations litigieuses :
9. Selon ce texte, la cotisation du régime d'assurance vieillesse complémentaire des assurés relevant de la section professionnelle gérée par la CIPAV est versée à celle-ci dans les mêmes formes et conditions que la cotisation du régime d'assurance vieillesse de base.
10. Pour rejeter la demande du cotisant tendant au remboursement, par la CIPAV, d'un trop-perçu de cotisations, l'arrêt retient, s'agissant de l'année 2015, que l'organisme justifie des régularisations effectuées au titre de la dite année s'agissant du régime de la retraite de base et de celui de la retraite complémentaire. Il ajoute qu'il ressort de ses statuts, et notamment de l'article 3,4 2, que l'adhérent est tenu de cotiser annuellement dans l'une des classes, en fonction de son revenu professionnel de l'avant-dernière année, que la cotisation du régime de retraite complémentaire est donc calculée non pas, comme le soutient à tort le cotisant, en fonction des revenus de l'année N (année au titre de laquelle les cotisations sont réclamées), mais en fonction des revenus de l'année N-2, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions propres au régime de base, ni à régularisation.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi n° T 20-10.584, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qui concerne la recevabilité de l'opposition à contrainte et le rejet de la demande en dommages-intérêts formée par M. [Y], l'arrêt rendu le 14 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° T 20-10.584 par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la Caisse Interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé la contrainte émise le 10 juillet 2017 et signifiée à M. [L] [Y] le 3 août 2017, à la requête de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse pour un montant de 12 586 euros correspondant aux cotisations et majorations de retard dues au titre de l'année 2015, d'AVOIR laissé les frais de signification de la contrainte du 10 juillet 2017 à la charge de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse, d'AVOIR condamné la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse à verser à M. [L] [Y] la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE M. [Y] se prévaut de l'irrégularité de la contrainte qui lui a été délivrée en opposant « le défaut d'habilitation du signataire de la contrainte, celle-ci portant uniquement une signature scannée du directeur de la CIPAV, ce qui ne répondrait pas aux exigences de fiabilité et d'identification d'une véritable signature électronique au sens de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration; qu'il en déduit qu'il n'a pas été mis en mesure de savoir qui avait réellement signé la contrainte et si cette personne était investie d'une délégation de signature ; qu'il ajoute que cette situation lui fait grief puisque la contrainte emporte les effets d'un titre exécutoire ;
qu'il est patent que la signature figurant sur la contrainte litigieuse est une signature scannée ; que la CIPAV ne communique aucun élément démontrant que cette signature, reproduite par procédé d'impression informatique, émane bien de son directeur ;
que la seule signature scannée attribuée à M. [J] est insuffisante pour s'assurer que celui-ci est bien le signataire de la contrainte dont s'agit, en sorte que la validité de l'acte est affectée;
qu'il convient, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. [Y], d'annuler la contrainte émise le 10 juillet 2017 et signifiée le 3 août 2017, à la requête de la CIPAV pour un montant de 12 586 euros, correspondant aux cotisations et majorations de retard dues au titre de l'année 2015 de laisser les frais de signification de la contrainte du 10 juillet 20 17 à la charge de la CIPAV, le jugement déféré étant confirmé, par substitution de motifs, en ses dispositions en ce sens. »
ALORS DE PREMIÈRE PART QUE pour être régulière, la contrainte doit être signée par le directeur de l'organisme social émetteur ou son délégataire ; que cette régularité n'est pas remise en cause par l'apposition d'une signature scannée dès lors qu'elle est lisible et permet d'identifier l'identité et la qualité du signataire ; qu'en l'espèce, il n'a pas été contesté que la contrainte litigieuse émise comportait la signature scannée de M. [P] [J], identifié comme le directeur de la CIPAV ; qu'en retenant néanmoins, pour annuler la contrainte litigieuse que l'apposition de cette signature scannée ne permettait pas d'identifier le signataire réel de la contrainte et de vérifier l'identité et la qualité de la personne ayant décerné cette contrainte, la cour d'appel a violé par fausse application les articles D. 253-4 et D. 253-6 du code de la sécurité sociale ;
ALORS SUBSIDIAIREMENT DE SECONDE PART QU'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public, et à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; qu'en décidant d'annuler la contrainte litigieuse sans avoir recherché, comme elle y était invité par la CIPAV, si l'apposition d'une signature scannée avait causé un grief à la cotisante, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 114 du code de procédure civile.
ALORS DE TROISIEME PART QUE l'apposition sur la contrainte d'une image numérisée d'une signature manuscrite ne permet pas, à elle seule, de retenir que son signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte, qu'en retenant le contraire, pour annuler la contrainte litigieuse, le tribunal a violé les articles R. 133-3, R. 133-4 et R. 641-5 du code de la sécurité sociale dans leur version alors en vigueur. Moyen produit au pourvoi n° F 20-10.826 par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour M. [Y]
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le surplus des demandes de M. [Y] et spécialement sa demande de remboursement d'un indu de cotisations ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur [Y] prétend avoir versé trop de cotisations au titre des années 2014 et 2015, le trop-versé s'élevant selon lui à la somme totale de 6 983 euros ; qu'il précise que la CIPAV n'a pas procédé à la régularisation des cotisations 2015 sur la base de son revenu réel, régularisation qui s'applique également aux cotisations de retraite complémentaire calculées à titre provisionnel ; qu'il ajoute avoir réglé 16 998 euros en paiement des cotisations au titre de l'année 2014 alors qu'il n'était redevable que d'une somme de 2 283 euros ; que la CIPAV rétorque que Monsieur [Y] a procédé au règlement des sommes définitivement dues au titre des années 2014 et 2015 et qu'il n'existe aucun trop-versé de cotisations ; que, s'agissant de l'année 2015, que la CIPAV justifie des régularisations effectuées au titre de la dite année s'agissant du régime de la retraite de base et de celui de la retraite complémentaire ; qu'il ressort de ses statuts, et notamment de l'article 3,4 2, que l'adhérent est tenu de cotiser annuellement dans l'une des classes, en fonction de son revenu professionnel de l'avant-dernière année ; que la cotisation du régime de retraite complémentaire est donc calculée non pas, comme le soutient à tort l'intimé, en fonction des revenus de l'année N (année au titre de laquelle les cotisations sont réclamées), mais en fonction des revenus de l'année N-2 qu'il n'y a donc pas lieu d'appliquer les dispositions propres au régime de base, ni lieu à régularisation ; que s'agissant de l'année 2014, les pièces versées aux débats par Monsieur [Y] sont insuffisantes à établir un solde créditeur à son profit, étant relevé qu'il a procédé au règlement des sommes définitivement dues au titre de l'année 2014 et qu'il appartient à l'opposant de démontrer le bien-fondé de sa contestation non pas à l'organisme de recouvrement de prouver le bien-fondé de sa créance ; qu'en conséquence, l'intimé sera débouté de sa demande en paiement et le jugement attaqué confirmé, par substitution de motifs, en ses dispositions en ce sens ;
ALORS QUE les cotisations des assurés relevant de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales sont calculées, chaque année, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l'avant-dernière année ou des revenus forfaitaires, et font l'objet, lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, d'une régularisation ; que ces principes s'appliquent également aux cotisations au régime complémentaire ; qu'en estimant que cette régularisation ne pouvait pas avoir lieu, la cour d'appel a violé les articles L 642-1 et L 642-2 du code de la sécurité sociale, et 3 du décret du 21 mars 1979.