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12/05/2021 | FRANCE | N°19-23428

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mai 2021, 19-23428


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle partiellement sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 545 F-P,
sur le 1er moyen

Pourvoi n° G 19-23.428

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12

MAI 2021

Le syndicat CGT des gérants non-salariés, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-23.428 contre le jugement rend...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle partiellement sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 545 F-P,
sur le 1er moyen

Pourvoi n° G 19-23.428

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MAI 2021

Le syndicat CGT des gérants non-salariés, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-23.428 contre le jugement rendu le 1er octobre 2019 par le tribunal d'instance de Saint-Etienne (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Distribution Casino France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au syndicat UNSA, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ au syndicat CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ au syndicat SNTA-FO Casino, dont le siège est siège [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CGT des gérants non-salariés, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Distribution Casino France, après débats en l'audience publique du 17 mars 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Etienne, 1er octobre 2019) et les productions, dans la perspective de la mise en place des comités sociaux et économiques d'établissements au sein de la société Distribution Casino France (la société), des négociations ont été menées entre la direction de la société et les organisations syndicales représentatives entre février et mai 2018 en vue de déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts. Elles sont restées infructueuses.

2. Les mandats représentatifs des membres des comités d'entreprise, qui arrivaient initialement à terme le 31 décembre 2018, ont été prorogés, par accord collectif du 8 mars 2018, « au maximum jusqu'au 16 juin 2019 ».

3. Par décision unilatérale du 29 juin 2018, l'employeur a fixé le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de la société en application de l'article L. 2313-4 du code du travail s'agissant des branches hypermarchés, supermarchés, direction des systèmes d'information, direction des approvisionnements, fonctions amont. Cette décision ne comporte aucune disposition relative à la branche « proximités » regroupant les gérants non salariés.

4. Par décision du 13 septembre 2018, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte), statuant sur recours de plusieurs syndicats contre la décision unilatérale de l'employeur du 29 juin 2018 précitée, a décidé que :
« sont considérés comme établissements distincts en matière d'élection professionnelle :
- tous les hypermarchés et supermarchés ;
- la direction des systèmes d'information ;
- la direction des approvisionnements ;
- la direction amont ;
- les quatre directions régionales regroupant les gérants mandataires non-salariés ».

5. Au cours de la réunion extraordinaire du comité central d'entreprise du 29 janvier 2019 a été votée la réorganisation de la branche « proximités » par le passage de quatre régions à trois assimilées à des établissements.

6. Un protocole d'accord préélectoral a été conclu le 16 avril 2019 prévoyant trois établissements pour la branche « proximités » regroupant les gérants non-salariés.

7. Le syndicat CGT des gérants non-salariés a saisi le tribunal d'instance de Saint-Etienne le 13 mai 2019 de demandes tendant à l'annulation du protocole préélectoral, à l'annulation du premier tour de l'élection des membres des comités de représentation des gérants mandataires non salariés, et à ce qu'il soit ordonné sous astreinte à la société de convoquer les organisations syndicales intéressées à la négociation d'un nouveau protocole préélectoral en vue de la mise en place de comités au sein de chacun des quatre établissements distincts regroupant les gérants non-salariés tels que fixés par le direccte [Localité 1] dans sa décision du 13 septembre 2018.

8. Les élections ont eu lieu le 28 mai 2019.

Examen des moyens

Sur le second moyen, qui est préalable :

Enoncé du moyen

9. Le syndicat CGT des gérants non-salariés fait grief au jugement de rejeter sa demande tendant à l'annulation du protocole préélectoral et ses demandes subséquentes, alors :

« 1°/ que l'employeur, tenu dans le cadre de la négociation préélectorale à une obligation de loyauté, doit fournir aux syndicats participant à la négociation, sur leur demande, les éléments nécessaires au contrôle de l'effectif de l'entreprise et de la régularité des listes électorales ; qu'en retenant que le syndicat exposant n'avait formulé aucune demande dans ce cadre, au motif inopérant que sa demande était antérieure à l'invitation de l'employeur à engager les négociations en vue de l'adoption du protocole préélectoral, le tribunal a violé, par fausse application, l'article L. 2314-5 du code du travail, ensemble l'obligation de loyauté susvisée ;

2°/ que le premier tour de l'élection doit se tenir dans la quinzaine précédant l'expiration du mandat des délégués en exercice, cette disposition étant d'ordre public ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations du tribunal que le premier tour des élections avait eu lieu le 29 mai 2019, quand il aurait dû intervenir entre le 2 juin et le 16 juin 2019, les mandats expirants le 16 juin 2019 ; qu'en refusant néanmoins d'annuler le protocole d'accord préélectoral, aux motifs erronés que le délai de quinze jours n'est pas prévu à peine de nullité, le tribunal a violé l'article L. 2314-5 du code du travail ;

3°/ qu'en application de l'article L. 782-7 du code du travail, recodifié à droit constant à l'article L. 7322-1 du code du travail, les gérants non-salariés peuvent se prévaloir de l'ensemble des dispositions légales relatives aux institutions représentatives du personnel ; que par décision du 13 septembre 2018, le direccte a dit qu'étaient des établissements distincts en matière d'élections professionnelles les quatre directions régionales regroupant les gérants non-salariés ; que postérieurement à cette décision, la société Distribution Casino France a unilatéralement décidé de procéder à un nouveau découpage en trois établissements distincts ; qu'en jugeant qu'il ne peut pas être reproché à cette dernière d'avoir unilatéralement modifié le nombre d'établissements et contrevenu à la décision du direccte qui n'imposait pas la mise en place des comités sociaux et économiques d'établissement concernant les directions régionales, le tribunal a violé les articles L. 2313-4, L. 2313-5 et L. 7322-1 du code du travail, ensemble la décision du direccte du 13 septembre 2018 ;

4°/ que le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, par décision du 13 septembre 2018, le direccte a décidé que ''sont considérés comme établissement distincts en matière d'élection professionnelle (?) les quatre directions régionales regroupant les gérants mandataires non salariés'', ce dont il résultait l'obligation de mettre en place au niveau de ces établissements des comités sociaux et économiques d'établissement ; qu'en jugeant que par cette décision, ''le direccte n'a pas imposé la mise en place de comités sociaux économiques concernant les directions régionales regroupant les gérants non salariés'', le tribunal a dénaturé cette décision et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en application de l'article L. 2313-3 du code du travail, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées à l'article L. 2313-2 et en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'employeur avait engagé des négociations en application de l'article L. 2313-2 du code du travail préalablement à la conclusion d'un accord avec le comité central d'entreprise, accord ayant servi de fondement au protocole d'accord préélectoral signé le 16 avril 2019, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du code du travail ;

6°/ que le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, par décision du 13 septembre 2018, le direccte a décidé que ''seul un accord majoritaire permettait d'aménager la présente décision en termes de regroupement des magasins'' ; qu'en jugeant que la modification du nombre des établissements distincts par accord avec les membres du comité social et économique central était conforme à cette décision, le tribunal a dénaturé cette décision et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Le tribunal a constaté, en premier lieu, que le syndicat ne justifiait pas avoir, au cours de la négociation préélectorale, demandé des informations complémentaires à l'employeur sur le décompte des effectifs.

11. Il résulte, en second lieu, de l'article 2 de l'accord collectif du 8 mars 2018 prorogeant les mandats des délégués gérants mandataires non-salariés et membres des comités gérants mandataires non-salariés de la branche « proximité » de la société Distribution Casino France, signé par le syndicat CGT et invoqué par l'employeur, que les mandats des délégués gérants mandataires non salariés, qui auraient dû expirer au 16 juin 2018, sont prorogés « au maximum jusqu'au 16 juin 2019 ».

12. Enfin, le tribunal a constaté, sans dénaturation, que, par accord conclu avec la majorité des membres élus du comité central d'entreprise de la société le 29 janvier 2019, à la suite de la réorganisation de la branche « proximité » et de la réduction des quatre directions régionales à trois directions régionales, il a été décidé de la mise en place de trois établissements distincts pour la représentation des gérants mandataires non-salariés, conformément à l'article 36 de l'accord collectif sur la représentation des gérants non salariés de succursales du 18 juillet 1963, ce dont il résulte que l'accord n'a fait que mettre en oeuvre la décision du direccte fixant le périmètre des établissements distincts par référence aux directions régionales.

13. Il s'ensuit que le moyen, inopérant en ses deuxième, troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

14. Le syndicat CGT des gérants non-salariés fait grief au jugement de déclarer irrecevable la demande d'annulation de l'élection professionnelle, alors « que si l'article R. 2314-24 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, fixe une date limite au-delà de laquelle la régularité de l'élection ne peut plus être contestée, il n'interdit pas de formuler le recours dès que l'irrégularité est apparue, même antérieurement à l'élection, en sorte que le syndicat était recevable à solliciter l'annulation de l'élection contestée ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé, par fausse application, l'article R. 2314-24 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 2314-24 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause :

15. Il résulte de ce texte, qui prévoit que lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n'est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation, que celui qui saisit le tribunal d'instance, avant les élections, d'une demande d'annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander l'annulation des élections à venir en conséquence de l'annulation du protocole préélectoral sollicitée.

16. Pour déclarer irrecevable la demande d'annulation des élections professionnelles qui se sont tenues en application du protocole d'accord préélectoral contesté, le tribunal d'instance relève que le délai pour contester la régularité de l'élection a commencé à courir à compter du 29 mai 2019 et que le syndicat, qui avait sollicité l'annulation de l'élection dans la déclaration au greffe du 13 mai 2019 alors que le délai pour une telle contestation n'était pas encore ouvert, n'a pas formé de demande d'annulation des élections entre le 29 mai 2019 et le 13 juin 2019.

17. En statuant ainsi, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

20. Le syndicat CGT des gérants non-salariés qui a sollicite l'annulation du protocole préélectoral était recevable à solliciter, dans la même déclaration, l'annulation des élections à intervenir en application de ce protocole sans avoir à réitérer cette demande après les élections.

21. Cependant, le rejet du premier moyen, qui critique le chef du dispositif de la décision ayant rejeté la demande tendant à l'annulation du protocole préélectoral et les demandes subséquentes, rend sans objet la contestation par le syndicat du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'annulation des élections professionnelles fondée sur l'irrégularité du protocole préélectoral en application duquel elles ont été organisées.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande d'annulation des élections le jugement rendu le 1er octobre 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Saint-Etienne ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE le syndicat CGT des gérants non-salariés recevable en sa demande d'annulation des élections ;

DÉBOUTE le syndicat CGT des gérants non-salariés de sa demande d'annulation des élections ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat CGT des gérants non-salariés

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande d'annulation de l'élection professionnelle.

AUX MOTIFS QUE les résultats du scrutin critiqué ont été proclamés le 29 mai 2019, ainsi le délai pour contester la régularité de l'élection a commencé à courir à compter de cette date. Or, le syndicat en demande a sollicité l'annulation de l'élection dans la déclaration au greffe du 13 mai 2019, alors que le délai pour une telle contestation n'était pas encore ouvert. Il n'a pas formé de demande d'annulation des élections entre le 29 mai 2019 et le 13 juin 2019. Dès lors, en l'absence de demande formée dans le délai légal, la demande d'annulation de l'élection est irrecevable.

ALORS QUE si l'article R. 2314-24 du code du travail fixe une date limite au-delà de laquelle la régularité de l'élection ne peut plus être contestée, il n'interdit pas de formuler le recours dès que l'irrégularité est apparue, même antérieurement à l'élection, en sorte que le syndicat était recevable à solliciter l'annulation de l'élection contestée ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé, par fausse application, l'article R. 2314-24 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR rejeté la demande du syndicat tendant à l'annulation du protocole préélectoral et ses demandes subséquentes.

AUX MOTIFS QUE Sur la violation par la société DCF de son obligation de loyauté dans les négociations préélectorales. Selon l'article L. 2314-5 du code du travail, l'employeur invite les organisations syndicales à négocier le protocole préélectoral. Par application de ce texte, l'employeur doit fournir aux syndicats participant à cette négociation, et sur leur demande, les éléments nécessaires au contrôle de l'effectif de l'entreprise et de la régularité des listes. En l'espèce, la société DCF a adressé aux syndicats le 29 mars 2019 l'invitation à engager les négociations en vue de l'adoption du protocole préélectoral. Le syndicat en demande ne justifie pas avoir demandé à l'employeur des informations dans ce cadre. En effet, le courrier électronique qu'il invoque sur ce point date du 02 mars 2019. A supposer que l'employeur n'y ait pas donné suite, ce fait ne peut caractériser aucun manquement de l'employeur à ses obligations dans le cadre la négociation de ce protocole, puisque cette négociation n'avait pas commencé. Dès lors, l'argumentation du syndicat en demande sera écartée sur ce point. Sur l'allégation de modification unilatérale du nombre et du périmètre des établissements distincts. Les articles et suivants 7322-1 du code du travail définissent le statut des gérants non-salariés des succursales de commerce de détail alimentaire. Par application de ces textes, ceux-ci peuvent se prévaloir de l'ensemble des dispositions légales relatives aux institutions représentatives du personnel, sous réserve des aménagements expressément prévus par les dispositions particulières les concernant. L'article 36 de l'accord collectif du 18 juillet 1963 relatif à ces gérants organise les conditions de la représentation de ceux-ci dans l'entreprise. À la suite de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la mise en place du comité social et économique, les partenaires sociaux ont engagé des négociations afin d'adapter cet article 36 à la création de cette nouvelle institution représentative du personnel. Cette négociation a conduit à l'adoption le 26 novembre 2018 d'un avenant N°68 instituant le comité de représentation des gérants mandataires non-salariés. Il ressort de cet avenant que ce comité n'a pas vocation à se cumuler avec un comité social et économique, puisque les partenaires sociaux, réunis pour envisager l'éventuelle mise en place de comité social économique régis par le code du travail pour la profession, ont choisi de conserver un mode de représentation spécifique, et distinct de l'institution de droit commun régie par le code du travail. En l'espèce, la décision unilatérale de la société DCF du 29 juin 2018 prévoyait la fixation des établissements distincts en vue de la mise en place de comités sociaux et économiques exclusivement pour les salariés, à l'exception des gérants non-salariés impliqués dans la branche proximité du groupe. Suivant recours du 17 juillet 2018, le syndicat CGT des Gérants non-salariés de la société Distribution Casino France a contesté cette décision devant le DIRECCTE, soutenant que les gérants non-salariés devaient pouvoir participer à la représentation globale du personnel de la société DCF. La décision du DIRECCTE du 13 septembre 2018 est libellée comme suit : « (..,) considérant que les directions régionales regroupant les gérants mandataires non-salariés disposent d'une autonomie suffisante et que ces derniers doivent être intégrés dans le représentation du personnel au niveau des instances du CSE Central ; considérant que seul un accord majoritaire permettrait d'aménager la présente décision en termes de regroupement de magasins ; considérant que l'organisation envisagée exclut du droit de vote et de représentation un nombre significatif de salariés, que chaque salarié doit bénéficier d'une possibilité de participer à la représentation du personnel ; qu'il appartient donc aux partenaires sociaux de définir des modalités permettant d'assurer la représentation des directeurs de magasins ; décide [que] sont considérés comme établissements distincts en matière d'élection professionnelle (...) les quatre directions régionales regroupant les gérants mandataires non-salariés ». Cette décision n'a pas été contestée par les parties, auxquelles elle s'impose désormais. Par cette décision, le DIRECCTE n'a pas imposé la mise en place de comités sociaux et économiques concernant les directions régionales regroupant les gérants non-salariés ; il a seulement prévu leur représentation dans le cadre du comité social et économique central. Ainsi, il a entendu intégrer les gérants non-salariés à la représentation globale de l'entreprise à l'échelon central, ne se prononçant pas sur la mise en place de comités sociaux et économiques d'établissement concernant les directions régionales. Par ailleurs, le DIRECCTE a procédé à l'examen des conditions de fonctionnement des directions régionales et a relevé qu'elles présentaient une autonomie de gestion suffisante, au sens de l'article L. 2313-4 du code du travail, pour constituer quatre établissements distincts en matière d'élection professionnelle. Certes, dans les mois qui ont suivi cette décision, la société DCF a modifié l'organisation de sa branche proximité, passant de quatre directions régionales à trois. Toutefois, cette modification a été réalisée conformément à cette décision, qui imposait un accord majoritaire pour aménager cette décision en termes de regroupement de magasins. En effet, il ressort du procès-verbal de la séance du comité central d'entreprise du 29 janvier 2019 que, parmi les 19 représentants syndicaux présents, 15 ont voté en faveur de cette réorganisation. Au demeurant, les documents produits démontrent que cette réorganisation ne modifie pas la structure opérationnelle des directions, qui continuent à fonctionner sur le modèle antérieur même si leur périmètre géographique a évolué. Dès lors, l'appréciation du DIRECCTE sur l'existence d'une autonomie de gestion suffisante reste d'actualité. Ainsi, il ne peut pas être reproché à la société DCF d'avoir unilatéralement modifié le nombre d'établissements et contrevenu à la décision du DIRECCTE. Quant à la mise en place des comités sociaux et économiques d'établissement concernant les directions régionales, force est de rappeler que la décision de la DIRECCTE ne l'imposait pas. Au regard de l'avenant du 28 novembre 2018 adopté depuis lors, il ne peut pas être reproché à la société DCF d'avoir mis en place des comités de représentation des gérants mandataires non-salariés, et non des comités sociaux et économiques d'établissement concernant les directions régionales. En conséquence, aucune irrégularité n'est établie sur ce point. Sur l'allégation de violation des délais légaux en matière d'élection professionnelle. Les articles L. 2314-4 et L. 2314-5 du code du travail prévoient que le premier tour de l'élection doit se tenir au plus tard le 90ème jour suivant la diffusion de l'information relative à l'organisation des élections, et dans la quinzaine précédant l'expiration du mandat des délégués en exercice. En l'espèce, l'information a été délivrée le 29 mars 2019, et le premier tour des élections s'est tenu le 29 mai 2019, soit moins de 90 jours plus tard. Ainsi, le délai de 90 jours a été respecté. En revanche, les mandats expiraient le 16 juin 2019 de sorte que le premier tour aurait dû intervenir entre le 02 juin 2019 et le 16 juin 2019. Ainsi, la date retenue pour ce premier tour ne respecte pas le délai de quinzaine. Toutefois, ce délai n'est pas prévu à peine de nullité du protocole adopté à la double majorité, en l'absence d'élément sur un éventuel caractère d'ordre public. Au demeurant, aucune violation des principes généraux du droit électoral n'est démontrée.

1° ALORS QUE l'employeur, tenu dans le cadre de la négociation préélectorale à une obligation de loyauté, doit fournir aux syndicats participant à la négociation, sur leur demande, les éléments nécessaires au contrôle de l'effectif de l'entreprise et de la régularité des listes électorales ; qu'en retenant que le syndicat exposant n'avait formulé aucune demande dans ce cadre, au motif inopérant que sa demande était antérieure à l'invitation de l'employeur à engager les négociations en vue de l'adoption du protocole préélectoral, le tribunal a violé, par fausse application, l'article L. 2314-5 du code du travail, ensemble l'obligation de loyauté susvisée.

2° ALORS QUE le premier tour de l'élection doit se tenir dans la quinzaine précédant l'expiration du mandat des délégués en exercice, cette disposition étant d'ordre public ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations du tribunal que le premier tour des élections avait eu lieu le 29 mai 2019, quand il aurait dû intervenir entre le 2 juin et le 16 juin 2019, les mandats expirants le 16 juin 2019 ; qu'en refusant néanmoins d'annuler le protocole d'accord préélectoral, aux motifs erronés que le délai de quinze jours n'est pas prévu à peine de nullité, le tribunal a violé l'article L. 2314-5 du code du travail.

3° ALORS QU'en application de l'article L. 782-7 du code du travail, recodifié à droit constant à l'article L. 7322-1 du code du travail, les gérants non-salariés peuvent se prévaloir de l'ensemble des dispositions légales relatives aux institutions représentatives du personnel ; que par décision du 13 septembre 2018, le Direccte a dit qu'étaient des établissements distincts en matière d'élections professionnelles les quatre directions régionales regroupant les gérants non-salariés ; que postérieurement à cette décision, la société Distribution Casino France a unilatéralement décidé de procéder à un nouveau découpage en trois établissements distincts ; qu'en jugeant qu'il ne peut pas être reproché à cette dernière d'avoir unilatéralement modifié le nombre d'établissements et contrevenu à la décision du Direccte qui n'imposait pas la mise en place des comités sociaux et économiques d'établissement concernant les directions régionales, le tribunal a violé les articles L. 2313-4, L. 2313-5 et L. 7322-1 du code du travail, ensemble la décision du Direccte du 13 septembre 2018.

4° ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, par décision du 13 septembre 2018, le Direccte a décidé que « sont considérés comme établissement distincts en matière d'élection professionnelle (?) les quatre directions régionales regroupant les gérants mandataires non salariés », ce dont il résultait l'obligation de mettre en place au niveau de ces établissements des comités sociaux et économiques d'établissement ; qu'en jugeant que par cette décision, « le Direccte n'a pas imposé la mise en place de comités sociaux économiques concernant les directions régionales regroupant les gérants non salariés », le tribunal a dénaturé cette décision et violé l'article 4 du code de procédure civile.

5° ALORS QU'en application de l'article L. 2313-3 du code du travail, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées à l'article L. 2313-2 et en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'employeur avait engagé des négociations en application de l'article L. 2313-2 du code du travail préalablement à la conclusion d'un accord avec le comité central d'entreprise, accord ayant servi de fondement au protocole d'accord préélectoral signé le 16 avril 2019, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du code du travail.

6° ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, par décision du 13 septembre 2018, le Direccte a décidé que « seul un accord majoritaire permettait d'aménager la présente décision en termes de regroupement des magasins » ; qu'en jugeant que la modification du nombre des établissements distincts par accord avec les membres du comité social et économique central était conforme à cette décision, le tribunal a dénaturé cette décision et violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-23428
Date de la décision : 12/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité social et économique - Opérations électorales - Modalités d'organisation et de déroulement - Régularité - Contestation - Contestation antérieure aux élections - Possibilité - Cas - Demande en annulation des élections formée dans la même déclaration qu'une demande en annulation du protocole préélectoral - Conditions - Détermination - Portée

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité social et économique - Opérations électorales - Modalités d'organisation et de déroulement - Régularité - Contestation - Délai - Délai prévu pour contester la régularité de l'élection - Application - Exclusion - Cas - Demande en annulation des élections formée dans la même déclaration qu'une demande en annulation du protocole préélectoral - Conditions - Détermination - Portée

L'article R. 2314-24 du code du travail prévoit que lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n'est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation. Il résulte de ce texte que celui qui saisit le tribunal d'instance, avant les élections, d'une demande d'annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander, dans la même déclaration, l'annulation des élections à venir en conséquence de l'annulation du protocole préélectoral sollicitée, sans avoir à réitérer cette demande après les élections. Doit dès lors être cassée la décision du tribunal d'instance qui, pour déclarer irrecevable la demande d'annulation des élections professionnelles qui se sont tenues en application d'un protocole d'accord préélectoral contesté formée par un syndicat, relève que cette demande a été formulée avant les élections alors que le délai pour une telle contestation n'était pas encore ouvert et que le syndicat n'a pas formé de demande d'annulation des élections dans le délai de 15 jours suivant celles-ci


Références :

article R. 2314-24 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Saint-Etienne, 01 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 mai. 2021, pourvoi n°19-23428, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23428
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