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12/05/2021 | FRANCE | N°19-23356

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mai 2021, 19-23356


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 517 F-D

Pourvoi n° E 19-23.356

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MAI 2021

La société Câbleries Lapp, sociétÃ

© à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 19-23.356 contre l'arrêt rendu le 20 août 2019 par la cour d'appe...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 517 F-D

Pourvoi n° E 19-23.356

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MAI 2021

La société Câbleries Lapp, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 19-23.356 contre l'arrêt rendu le 20 août 2019 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à Mme [M] [E], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Câbleries Lapp, de Me Carbonnier, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 16 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, M. Le Corre, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 20 août 2019), Mme [E] a été engagée le 17 novembre 2008, en qualité de cariste, par la société Câbleries Lapp. Elle occupait en dernier lieu un poste de contrôleur qualité.

2. Elle a été licenciée pour motif économique le 4 avril 2016.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [E] du jour de son licenciement jusqu'au jour de l'arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités, alors :

« 1°/ que l'application des critères d'ordre du licenciement justifie, au sein d'une même catégorie d'emploi, le licenciement d'un salarié dont l'emploi n'est pas supprimé dès lors qu'il est désigné par l'application desdits critères ; que pour dire le licenciement de Mme [E] sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait procédé au licenciement de la salariée bien que les deux postes de contrôleur qualité dont la suppression était visée par le projet de réorganisation étaient d'ores et déjà supprimés au jour du licenciement et que le seul porte restant à supprimer était un poste de métrologue ; qu'en statuant ainsi, quand la circonstance tenant à la suppression de deux postes de contrôleur qualité et au fait que seul le poste de métrologue était ciblé par une suppression d'emploi au moment du licenciement était indifférente sur l'appréciation du bien fondé de la rupture du contrat de Mme [E], la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

2°/ qu'il appartient aux juges du fond de rechercher, dans le cadre d'un licenciement pour motif économique résultant d'une suppression d'emploi, si le poste supprimé appartient à un emploi de même catégorie professionnelle que celui occupé par le salarié licencié et, dans l'affirmative, si en procédant au licenciement de ce dernier, l'employeur s'est conformé à son obligation de respecter l'ordre des licenciements ; que la catégorie professionnelle à prendre en compte ne se réduit pas à un emploi déterminé, mais correspond à des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; que pour dire le licenciement de Mme [E] sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la rupture de son contrat de travail relevait non de la suppression du poste de contrôleur qualité mais de celle du poste de métrologue que l'intéressée n'occupait aucunement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le poste de métrologue supprimé appartenait à un emploi de même catégorie que celui occupé par Mme [E] et, dans l'affirmative, si l'employeur ne s'était pas conformé à son obligation de respecter l'ordre des licenciements en procédant au licenciement de la salariée, la cour d'appel a privé de base légale à sa décision au regard des articles L. 1233-3 et L. 1233-5 du code du travail, pris dans leur rédaction applicable au litige ;

3°/ qu'en retenant, pour dire le licenciement de Mme [E] sans cause réelle et sérieuse, que l'employeur avait artificiellement procédé à la suppression du service métrologie en intégrant M. [G], métrologue, au nouveau service créé qualité-métrologie, quand elle constatait d'une part, qu'aux termes de la lettre de licenciement, une réorganisation du service qualité/métrologie était en cours, les activités actuelles du service qualité/métrologie étant pléthoriques, et d'autre part, que l'employeur faisait clairement état de la suppression du poste de métrologue, ce dont elle ne pouvait déduire que la société avait créé un « nouveau » service « qualité-métrologie » et avait artificiellement supprimé le service métrologie, la cour a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, pris dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La salariée conteste la recevabilité des deux premières branches du moyen. Elle soutient qu'elles sont nouvelles et mélangées de fait et de droit.

6. Cependant, contrairement à ce que soutient la salariée, l'employeur faisait valoir, dans ses conclusions, que le salarié qui a occupé ensuite les fonctions de Mme [E] appartenait à la même catégorie professionnelle.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, et L. 1233-5 du même code, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 :

8. Il résulte de ces textes que lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique, il doit définir, en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements dans chaque catégorie professionnelle.

9. Pour dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique de la salariée, qui occupait un poste de contrôleur qualité, l'arrêt retient que l'employeur, qui fait état de la suppression du poste de métrologue, a artificiellement procédé à la suppression du service métrologie en intégrant, à la place de l'intéressée, un autre salarié, qui occupait les fonctions de métrologue, au nouveau service créé de qualité-métrologie. Il en déduit que le contrat de travail a été rompu pour un motif non économique, car ne relevant pas de la suppression du poste de contrôleur qualité.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le poste de métrologue supprimé appartenait à un emploi de même catégorie que celui occupé par la salariée et, dans l'affirmative, si l'employeur ne s'était pas conformé à son obligation de respecter l'ordre des licenciements en procédant au licenciement de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation à intervenir n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par une autre condamnation prononcée à l'encontre de celui-ci et non remise en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Câbleries Lapp à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et lui ordonne le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [E] du jour de son licenciement jusqu'au jour de l'arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités, l'arrêt rendu le 20 août 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne Mme [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé par Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président en ayant délibéré en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Câbleries Lapp

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Sarl Câbleries Lapp à verser à Mme [E] la somme de 15 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir ordonné le remboursement par la Sarl Câbleries Lapp à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [E] du jour de son licenciement jusqu'au jour de l'arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités.

AUX MOTIFS QUE sur le motif économique : qu'il résulte de la combinaison des articles L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail que tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que le licenciement économique se justifie également en cas de réorganisation de l'entreprise ou de cessation des activités de l'employeur ; que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient; que le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L.2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 04 avril 2016 précise que:
« (...) Notre entreprise Câbleries LAPP, qui fabrique exclusivement des câbles pour des sociétés du même groupe, est confrontée à des fabricants de câbles tiers extérieurs au groupe habilités à vendre leurs produits au sein du groupe LAPP et qui fabriquent des prix de vente parfois 20% inférieurs aux nôtres.
Concrètement, les 14 unités de production du groupe ont généré un résultat net global largement négatif au cours du dernier exercice comptable clôturé.
Des premières mesures de réorganisation doivent être immédiatement envisagées en raison de l'importance des difficultés économiques rencontrées dans le secteur d'activité du Groupe LAPP auquel appartient notre entreprise mais également de l'importance des propres difficultés économiques de la société Câbleries LAPPP.

A la demande de notre actionnaire, comme déjà communiqué au comité d'entreprise, nous n'avons eu d'autre choix que de nous engager depuis plusieurs mois maintenant dans un processus d'amélioration de notre compétitivité par la recherche de gains de productivité; notre objectif étant de réduire nos écarts de prix de vente avec les fournisseurs extérieurs au groupe LAPP les plus performants.
Le projet manufacturing excellence ou encore plan d'amélioration de notre compétitivité, qui inclut les conclusions de l'audit réalisé sur site par Mr [C] en février 2015, a été validé par notre actionnaire le 23 mars 2015.
Ce plan d'amélioration de notre compétitivité, s'appuie sur 5 leviers d'optimisation de nos coûts:
La réduction des coûts matière
L'entretien ? réparation
La gestion de production avec une planification vers une charge continuelle La flexibilité en production
L'organisation du travail
Des actions concrètes sont en cours dans chacun des leviers.
Les leviers 4 et 5, regroupés sous le thème « Amélioration de la productivité de l'entreprise » ont donné lieu aux actions prioritaires suivantes: l'optimisation de l'expédition, du conditionnement et du banc-test: test en cours, la réduction des arrêts des machines d'isolation (goulot d'étranglement) par rupture torons cuivre et leurs répercussions sur les secteurs avals: actions en cours, cf management de proximité, l'arrêt du conditionnement CDHF1+2 et banc-test le week-end sur les produits SZ: réalisé, la mise en place de standard de production au secteur tressage (standard identique par poste) : réalisé, la mise en place d'un management de proximité dans tous les secteurs: actions bien engagées, remplacement des machines de conditionnement CDK3 4, déplacement CDK1 et projet associé d'un possible chargement des camions au conditionnement: études en cours, organisation et optimisation des services support: mutualisation, sous traitance, réorganisation du service appro/magasin, réorganisation en cours du service qualité/métrologie.
L'application de ces différentes actions prioritaires nous a permis de maîtriser nos effectifs et de réduire notre recours aux contrats dits flexibles de manière significative.
En effet, nos effectifs dits flexibles concernés sont passés de 28 personnes en février 2015 contre 6 personnes à ce jour (3 contrats à durée déterminée et 3 contrats intérimaires). Concernant la réorganisation du service qualité/métrologie, un workshop de deux jours a été organisé pour auditer le fonctionnement et les missions du service. Il ressort des analyses effectuées dans ce cadre que les activités actuelles de ce service sont pléthoriques et ne répondent pas aux exigences normatives.
En effet, selon les normes en vigueur, tout câble fabriqué dans l'entreprise doit faire l'objet de contrôles électriques et mécaniques spécifiques. Ces contrôles doivent être obligatoirement réalisés avant la livraison du produit fini au client et être traçables.

Or, il ressort des analyses réalisées que les contrôleurs sont aujourd'hui accaparés par les nombreux contrôles réalisés à chaque étape de production ce qui réduit considérablement leur disponibilité pour la réalisation des contrôles obligatoires sur le produit final. Concernant activités de métrologie, il a été constaté que les contrôles obligatoires en la matière ne représentent pas une activité à temps complet.
Afin de remédier à cette situation, il est projeté de :
Fusionner les activités qualité et métrologie qui peuvent être accomplies indifféremment par toute personne du service en raison des missions de même nature qui y sont accomplies ;
Passer l'ensemble des secteurs de production en « auto contrôle »
Recentrer les missions des contrôleurs sur le contrôle final à savoir les contrôles électriques et mécaniques exigés par les normes et leur traçabilité, sur l'audit et la formation des opérateurs aux gammes de contrôle et sur la supervision de l'auto contrôle des opérateurs sur leurs machines.
L'évolution des effectifs qui découlent de cette réorganisation est par conséquent la suivante: Organisation actuelle (jusqu'au 31/12/2015)
8 postes à temps complet et 1 poste à temps partiel à savoir:
1 responsable contrôle qualité interne
1 responsable contrôle U.I.LAPP (notre client principal)
1 métrologue
5 contrôleurs qualité
1 administratif à temps partiel pour les travaux de reporting vers la holding et le principal client UI LAPP
Organisation future:
5 postes à temps complet et 1 poste à temps partiel à savoir:
1 responsable qualité matières et process,
1 responsable qualité produits,
3 contrôleurs qualité,
1 administratif à temps partiel pour les travaux de reporting vers la holding et le principal client UI LAPP.
Soit la suppression de 2 postes de contrôleurs qualité et du poste de métrologie.
Entre le 1er janvier et le 1er mars 2016, deux départs naturels de contrôleurs qualité ont eu lieu dans le service qualité métrologie.
Concrètement la réorganisation du service entraîne donc la suppression d'un poste parmi les 6 salariés encore en poste au 1er mars 2016.
Or en application des critères d'ordre conformément à la réglementation, il en ressorti que vous étiez concernée par cet éventuel licenciement. Conformément à l'article L.1233-17 du code du travail, vous pourrez dans un délai de dix jours à compter de votre départ effectif de notre entreprise, nous demander par écrit les critères que nous avons retenus pour fixer l'ordre des licenciements.
Nous avons recherché des solutions de reclassement au sein de la société Câblerie Lapp, aucun poste disponible ne correspondant à vos compétences. Nous avons sollicité les sociétés Lapp France et Lapp Muller sur le territoire français, mais n'avons pas eu de réponse favorable à une éventuelle possibilité de reclassement dans ces entités. Par ailleurs, vous n'avez pas souhaité donner une suite favorable au questionnaire relatif au reclassement à l'étranger qui vous a été remis le 18 mars 2016 en mains propres. A savoir que votre absence de réponse à ce questionnaire vaut refus de recevoir des offres de reclassement à l'étranger. Nous vous rappelons que nous vous avons remis, lors de l'entretien préalable, une proposition de contrat de sécurisation professionnelle (CSP) et que vous disposiez, depuis cette date d'un délai de réflexion de vingt et un jours, soit jusqu'au 08 avril 2016 pour l'accepter ou le refuser.
Si vous l'acceptiez dans le délai imparti, la rupture de votre contrat de travail aurait lieu à la date d'expiration de ce délai d'un commun accord. Dans cette hypothèse, nous vous demanderions de bien vouloir considérer la présente lettre comme sans objet. (...) »

ET QUE la société Câbleries Lapp verse aux débats la liste des unités de production de câbles du groupe Lapp qui sont au nombre de 14 dont trois unités de production situés à Stuttgart (Allemagne), deux en France à [Localité 1] et à [Localité 2], Bescia-Edolo (Italie), Nykoping (suède), Camacari (Brésil), Florham Park (Etats Unis), Shanghai (Chine), Diessenhofen (Suisse), Tangerang (Indonésie), Jangan-Myeon (Corée du Sud), Bangalore (Inde) ; qu'elle a joint également les résultats financiers de l'exercice comptable 2014/2015 qui font apparaître des résultats très majoritairement négatifs pour les sociétés situées en Europe, au nombre de 8, et notamment pour les sociétés Cableries ([Localité 2]), Lapp Muller ([Localité 1]), Camuna Cavi ([Localité 3]), Lapp Tec AG (Suisse), mais également pour la société Lapp Brasil et Lapp Cable Works Shanghai qui subissent également d'importantes pertes ; que par ailleurs, sont également produits aux débats des données financières de la société Câbleries Lapp qui font apparaître qu'elle a subi une perte d'exploitation à hauteur de 614.000 euros au 30 septembre 2015 et qu'au 31 janvier 2016 soit 4 mois seulement depuis le début du nouvel exercice comptable, la perte d'exploitation avait doublé pour atteindre 1.263.000 euros ; que ce document précise également qu'afin de remédier à cette situation, il était prévu une réorganisation de l'entreprise consistant en la suppression de 2 postes de contrôleurs qualité et du poste de métrologue ; que la société Câbleries Lapp produit des éléments probants permettant d'établir la réalité des difficultés économiques ayant conduit à une réorganisation interne de l'entreprise ; que cependant, en dépit de la réalité des difficultés économiques, la société Câbleries Lapp a procédé au licenciement de Mme [E], qui occupait le poste de contrôleur qualité, alors que le projet de réorganisation et la lettre de licenciement faisant état de la suppression de deux postes de contrôleur qualité et d'un poste de métrologue ; qu'or, au jour de son licenciement pour motif économique, deux salariés occupant un poste de contrôleur qualité avaient d'ores et déjà quitté l'entreprise et qu'il restait à l'employeur à procéder à la suppression du poste de métrologue ; qu'il sera relevé que la société Câbleries Lapp a artificiellement procédé à la suppression du service de métrologie en intégrant M. [G] lequel occupait les fonctions de métrologue au nouveau service créé de qualité-métrologie ; qu'il convient de rappeler que la société Câbleries Lapp indiquait dans son projet de réorganisation du service de qualité-métrologie qu'afin de remédier à cette situation, il est projeté de fusionner les activités qualité et métrologie qui peuvent être accomplies indifféremment par toute personne du service en raison des missions de même nature qui y sont accomplies, de passer l'ensemble des secteurs de production en « auto contrôle » et de recentrer les missions des contrôleurs sur le contrôle final à savoir les contrôles électriques et mécaniques exigés par les normes et leur traçabilité, sur l'audit et la formation des opérateurs aux gammes de contrôle et sur la supervision de l'auto contrôle des opérateurs sur leurs machines ; qu'ainsi, cette suppression du poste de métrologue avait pour objectif de redistribuer entre les salariés de ce service les tâches en résultant ; que d'ailleurs, la société câbleries Lapp fait clairement état de la suppression du poste de métrologue mais a cependant intégré le salarié qui occupait le poste de métrologue au nouveau service créé et a licencié Mme [E] qui occupait les fonctions de contrôleur qualité ; qu'il en résulte que son contrat de travail a été rompu pour des motifs non économiques car ne relevant pas de la suppression du poste de contrôleur qualité mais de la suppression du poste de métrologue que Mme [E] n'occupait aucunement ; qu'en conséquence, le jugement querellé sera infirmé et le licenciement de Mme [E] sera déclaré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la mise en oeuvre des mesures de reclassement.

[?]

ET QUE sur les conséquences du licenciement : qu'en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'à la date du licenciement, Mme [E] percevait une rémunération mensuelle brute de 2.007,90? et bénéficiait au sein de l'entreprise d'une ancienneté de 7 années et 5 mois ; que consécutivement à son licenciement, elle verse aux débats les relevés de situation qui établissent qu'elle a perçu des indemnités au titre de l'allocation de sécurisation versée par Pôle Emploi durant les mois de septembre, octobre, novembre, décembre 2016 et janvier 2017 ainsi qu'une attestation de stage délivrée par l'école de reconversion professionnelle de Metz qui indique qu'elle a effectué une formation professionnelle de 6 mois entre le 04 janvier 2018 et le 03 juillet 2018 ; que dans ces conditions, la société Câbleries Lapp sera condamnée à verser à Mme [E] la somme de 15 000,00 ? à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que les conditions s'avèrent réunies pour ordonner le remboursement, par l'employeur, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités.

1°) ALORS QUE l'application des critères d'ordre du licenciement justifie, au sein d'une même catégorie d'emploi, le licenciement d'un salarié dont l'emploi n'est pas supprimé dès lors qu'il est désigné par l'application desdits critères ; que pour dire le licenciement de Mme [E] sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait procédé au licenciement de la salariée bien que les deux postes de contrôleur qualité dont la suppression était visée par le projet de réorganisation étaient d'ores et déjà supprimés au jour du licenciement et que le seul porte restant à supprimer était un poste de métrologue ; qu'en statuant ainsi, quand la circonstance tenant à la suppression de deux postes de contrôleur qualité et au fait que seul le poste de métrologue était ciblé par une suppression d'emploi au moment du licenciement était indifférente sur l'appréciation du bien fondé de la rupture du contrat de Mme [E], la cour d'appel a violé les articles L.1233-3 et L.1233-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QU'il appartient aux juges du fond de rechercher, dans le cadre d'un licenciement pour motif économique résultant d'une suppression d'emploi, si le poste supprimé appartient à un emploi de même catégorie professionnelle que celui occupé par le salarié licencié et, dans l'affirmative, si en procédant au licenciement de ce dernier, l'employeur s'est conformé à son obligation de respecter l'ordre des licenciements ; que la catégorie professionnelle à prendre en compte ne se réduit pas à un emploi déterminé, mais correspond à des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; que pour dire le licenciement de Mme [E] sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la rupture de son contrat de travail relevait non de la suppression du poste de contrôleur qualité mais de celle du poste de métrologue que l'intéressée n'occupait aucunement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le poste de métrologue supprimé appartenait à un emploi de même catégorie que celui occupé par Mme [E] et, dans l'affirmative, si l'employeur ne s'était pas conformé à son obligation de respecter l'ordre des licenciements en procédant au licenciement de la salariée, la cour d'appel a privé de base légale à sa décision au regard des articles L.1233-3 et L.1233-5 du code du travail, pris dans leur rédaction applicable au litige ;

3°) ALORS QU'en retenant, pour dire le licenciement de Mme [E] sans cause réelle et sérieuse, que l'employeur avait artificiellement procédé à la suppression du service métrologie en intégrant M. [G], métrologue, au nouveau service créé qualité-métrologie, quand elle constatait d'une part, qu'aux termes de la lettre de licenciement, une réorganisation du service qualité/métrologie était en cours, les activités actuelles du service qualité/métrologie étant pléthoriques, et d'autre part, que l'employeur faisait clairement état de la suppression du poste de métrologue, ce dont elle ne pouvait déduire que la société avait créé un « nouveau » service « qualité-métrologie » et avait artificiellement supprimé le service métrologie, la cour a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article L.1233-3 du code du travail, pris dans sa rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Sarl Câbleries Lapp à verser à Mme [E] la somme de 4.100,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche.

AUX MOTIFS QUE Mme [E] invoque une priorité de réembauche, soutenant que son employeur a été invité à justifier des embauches postérieures à son licenciement et à son remplacement par M. [G] ; que la société Câbleries Lapp réplique que le registre du personnel mentionne le recrutement d'un cadre dirigeant, de 4 techniciens et de 2 ouvriers de production, que ces recrutements ont été opérés en considération de compétences professionnelles que Mme [E] ne possédait pas ; que l'article L.1233-45 du code du travail précise que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai ; que dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification ; qu'en outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles ; que le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur ; que l'article L.1235-13 du code du travail dispose qu'en cas de non-respect de cette priorité de réembauche, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire ; que de plus, il est constant que la priorité de réembauchage ne peut s'exercer que lorsque l'employeur procède à des embauches ; qu'en l'espèce, il sera relevé en premier lieu que la lettre de licenciement mentionne précisément cette priorité de réembauche et les modalités de sa mise en oeuvre ; que par ailleurs, Mme [E] a manifesté sa volonté de faire l'objet d'une réembauche suivant courrier remis en main du 5 avril 2016 ; que la société Câbleries Lapp verse aux débats le registre du personnel qui fait apparaître que la société faisait appel de manière habituelle à des contrats saisonniers au cours des mois de juillet et août sans que les travailleurs intérimaires qui sont intervenus durant les mois de juillet et août 2016 n'aient fait l'objet d'une embauche à l'exception de M. [R], ouvrier, qui a bénéficié d'un contrat saisonnier à compter du 4 juillet 2016 puis d'un contrat à durée déterminée puis d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il sera d'ores et déjà précisé que l'employeur reste taisant à l'endroit de M. [R] et ne verse aux débats aucun élément propre à établir qu'il avait des compétences professionnelles que Mme [E] ne possédait pas ; que la société a également embauché M. [V] en date du 1er février 2017 ainsi que M. [U] à la même date, les deux salariés ayant été engagés en qualité d'ouvrier et ayant auparavant travaillé au sein de la société en qualité d'agent de production ; que M. [U] a bénéficié de 16 9 contrats d'intérim, sans aucune interruption à compter du 25 mai 2016 et jusqu'au 31 janvier 2017 ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur qui n'établit pas que les emplois disponibles sont incompatibles avec la qualification du salarié licencié n'a pas respecté la priorité de réembauchage ; qu'en conséquence, le jugement querellé sera infirmé et la société Câbleries Lapp sera condamnée à verser à Mme [E] la somme de 4 100 ? à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche ;

ET QUE sur les dépens et les frais irrépétibles : que la société Câbleries Lapp qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et de première instance ; que la société Câbleries Lapp sera également condamnée à verser à Mme [E] la somme de 1 500 ? en application de l'article 700 du code de procédure civile.

1°) ALORS QUE l'employeur informe le salarié ayant demandé à bénéficier de la priorité de réembauche de tout emploi disponible et compatible avec sa qualification, sous réserve qu'il s'agisse d'un emploi de même niveau ; qu'en retenant, pour condamner l'employeur pour non-respect de la priorité de réembauche, que Messieurs [R], [V] et [U] avaient été embauchés en qualité d'ouvrier après le licenciement de Mme [E], quand la cour aurait dû déduire de ses constatations que les postes concernés par ces recrutements n'étaient pas de même niveau que celui occupé par Mme [E], contrôleur qualité, de sorte qu'ils ne pouvaient lui être proposés, la cour d'appel a violé l'article L.1233-45 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QUE la preuve de la compatibilité des postes disponibles avec la qualification du salarié licencié dans le cadre du dispositif de la priorité de réembauche n'incombe spécialement à aucune partie ; qu'il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en retenant, pour condamner l'employeur pour non-respect de la priorité de réembauche, que l'employeur n'établissait pas que les emplois disponibles étaient incompatibles avec la qualification de Mme [E], quand il appartenait à l'intéressée qui invoquait un manquement de l'employeur aux principes régissant la priorité de réembauche de prouver que lesdits postes étaient compatibles avec sa qualification, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile, ensemble l'article L.1233-45 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-23356
Date de la décision : 12/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 20 août 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 mai. 2021, pourvoi n°19-23356


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23356
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