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12/05/2021 | FRANCE | N°19-19454

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mai 2021, 19-19454


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 534 F-D

Pourvoi n° P 19-19.454

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MAI 2021

M. [I] [N], domicilié [Adresse 1], a

formé le pourvoi n° P 19-19.454 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 534 F-D

Pourvoi n° P 19-19.454

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MAI 2021

M. [I] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 19-19.454 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de Mme [G] [E], en qualité de mandataire liquidateur de la société Altis Semiconductor,

2°/ à la société X-Fab France, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

La société MJA prise en la personne de Mme [E], ès qualités, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société MJA, en la personne de Mme [E], ès qualités, de la SCP Ortscheidt, avocat de la société X-Fab France, après débats en l'audience publique du 16 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mai 2019), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 29 septembre 2015, pourvoi n° 13-28.234), M. [N], engagé le 23 février 1979 par la société IBM France en qualité d'agent de fabrication, a été informé le 24 mars 2000 par son employeur du transfert de son contrat de travail auprès de la société Altis Semiconductor. Il a engagé des actions prud'homales en référé afin d'obtenir sa réintégration au sein de la société IBM France et le paiement de rappel de salaires. Par ordonnance du 18 juillet 2002, la formation de référé du conseil de prud'hommes a déclaré qu'il était resté salarié de la société IBM France. Le salarié a alors réintégré les effectifs de cette société. Par jugement du 22 juillet 2004, le conseil de prud'hommes a dit que le salarié n'était plus au service de la société IBM France depuis avril 2000, et que le contrat de travail du salarié avait été transféré à la société Altis Semiconductor. Par arrêt du 7 septembre 2006, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement, dit que le salarié était resté salarié de la société IBM France jusqu'au 14 décembre 2000 et a condamné cette dernière à lui payer des dommages-intérêts pour inexécution fautive du projet social d'entreprise du 1er octobre 1999 et à lui remettre les bulletins de salaire pour les mois d'avril à octobre 2000.

2. Le salarié, dont l'arrêt de travail pour maladie prenait fin le 5 mai 2007, a demandé à la société Altis Semiconductor de lui indiquer les conditions de sa reprise de travail. Par lettre du 23 mai 2007, la société Altis Semiconductor l'a informé qu'elle n'avait aucun poste disponible à lui proposer.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

4. La société Altis Semiconductor a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire. Par jugement du 30 septembre 2016, le tribunal de commerce a adopté le plan de cession de la société Altis Semiconductor au bénéfice de la société X-Fab France. Par jugement du 14 février 2017, la société Altis Semiconductor a été placée en liquidation judiciaire, la société MJA, en la personne de Mme [E], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à sa réintégration au sein de la société X-Fab et à ce que celle-ci soit condamnée à lui verser un rappel de salaire du 30 septembre 2016 au 30 avril 2019 d'un montant de 72 036,25 euros, alors « que si une entreprise en difficulté fait l'objet d'une cession en exécution de l'article L. 642-5 du code de commerce, le contrat de travail des salariés dont le licenciement n'a pas été autorisé par le jugement arrêtant le plan de cession se trouve repris par le cessionnaire par l'effet de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que les licenciements antérieurement prononcés sont de nul effet ; que le jugement arrêtant le plan de cession indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées, d'où il suit qu'une liste nominative des salariés licenciés ou repris par le cessionnaire est dépourvue d'effet ; qu'il en découle que le repreneur d'une entreprise en liquidation judiciaire est tenu de réintégrer le salarié protégé irrégulièrement congédié, sans pouvoir invoquer le fait que ce dernier ne figurait pas sur la liste nominative des salariés repris, arrêtée par le jugement du tribunal de commerce homologuant le plan de cession ; qu'en refusant de constater que le licenciement de l'exposant prononcé sans autorisation de l'inspection du travail était nul et n'avait pu mettre fin à son contrat de travail qui se poursuivait par l'effet de la cession et de l'article L. 1224-1 du code du travail, avec la société X-Fab qui était tenue de le réintégrer, sans pouvoir invoquer la liste nominative susvisée sur laquelle ne figurait pas le nom de celui-ci, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences juridiques qui s'évinçaient de ses propres constatations et partant a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble les articles L. 642-5 et R. 642-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. La société MJA, en la personne de Mme [E], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Altis Semiconductor conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau.

8. Cependant, le moyen ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 631-22, L. 642-5 et R. 642-3 du code de commerce et l'article L. 1224-1 du code du travail :

10. La cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par le tribunal de commerce entraîne, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail des salariés attachés à l'entreprise cédée. Il ne peut être dérogé à ces dispositions que lorsqu'en application des articles L. 631-22 et L. 642-5 du code de commerce, le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement. Le jugement arrêtant le plan doit indiquer le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées, d'où il suit qu'une liste nominative des salariés licenciés ou repris par le cessionnaire n'a pas à être dressée et serait en toute hypothèse dépourvue d'effet.

11. Pour débouter le salarié de ses demandes formées à l'encontre de la société X-Fab France, l'arrêt retient que le plan de cession arrêté par le jugement du tribunal de commerce du 30 septembre 2016 prévoyait la reprise des salariés dont la liste était annexée, dans laquelle n'apparaissait pas le salarié, et que la société X-Fab France n'était tenue que dans les limites de ce jugement.

12. En se déterminant ainsi, après avoir jugé que le licenciement du salarié par la société Altis Semiconductor, entreprise cédante, était nul, sans constater que le plan de cession prévoyait des licenciements pour motif économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

13. Conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif critiqué par le second moyen, se rapportant à la demande de rappels de salaire courant entre la date du licenciement et la cession de la société Altis Semiconductor, ainsi que des chefs de dispositif ayant, sur les demandes subsidiaires du salarié, fixé au passif de la procédure collective de la société Altis Semiconductor des sommes à titre d'indemnité pour licenciement nul, d'indemnité pour violation du statut protecteur, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et d'indemnité légale de licenciement.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [N] de ses demandes formées à l'encontre de la société X-Fab France, en ce qu'il déboute M. [N] de sa demande de fixation au passif de la société Altis Semiconductor d'une créance à titre de salaire pour la période du 5 mai 2007 au 30 septembre 2016 et en ce qu'il fixe au passif de la société Altis Semiconductor les sommes de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, de 40 137,50 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, de 4 225 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 422,50 euros à titre de congés payés afférents et de 2 699,77 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, l'arrêt rendu le 16 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société X-Fab et la société MJA, en la personne de Mme [E], en qualité de liquidateur judiciaire, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société X-Fab et par la société MJA, en la personne de Mme [E], en qualité de liquidateur judiciaire et les condamne à payer à M. [N] la somme de 1 500 euros chacune ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [N]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à sa réintégration au sein de la société X-Fab et à ce que celle-ci soit condamnée à lui verser un rappel de salaire du 30 septembre 2016 au 30 avril 2019 d'un montant de 72.036,25 euros.

AUX MOTIFS QUE le plan de cession, arrêté par le tribunal de commerce aux termes de son jugement du 30 septembre 2016, prévoyait la reprise des salariés dont la liste était annexée mais parmi laquelle le nom de M. [N] n'apparaît pas ; que conformément aux dispositions de l'article L. 642-5 du code de commerce, la société X-FAB France n'est tenue que dans les limites de ce jugement, ce dont il résulte que la demande de réintégration de M. [N] parmi les effectifs ne peut lui être imposée.

1° ALORS QUE si une entreprise en difficulté fait l'objet d'une cession en exécution de l'article L. 642-5 du code de commerce, le contrat de travail des salariés dont le licenciement n'a pas été autorisé par le jugement arrêtant le plan de cession se trouve repris par le cessionnaire par l'effet de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que les licenciements antérieurement prononcés sont de nul effet ; que le jugement arrêtant le plan de cession indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées, d'où il suit qu'une liste nominative des salariés licenciés ou repris par le cessionnaire est dépourvue d'effet ; qu'il en découle que le repreneur d'une entreprise en liquidation judiciaire est tenu de réintégrer le salarié protégé irrégulièrement congédié, sans pouvoir invoquer le fait que ce dernier ne figurait pas sur la liste nominative des salariés repris, arrêtée par le jugement du tribunal de commerce homologuant le plan de cession ; qu'en retenant que l'exposant ne pouvait être réintégré au sein de la société cessionnaire X-Fab après son licenciement par la société Altis Semiconductor sans autorisation de l'inspection du travail, en considération du seul fait que son nom n'apparaissait pas sur la liste des salariés repris annexée au plan de cession arrêté par le jugement du tribunal de commerce du 30 septembre 2016, quand cette liste était dépourvue de tout effet et, d'autre part, le jugement arrêtant le plan de cession avait prévu la reprise de la totalité du personnel de la société Altis Semiconductor, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble les articles L. 642-5 et R. 642-3 du code de commerce.

2/ ALORS QUE si une entreprise en difficulté fait l'objet d'une cession en exécution de l'article L. 642-5 du code de commerce, le contrat de travail des salariés dont le licenciement n'a pas été autorisé par le jugement arrêtant le plan de cession se trouve repris par le cessionnaire par l'effet de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que les licenciements antérieurement prononcés sont de nul effet ; que le jugement arrêtant le plan de cession indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées, d'où il suit qu'une liste nominative des salariés licenciés ou repris par le cessionnaire est dépourvue d'effet ; qu'il en découle que le repreneur d'une entreprise en liquidation judiciaire est tenu de réintégrer le salarié protégé irrégulièrement congédié, sans pouvoir invoquer le fait que ce dernier ne figurait pas sur la liste nominative des salariés repris, arrêtée par le jugement du tribunal de commerce homologuant le plan de cession ; qu'en refusant de constater que le licenciement de l'exposant prononcé sans autorisation de l'inspection du travail était nul et n'avait pu mettre fin à son contrat de travail qui se poursuivait par l'effet de la cession et de l'article L. 1224-1 du code du travail, avec la société X-Fab qui était tenue de le réintégrer, sans pouvoir invoquer la liste nominative susvisée sur laquelle ne figurait pas le nom de celui-ci, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences juridiques qui s'évinçaient de ses propres constatations et partant a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble les articles L. 642-5 et R. 642-3 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à ce qu'il soit fixé au passif de la société Altis Semiconductor une créance de rappel de salaires couvrant la période du 5 mai 2007 au 30 septembre 2016 d'un montant de 196.170 euros.

AUX MOTIFS QUE M. [N] ne formule des demandes de rappel de salaire et de "régularisation sociale" que dans l'hypothèse d'une réintégration ; que cette réintégration étant impossible, du fait, d'une part, de la cession de l'actif de la société IBM FRANCE et de sa liquidation et, d'autre part, des considérations qui précèdent, il convient de ne statuer que sur les demandes subsidiaires formées au titre d'un licenciement que M. [N] qualifie d'illicite ; qu'il est également fondé à obtenir une indemnité pour violation de son statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, augmentée de 12 mois, soit jusqu'au 4 décembre 2008, indemnité qui, au vu de ses calculs qui sont exacts, s'élève à 40 137,50 euros ;

ALORS QUE le conseiller du salarié licencié sans autorisation de l'inspection du travail et qui demande sa réintégration avant le terme de la période triennale de son mandat en cours au jour du licenciement, ou dans les douze mois qui suivent son éviction de l'entreprise, a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à sa réintégration effective ; qu'ayant déclaré que la réintégration du salarié était impossible en raison du fait que son nom n'apparaissait pas dans la liste des salariés repris par la société X-Fab annexée au plan de cession homologué par jugement en date du septembre 2016 pour ensuite limiter l'indemnisation à la période courant de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection augmentée de douze mois, la cassation à intervenir au titre du premier moyen entraînera par voie de conséquence le chef du dispositif attaqué par le présent moyen en application de l'article 624 du code de procédure civile. Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société MJA, en la personne de Mme [E], ès qualités

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que Monsieur [N] et la société ALTIS SEMICONDUCTOR ont été liés par un contrat de travail entre le 14 décembre 2000 et le 5 mai 2007, d'AVOIR dit que la rupture des relations contractuelles, intervenue le 5 mai 2007, constitue un licenciement nul, d'AVOIR fixé la créance de Monsieur [N] au passif de la société ALTIS SEMICONDUCTOR aux sommes de 20.000 ? à titre d'indemnité pour licenciement nul, 40.137,50 ? à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, 4.225 ? à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 422,50 ? au titre des congés payés afférents, 2.699,77 ? à titre d'indemnité légale de licenciement, ainsi que d'avoir condamné la SELAFA MJA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ALTIS SEMICONDUCTOR, à payer à Monsieur [N] une indemnité de 1.500 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi que d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait fait droit à la demande de Monsieur [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'existence d'un transfert du contrat de travail de Monsieur [N] entre la société IBM FRANCE et la société ALTIS SEMICONDUCTOR ; Aux termes de l'article L.122-12 du code du travail, alors applicable à l'espèce, (devenu, depuis l'article L.1224-1), s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. En l'espèce, Monsieur [N] avait été engagé le 23 février 1979 par la société IBM FRANCE au sein de l'usine de [Localité 1], comme agent de fabrication et à compter des années 1998 et 1999, la société IBM FRANCE est entrée en négociations avec la société SIEMENS et a décidé de créer une filiale commune prenant le nom d'ALTIS. Monsieur [N] fait valoir qu'à compter de 2000, les deux entreprises lui ont fait part du transfert de plein droit de son contrat de travail de la société IBM FRANCE à la société ALTIS SEMICONDUCTOR. Cependant, toutes les parties s'accordent pour considérer qu'en réalité, les conditions légales de ce transfert de plein droit n'étaient pas réunies, car l'activité de sécurité industrielle dont Monsieur [N] dépendait n'avait pas été intégralement transférée à la société ALTIS SEMICONDUCTOR. Par conséquent, l'application des dispositions de l'article L.122-12 du code du travail ne pouvait résulter que d'une application volontaire de la part des parties, ce qui supposait, notamment, l'accord exprès et non équivoque du salarié, au moment de la mise en oeuvre de ces dispositions. Or, Monsieur [N] ayant fait l'objet d'arrêts de travail et devant reprendre son poste au mois d'octobre 2000, écrivait le 27 octobre 2000 à la société IBM FRANCE qu'il refusait le transfert de son contrat de travail, estimant qu'il s'agissait d'une modification substantielle de ce contrat. La société ALTIS SEMICONDUCTOR et Monsieur [N] sont alors vainement entrées en négociation et par lettre des 16 janvier, 22 février, 23 mars, 30 mai et 18 juin 2001, Monsieur [N] a demandé expressément à la société ALTIS SEMICONDUCTOR de le réintégrer dans les effectifs de la société IBM FRANCE. Monsieur [N] a alors saisi le formation de référé du conseil de prud'hommes d'Evry afin que celui-ci juge qu'il était demeuré salarié de la société IBM FRANCE au sein de laquelle il demandait sa réintégration. Il est ainsi établi qu'au moment où les deux sociétés faisaient état de l'application des dispositions susvisées, Monsieur [N] a opposé son refus de façon claire, dépourvue d'équivoque et réitérée. Ce n'est qu'à compter de 2007 que Monsieur [N] a demandé son intégration au sein des effectifs de la société ALTIS SEMICONDUCTOR. Cette demande est sans effet, puisque formulée dans un délai trop éloigné pour permettre une rencontre des volontés des parties. Il résulte de ces considérations que le contrat de travail de Monsieur [N] n'a pas été transféré à la société ALTIS SEMICONDUCTOR. Sur l'existence alléguée d'une relation de travail entre Monsieur [N] et la société ALTIS SEMICONDUCTOR Le contrat de travail suppose l'existence d'un prestation de travail moyennant rémunération, exécutée sous un lien de subordination, caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. En l'espèce, Monsieur [N] fait valoir qu'il a, de manière effective, occupé un poste au sein de la société ALTIS SEMICONDUCTOR à compter du 14 décembre 2000, ce que conteste cette société. Par lettre du 6 décembre 2000, la société ALTIS SEMICONDUCTOR a indiqué à Monsieur [N] qu'aux termes de son arrêt de travail, il commencerait la prise de son poste au sein de ses effectifs à compter dul4 décembre. Par lettre du 23 avril 2001, la société ALTIS SEMICONDUCTOR lui écrivait : «le transfert de votre contrat de travail d7BM à ALTIS s'est opéré de plein droit par application de l 'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail [...] Lors de la reprise de votre travail il vous a été proposé un poste en horaire "normal", conformément aux recommandations du médecin du travail [ ...] C'est pourquoi nous vous avons proposé le 6 décembre 2000 un poste "emballage GATE QA" en horaire normal, conforme à vos souhaits ainsi qu'aux recommandations du médecin du travail, poste que vous avez accepté et que vous occupez depuis le 14 décembre 2000 [ ...] ». Monsieur [N] produit des bulletins de paie délivrés par la société ALTIS SEMICONDUCTOR de décembre 2000 à août 2003 avec mention de la rémunération d'un travail à temps complet, un organigramme mentionnant son nom au sein de l'équipe distribution et emballage, un courriel émanant de son responsable hiérarchique, lui communiquant le mot de passe pour son ordinateur, des cartes de pointage datées de 2000, et 2001, ainsi qu'un compte rendu d'évaluation du 22 mai 2011, faisant état d'un travail effectif et non pas seulement, comme le prétend la société ALTIS SEMICONDUCTOR, de la fixation d'objectifs. Il convient de préciser que tous ces éléments émanent de cette société. Enfin, Monsieur [N] produit une attestation d'une collègue, Madame [Z], qui déclare l'avoir souvent vu, au cours de l'année 2001, rencontrer une déléguée syndicale dans un des bureaux où elle travaillait et que, d'après ce qu'elle savait, cette personne l'assistait pour des problèmes relatifs à son poste de travail. Il résulte de ces éléments concordants que Monsieur [N] a réalisé une prestation de travail pour le compte de la société ALTIS SEMICONDUCTOR, sous sa subordination et moyennant rémunération. Malgré l'absence de transfert, un contrat de travail a donc lié Monsieur [N] à la société ALTIS SEMICONDUCTOR à compter du 14 décembre 2000 et il importe peu, à cet égard, que ce contrat de travail ait été suspendu à plusieurs reprises par des arrêts de travail de Monsieur [N] pour cause de maladie. Sur la rupture des relations de travail ; La rupture d'un contrat de travail à l'initiative de l'employeur constitue un licenciement. En l'espèce, Monsieur [N], en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 5 mai 2007, a demandé à la société ALTIS SEMICONDUCTOR la poursuite de son contrat de travail par plusieurs lettres et par lettre du 23 mai 2007, cette société l'a informé qu'elle n'avait actuellement aucun poste disponible correspondant à ses qualifications. Cette rupture intervenue à l'initiative de l'employeur le 5 mai 2007, constitue donc un licenciement. Exerçant les fonctions de délégué du salarié au moment de la rupture, le licenciement doit être déclaré nul en application des dispositions des articles L. 1232-14 et L 2411-21 du code du travail, en l'absence de demande d'autorisation auprès de l'inspection du travail. Monsieur [N] ne formule des demandes de rappel de salaire et de "régularisation sociale" que dans l'hypothèse d'une réintégration. Cette réintégration étant impossible, du fait, d'une part, de la cession de l'actif de la société IBM FRANCE et de sa liquidation et d'autre part des considérations qui précèdent, il convient de ne statuer que sur les demandes subsidiaires formées au titre d'un licenciement que Monsieur [N] qualifie d'illicite. Au vu des bulletins de paie de Monsieur [N], sa rémunération brute mensuelle moyenne jusqu'en 2013 s'élevait à 1.896 euros, ce dont il résulte que son évaluation du salaire de base à 2.112,50 euros au moment de la rupture intervenue en 2007 est justifiée. Monsieur [N] est fondé à demander une indemnité pour licenciement illicite égale à celle prévue par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans leur version applicable au litige et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire. Au moment de la rupture, Monsieur [N], âgé de 49 ans, comptait environ 6 ans et demi d'ancienneté. Il justifie de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'en 2012. Au vu de cette situation, il convient d'évaluer son préjudice à 20.000 euros, comme l'avait fait à juste titre le conseil de prud'hommes, quoique sous une qualification différente. Monsieur [N] est également fondé à obtenir une indemnité pour violation de son statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, augmentée de 12 mois, soit jusqu'au 4 décembre 2008, indemnité qui, au vu de ses calculs qui sont exacts, s'élève à 40.137,50 euros. A la date de la rupture, Monsieur [N] avait plus de deux années d'ancienneté et est donc fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, soit la somme de 4.225 euros, ainsi que les congés payés afférents, soit 422,50 euros. Monsieur [N] est également fondé à percevoir une indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L.1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, dans leur version applicable au litige et qui s'élève à 2.699,77 euros (2.112,50 ? x 1/5 x 6,39 ans) » ;

1. ALORS QUE lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert volontaire du contrat de travail ne peut intervenir sans l'accord exprès du salarié, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du contrat de travail ; que, de la même manière, la reprise volontaire du contrat du salarié ne peut résulter de la seule poursuite de son contrat, en particulier lorsque la société soutient que cette reprise procède exclusivement d'une erreur sur les conditions d'application dudit article ; qu'en l'espèce, l'exposante soutenait, sans être contredite, qu'elle avait à tort considéré avoir été tenue de faire application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que la cour d'appel, après avoir retenu qu'aucun transfert du contrat de Monsieur [N], ni légal, ni volontaire, n'était intervenu, a néanmoins considéré, pour retenir l'existence d'un contrat de travail entre la société ALTIS SEMICONDUCTOR et Monsieur [N], que cette dernière, considérant que le transfert de son contrat s'était « opéré de plein droit par application de l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail », lui avait proposé un poste « emballage GATE QA » et que le salarié versait aux débats des bulletins de paie, un organigramme, un courriel de communication d'un mot de passe d'ordinateur, des cartes de pointage, un compte-rendu d'entretien, et l'attestation d'une salariée déclarant avoir vu Monsieur [N] rencontrer une déléguée syndicale, ce dont elle a déduit que, malgré l'absence de transfert, un contrat de travail avait bien existé entre la société ALTIS SEMICONDUCTOR et Monsieur [N] ; qu'en statuant ainsi, quand le contrat de travail ne s'était poursuivi entre les parties que par l'effet d'une application erronée de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a violé ledit article, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, l'article L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail ;

2. ET ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'employeur qui fait application de l'article L. 1224-1 du code du travail en dehors de ses conditions légales d'application est recevable à se prévaloir du refus du salarié de changer d'employeur ; que l'absence de ce refus ne peut se déduire de la seule poursuite du contrat lorsque le salarié a, ailleurs, exprimé sa volonté expresse que le contrat ne se poursuive pas ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que Monsieur [N] « écrivait le 27 octobre 2000 à la société IBM FRANCE qu'il refusait le transfert de son contrat de travail », que « par lettres des 16 janvier, 22 février, 23 mars, 30 mai et 18 juin 2001, [il] a[vait] demandé expressément à la société ALTIS SEMICONDUCTOR de le réintégrer dans les effectifs de la société IBM FRANCE », qu'il « a[vait] saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes d'Evry afin que celui-ci juge qu'il était demeuré salarié de la société IBM FRANCE au sein de laquelle il demandait sa réintégration », en sorte que « Monsieur [N] a[vait] opposé son refus de façon claire, dépourvue d'équivoque et réitérée » au transfert de son contrat et que ce n'était « qu'à compter de 2007 [qu'il avait] demandé son intégration au sein des effectifs de la société ALTIS SEMICONDUCTOR » ; qu'en se fondant néanmoins sur des éléments dont elle a déduit qu'une relation de travail s'était poursuivie entre les partie entre le 14 décembre 2000 et le 5 mai 2007, soit pendant toute la période durant laquelle le salarié, ainsi qu'elle l'a constaté, avait manifesté son opposition expresse et réitérée au transfert de son contrat de travail, la cour d'appel a violé 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, les articles L. 1224-1, L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail ;

3. ET ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'existence d'un contrat de travail se caractérise par l'exécution d'une prestation de travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution, et d'en sanctionner les manquements ; que la cour d'appel a considéré, pour retenir l'existence d'un contrat de travail entre la société ALTIS SEMICONDUCTOR et Monsieur [N], que cette dernière parce qu'elle estimait que le transfert de son contrat s'était « opéré de plein droit par application de l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail », lui avait proposé un poste « emballage GATE QA » et que le salarié versait aux débats des bulletins de paie, un organigramme, un courriel de communication d'un mot de passe d'ordinateur, des cartes de pointage, un compte-rendu d'entretien, et l'attestation d'une salariée déclarant avoir vu Monsieur [N] rencontrer une déléguée syndicale ; qu'en statuant ainsi, par des éléments impropres à caractériser que Monsieur [N] avait effectivement effectué une prestation de travail pour l'exposante, ce que la société ALTIS SEMICONDUCTOR avait toujours contesté, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

4. ET ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les pièces du dossier ; qu'en l'espèce, l'entretien dont se prévalait Monsieur [N] fixait une liste d'objectifs sans faire état d'aucun travail effectué ; qu'en retenant que le « compte-rendu d'évaluation » du 22 mai 2001 versé aux débats par le salarié aurait fait état d'un travail effectif, la cour d'appel a dénaturé ce document en méconnaissance du principe sus-énoncé.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la rupture des relations contractuelles, intervenue le 5 mai 2007, constitue un licenciement nul, d'AVOIR fixé la créance de Monsieur [N] au passif de la société ALTIS SEMICONDUCTOR aux sommes de 20.000 ? à titre d'indemnité pour licenciement nul, 40.137,50 ? à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, 4.225 ? à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 422,50 ? au titre des congés payés afférents, 2.699,77 ? à titre d'indemnité légale de licenciement, ainsi que d'avoir condamné la SELAFA MJA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ALTIS SEMICONDUCTOR, à payer à Monsieur [N] une indemnité de 1.500 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi que d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait fait droit à la demande de Monsieur [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « sur la rupture des relations de travail ; La rupture d'un contrat de travail à l'initiative de l'employeur constitue un licenciement. En l'espèce, Monsieur [N], en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 5 mai 2007, a demandé à la société ALTIS SEMICONDUCTOR la poursuite de son contrat de travail par plusieurs lettres et par lettre du 23 mai 2007, cette société l'a informé qu'elle n'avait actuellement aucun poste disponible correspondant à ses qualifications. Cette rupture intervenue à l'initiative de l'employeur le 5 mai 2007, constitue donc un licenciement. Exerçant les fonctions de délégué du salarié au moment de la rupture, le licenciement doit être déclaré nul en application des dispositions des articles L. 1232-14 et L 2411-21 du code du travail, en l'absence de demande d'autorisation auprès de l'inspection du travail. Monsieur [N] ne formule des demandes de rappel de salaire et de "régularisation sociale" que dans l'hypothèse d'une réintégration. Cette réintégration étant impossible, du fait, d'une part, de la cession de l'actif de la société IBM FRANCE et de sa liquidation et d'autre part des considérations qui précèdent, il convient de ne statuer que sur les demandes subsidiaires formées au titre d'un licenciement que Monsieur [N] qualifie d'illicite. Au vu des bulletins de paie de Monsieur [N], sa rémunération brute mensuelle moyenne jusqu'en 2013 s'élevait à 1.896 euros, ce dont il résulte que son évaluation du salaire de base à 2.112,50 euros au moment de la rupture intervenue en 2007 est justifiée. Monsieur [N] est fondé à demander une indemnité pour licenciement illicite égale à celle prévue par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans leur version applicable au litige et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire. Au moment de la rupture, Monsieur [N], âgé de 49 ans, comptait environ 6 ans et demi d'ancienneté. Il justifie de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'en 2012. Au vu de cette situation, il convient d'évaluer son préjudice à 20.000 euros, comme l'avait fait à juste titre le conseil de prud'hommes, quoique sous une qualification différente. Monsieur [N] est également fondé à obtenir une indemnité pour violation de son statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, augmentée de 12 mois, soit jusqu'au 4 décembre 2008, indemnité qui, au vu de ses calculs qui sont exacts, s'élève à 40.137,50 euros. A la date de la rupture, Monsieur [N] avait plus de deux années d'ancienneté et est donc fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, soit la somme de 4.225 euros, ainsi que les congés payés afférents, soit 422,50 euros. Monsieur [N] est également fondé à percevoir une indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, dans leur version applicable au litige et qui s'élève à 2.699,77 euros (2.112,50 ? x 1/5 x 6,39 ans) » ;

1. ALORS QUE la cour d'appel a constaté que, suite à l'ordonnance du conseil des prud'hommes d'EVRY du 18 juillet 2002 ayant fait droit à sa demande, Monsieur [N] avait été réintégré au sein de la société IBM FRANCE ; qu'il était constant qu'il était demeuré à la disposition de cette dernière durant plusieurs années, qu'elle l'avait rémunéré et qu'il avait été désigné et candidat à divers mandats de représentant du personnel en son sein (candidat aux élections de délégués du personnel et membre du comité d'établissement, délégué syndical supplémentaire, représentant syndical suppléant, représentant syndical au CHSCT) ; qu'ainsi que l'a constaté la cour d'appel, ce n'est que le 6 avril 2007, soit après que la cour d'appel de PARIS a décidé que Monsieur [N] était demeuré salarié de la société IBM FRANCE jusqu'au 14 décembre 2000 et que cette dernière a cessé de le rémunérer, que Monsieur [N] a, pour la première fois, demandé son intégration dans les effectifs de la société ALTIS SEMICONDUCTOR, n'ayant, jusqu'à cette date, cessé de prétendre, notamment dans le cadre des différentes actions judiciaires qu'il a intentées, qu'il était salarié de la société IBM FRANCE ; qu'en s'abstenant de s'assurer que le contrat de travail dont elle a retenu l'existence à compter du 14 décembre 2000 avait pu, dans ces conditions, perdurer au sein de la société ALTIS SEMICONDUCTOR jusqu'au 5 mai 2007, date à laquelle elle a fixé la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

2. ET ALORS QUE les juges sont tenus de motiver leur décision ; qu'en première instance, le conseil de prud'hommes avait retenu que le contrat de travail avec la société ALTIS SEMICONDUCTOR avait été rompu le 23 juillet 2003 dès lors qu'« à compter du 23 juillet 2003, Monsieur [N] est payé par la société IBM ; qu'au sein de cette société Monsieur [N] s'est fait élire délégué du personnel et délégué syndical de CHSCT (?) qu'il est incontestable que Monsieur [N] n'est plus salarié de la société SEMICONDUCTOR depuis le 1er juillet 2003 (?) que la demande de Monsieur [N] est fondée sur une relation contractuelle continue avec la société ALTIS SEMICONDUCTOR depuis le 14 décembre 2000 alors que la relation contractuelle est rompue à compter du 23 juillet 2003 (?) » ; qu'en infirmant le jugement sans s'expliquer sur les motifs retenus par les premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3. ET ALORS QUE le licenciement de fait suppose une manifestation de volonté claire et non équivoque de l'employeur de rompre le contrat de travail ; qu'en l'espèce, il était constant qu'après avoir constamment contesté le transfert de son contrat de travail au sein société ALTIS SEMICONDUCTOR et obtenu sa réintégration au sein de la société IBM FRANCE, Monsieur [N] avait, suite à l'arrêt du 7 septembre 2006 en exécution duquel la société IBM FRANCE avait cessé de le rémunérer, demandé pour la première fois à la société ALTIS SEMICONDUCTOR son intégration dans ses effectifs ; que ladite société lui avait répondu, par un courrier du 23 mai 2007, qu'elle n'avait aucun poste disponible correspondant à ses qualifications, ce dont la cour d'appel a déduit que la société ALTIS SEMICONDUCTOR aurait rompu le contrat la liant à Monsieur [N] ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que le salarié avait, jusqu'en 2007, opposé de manière constante et réitérée un refus au transfert de son contrat au sein de la société ALTIS SEMICONDUCTOR et que sa demande d'intégration était intervenue trop tardivement pour que se rencontrent les volontés des parties sur la reprise du contrat de travail, ce dont il résultait qu'en répondant au salarié, qui lui avait pour la première fois demandé au mois d'avril 2007, une intégration dans ses effectifs, qu'elle ne disposait d'aucun poste à lui fournir, la société ALTIS SEMICONDUCTOR n'avait pu exprimer la volonté de rompre un contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

4. ET ALORS, AU SURPLUS, QU'en fixant la date de rupture du contrat au 5 mai 2007, soit à une date à laquelle la société ALTIS SEMICONDUCTOR n'avait pas même répondu au salarié qu'elle ne disposait d'aucun poste à lui proposer, en sorte qu'elle n'avait pu exprimer de volonté de rompre un contrat de travail, la cour d'appel a, de ce chef également, violé les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

5. ET ALORS QU'il appartient au salarié qui se prévaut du statut protecteur lié à un mandat extérieur à l'entreprise d'établir qu'il a informé son employeur de l'existence de ce mandat au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, ou que celui-ci en avait connaissance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la rupture, en date du 5 mai 2007, devait produire les effets d'un licenciement nul dès lors qu'elle était intervenue sans autorisation de l'Inspecteur du travail, à une époque où Monsieur [N] exerçait les fonctions de conseiller du salarié ; qu'en statuant de la sorte, sans constater que le salarié, sur qui reposait la charge de la preuve, avait établi avoir informé la société ALTIS SEMICONDUCTOR de son mandat résultant d'un arrêté du 16 février 2005 ou que cette dernière en ait eu connaissance, cette désignation étant intervenue durant une période pendant laquelle, ainsi qu'elle l'a constaté, Monsieur [N] faisait partie des effectifs de la société IBM FRANCE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de article L.122-14-16 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, devenu l'article L. 1232-14, ainsi que des articles L. 2411-1, et L. 2411-21 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-19454
Date de la décision : 12/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 mai. 2021, pourvoi n°19-19454


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Ortscheidt, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.19454
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