LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 mai 2021
Cassation
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 389 F-D
Pourvoi n° R 19-19.410
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 MAI 2021
1°/ la société Asco NV, dont le siège est [Adresse 1] (Belgique), assureur, ayant pour agent la société Bracht, Deckers et Mackelbert SA - BDM,
2°/ la société Zurich Insurance PLC, dont le siège est [Adresse 2] (Belgique), ayant pour agent la société Bracht, Deckers et Mackelbert SA - BDM,
3°/ la société Axa Belgium, dont le siège est [Adresse 3] (Belgique), ayant pour agent la société Bracht, Deckers et Mackelbert SA - BDM,
4°/ la société Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, dont le siège est[Adresse 4] (Italie),ayant pour agent la société Bracht, Deckers et Mackelbert SA - BDM
5°/ la société Allianz Versicherungs AG, dont le siège est [Adresse 5] (Allemagne), ayant pour agent la société Bracht, Deckers et Mackelbert SA - BDM,
6°/ la société Gravag Logistic Versicherung, dont le siège est [Adresse 6] (Allemagne), ayant pour agent la société Bracht, Deckers et Mackelbert SA - BDM,
ont formé le pourvoi n° R 19-19.410 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige les opposant à la société CMA CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat des sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, Axa Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Gravag Logistic Versicherung, de Me Le Prado, avocat de la société CMA CGM, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 mai 2019), la société Ch Robinson a confié à la société CMA CGM le déplacement du port [Localité 1] (Afrique du Sud) à celui de [Localité 2] (Emirats Arabes Unis) d'un conteneur contenant des fruits, qui ont été endommagés pendant le transport. Après avoir indemnisé la société Ch Robinson, ses assureurs, les sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, Axa Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Gravag Logistic Versicherung (les assureurs) ont assigné la société CMA CGM en indemnisation du préjudice causé par le sinistre.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. Les assureurs font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leur action à l'encontre de la société CMA CGM, alors « que la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré résulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que la société Robinson avait signé un acte de subrogation en faveur des assureurs le 18 avril 2013, soit antérieurement au paiement effectué ensuite par ces derniers le 13 juin 2013, ce dont il résultait que les assureurs étaient valablement subrogés dans les droits de cette société ; qu'en écartant toutefois toute subrogation conventionnelle entre la société Robinson et les assureurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1250 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1250 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
3. En vertu de ce texte, la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré résulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur.
4. Pour déclarer irrecevable l'action des assureurs de la société Ch Robinson, l'arrêt retient que le paiement de l'indemnité visant à réparer les dommages imputables au sinistre subi par cette dernière n'a eu lieu que les 13-14 juin 2013, soit postérieurement à l'acte de subrogation du 18 avril 2013, et qu'en l'absence de concomitance entre le paiement et l'acte de subrogation, les assureurs ne peuvent se prévaloir du bénéfice de la subrogation conventionnelle.
5. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'acte de subrogation était antérieur au paiement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société CMA CGM aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CMA CGM et la condamne à payer aux sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, Axa Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Gravag Logistic Versicherung la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, Axa Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Gravag Logistic Versicherung.
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré les assureurs, les sociétés Asco NV, Zurich Insurance Plc, Axa Belgium, Societa Italiana Assicurazioni Trasporti, Allianz Versicherungs et Kravag Logistics Versicherung, irrecevables en leur action à l'encontre de la société CMA CGM ;
Aux motifs propres que « la subrogation conventionnelle, selon l'ancien article 1250 du code civil, "doit être expresse et faite en même temps que le paiement" ; que l'acte de subrogation signé le 18 avril 2013 par la société Robinson en faveur des assureurs répond à la première condition, puisque celle-là subroge celles-ci dans tous ses droits et actions résultant du sinistre précité ; mais que, malgré que la société Robinson ait précisé sur cet acte avoir reçu la somme de 30 898,06 euros des assureurs en indemnisation des dommages imputables audit sinistre, ce paiement n'a été effectif que les 13-14 juin par virement bancaire de cette somme sur le compte de cette société ; que le décompte de règlement émis le 18 avril jour de la subrogation calcule le montant de cette indemnité mais ne constitue nullement une obligation faite aux assureurs de payer la société Robinson ; que c'est donc à tort que les assureurs soutiennent la réalité de cette obligation ; que la subrogation du 18 avril 2013 et le paiement du 13 juin suivant établissent ainsi une absence de concomitance entre eux imputable aux parties et que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal de commerce a écarté la subrogation conventionnelle entre la société Robinson et les assureurs » (arrêt, p. 5, ult. §) ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que « en l'espèce, l'acte de subrogation a été signé par la société Robinson le 18 avril 2013 et le virement par la société de courtage Filhet-Alard Maritime a été émis le 13 juin 2013 ; qu'il n'est allégué aucune raison indépendante de la volonté de l'assureur permettant de justifier un délai de près de deux mois entre ces dates ; que si une jurisprudence récente a assoupli sa position concernant la condition de concomitance, il n'en est pas de même du tribunal de commerce de céans, qui considère que l'assureur détient tous les moyens d'être subrogé dans les droits de son assuré, y compris de façon conventionnelle en stipulant sur l'acte de subrogation qu'il donne à signer à son assuré la volonté de ce dernier de subroger son assureur dans tous ses droits, avoirs et recours au moment où l'assureur l'aura indemnisé de son préjudice ; qu'il échet en conséquence de déclarer les assureurs irrecevables en leur action à l'encontre de la société CMA » (jugement, p. 5, § 2 et s.) ;
Alors que la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré résulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que la société Robinson avait signé un acte de subrogation en faveur des assureurs le 18 avril 2013, soit antérieurement au paiement effectué ensuite par ces derniers le 13 juin 2013, ce dont il résultait que les assureurs étaient valablement subrogés dans les droits de cette société ; qu'en écartant toutefois toute subrogation conventionnelle entre la société Robinson et les assureurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1250 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.