LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 avril 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 355 F-D
Pourvoi n° T 19-16.974
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 AVRIL 2021
M. [I] [A], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 19-16.974 contre l'arrêt n° RG : 17/06439 rendu le 14 février 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [M] [Z], épouse [A], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [A], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [Z], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 février 2019), Mme [Z] a fait délivrer, sur le fondement d'une ordonnance de non-conciliation et d'un arrêt, un commandement de payer aux fins de saisie-vente à M. [A] qui a saisi un juge de l'exécution d'une contestation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. M. [A] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir cantonner la créance de loyers visée par la mesure d'exécution forcée signifiée à la requête de Mme [Z] alors « que, d'une part, le juge ne peut statuer par des motifs laissant incertain le fondement juridique de sa décision ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a affirmé, tout à la fois, déclarer « irrecevable » la demande de cantonnement de la créance visée par la mesure d'exécution litigieuse, au prétexte de sa prétendue nouveauté, et la « rejet(er) » en raison de sa supposée imprécision, pour ensuite à nouveau la rejeter dans le dispositif ; qu'en statuant ainsi, par des motifs et un dispositif laissant, ensemble, incertain le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 12 du code de procédure civile :
3. Le juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, doit préciser le fondement juridique de sa décision.
4. Pour rejeter « toutes autres demandes », l'arrêt retient que la demande de cantonnement de M. [A] est une demande présentée pour la première fois en appel qui doit être déclarée irrecevable en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile en raison de sa nouveauté et de son caractère non accessoire à la demande en mainlevée exprimée devant le premier juge car elle ne tend pas à la même fin. Il ajoute que, par ailleurs, la demande formulée est imprécise, l'appelant n'indiquant pas le montant des sommes qui resteraient dues après cantonnement et en conclut que cette demande est donc rejetée.
5. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne permettent pas de connaître le fondement juridique de la décision qu'elle a prononcée et qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de cantonnement de M. [A], l'arrêt rendu le 14 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Condamne Mme [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à M. [A] la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [A]
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'un conjoint divorcé (M. [A], l'exposant) tendant à voir cantonner la créance de loyers visée par la mesure d'exécution forcée signifiée à la requête de l'autre ex-conjoint (Mme [Z]) ;
AUX MOTIFS QUE, à titre subsidiaire, M. [A] entendait voir cantonner la créance de Mme [Z], soutenant que devaient en être déduits les versements qu'il avait effectués et les allocations d'aide au logement que son ex-épouse avait pu percevoir ; qu'il s'agissait cependant d'une demande présentée pour la première fois en appel qui devait être déclarée irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile en raison de sa nouveauté et de son caractère non accessoire à la demande en mainlevée exprimée devant le premier juge car elle ne tendait pas à la même fin ; que, par ailleurs, la cour relevait que la demande formulée était imprécise, l'appelant n'indiquant pas le montant des sommes qui resteraient dues après cantonnement ; que cette demande était donc rejetée (arrêt attaqué, p. 7, 6ème à 7ème al.) ;
ALORS QUE, d'une part, le juge ne peut statuer par des motifs laissant incertain le fondement juridique de sa décision ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a affirmé, tout à la fois, déclarer « irrecevable » la demande de cantonnement de la créance visée par la mesure d'exécution litigieuse, au prétexte de sa prétendue nouveauté, et la « rejet(er) » en raison de sa supposée imprécision, pour ensuite à nouveau la rejeter dans le dispositif ; qu'en statuant ainsi, par des motifs et un dispositif laissant, ensemble, incertain le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, d'autre part, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en l'espèce, à supposer que l'arrêt attaqué ait déclaré irrecevable la demande de cantonnement de la créance visée par la mesure d'exécution, il s'est borné à retenir sa nouveauté en cause d'appel et son caractère non accessoire par rapport à la demande principale en mainlevée ; qu'en se déterminant de la sorte, sans rechercher si la demande subsidiaire de cantonnement constituait un complément nécessaire de la demande principale, à l'occasion de laquelle, devant le premier juge, l'exposant avait d'ores et déjà sollicité la prise en considération des versements effectués au titre de la créance litigieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 566 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, en outre, il appartient au juge de l'exécution de vérifier le montant de la créance dont le recouvrement est poursuivi ; qu'en l'espèce, à supposer que l'arrêt attaqué ait rejeté la demande de cantonnement de la créance visée par la mesure d'exécution, il a retenu à cette fin le caractère imprécis des sommes restant dues ; qu'en statuant ainsi, quand le juge de l'exécution se devait de vérifier le montant de la créance dont le recouvrement était poursuivi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire et de l'article L 221-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, dans ses écritures d'appel (v. ses concl. récapitulatives, p. 13, § D-b, prod.) et à l'appui de sa demande de cantonnement de la créance visée dans la mesure d'exécution contestée, l'exposant faisait valoir qu'il avait procédé « à plusieurs versements, soit 6 500 euros à ce jour » qu'il convenait de déduire du montant de ladite créance ; qu'en retenant le caractère imprécis de la demande formulée par le débiteur à défaut d'avoir indiqué le montant des sommes restant dues après cantonnement, la cour d'appel a dénaturé le contenu clair et précis des conclusions d'appel de l'exposant, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.