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14/04/2021 | FRANCE | N°18-22443

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 avril 2021, 18-22443


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 465 F-D

Pourvoi n° S 18-22.443

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 AVRIL 2021

La société Chanel, société par actions simp

lifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 18-22.443 contre l'arrêt rendu le 12 juillet 2018 par la cour d'appel de Versailles ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 465 F-D

Pourvoi n° S 18-22.443

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 AVRIL 2021

La société Chanel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 18-22.443 contre l'arrêt rendu le 12 juillet 2018 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [S] [Y], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Chanel, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 juillet 2018), M. [Y], engagé le 25 juin 1990 par la société Bourjois, a été transféré au service de la société Chanel à compter du 1er janvier 2005 avec reprise d'ancienneté. Il occupait en dernier lieu les fonctions de régisseur lorsqu'il a été licencié le 27 octobre 2014.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui payer la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse outre 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi des allocations versées au salarié dans la limite de trois mois, alors :

« 1°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et la portée des documents de la cause ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'un doute sur la réalité des menaces de mort proférées par M. [Y] envers l'un de ses collègues qui fondaient son licenciement, la cour d'appel a cru pouvoir écarter l'attestation de M. [K], motifs pris de ce que "la société soutient sans l'établir que M. [K] aurait été présent lors des faits, alors que ce dernier, dans ce compte-rendu, ne précise pas qu'il était présent lors des faits, ne faisant que rapporter, la cour le supposant bien qu'il ne le précise pas, ce qui lui aurait été dit par le ou les salariés présents et M. [X]", en admettant ainsi par une présomption reposant sur une pure hypothèse que M. [K] n'aurait pas assisté aux faits et les aurait appris par des témoins ; qu'en statuant ainsi, bien que dans son attestation du 2 octobre 2014, M. [K] rapportât précisément les faits litigieux en commençant par la mention "je rentrai de la permanence CE aux alentours de 15h-15h30, et là une altercation verbale et violente de la part de M. [Y] envers M. [X] avec des mots très durs et très lourds", ce qui démontrait clairement qu'il était présent et y avait personnellement assisté, la cour d'appel a dénaturé cette attestation et violé le principe selon lequel les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent statuer par des motifs hypothétiques ou dubitatifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté l'attestation de M. [K] en considérant que M. [K] "ne précise pas qu'il était présent lors des faits, ne faisant que rapporter, la cour le supposant bien qu'il ne le précise pas, ce qui lui aurait été dit par le ou les salariés présents et M. [X]" ;qu'en statuant ainsi par des motifs hypothétiques, sans recourir à une mesure d'instruction pour lever ce doute que l'absence de débat contradictoire empêchait de traiter, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en matière prud'homale la preuve est libre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a limité la valeur probante du témoignage écrit de M. [K], en arguant de ce qu'elle valait moins qu'une attestation et que "son attestation datée et signée le 17 septembre 2015 indiquant que "le compte-rendu d'entretien daté du 17 septembre 2015 portant sur des faits visant M. [Y] pourra être produite en justice et que toute fausse déclaration de sa part l'expose à des sanctions pénales"étant elle-même erronée car mentionne une date de ce compte-rendu erronée" ; qu'en statuant ainsi, bien que le formalisme de l'article 202 du code de procédure civile soit sans emport sur la validité d'une attestation et bien que les juges du fond aient été tenus d'examiner celle de M. [K] en date du 2 octobre 2014 comme toute autre pièce, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil ;

4°/ que ne doit être prouvé que ce qui est contesté ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société Chanel prétendait "sans l'établir" que M. [Y] avait admis la réalité des faits, à savoir avoir menacé de mort M. [X], lors de l'entretien préalable et n'en a donc pas tenu compte ; qu'en statuant ainsi, bien que les conclusions reprises oralement de M. [Y] n'aient pas nié l'affirmation de l'exposante selon laquelle il avait reconnu les faits lors de l'entretien préalable, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil ;

5°/ que le salarié est libre d'assister à l'entretien préalable sans être assisté ; qu'en l'espèce, pour ne tenir pas compte de l'aveu extrajudiciaire fait par M. [Y] lors de l'entretien préalable à son licenciement, selon lequel il avait effectivement proféré des menaces de mort envers l'un de ses collègues, la cour d'appel a retenu qu'il n'avait pas été assisté lors de l'entretien préalable à son licenciement ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, faute d'avoir relevé que M. [Y] aurait été contraint à participer à l'entretien préalable sans être assisté, ce que ce dernier ne soutenait d'ailleurs pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1353 du code civil ;

6°/ que les juges du fond doivent respecter la contradiction, ce qui leur impose notamment d'inviter les parties à présenter leurs observations préalables sur les moyens qu'ils envisagent de relever d'office ; qu'en l'espèce, M. [Y] ne fondait pas sa contestation de la matérialité des menaces de mort proférées envers son collègue sur le fait qu'il aurait nié les faits lors de l'entretien préalable, qu'il n'aurait pas été assisté lors dudit entretien ou qu'aucun compte-rendu n'aurait été établi ; qu'en relevant d'office ces moyens, sans permettre à l'exposante de s'en expliquer préalablement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

7°/ que les juges du fond ne peuvent statuer par des motifs hypothétiques ou dubitatifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a privé d'effets présomptifs le fait que M. [Y] n'ait contesté son licenciement qu'après sept mois, en relevant que cet élément n'apparaissait pas déterminant en l'espèce, « car on ne saurait en déduire que cela s'expliquait par le fait qu'il ne contestait pas les faits, d'autres éléments pouvant expliquer cette contestation à distance du licenciement » ; qu'en statuant ainsi, s'agissant d'un salarié ayant admis lors de l'entretien préalable des faits dont rien ne démontrait la fausseté, hormis les déclarations de ce dernier, par des motifs purement hypothétiques, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°/ que le fait de proférer des menaces de mort à l'encontre d'un collègue constitue une faute grave et a fortiori une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, pour juger le licenciement de M. [Y] dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que « l'on se trouve en présence de faits de menaces verbales qui n'ont jamais fait l'objet d'une enquête pénale, ni d'une enquête contradictoire au sein de l'entreprise, ce qui aurait permis à chacun de s'exprimer, de sanctionner éventuellement la personne responsable, d'exclure la responsabilité d'autres salariés dans l'origine du litige, d'éviter le renouvellement de ces problèmes informatiques et relationnels, et de rétablir de meilleures relations entre les protagonistes » ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants au regard de la gravité des faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

3. Sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, ne tend pour le surplus qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel de la valeur et de la portée des éléments produits, au terme de laquelle elle a constaté que les faits reprochés au salarié n'étaient pas établis.

4. Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Chanel aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Chanel et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Chanel

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur [Y] sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné en conséquence la société Chanel à payer à Monsieur [Y] la somme de 50.000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR dit que la société Chanel devrait rembourser à Pôle emploi [Établissement 1] le montant des allocations versées à Monsieur [Y] dans la limite de 3 mois ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L. 1235-1 du code du travail stipule que le juge doit apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, au vu des éléments fournis par les parties. La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, objectifs et vérifiables. La société fait valoir que M. [Y] a été maintes fois mis en garde tout au long de son parcours professionnel suite à des incidents au cours desquels il lui était reproché des problèmes de comportement depuis 1993 et le dernier en février 2013. Elle indique que les faits auraient été reconnus dans leur matérialité par M. [Y] lors de l'entretien préalable. Elle précise avoir fait le choix de ne pas le licencier pour faute grave pour tenir compte de son ancienneté. M. [Y] conteste les faits, soutenant qu'il s'agit d'un complot ourdi contre lui et que le compte-rendu de l'incident fait par M. [K], qui allègue avoir entendu ses propos menaçants adressés à M. [X], responsable du service courrier et automobile, serait erroné. Il estime d'une part que la société a pris une décision précipitée sans avoir entendu tous les protagonistes et le supérieur hiérarchique de M. [X], alors que d'autre part elle invoque des problèmes de comportement au sujet de faits prescrits et qu'elle ne l'a pas sanctionné récemment, depuis moins de 3 ans. Au vu des conclusions et pièces des parties, il apparaît les éléments suivants : - M. [Y] a appris qu'un ou des salariés cherchaient à le mettre en cause dans un incident s'étant déroulé en août 2014 : il s'agissait d'un changement de mot de passe de l'ordinateur commun au service courrier et utilisé par M. [G], mot de passe qui avait été changé par un salarié avant son départ en congés sans en avertir ses collègues, ce qui avait occasionné des difficultés d'accès finalement résolues pendant la période d'été. - Dans sa lettre du 3 octobre 2014 adressée à la direction, M. [X] expose que M. [G], au retour de ses congés (en août) s'était plaint du changement de son mot de passe en son absence, mettant en cause trois personnes dont M. [Y] et en a fait part à la direction et au comité d'établissement (dont M. [G] est membre) réuni le 24 septembre veille de l'incident, c'est pourquoi M. [Y] l'a interpellé le 25 septembre 2014 dans l'open space des services généraux, en le menaçant à plusieurs reprises en ces termes : « Toi je vais te fumer toi et ta famille, et de toutes manières, je sais où tu habites » ; - M. [X] a dit la même chose lors de sa déclaration ou "maincourante" faite le 2 octobre 2014 auprès des services de police de [Localité 1]. - M. [K], qui indique dans un compte-rendu dactylographié, daté du 2 octobre 2014, et n'ayant pas la valeur d'une attestation pouvant être produite en justice (son attestation datée et signée le 17 septembre 2015 indiquant que "le compte-rendu d'entretien daté du 17 septembre 2015 portant sur des faits visant M. [Y] pourra être produite en justice et que toute fausse déclaration de sa part l'expose à des sanctions pénales" étant elle-même erronée car mentionne une date de ce compterendu erronée), qu'il revenait le 25 septembre 2014 de sa permanence CE vers 15h/15h30 et que là est intervenue une altercation verbale et violente de la part de M. [Y], rapportant cette altercation verbale comme suit : "M. [Y] a menacé M. [X] de la phrase et les mots suivants - je vais te fumer toi et ta famille, j'ai ton adresse - et qu'il a rajouté en montrant mon bureau du doigt - et l'autre – M. [X] lui a demandé - pourquoi ces propos et de quoi s'agit-il ? M. [Y] lui a répondu - tu sais de quoi je parle – M. [X] est sorti de l'espace de travail pas bien du tout. Mme [Z], MM. [L] et [W] étaient présents ; Mme [Z] est allée voir M. [Y] et lui a dit de se calmer et qu'il ne fallait pas dire des propos de cette sorte." - M. [Y] a fait l'objet de mises en garde mais pour des faits très anciens sans rapport avec les faits reprochés ; aucune sanction disciplinaire n'a été prise depuis moins de 3 ans ; il est mentionné dans son évaluation de fin 2012 (qui n'est pas signée par le salarié et qui ne mentionne aucun commentaire de sa part, ce qui laisse supposer qu'aucun échange n'a eu lieu au sujet de cette évaluation) qu'il a un comportement irrégulier, sans que son supérieur hiérarchique ne s'explique pourquoi (sic). La société soutient sans l'établir que M. [K] aurait été présent lors des faits, alors que ce dernier, dans ce compte-rendu, ne précise pas qu'il était présent lors des faits, ne faisant que rapporter, la cour le supposant bien qu'il ne le précise pas, ce qui lui aurait été dit par le ou les salariés présents et M. [X]. Elle prétend aussi, sans l'établir, que M. [Y] aurait admis les faits lors de l'entretien préalable, alors que ce dernier n'a pas pu être assisté (le salarié devant l'assister, à savoir M. [G], lequel était impliqué dans l'origine de l'altercation, s'est désisté le jour même) et qu'aucun compte-rendu n'a a été formalisé par la société. De son côté M. [Y] indique dans ses conclusions que seule Mme [Z] était présente lors des faits, tandis que M. [X] n'a jamais précisé si des personnes étaient présentes, au vu des pièces produites. La cour constate qu'aucun des trois salariés qui auraient été témoins selon M. [K] n'ont témoigné pour l'une ou l'autre des parties, de sorte que l'on se trouve en présence de faits de menaces verbales qui n'ont jamais fait l'objet d'une enquête pénale, ni d'une enquête contradictoire au sein de l'entreprise, ce qui aurait permis à chacun de s'exprimer, de sanctionner éventuellement la personne responsable, d'exclure la responsabilité d'autres salariés dans l'origine du litige, d'éviter le renouvellement de ces problèmes informatiques et relationnels, et de rétablir de meilleures relations entre les protagonistes. Si M. [Y] n'a contesté son licenciement qu'après 7 mois, cet élément n'apparaît pas déterminant en l'espèce, car on ne saurait en déduire que cela s'expliquait par le fait qu'il ne contestait pas les faits, d'autres éléments pouvant expliquer cette contestation à distance du licenciement. En conséquence, la cour requalifiera le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et la portée des documents de la cause ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'un doute sur la réalité des menaces de mort proférées par Monsieur [Y] envers l'un de ses collègues qui fondaient son licenciement, la cour d'appel a cru pouvoir écarter l'attestation de Monsieur [K], motifs pris de ce que « la société soutient sans l'établir que Monsieur [K] aurait été présent lors des faits, alors que ce dernier, dans ce compte-rendu, ne précise pas qu'il était présent lors des faits, ne faisant que rapporter, la cour le supposant bien qu'il ne le précise pas, ce qui lui aurait été dit par le ou les salariés présents et M. [X] », en admettant ainsi par une présomption reposant sur une pure hypothèse que Monsieur [K] n'aurait pas assisté aux faits et les aurait appris par des témoins ; qu'en statuant ainsi, bien que dans son attestation du 2 octobre 2014, Monsieur [K] rapportât précisément les faits litigieux en commençant par la mention « je rentrai de la permanence CE aux alentours de 15h-15h30, et là une altercation verbale et violente de la part de M. [Y] envers M. [X] avec des mots très durs et très lourds », ce qui démontrait clairement qu'il était présent et y avait personnellement assisté, la cour d'appel a dénaturé cette attestation et violé le principe selon lequel les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;

2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent statuer par des motifs hypothétiques ou dubitatifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté l'attestation de Monsieur [K] en considérant que Monsieur [K] « ne précise pas qu'il était présent lors des faits, ne faisant que rapporter, la cour le supposant bien qu'il ne le précise pas, ce qui lui aurait été dit par le ou les salariés présents et M. [X] » ; qu'en statuant ainsi par des motifs hypothétiques, sans recourir à une mesure d'instruction pour lever ce doute que l'absence de débat contradictoire empêchait de traiter, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en matière prud'homale la preuve est libre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a limité la valeur probante du témoignage écrit de Monsieur [K], en arguant de ce qu'elle valait moins qu'une attestation et que « son attestation datée et signée le 17 septembre 2015 indiquant que "le compte-rendu d'entretien daté du 17 septembre 2015 portant sur des faits visant M. [Y] pourra être produite en justice et que toute fausse déclaration de sa part l'expose à des sanctions pénales" étant elle-même erronée car mentionne une date de ce compte-rendu erronée » ; qu'en statuant ainsi, bien que le formalisme de l'article 202 du Code de procédure civile soit sans emport sur la validité d'une attestation et bien que les juges du fond aient été tenus d'examiner celle de Monsieur [K] en date du 2 octobre 2014 comme toute autre pièce, la cour d'appel a violé l'article 1353 du Code civil (anciennement, C. civ., art. 1315) ;

4°) ALORS QUE ne doit être prouvé que ce qui est contesté ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société Chanel prétendait « sans l'établir » que Monsieur [Y] avait admis la réalité des faits, à savoir avoir menacé de mort Monsieur [X], lors de l'entretien préalable et n'en a donc pas tenu compte ; qu'en statuant ainsi, bien que les conclusions reprises oralement de Monsieur [Y] n'aient pas nié l'affirmation de l'exposante selon laquelle il avait reconnu les faits lors de l'entretien préalable, la cour d'appel a violé l'article 1353 du Code civil (anciennement, C. civ., art. 1315) ;

5°) ALORS QUE le salarié est libre d'assister à l'entretien préalable sans être assisté ; qu'en l'espèce, pour ne tenir pas compte de l'aveu extrajudiciaire fait par Monsieur [Y] lors de l'entretien préalable à son licenciement, selon lequel il avait effectivement proféré des menaces de mort envers l'un de ses collègues, la cour d'appel a retenu qu'il n'avait pas été assisté lors de l'entretien préalable à son licenciement ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, faute d'avoir relevé que Monsieur [Y] aurait été contraint à participer à l'entretien préalable sans être assisté, ce que ce dernier ne soutenait d'ailleurs pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1353 du Code civil (anciennement, C. civ., art. 1315) ;

6°) ALORS QUE les juges du fond doivent respecter la contradiction, ce qui leur impose notamment d'inviter les parties à présenter leurs observations préalables sur les moyens qu'ils envisagent de relever d'office ; qu'en l'espèce, Monsieur [Y] ne fondait pas sa contestation de la matérialité des menaces de mort proférées envers son collègue sur le fait qu'il aurait nié les faits lors de l'entretien préalable, qu'il n'aurait pas été assisté lors dudit entretien ou qu'aucun compte-rendu n'aurait été établi ; qu'en relevant d'office ces moyens, sans permettre à l'exposante de s'en expliquer préalablement, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

7°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent statuer par des motifs hypothétiques ou dubitatifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a privé d'effets présomptifs le fait que Monsieur [Y] n'ait contesté son licenciement qu'après sept mois, en relevant que cet élément n'apparaissait pas déterminant en l'espèce, « car on ne saurait en déduire que cela s'expliquait par le fait qu'il ne contestait pas les faits, d'autres éléments pouvant expliquer cette contestation à distance du licenciement » ; qu'en statuant ainsi, s'agissant d'un salarié ayant admis lors de l'entretien préalable des faits dont rien ne démontrait la fausseté, hormis les déclarations de ce dernier, par des motifs purement hypothétiques, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

8°) ALORS QUE le fait de proférer des menaces de mort à l'encontre d'un collègue constitue une faute grave et a fortiori une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, pour juger le licenciement de Monsieur [Y] dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que « l'on se trouve en présence de faits de menaces verbales qui n'ont jamais fait l'objet d'une enquête pénale, ni d'une enquête contradictoire au sein de l'entreprise, ce qui aurait permis à chacun de s'exprimer, de sanctionner éventuellement la personne responsable, d'exclure la responsabilité d'autres salariés dans l'origine du litige, d'éviter le renouvellement de ces problèmes informatiques et relationnels, et de rétablir de meilleures relations entre les protagonistes » ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants au regard de la gravité des faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-22443
Date de la décision : 14/04/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 12 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 avr. 2021, pourvoi n°18-22443


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.22443
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