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31/03/2021 | FRANCE | N°19-25903

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 mars 2021, 19-25903


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 279 F-D

Pourvoi n° Y 19-25.903

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2021

Mme J... X... , domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Y 19

-25.903 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2019 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant à M. Y... L..., domicilié...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 279 F-D

Pourvoi n° Y 19-25.903

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2021

Mme J... X... , domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-25.903 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2019 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant à M. Y... L..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme X... , de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. L..., après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 octobre 2019), M. L... et Mme X... se sont mariés sous le régime de la participation aux acquêts, leur contrat de mariage comportant, en son article 5, intitulé « Créance de participation », une clause ainsi rédigée : « exclusion des biens professionnels - sauf si la dissolution du régime résulte du décès de l'un des époux, les biens affectés, lors de la dissolution, à l'exercice effectif de la profession dudit époux, ainsi que les dettes relatives à ces biens seront exclus à la liquidation ». Un jugement du 18 avril 2013 a prononcé le divorce des époux et condamné M. L... à verser à Mme X... une prestation compensatoire.

2. Des difficultés étant survenues au cours des opérations de liquidation et de partage de leurs intérêts patrimoniaux, M. L... a assigné Mme X... en partage de leur régime matrimonial.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le deuxième moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande visant à voir qualifier la clause d'exclusion des biens professionnels d'avantage matrimonial révoqué par le jugement de divorce et de dire, en conséquence, que les biens professionnels des époux sont exclus de la liquidation de leur régime matrimonial, alors :

« 1°/ que les profits que l'un ou l'autre des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts peuvent retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ; qu'ils sont révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce ; qu'il en résulte qu'une clause excluant du calcul de la créance de participation les biens professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès, qui conduit à avantager celui d'entre eux ayant vu ses actifs nets professionnels croître de manière plus importante en diminuant la valeur de ses acquêts dans une proportion supérieure à celle de son conjoint, constitue un avantage matrimonial révoqué, de plein droit par l'effet du divorce ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 265 du code civil ;

2°/ que la clause d'exclusion des biens professionnels de la créance de participation constitue un avantage matrimonial ; qu'elle est révoquée de plein droit au moment du divorce, sauf volonté contraire de celui qui l'a consenti exprimée au moment du divorce ; que pour dire que la clause d'exclusion des biens professionnels devait recevoir application, la cour d'appel a estimé que telle était la volonté des parties, ressortant de leur contrat de mariage ; qu'en se déterminant au regard de volonté exprimée lors de la conclusion du contrat de mariage, et non de la volonté des époux au moment de leur divorce, et notamment celle de Mme X... de renoncer à la révocation de l'avantage profitant à M. L..., la cour d'appel a violé l'article 265 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 265 du code civil :

5. Selon ce texte, les profits que l'un ou l'autre des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts peut retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial et révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce.

6. Il en résulte qu'une clause excluant du calcul de la créance de participation les biens et dettes professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès, qui conduit à avantager celui d'entre eux ayant vu ses actifs nets professionnels croître de manière plus importante en diminuant la valeur de ses acquêts dans une proportion supérieure à celle de son conjoint, constitue un avantage matrimonial révoqué de plein droit en cas de divorce, nonobstant la qualification qu'en auraient retenue les parties dans leur contrat de mariage.

7. Pour rejeter la demande de Mme X... visant à voir qualifier la clause d'exclusion des biens professionnels d'avantage matrimonial révoqué par le divorce et dire, en conséquence, qu'il convient d'exclure les biens professionnels respectifs des ex-époux de la liquidation de leur régime matrimonial de participation aux acquêts, l'arrêt retient, d'abord, que tenir la clause litigieuse pour un avantage matrimonial relevant de l'article 265, alinéa 2, du code civil reviendrait à priver d'effet la commune intention des parties, qui était d'exclure les biens professionnels de l'assiette de calcul de la créance de participation, aux fins notamment de protéger ces biens nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle, volonté qui ressort par ailleurs du fait que les époux ont expressément qualifié d'avantage matrimonial la clause de partage inégal prévue à l'article 11 du contrat et ne l'ont pas fait s'agissant de la clause d'exclusion des biens professionnels, considérant par là même que cette dernière ne relevait pas de cette nature. Elle retient, ensuite, que la clause litigieuse visait non à conférer à l'un des époux un avantage conventionnel, mais à préserver les biens affectés à l'exercice professionnel de chacun d'eux en cas de dissolution par divorce.

8. En statuant ainsi, alors que la clause d'exclusion des biens professionnels stipulés par les époux constituait un avantage matrimonial révoqué de plein droit par leur divorce en l'absence de volonté contraire exprimée au moment du divorce, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

9. Mme X... fait le même grief à l'arrêt, alors « que dans son jugement du 18 avril 2013, le tribunal de grande instance de Nantes, statuant sur la prestation compensatoire, avait constaté que les époux étaient en désaccord sur les questions touchant au partage et à la liquidation du régime matrimonial, et que l'épouse contestait le projet d'état liquidatif ; qu'il avait énoncé que la prestation compensatoire n'avait pas à pallier les inconvénients découlant du choix du régime matrimonial ; qu'il ressort clairement de ces motifs que le juge du divorce avait fixé la prestation compensatoire en conséquence de la disparité dans les conditions de vie des époux qu'il avait constatée, en excluant les perspectives liquidatives ; qu'il a souligné qu'il pouvait d'autant moins tenir compte des perspectives liquidatives que celles-ci étaient incertaines, les parties étant en désaccord sur leurs droits respectifs à venir dans le cadre de la liquidation ; qu'en retenant, pour décider que Mme X... ne pouvait soutenir que la clause d'exclusion devait être considérée comme un avantage matrimonial révoqué, que le juge du divorce avait fixé la prestation compensatoire en tenant compte de l'application de cette clause, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis du jugement, dont il résultait que le juge, en l'état de la contestation existant entre les époux, n'avait pas tenu compte des perspectives liquidatives, et a méconnu le principe selon lequel les juges ne doivent pas dénaturer les actes qui leur sont soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

10. Pour rejeter la demande de Mme X... visant à voir qualifier la clause d'exclusion des biens professionnels d'avantage matrimonial révoqué par le divorce et dire, en conséquence, qu'il convient d'exclure les biens professionnels respectifs des ex-époux de la liquidation de leur régime matrimonial de participation aux acquêts, l'arrêt retient que le juge du divorce a, de fait, pris en compte l'application de la clause litigieuse pour fixer la prestation compensatoire due à l'épouse, en relevant notamment que les époux étaient mariés sous le régime de la participation aux acquêts avec exclusion des biens professionnels.

11. En statuant ainsi, alors que dans le jugement de divorce du 18 avril 2013 il était relevé, d'une part, que les époux étaient en désaccord sur les questions touchant au partage et à la liquidation de leur régime matrimonial, d'autre part, que l'épouse contestait l'état liquidatif produit, enfin, que la prestation compensatoire n'avait pas vocation à pallier les inconvénients découlant du choix du régime matrimonial, ce dont il résultait que le juge n'avait pas tenu compte de perspectives liquidatives incertaines, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme X... de voir qualifier la clause d'exclusion des biens professionnels d'avantage matrimonial, appliquer l'article 265, alinéa 2, du code civil, et homologuer le projet de partage établi par M. H..., notaire, et dit qu'il convient d'exclure les biens professionnels respectifs des ex-époux de la liquidation de leur régime matrimonial de participation aux acquêts, l'arrêt rendu le 28 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne M. L... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. L... et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande aux fins de voir qualifier la clause d'exclusion des biens professionnels d'avantage matrimonial, et d'avoir dit en conséquence que les biens professionnels des époux étaient exclus de la liquidation de leur régime matrimonial,

AUX MOTIFS QUE selon l'article 1527 du code civil, « les avantages que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes ne sont point regardés comme des donations » ; que selon l'article 1581 alinéa 1er du code civil, « en stipulant la participation aux acquêts, les époux peuvent adopter toutes clauses non contraires aux articles 1387, 1388 et 1389 (relatifs aux bonnes moeurs, aux devoirs et droits du mariage, à l'administration légale et la tutelle, et à l'ordre légal des successions); qu'en vertu et dans les limites de cette liberté conventionnelle conférée par loi, les époux L... X... ont inséré à leur contrat de mariage, par lequel ils ont adopté le régime de la participation aux acquêts, deux stipulations particulières, l'une portant exclusion des biens professionnels des époux à la liquidation, l'autre, intitulée "clause de partage inégal" (article 11 du contrat), prévoyant qu'en cas de dissolution du régime matrimonial par le décès de l'un des époux, le survivant ne sera pas tenu de payer la créance de participation dont il pourra être tenu envers la succession de l'époux prédécédé, le montant de cette créance lui restant acquis "à titre d'avantage matrimonial dans les termes de l'article 1527 du code civil" ; qu'il en ressort, comme l'a justement considéré le premier juge, que tenir la clause litigieuse pour un avantage matrimonial relevant de l'article 265 alinéa 2 du code civil reviendrait à priver d'effet la commune intention des parties, qui était d'exclure les biens professionnels de l'assiette de calcul de la créance de participation, aux fins notamment de protéger ces biens nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle des époux ; que cette volonté ressort par ailleurs du fait que les époux ont expressément qualifié d'avantage matrimonial la clause de partage inégal prévue à l'article 11 du contrat, alors qu'ils ne l'ont pas fait s'agissant de la clause d'exclusion des biens professionnels, considérant par là même que cette dernière ne relevait pas de cette nature ; qu'au demeurant, la qualification de la clause que vient aujourd'hui revendiquer Mme X... est en totale contradiction avec le positionnement qui était le sien devant le juge du divorce ; qu'en effet, dans ses écritures développées au soutien de sa demande de prestation compensatoire, elle indiquait très clairement : "...Les biens professionnels sont exclus du partage. En conséquence, M. L... détient seul les 750 parts de la SELARL ... (et le) résultat exceptionnel de plus de 400.000 euros dont lui seul bénéficiera ; qu'en conséquence, la créance de participation ne sera calculée que sur la maison de Saint Herblain ... L'éventuelle créance de participation que devrait M. L... à Mme X... sera très réduite ; qu'en conséquence, il existe une importante disparité dans la situation financière et patrimoniale des époux L...." ; que le juge du divorce a, de fait, pris en compte l'application de la clause litigieuse pour fixer la prestation compensatoire due à l'épouse, en relevant notamment que les époux étaient mariés sous le régime de la participation aux acquêts avec exclusion des biens professionnels ; qu'au surplus, il convient de rappeler qu'en l'espèce, chacun des deux époux exerçait, au jour de l'établissement du contrat de mariage, une activité professionnelle libérale (l'épouse étant médecin endocrinologue et l'époux chirurgiendentiste), de telle sorte que la clause litigieuse visait non à conférer à l'un des époux un avantage conventionnel, mais à préserver les biens affectés à l'exercice professionnel de chacun d'eux en cas de dissolution par divorce ;

1) ALORS QUE les profits que l'un ou l'autre des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts peuvent retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ; qu'ils sont révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce ; qu'il en résulte qu'une clause excluant du calcul de la créance de participation les biens professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès, qui conduit à avantager celui d'entre eux ayant vu ses actifs nets professionnels croître de manière plus importante en diminuant la valeur de ses acquêts dans une proportion supérieure à celle de son conjoint, constitue un avantage matrimonial révoqué, de plein droit par l'effet du divorce ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 265 du code civil ;

2) ALORS QUE la clause d'exclusion des biens professionnels de la créance de participation constitue un avantage matrimonial ; qu'elle est révoquée de plein droit au moment du divorce, sauf volonté contraire de celui qui l'a consenti exprimée au moment du divorce ; que pour dire que la clause d'exclusion des biens professionnels devait recevoir application, la cour d'appel a estimé que telle était la volonté des parties, ressortant de leur contrat de mariage ; qu'en se déterminant au regard de volonté exprimée lors de la conclusion du contrat de mariage, et non de la volonté des époux au moment de leur divorce, et notamment celle de Mme X... de renoncer à la révocation de l'avantage profitant à M. L..., la cour d'appel a violé l'article 265 du code civil ;

3) ALORS QU'il est fait interdiction au juge de dénaturer les documents produits devant lui ; que dans ses dernières conclusions du 16 octobre 2012 produites dans le cadre de l'instance en divorce, Mme X... énonçait qu'elle contestait l'état liquidatif établi en application de la clause d'exclusion des biens professionnels (p. 15) ; qu'en retenant que « la qualification de la clause que vient aujourd'hui revendiquer Mme X... est en totale contradiction avec le positionnement qui était le sien devant le juge du divorce », la cour d'appel a méconnu les conclusions du 16 octobre 2012 et a violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ;

4) ALORS QUE dans son jugement du 18 avril 2013, le tribunal de grande instance de Nantes, statuant sur la prestation compensatoire, avait constaté que les époux étaient en désaccord sur les questions touchant au partage et à la liquidation du régime matrimonial, et que l'épouse contestait le projet d'état liquidatif ; qu'il avait énoncé que la prestation compensatoire n'avait pas à pallier les inconvénients découlant du choix du régime matrimonial ; qu'il ressort clairement de ces motifs que le juge du divorce avait fixé la prestation compensatoire en conséquence de la disparité dans les conditions de vie des époux qu'il avait constatée, en excluant les perspectives liquidatives ; qu'il a souligné qu'il pouvait d'autant moins tenir compte des perspectives liquidatives que celles-ci étaient incertaines, les parties étant en désaccord sur leurs droits respectifs à venir dans le cadre de la liquidation ; qu'en retenant, pour décider que Mme X... ne pouvait soutenir que la clause d'exclusion devait être considérée comme un avantage matrimonial révoqué, que le juge du divorce avait fixé la prestation compensatoire en tenant compte de l'application de cette clause, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis du jugement, dont il résultait que le juge, en l'état de la contestation existant entre les époux, n'avait pas tenu compte des perspectives liquidatives, et a méconnu le principe selon lequel les juges ne doivent pas dénaturer les actes qui leur sont soumis.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande tendant à voir intégrer dans le patrimoine final de M. L... les sommes mentionnées par lui dans sa déclaration sur l'honneur ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article 1572 du code civil, font partie du patrimoine final tous les biens qui appartiennent à l'époux au jour où le régime matrimonial est dissous, y compris, le cas échéant, ceux dont il aurait disposé à cause de mort et sans en exclure les sommes dont il peut être créancier envers son conjoint ; que s'il y a divorce, séparation de corps ou liquidation anticipée des acquêts, le régime matrimonial est réputé dissous au jour de la demande ; que dans sa déclaration sur l'honneur du 29 septembre 2009, produite dans le cadre de l'instance en divorce, M. L... décrit comme suit son patrimoine financier : " - capital de la SELARL : montant prélevé sur les biens de la communauté à la création en septembre 2003, à partir des donations ci-dessous indiquées : 7.500 euros ; assurance-vie de Mr P... K... 113 339,84 euros ; donations de Mr P... K... 100 096,95 euros ; donation de mes parents 78 225 euros ; ex-compte joint Boursorama ... 381,46 euros, livret pour le développement durable 16,18 euros, compte sur livret Boursorama 22.126,59 euros ; compte chèque personnel privé Boursorama 28.219,35 euros ; compte Boursorama 147,6 euros ; que selon l'article 1383-2 du code civil, la déclaration que fait en justice une partie vaut aveu judiciaire, sauf en cas d'erreur de fait ; qu'en l'espèce, force est de constater que la déclaration sur l'honneur de M. L... est affectée d'erreurs de fait : il indique ainsi que le capital de la SELARL (7500 E) a été "prélevé sur les biens de la communauté", alors que les époux sont mariés sous le régime de la participation aux acquêts ; qu'il confond à l'évidence son patrimoine actuel avec son patrimoine originaire, faisant au surplus mention de sommes reçues à titre de donations qui ne correspondent pas à celles qui ne sont pas aujourd'hui contestées par les parties dans le cadre du patrimoine originaire de M. L... (100.096,95 E au titre des dons manuels reçus de son oncle au lieu de 36.125€; 78.225€ au titre des dons manuels reçus de ses parents au lieu de 24.429,50 E) ; que dans ces conditions, la déclaration sur l'honneur de M. L... étant dépourvue de la valeur probante que Mme X... veut lui voir conférer, celle-ci sera déboutée de sa demande formée de ce chef, ainsi que de sa demande subséquente relative aux acquêts nets de M. L...

ALORS QUE l'aveu ne peut être révoqué que pour une erreur de fait ; que la cour d'appel a constaté que M. L... avait déclaré, dans le cadre de la procédure de divorce, un certain nombre d'actifs bancaires; que pour refuser de tenir compte de cette déclaration faite en justice, la cour d'appel a estimé qu'elle était entachée d'erreur, comme se référant à des avoirs dépendant d'une communauté inexistante s'agissant d'époux mariés sous le régime de participation aux acquêts ; qu'en écartant l'aveu judiciaire de M. L... sur le fondement d'une erreur de droit, portant sur la qualification des biens, qui n'était pas de nature à remettre en cause la reconnaissance faite par M. L... de l'existence des avoirs bancaires litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1383-2 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande formée sur le fondement de l'article 1579 du code civil,

AUX MOTIFS QUE selon l'article 1579 du code civil, si l'application des règles d'évaluation prévues par les articles 1571 et 1574 ci-dessus devait conduire à un résultat manifestement contraire à l'équité, le tribunal pourrait y déroger à la demande de l'un des époux ; qu'en l'espèce, M. L... produit, en réponse aux allégations de Mme X... , un commentaire daté du 22 mars 2019 de l'expert-comptable de sa SELARL, duquel il ressort que la variation des réserves tient uniquement à l'affectation des résultats (aucune distribution de dividendes), et notamment à la cession, intervenue en juillet 2007, des titres qu'il détenait dans la polyclinique de l'Atlantique, qui a généré dans les comptes de la SELARL un résultat exceptionnel de 540.276 euros et qu'il n'y a eu aucune acquisition d'oeuvre d'art par la SELARL, l'expertcomptable qualifiant le lien établi entre la variation du poste "autres réserves" et les héritages reçus par M. L... de "totalement fantaisiste" ; que par ailleurs, c'est à juste titre que M. L... fait valoir, comme exposé précédemment, que le juge du divorce a évalué le montant de la prestation compensatoire due par l'époux à l'épouse en prenant en compte, comme l'invoquait Mme X... , l'exclusion des biens professionnels de la créance de participation ; que dans ces conditions, l'application des règles d' évaluation prévues par les articles 1571 et 1574 du code civil ne conduisant en l'espèce à aucun résultat manifestement contraire à l'équité,

1) ALORS QUE si l'application des règles d'évaluation prévues par les articles 1571 et 1574 conduit à un résultat manifestement contraire à l'équité, le tribunal peut y déroger; que Mme X... faisait valoir que M. L... avait tiré profit de la clause d'exclusion des biens professionnels pour soustraire aux opérations de liquidation son épargne, mise en réserve dans sa société professionnelle, elle-même exclue des opérations de liquidation ; qu'en rejetant la demande, tout en constatant l'importances des sommes mises en réserve dans la société et l'absence de distribution de dividendes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article 1579 du code civil ;

2) ALORS QUE dans son jugement du 18 avril 2013, le juge du tribunal de grande instance de Nantes, statuant sur la prestation compensatoire, avait indiqué: « les époux mariés sous le régime de participation aux acquêts avec exclusion des biens professionnels, sont en désaccord sur les questions touchant au partage et à la liquidation de leur régime matrimonial ; il est produit un projet d'état liquidatif contesté par l'épouse faisant état de droits pour Monsieur évalués à 203.557 euros et à 20.30 pour Madame, étant toutefois observé que la prestation compensatoire n'a pas à pallier les inconvénients découlant du choix de régime matrimonial » ; qu'il ressort clairement de ces motifs que le juge du divorce avait fixé la prestation compensatoire abstraction faite des perspectives liquidatives, trop incertaines ; qu'en retenant, pour rejeter la demande formée par Mme X... sur le fondement de l'équité, que l'exclusion des biens professionnels avait déjà été prise en compte par le juge du divorce pour la fixation de la prestation compensatoire, la cour d'appel a dénaturé le jugement du 18 avril 2013.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-25903
Date de la décision : 31/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 28 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 31 mar. 2021, pourvoi n°19-25903


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25903
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