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31/03/2021 | FRANCE | N°19-25538

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mars 2021, 19-25538


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 391 F-D

Pourvoi n° B 19-25.538

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme U... veuve J....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 octobre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________

________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 MARS 2021

Mme H... U....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 391 F-D

Pourvoi n° B 19-25.538

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme U... veuve J....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 octobre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 MARS 2021

Mme H... U..., veuve J..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° B 19-25.538 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Coronis, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme U..., veuve J..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Coronis, après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 13 septembre 2018), Mme J... été engagée par la société Coronis ( la société) à compter du 19 avril 1999, en qualité d'aide nursing puis a occupé les fonctions de garde de nuit lingère.

2. Le 16 juillet 2013, elle s'est vue notifier une mise à pied à titre conservatoire et a été convoquée à un entretien préalable fixé au 30 juillet suivant. Par lettre du 6 août 2013, la société lui a notifié une mise à pied disciplinaire pour faute grave du 12 au 16 août inclus ainsi qu'un changement d'équipe et d'horaire.

3. Après avoir pris acte, le 26 décembre 2013, de la rupture de son contrat de travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de ces sanctions et le paiement de diverses sommes à ce titre et au titre de la rupture.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt d' annuler la seule sanction disciplinaire de changement d'équipe et d'horaire et de la débouter de sa demande tendant à l'annulation de la mise à pied prononcée le même jour et au paiement d'un rappel de salaires et des congés payés à ce titre, alors « qu'un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction ; qu'en annulant seulement la sanction disciplinaire de changement d'équipe et d'horaire prononcée le 6 août 2013, bien qu'il résulte de ses propres constatations que par lettre du 6 août 2013, l'employeur avait prononcé à l'encontre de la salariée à la fois une mise à pied et un changement d'affectation et d'horaire de sorte que les deux sanctions prononcées simultanément devaient être annulées, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1331-1 du code du travail :

5. Il résulte de ce texte qu'un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.

6. Pour débouter la salariée de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire et de ses demandes de rappel de salaire afférent, la cour d'appel, après avoir constaté que l'intéressée avait fait l'objet d'une double sanction par lettre du 6 août 2013, soit simultanément une mise à pied de cinq jours et un changement d'équipe et d'horaire, a retenu que l'annulation de cette seconde sanction qui n'était pas prévue par le règlement intérieur, ne pouvait s'étendre à la première laquelle avait été prononcée sans excéder l'échelle des sanctions prévues par le règlement intérieur.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que les deux sanctions notifiées simultanément par lettre du 6 août 2013 devaient être annulées, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte produit les effets d'une démission à la date du 27 décembre 2013 et de la débouter de l'ensemble de ses demandes subséquentes, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen ayant trait à un cumul de mesures disciplinaires pour sanctionner les mêmes faits entrainera en application de l'article 624 du code de procédure civile la censure des dispositions de l'arrêt relatives aux effets produits par la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

9. En application de ce texte, la cassation des dispositions de l'arrêt qui déboutent la salariée de ses demandes tendant à l'annulation de la mise à pied et au paiement d'un rappel de salaires et des congés payés, entraîne la cassation des chefs de dispositif disant que la prise d'acte produit les effets d'une démission à la date du 27 décembre 2013 et déboutant la salariée de l'ensemble de ses demandes subséquentes, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme J... de sa demande tendant à l'annulation de la mise à pied prononcée le 6 août 2013 et au paiement à ce titre d'un rappel de salaires pour la période du 13 au 16 août 2013 et des congés payés, dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission et déboute Mme J... de ses demandes en paiement de sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande de remise de bulletins de paie rectificatifs,
l'arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Coronis aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Coronis à payer à la SCP Claire Leduc et Solange Vigand la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour Mme U..., veuve J...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir seulement annulé la sanction disciplinaire de changement d'équipe et d'horaire prononcée le 6 août 2013 et d'avoir, en conséquence, débouté Mme J... de sa demande tendant à voir annuler la mise à pied prononcée le même jour et à voir condamner la société Coronis à lui verser un rappel de salaires, outre des congés payés, au titre de cette mise à pied ;

AUX MOTIFS QUE sur l'existence d'un règlement intérieur régulier ; qu'il résulte des articles L. 1321-1 et L. 1331-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause, que dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié, dans les entreprises employant habituellement au moins vingt salariés, que si elle est prévue par ce règlement intérieur ; qu'en outre, le règlement intérieur ne peut produire effet que si l'employeur a accompli les diligences prévues par l'article L. 1321-4 du code du travail ; que la SARL Coronis justifie que : - son projet de règlement intérieur mis à jour le 1er juin 2012 a été soumis à l'avis des délégués du personnel de l'entreprise qui, réunis à cette fin le 26 juin 2012, ont émis un avis négatif en développant un certain nombre de critiques contre divers points de ce document, - le règlement consécutif à cet avis a été adressé à la DIRECCTE territorialement compétente par lettre recommandée du 10 septembre 2012, reçue le surlendemain, - il a été déposé au conseil de prud'hommes de Dijon par courrier recommandé envoyé et reçu à ces mêmes dates ; que ce règlement a donc bien pris effet à la suite de l'accomplissement de ces formalités ; que le document daté du 31 décembre 2012 que communique Mme J... n'est demeuré qu'à l'état de projet dès lors qu'interrogée par le conseil de cette salariée le 28 septembre 2016 au sujet du règlement intérieur de la SARL Coronis, la DIRECCTE ne lui a adressé que le règlement mis à jour le 1er juin 2012, accompagné de son courrier d'envoi par l'employeur ; qu'il y a donc lieu de statuer au vu du seul règlement intérieur déposé en septembre 2012, dont le dossier ne révèle pas qu'il ait été modifié entre cette dernière date et la date de la sanction disciplinaire litigieuse ; sur le caractère « légal » de la sanction disciplinaire en cause ; que la SARL Coronis n'a, dans un premier temps, décidé de mettre Mme J... à pied qu'à titre conservatoire, en lui annonçant qu'elle devait procéder à une enquête au sujet de faits relatés par certains membres du personnel ; que cette société a effectivement procédé à des investigations puisqu'elle a recueilli, entre cette décision du 16 juillet 2013 et l'entretien préalable prévu le 30 juillet suivant, un certain nombre d'attestations relatives au comportement de Mme J... ; que faute d'être revêtu d'une quelconque signature, le compte rendu de cet entretien imputé à la déléguée du personnel T... Maître ne peut pas avoir la valeur d'une attestation et n'établit donc pas que l'employeur aurait dès ce moment notifié à Mme J... une mise à pied disciplinaire de cinq jours ; que cette sanction n'est donc intervenue que le 6 août 2013 lorsque la SARL Coronis l'a notifiée à sa salariée ; que Mme J... n'est donc pas fondée à soutenir que la SARL Coronis a cumulé contre elle plusieurs sanctions de mise à pied ; que le fait qu'elle n'ait pas perçu de salaire pour la période allant du début de sa mise à pied conservatoire à la notification de la sanction n'est susceptible que de lui ouvrir droit à un rappel de salaire, sans affecter la régularité de cette sanction ; que la mise à pied finalement prononcée reste dans les limites fixées par le règlement intérieur applicable dont l'article V-23 envisage, parmi les sanctions susceptibles d'être prises, la mise à pied sans rémunération d'une durée de un à cinq jours ouvrés ; qu'en revanche, le changement d'équipe et d'horaire ne fait pas partie des sanctions énumérées par ce règlement ; que pourtant la SARL Coronis a expressément donné à cette mesure le caractère d'une sanction en écrivant dans sa lettre de notification du 6 août 2013 : « C'est pourquoi nous prononçons la sanction suivante : mise à pied disciplinaire pour faute grave du 12 au 16 août inclus Changement d'équipe et d'horaire » ; qu'elle a repris cette formulation dans une fiche de remontée des informations adressée à l'Agence régionale de santé et au Conseil général de la Côte-d'Or ; qu'est sans incidence le fait que l'employeur aurait pu prendre cette mesure dans le cadre de son pouvoir de direction ; qu'il y a donc lieu d'annuler la sanction de changement d'équipe et d'horaire, sans que cette annulation s'étende toutefois à la mise à pied, prononcée sans excéder l'échelle des sanctions prévues par le règlement intérieur ; sur la mise à pied disciplinaire ; que l'employeur a ainsi fondé sa sanction disciplinaire dans son courrier précité du 6 août 2013 : « Nous vous avons exposé les faits reprochés et entendu vos explications, à savoir : -Vous contestez le fait de demander à votre collègue de mentir sur le coucher des résidents, - Vous reconnaissez utiliser votre téléphone pendant vos heures de service, -Vous reconnaissez changer vos heures de pause sans l'autorisation de la direction, - Vous niez le fait de ne pas coucher les résidents pour la sieste et de les laisser en fauteuil dans leur chambre ; -Vous ne comprenez pas que l'on puisse vous reprocher de mal parler aux résidents ainsi qu'à certains de vos collègues ; - Vous reconnaissez que vous n'appliquez pas toujours les consignes des projets de vie définies en équipe pluridisciplinaire ; - Vous niez le fait de prendre parfois vos repas en unité de vie ; -Vous affirmez que tous ces propos ne sont que mensonges et représailles à votre égard, surtout ceux provenant d'une aide soignante en CDD pour les mois d'été, sur laquelle vous auriez eu connaissance d'un comportement maltraitant chez un Nous avons vérifié votre témoignage auprès des personnels et employeurs mentionnés dont voici les résultats : - Le comportement maltraitant concernant l'employée en CDD est infondé ; - 10 témoignages relatent cependant des faits vous concernant (propos non respectueux vis-à-vis de certains salariés), nous ne pouvons donc retenir " le fait de représailles à votre égard" ; - Il s'est avéré qu'au cours d'un contrôle effectué par le médecin coordonnateur, le coucher d'un résident n'était pas fait malgré les consignes à appliquer. Les explications que vous nous avez fournies démontrent que vous prenez des initiatives sans en référer à vos collègues ; - Vous nous affirmez n'avoir jamais demandé à quiconque de mentir sur le travail à exécuter et vous niez le fait d'être irrespectueuse envers certaines de vos collègues. Vous ne comprenez pas ces accusations à votre égard, car vous n'avez jamais eu de problèmes avec qui que ce soit. C'est pourquoi nous sommes très étonnées et surprises que vous ayez pris des renseignements sur la salariée en CDD puisqu'aucune animosité n'a jamais existé avec les membres du personnel donc avec elle. A l'analyse de la situation vos explications ne nous ont pas pleinement convaincues compte tenu des témoignages reçus. Nous prenons note que vous reconnaissez ne pas respecter le règlement intérieur et les consignes à appliquer. Par ailleurs nous notons le fait que vous vous engagez à respecter les règles de fonctionnement de notre établissement.
Vous reprendrez votre travail à compter du samedi 17 août sur le poste 7H-13H 16H-20H. Nous vous demandons de reprendre votre poste dans le respect et sans aucune animosité envers tous vos collègues. Nous serons très vigilantes aux engagements pris par vous-même lors de votre entretien du 30 juillet 2013 et nous comptons sur votre professionnalisme
» ; que la salariée L... M... a rencontré le 2 juillet 2013 le docteur V... F..., médecin coordinateur, pour lui exprimer diverses doléances à l'encontre de Mme J... : mauvaise façon de parler et de donner des ordres, fait de la laisser seule pour certaines tâches, menaces, pressions pour qu'elle ne contredise pas les versions de Mme J... au sujet des siestes des résidents, omission fréquente de Mme J... de les coucher pour la sieste, de leur mettre les protections adaptées contre l'incontinence, prise anticipée des pauses et prise de repas sur place ; que cette salariée a repris ces reproches dans un courrier adressé le 4 juillet 2013 à la SARL Coronis en rappelant qu'elle avait déjà alerté la direction au milieu du mois de mai 2013 ; que la matérialité de certains manquements a été attestée par des soignants : -le 25 mai 2013, le médecin coordinateur précité a constaté à 14 heures qu'un résident qui aurait dû être couché par Mme J... pour la sieste avait été laissé dans son fauteuil roulant, porte fermée et télévision éteinte, ce qu'elle avait cherché à justifier, de façon inopérante, par le fait que le résident s'était souillé la veille et que son coucher aurait entraîné trop de travail, - la stagiaire infirmière C... E... a confirmé ce fait en précisant qu'il s'était déjà plusieurs fois reproduit et que Mme J... lui avait demandé de mentir au médecin pour la couvrir, - selon la salariée Y... S..., Mme J... avait déclaré, à l'occasion d'un remplacement ponctuel dans l'équipe du témoin, qu'il était habituel dans l'autre équipe de laisser les adhérents sur leur fauteuil et de trier la porte, - le 17 juillet 2013, la neuropsychologue G... W... a vu qu'un adhérent portait une protection de nuit alors que Mme J... aurait dû le munir d'une protection de jour ; - la stagiaire C... E... et la salariée P... Q... ont également fait état de l'utilisation par Mme J... de son téléphone portable pour des communications personnelles, cette dernière s'isolant parfois pendant le travail pour téléphoner, criant alors fort, ou continuant une conversation téléphonique tout en donnant à manger à un résident ; que les dires de Mme M... ont également été confortés par le témoignage de X... D... d'après laquelle Mme J..., en train de manger sur le lieu de vie des résidents, avait ordonné à Mme M... de s'occuper seule d'une résidente en train de jouer avec sa protection souillée, ce de façon si méchante et méprisante que Mme M... en avait eu les larmes aux yeux ; que ces éléments ne sont pas susceptibles d'être remis en cause par les attestations de B... N... et K... O... selon lesquelle Mme M... s'était elle-même montrée humiliante et dénigrante envers elle à l'occasion d'un précédent emploi chez un autre employeur ; que le non-respect des consignes relatives au choix et au changement des couches, l'omission de procéder au coucher de certains résidents pour la sieste, l'emploi abusif du téléphone sur le lieu de travail et les pressions sur des collègues pour dissimuler ses manquements ont pour le moins constitué la modification irrégulière des conditions prescrites du travail ou des protocoles, au sens de l'article V-25 du règlement intérieur applicable, et ont eu un caractère suffisamment grave pour justifier la sanction de mise à pied ; sur les conséquences pécuniaires ; que Mme J... n'est pas en droit de prétendre au paiement des salaires correspondant à la période de mise à pied disciplinaire, soit du 13 au 16 août 2013 inclus ; qu'alors qu'elle sollicite le paiement d'un rappel de salaire « afférent à sa mise à pied du 17 au 30 août 2013 » (pages 19 et 33 de ses conclusions), il ne ressort pas du dossier que sa mise à pied se serait prolongée au-delà du 16 août 2013, la notification précitée du 6 août 2013 prévoyant au contraire la reprise du travail le 17 août ; que le bulletin de paie d'août 2013 ne fait d'ailleurs état que de la retenue des 10 heures de travail correspondant aux cinq jours de mise à pied ; que les demandes de rappel de salaire doivent donc être rejetées ; qu'en revanche le prononcé à titre de sanction d'un changement d'équipe et d'horaire a causé Mme J... un préjudice moral, en raison d'une brusque modification de ses conditions de travail qui justifie réparation sous forme d'une indemnité de 500 € ;

1) ALORS QUE seul le licenciement fondé sur une faute grave ou lourde dispense l'employeur de son obligation de paiement du salaire afférent à la période de mise à pied ; qu'une mise à pied qui n'est pas suivie d'un licenciement pour faute grave ou lourde a, si le salarié ne perçoit pas le salaire correspondant à cette période de mise à pied, le caractère d'une sanction disciplinaire, interdisant à l'employeur de prononcer ultérieurement, à raison des mêmes faits, une nouvelle sanction ; qu'en jugeant que le fait que la salariée n'ait pas perçu de salaire pour la période allant du début de sa mise à pied conservatoire à la notification de la mise à pied du 6 août 2013 n'était susceptible que de lui ouvrir droit à un rappel de salaire, sans affecter la régularité de cette sanction, cependant qu'à défaut d'être suivie d'un licenciement pour faute grave ou lourde et de donner lieu au versement d'un salaire, la première mise à pied présentait le caractère d'une sanction disciplinaire, interdisant à l'employeur de sanctionner la salariée une deuxième fois pour les mêmes faits, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

2) ALORS QU'un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction ; qu'en annulant seulement la sanction disciplinaire de changement d'équipe et d'horaire prononcée le 6 août 2013, bien qu'il résulte de ses propres constatations que par lettre du 6 août 2013, l'employeur avait prononcé à l'encontre de la salariée à la fois une mise à pied et un changement d'affectation et d'horaire de sorte que les deux sanctions prononcées simultanément devaient être annulées, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

3) ALORS QUE subsidiairement, si la juridiction prud'homale peut annuler une sanction disciplinaire irrégulière, injustifiée ou disproportionnée, elle n'a pas pour autant le pouvoir de la modifier ; qu'en annulant la sanction prononcée par l'employeur le 6 août 2013 qui consistait à la fois en une mise à pied disciplinaire et en un changement d'équipe et d'horaire, seulement en ce qu'elle prononçait un tel changement, la cour d'appel a violé l'article L. 1333-2 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Mme H... J... produit les effets d'une démission à la date du 27 décembre 2013 et d'avoir, en conséquence, débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes subséquentes ;

AUX MOTIFS QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que Mme J... reproche à son employeur : - un manquement au respect de sa dignité en raison de la diffusion au personnel d'un courrier stigmatisant destiné à jeter sur elle l'opprobre, de conditions humiliantes d'exécution de la mise à pied et de son placement sous surveillance par la direction, - un comportement excessif dans l'usage de son pouvoir disciplinaire, eu égard à la multiplication des sanctions et à leur médiatisation, - la dégradation consécutive de sa santé mentale, - un manquement à l'obligation de sécurité lié au manque de personnel et à la survenance d'un accident du travail le 13 novembre 2013 ; que si l'employeur reconnait l'existence d'un accident du travail survenu le 13 novembre 2013, les parties sont en désaccord sur les circonstances dans lesquelles il s'est produit ; qu'alors que Mme J... soutient, sans en justifier, qu'elle a dû soutenir seule une résidente en train de glisser de son lit, l'infirmier R... I..., dont l'attestation se rapport bien au fait en litige, a indiqué qu'en réalité, alors que la toilette de cette résidente devait être effectuée par deux soignants, Mme J... avait voulu prendre de l'avance en transférant seule l'intéressée de son lit médicalisé à une chaise percée tandis que sa collègue aide soignante terminait la toilette d'une autre résidente ; que ces faits, étrangers à la prétendue insuffisance de personnel, ne permettent pas d'établir l'existence d'un manquement imputable à l'employeur alors qu'ils ont été dus à une initiative de Mme J... contraire aux consignes reçues ; que le certificat du docteur A..., dont la photocopie produite ne permet pas de déterminer la date, se borne à indiquer que Mme J... présente un syndrome anxio-dépressif et ne permet pas d'établir que cette affectation serait rattachable à ses conditions de travail ; qu'un tel rattachement est d'autant moins présumable que selon le médecin coordinateur précité, Mme J... a voulu se justifier, lors de l'incident du 25 mai 2013, en évoquant des problèmes personnels ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme J... n'a nullement subi de multiplication des sanctions disciplinaires alors que de simples observations écrites lui ont été adressées le 28 mai 2013 et qu'elle n'a été sanctionnée qu'une fois le 6 août 2013 ; que le fait, attesté par l'agent de service G... GV..., que les affaires personnelles de Mme J... lui ont été remises dans un sac poubelle ne suffit pas à caractériser une attitude vexatoire de la part de l'employeur alors que la teneur de ces affaires n'est pas précisée et que l'emploi d'un sac plastique à poubelle ne fait pas présumer l'intention de l'employeur de les traiter comme des ordures ou de vexer la salariée ; qu'après avoir notifié à sa salariée sa mise à pied à titre conservatoire, la SARL Coronis a rédigé une lettre à l'attention du personnel, destinée à être remise en pain propre à chaque salarié, annonçant l'ouverture d'une enquête à la suite d'une plainte pour harcèlement moral et maltraitance concernant Mme J... ; que cet écrit précisait que celle-ci aurait notamment demandée à des collègues de mentir sur les tâches qu'elle était censée accomplir et aurait exprimé des menaces ; qu'après rappel que l'employeur devait établir la réalité des faits compte tenu de l'obligation de protéger la santé et la sécurité des salarié, il était demandé aux destinataires, invités à répondre au plus tard le 29 juillet 2013 sous pli confidentiel, de « nous faire parvenir, le plus précisément possible, un compte rendu des faits que vous avez pu constater vis-à-vis des autres salariés de l'entreprise et de la maltraitance envers des patients, et qui pourrait vous paraître anormaux, humiliants, relevant d'une excès d'autorité, irrespectueux », en s'en tenant aux faits personnellement vus et entendus ; que l'employeur a parallèlement informé, conformément à ses obligations en matière de lutte contre la maltraitance des personnes âgées, l'Agence Régionale de Santé et le Conseil Général de la Côte-d'Or qu'il procédait à une enquête concernant les faits relatés par certains membres du personnel ; que s'il était loisible à la SARL Coronis de procéder à une enquête et de recueillir des déclarations sous la forme d'attestations destinées à être produites en justice, propres à garantir leur sincérité, le courrier adressé au personnel l'invitait, même en utilisant le conditionnel au sujet des faits en cause, à ne fournir que des témoignages à charge contre Mme J... dont la dignité a ainsi été insuffisamment préservée ; que cette volonté est confirmée par le fait que, selon les attestations d'AS... OL... et TL... VC..., l'employeur a réuni le personnel pour lui demander de ne pas contacter Mme J..., sous menace de sanction ; qu'en revanche, même si la SARL Coronis a indiqué ensuite à l'Agence Régionale de Santé et au Conseil Général que le personnel serait informé de la sanction prononcée, Mme J... ne précise pas quelle forme a été donnée à cette information et ne démontre pas qu'elle a pris un tour tendant à la déconsidérer auprès de ses collègues dans des conditions contraires à sa dignité ; que de même, s'il est vrai que l'employeur a précisé à ses autorités de tutelle que Mme J... allait être sous surveillance, cette dernière n'apporte aucune information sur les modalités de ce contrôle et n'établit pas qu'il ait excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir de direction découlant du contrat de travail ; qu'à ce sujet les termes de l'attestation de AR... HW... montrent qu'elle ne décrit nullement des faits qu'elle aurait personnellement constatés, mais se borne à relater les seuls dires de Mme J... ; que de même AS... OL... dit savoir qu'elle serait surveillée sans avoir rien vu lui-même ; qu'en définitive, les seuls manquements imputables à la SARL Coronis découlent du manque d'impartialité de l'enquête et du prononcé d'une sanction de changement d'équipe et d'horaire non prévue par le règlement intérieur ; que cependant cette société a fait le choix, malgré la gravité des faits dont la cour a retenu la réalité, de ne pas licencier sa salariée ; qu'il n'est pas démontré que la mise en oeuvre de la mise à pied disciplinaire et la reprise du travail aient été accompagnées de circonstances tendant à déconsidérer Mme J... ou à rendre plus difficiles ses conditions de travail ; que si certains témoins indiquent qu'elle élevait seule ses enfants, elle n'apporte aucune explication au sujet de leur âge et de l'organisation de sa vie privée et ne justifie donc pas que le changement d'horaire, dont elle n'indique d'ailleurs pas l'ampleur, aurait troublé sa vie familiale ; que près de quatre mois se sont écoulés sans qu'elle ait contesté les sanctions disciplinaires ou signalé des atteintes à ses conditions de travail ; que la cour n'a pas retenu que son accident du travail ultérieur a été la conséquence d'un manquement commis par son employeur ; que contrairement au conseil de prud'hommes, la cour en déduit que la prise d'acte n'est pas fondée sur des faits qui la justifiaient et doit donc produire les effets d'une démission ; qu'en conséquence, Mme J... doit être déboutée de ses demandes indemnitaires correspondantes et de sa demande de remise de bulletins de paie rectificatifs ;

1) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen ayant trait à un cumul de mesures disciplinaires pour sanctionner les mêmes faits entrainera en application de l'article 624 du code de procédure civile la censure des dispositions de l'arrêt relatives aux effets produits par la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée ;

2) ALORS QUE l'atteinte à la dignité de son salarié constitue pour l'employeur un manquement à ses obligations ; qu'une telle atteinte est caractérisée indépendamment de la volonté de son auteur ; qu'en retenant, pour débouter la salariée de sa demande tendant à faire produire à sa prise d'acte de la rupture les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le fait, attesté par un témoin, que les affaires personnelles de la salariée lui aient été remises dans un sac poubelle ne suffisait pas à caractériser une attitude vexatoire de la part de l'employeur dès lors que la teneur de ces affaires n'était pas précisée et que l'emploi d'un sac plastique à poubelle ne faisait pas présumer l'intention de l'employeur de les traiter comme des ordures ou de vexer la salariée et qu'ainsi, il n'était pas démontré que la mise en oeuvre de la mise à pied disciplinaire aient été accompagnée de circonstances tendant à déconsidérer la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1222-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-25538
Date de la décision : 31/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 13 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mar. 2021, pourvoi n°19-25538


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25538
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