La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2021 | FRANCE | N°19-16378

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mars 2021, 19-16378


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 423 F-D

Pourvoi n° V 19-16.378

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 MARS 2021

La Société d'enrichissement de données informatiques ([.

..]), société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-16.378 contre l'arrêt rendu le 19 décemb...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 423 F-D

Pourvoi n° V 19-16.378

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 MARS 2021

La Société d'enrichissement de données informatiques ([...]), société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-16.378 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant à Mme I... V..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Société d'enrichissement de données informatiques, de la SCP Spinosi, avocat de Mme V..., après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 décembre 2018), Mme V... a été engagée par la société [...] (la société) en qualité d'opératrice de catégorisation, à compter du 9 février 2007. La salariée était titulaire de plusieurs mandats au sein de la société, en qualité de représentant du personnel au comité de groupe depuis le 3 mai 2012, de délégué du personnel et membre du comité d'entreprise depuis le 22 novembre 2013, de délégué syndical depuis le 28 novembre 2013, et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail depuis le 20 mai 2014.

2. Par lettre du 1er août 2014, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 5 septembre 2014. Le 3 octobre 2014, la société a adressé à l'inspection du travail une demande d'autorisation de licenciement de la salariée, qui a été rejetée par lettre du 28 octobre 2014. Le 24 novembre 2014, la société a déposé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail. Le 26 mai 2015, le ministre du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail. Le 27 juillet 2015, la société a saisi le tribunal administratif d'une demande d'annulation de cette décision.

3. Le 10 juillet 2014, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale pour faire constater des agissements de discrimination syndicale et de harcèlement moral.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la salariée une certaine somme en réparation du préjudice consécutif à la discrimination syndicale, alors :

« 1°/ que lorsque le juge administratif est saisi d'une contestation portant sur un refus par l'autorité administrative d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement et ainsi violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le bien-fondé de la procédure de licenciement déclenchée par l'employeur ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme V... est investi de plusieurs mandats représentatifs et syndical et que, le 10 juillet 2014, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à des agissements de discrimination syndicale ; que la cour d'appel a constaté qu'a eu lieu, le 5 septembre 2014, l'entretien préalable de la salariée à son éventuel licenciement et qu'après que l'autorité administrative a refusé, par deux décisions des 28 octobre 2014 et 26 mai 2015, d'autoriser le licenciement de la salariée, la [...] a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande d'annulation de cette dernière décision ; que la cour d'appel a également relevé qu'à l'appui de sa demande, Mme V... invoquait le fait d'avoir fait l'objet de multiples procédures disciplinaires ; que procédant à l'examen de ce fait, elle a considéré que la procédure de licenciement initiée en août 2014 ne traduit pas, en apparence, de la part de l'employeur une discrimination, puisqu'il se fonde sur un élément objectif étranger à toute discrimination résidant dans les propos virulents, outranciers et parfois vindicatifs tenus par la salariée ; qu'elle a néanmoins estimé que ces propos ne devaient pas être déconnectés du contexte, à savoir celui de la lecture de l'enquête du CHSCT qui a conclu à l'absence de discrimination alors qu'elle a subi une mise à l'écart, et que ces conclusions pouvaient légitimement apparaître aux yeux de Mme V... comme tout à fait inadmissibles et déclencher chez elle un sentiment qu'elle maladroitement exprimé ; qu'elle en a conclu que ce contexte enlevait aux propos de la salariée leur caractère fautif et qu'ainsi, l'engagement de la procédure de licenciement, envisagé dans ce contexte, était dépourvu de l'objectivité requise, ce dont elle a déduit que ce fait, qui contribuait à laisser supposer l'existence d'une discrimination, n'était pas justifié par un élément objectif étranger à toute discrimination et permettait de considérer que la discrimination syndicale était établie ; qu'en statuant ainsi, alors qu'en appréciant le caractère fautif des faits reprochés à une salariée protégée dans le cadre d'une procédure disciplinaire de licenciement, elle appréciait le caractère réel et sérieux du licenciement dont le refus d'autorisation est soumis à l'examen du juge administratif dans le cadre d'une instance en cours, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs ;

2°/ que lorsque la solution de l'instance prud'homale dépend de l'issue de la procédure engagée devant la juridiction administrative, le juge judiciaire est tenu de surseoir à statuer jusqu'à ce que cette juridiction se soit prononcée ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme V... est investi de plusieurs mandats représentatifs et syndical, que, le 10 juillet 2014, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à des agissements de discrimination syndicale, qu'a eu lieu, le 5 septembre 2014, l'entretien préalable de la salariée à son éventuel licenciement et qu'après que l'autorité administrative a refusé, par deux décisions des 28 octobre 2014 et 26 mai 2015, d'autoriser le licenciement de la salariée, la [...] a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande d'annulation de cette dernière décision ; que la cour d'appel a relevé qu'à l'appui de sa demande, Mme V... invoquait le fait d'avoir fait l'objet de multiples procédures disciplinaires ; que procédant à l'examen de ce fait, elle a considéré que la procédure de licenciement initiée en août 2014 ne traduit pas, en apparence, de la part de l'employeur une discrimination, puisqu'il se fonde sur un élément objectif étranger à toute discrimination résidant dans les propos virulents, outranciers et parfois vindicatifs tenus par la salariée ; qu'elle a néanmoins estimé que ces propos ne devaient pas être déconnectés du contexte, à savoir celui de la lecture de l'enquête du CHSCT qui a conclu à l'absence de discrimination alors qu'elle a subi une mise à l'écart, et que ces conclusions pouvaient légitimement apparaître aux yeux de Mme V... comme tout à fait inadmissibles et déclencher chez elle un sentiment qu'elle maladroitement exprimé ; qu'elle en a conclu que ce contexte enlevait aux propos de la salariée leur caractère fautif et qu'ainsi, l'engagement de la procédure de licenciement, envisagé dans ce contexte, était dépourvu de l'objectivité requise, ce dont elle a déduit que ce fait, qui contribuait à laisser supposer l'existence d'une discrimination, n'était pas justifié par un élément objectif étranger à toute discrimination et permettait de considérer que la discrimination syndicale était établie ; qu'en statuant ainsi, alors que l'appréciation de l'existence d'un élément objectif étranger à toute discrimination, à savoir le caractère justifié de la procédure disciplinaire de licenciement engagée à l'encontre de la salariée par l'employeur, dépend de l'issue de la procédure engagée devant la juge administratif concernant le refus d'autorisation opposé par l'autorité administrative, la cour d'appel, qui aurait dû surseoir à statuer, a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs ;

3°/ que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme V... est investi de plusieurs mandats représentatifs et syndical ; que la cour d'appel a relevé qu'à l'appui de sa demande, Mme V... invoquait le fait d'avoir fait l'objet de multiples procédures disciplinaires ; qu'elle a constaté, sur ce point, que le seul fait établi par la salariée était le fait pour l'employeur d'avoir engagé à l'encontre de celle-ci une mesure de licenciement envisagée en raison d'un comportement agressif permanent et des propos qu'elle a tenus lors de la réunion du CHSCT du 17 juillet 2014 et à l'occasion de laquelle ledit CHSCT avait donné les conclusions négatives de son rapport d'enquête sur la discrimination de la salariée ; que procédant à l'examen de ce fait, elle a considéré que la procédure de licenciement initiée en août 2014 ne traduit pas, en apparence, de la part de l'employeur une discrimination, puisqu'il se fonde sur un élément objectif étranger à toute discrimination résidant dans les propos virulents, outranciers et parfois vindicatifs tenus par la salariée ; qu'elle a néanmoins estimé que ces propos ne devaient pas être déconnectés du contexte, à savoir celui de la lecture de l'enquête du CHSCT qui a conclu à l'absence de discrimination alors qu'elle a subi une mise à l'écart, et que ces conclusions pouvaient légitimement apparaître aux yeux de Mme V... comme tout à fait inadmissibles et déclencher chez elle un sentiment qu'elle maladroitement exprimé ; qu'elle en a conclu que ce contexte enlevait aux propos de la salariée leur caractère fautif et qu'ainsi, l'engagement de la procédure de licenciement, envisagé dans ce contexte, était dépourvu de l'objectivité requise, ce dont elle a déduit que ce fait, qui contribuait à laisser supposer l'existence d'une discrimination, n'était pas justifié par un élément objectif étranger à toute discrimination et permettait de considérer que la discrimination syndicale était établie ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations ainsi que des conclusions d'appel de la [...] que des faits imputables à la salariée, autres que ceux qui s'étaient déroulés lors de la réunion du CHSCT du 17 juillet 2014, avaient été invoqués par l'employeur à l'appui de sa décision d'envisager la rupture du contrat de travail de la salariée et de demander l'autorisation de son licenciement à l'autorité administrative, la cour d'appel, qui n'a pas examiné tous les éléments objectifs étranger à toute discrimination et justifiant le fait invoqué par la salariée qui avaient été avancés et prouvés par la [...], a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir constaté que, sur l'ensemble des faits invoqués par la salariée au soutien de sa demande au titre d'une discrimination syndicale, étaient établis l'existence d'une procédure de licenciement engagée en août 2014, l'absence d'évolution de carrière de la salariée, son affectation à des tâches répétitives, son isolement physique et fonctionnel, et retenu que ces éléments, pris dans leur ensemble, laissaient supposer une discrimination syndicale, l'arrêt estime que l'employeur démontre seulement que ses décisions relatives à l'absence d'évolution de carrière de la salariée et à son affectation à des tâches répétitives sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que les autres éléments retenus comme laissant supposer une discrimination ne sont pas justifiés.

7. Il en résulte que la cour d'appel ne s'est pas fondée exclusivement sur l'absence de caractère fautif des faits reprochés à la salariée au soutien de la demande d'autorisation de licenciement et qu'ainsi, elle n'était pas tenue de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative saisie d'un recours à l'encontre de la décision du ministre du travail ayant rejeté le recours hiérarchique contre la décision de refus d'autorisation de l'inspecteur du travail.

8. Le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société d'enrichissement de données informatiques aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d'enrichissement de données informatiques et la condamne à payer à Mme V... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Société d'enrichissement de données informatiques

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la [...] à payer à Mme V... une somme de 15.000 euros en réparation du préjudice consécutif à la discrimination syndicale, une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,
« Sur la discrimination syndicale :

Il ressort de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de promotion professionnelle en raison de ses activités syndicales.
L'article L. 2141-5 prévoit qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. Un accord détermine les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle.
Sur le terrain de la preuve, il n'appartient pas au représentant du personnel ou au délégué syndical qui s'estime victime d'une discrimination d'en prouver l'existence. Suivant l'article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, Mme V... expose ainsi les éléments qui, selon elle, laissent supposer qu'elle a fait l'objet d'un traitement discriminatoire :
- le fait d'être régulièrement prise à partie par l'employeur dans le cadre de ses fonctions et d'avoir fait l'objet de multiples procédures disciplinaires,
- le fait de ne pas avoir la même évolution professionnelle que les autres salariés de la SASU [...],
- le fait qu'elle soit cantonnée depuis des années à des tâches répétitives,
- le fait d'avoir été isolée des autres salariés,
- le fait que la SASU [...] se soit séparée des deux seules élues FO.

Sur les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte :

sur le fait, pour Mme V..., d'être régulièrement prise à partie par l'employeur dans le cadre de ses fonctions et d'avoir fait l'objet de multiples procédures disciplinaires :

Mme V... invoque, à l'appui de ce qu'elle considère comme des prises à partie "régulières" : une humiliation publique datant de février 2014 à propos de la climatisation et de l'ouverture de fenêtres et une altercation entre elle et M. S..., son supérieur hiérarchique en mars 2014 à propos de la dispute intervenue entre elle et un autre salarié M. H.... L'existence de ces deux événements n'est pas contestée par l'employeur.
Le second trouve une issue par l'avertissement du 28 mai 2014.
Le premier consiste en une altercation ayant, selon Mme V..., été accompagnée d'une humiliation publique. Pour en justifier, Mme V... produit sa pièce 60 qui consiste en un courriel qui a été rédigé par elle et qui ne peut donc, à lui seul, présenter un caractère probant. Il doit en outre être relevé que l'enquête du CHSCT réalisée courants avril, mai et juin 2014 n'a pas permis d'établir l'existence des humiliations publiques alléguées (pièce 17 de l'appelante). Sur les sanctions, Mme V... expose avoir fait l'objet d'un rappel à l'ordre le 15 mars 2010, d'un rappel à l'ordre le décembre 2012, d'un avertissement du 28 mai 2014 et d'une procédure de licenciement en août 2014.
Le rappel à l'ordre du 15 mars 2010 est nécessairement étranger à toute discrimination syndicale, le premier mandat de Mme V... étant postérieur (3 mai 2012).
Mme V... a en revanche effectivement fait l'objet d'un rappel à l'ordre au mois de décembre 2012. Toutefois, un rappel à l'ordre ne constitue pas, à proprement parler, une sanction disciplinaire.
Les développements qui précèdent s'agissant de l'avertissement du 28 mai 2014, tendent à écarter purement et simplement le moyen tiré de l'existence de cet avertissement comme laissant supposer l'existence d'une discrimination, ledit avertissement ayant été considéré comme étant justifié.
Reste donc, pour seule sanction, celle ayant consisté à engager, contre Mme V..., une mesure de licenciement envisagée en raison d'un comportement agressif permanent et des propos qu'elle a tenu lors de la réunion du CHSCT du 17 juillet 2014 et à l'occasion de laquelle ledit CHSCT avait donné les conclusions négatives de son rapport d'enquête sur la discrimination de l'appelante. Le fait, pour la SASU [...], d'avoir initié contre Mme V... une procédure de licenciement n'est pas contesté.

sur le fait, pour Mme V..., de ne pas avoir la même évolution professionnelle que les autres salariés de la SASU [...] :

Mme V... reproche en premier lieu à son employeur d'avoir été écartée du poste de superviseur (pour la prestation Numéricable) qui lui avait été promis. Le poste qui fait débat consiste en un poste de superviseur attribué à la fin de l'année 2012 à Mme U... que Mme V... avait formée (cf. pièce 44 de l'appelante-attestation de Mme K...). Néanmoins, il résulte de la pièce 137 de l'intimée (attestation de Mme X...) que Mme V... n'avait jamais été pressentie pour occuper ce poste. Cette version est partiellement contredite par le témoignage de Mme J... (pièce 98 de l'intimée) qui, à l'occasion de son audition par la commission d'enquête du CHSCT, a déclaré : "en novembre 2013, Mme J... a demandé à Mme V... si elle serait intéressée par un poste de superviseur sur la prestation numericable (prestation traitée au rez-de-chaussée)". Cependant, Mme J... a ajouté : "Mme V... a tout de suite répondu qu'elle était bien au premier étage et qu'elle ne voulait pas descendre". Ainsi, la preuve de ce premier reproche n'est-elle pas rapportée par Mme V....
Mme V... reproche en second lieu à la SASU [...] de lui avait offert une évolution différente de celle des autres salariés placés dans une situation comparable. Elle prétend avoir été embauchée à un coefficient 130 et que, 10 ans plus tard, elle occupe toujours les mêmes fonctions au même coefficient. Toutefois, la pièce 2 de l'appelante (liasse de ses bulletins de salaire depuis janvier 2011 jusqu'à octobre 2015) montre qu'en novembre 2011 elle bénéficiait du coefficient 130 et qu'en octobre 2015, elle bénéficiait du coefficient 140 (auquel elle a été admis en octobre 2011). Il reste cependant qu'effectivement, Mme V... n'a pas connu d'autre évolution depuis son entrée dans la société, ce qui au demeurant n'est pas contesté par la SASU [...] qui l'admet mais qui explique que la majorité de ses opérateurs disposent des coefficients 130 et 140. Il en résulte que l'absence d'évolution de carrière de Mme V... est bien établie.

Sur le fait, pour Mme V..., d'être cantonnée depuis des années à des tâches répétitives :

Mme V... reproche à la SASU [...] de ne pas lui donner accès à la polyvalence c'est-à-dire à d'autres tâches que celles qui lui ont été assignées. De fait, elle verse aux débats les témoignages de sept collègues indiquant que Mme V... était en demande de plus de polyvalence, c'est-à-dire d'une plus grande variété de tâches dans travail, étant précisé d'une part que les témoignages montrent qu'un accès à la polyvalence était possible car Mme V... n'occupait pas intégralement ses journées avec le travail qui lui était confié et d'autre part qu'il résulte de l'audition d'une salariée par la commission d'enquête du CHSCT (Mme O... -pièce 108 de l'intimée) que "Mme V... est restée le plus longtemps à faire des ADP"(c'est-à-dire des tâches que Mme O... qualifie dans une attestation de "tâches simples de saisie pure et dure sans réflexion"-pièce 50 de l'appelante).

Sur le fait, pour Mme V..., d'avoir été isolée des autres salariés :

Mme V... reproche à son employeur de l'avoir physiquement mise à l'écart. Par les attestations qu'elle verse aux débats, Mme V... établit la réalité de ce reproche. En effet, dans son attestation, Mme K... (pièce 44 de l'appelante) indique : "(Mme V...) se retrouvait toujours isolée au bout de la table". Mme T... (pièce 52 de l'appelante) atteste "(Mme V...) est placée toute seule dans une place et ses collègues comme nous autres salariés nous n'avons pas le droit de la voir". Mme Y... témoigne, de façon plus circonstanciée : "après les élections 2009, avant de me rendre à Nanterre (
) j'ai téléphoné à I... V... pour lui demander comment je vais la reconnaître parce que je ne la connaissais pas physiquement. Elle me répondit tu vas me reconnaître, je suis sur un grand plateau au rez-de-chaussée et ils m'ont mise sur une rangée toute seule. Quand je suis rentrée sur le plateau, j'ai été surprise parce qu'elle se trouvait toute seule sur la rangée sachant que le reste du plateau était rempli. Par la suite, je me suis déplacée à plusieurs reprises en délégation et je n'ai constaté qu'il n'y a eu aucun changement" (pièce 51 de l'appelante). Ces attestations ne sont nullement contredites par celles produites par l'intimée (pièce 36, 52, 105, 107 et 108). Le témoignage de Mme C... recueilli par la commission d'enquête du CHSCT (pièce 102 de l'intimée) pourrait laisser supposer qu'il les contredit puisque Mme C... indique qu'elle a vu que Mme V... n'était pas seule assise sur sa rangée. Pour autant, Mme V... indique, sans être contredite sur ce point, que Mme C... n'a pu être témoin de son isolement dès lors qu'elle a intégré la société après les faits. Il en va de même en ce qui concerne le témoignage de Mme G....
Mme V... reproche encore à son employeur de ne pas avoir, lors du déménagement de l'équipe dans laquelle elle travaillait alors, déménagé son poste de travail en même temps que les autres membres de l'équipe. Ce fait n'est corroboré par aucune pièce.
Mme V... reproche enfin à son employeur de l'isoler sur le plan fonctionnel, ayant été écartée de certaines formations. Mme V... rapporte la preuve de ce fait par le témoignage de Mme W... (pièce 49) dans lequel elle indique : "Je confirme avoir eu pour consigne de former l'équipe du contrat Direct Energie afin de les mutualiser au niveau de la saisie et des différentes activités. Mais je n'ai pas formé Mme V... qui ne faisait que de la saisie de RIB comme demandé par ma hiérarchie. De plus, celle-ci s'est retrouvée isolée du groupe. Ma consigne étant de la laisser seule sur une rangée même pendant sa période de grossesse et également après son retour de congé mat." Ce témoignage est corroboré par celui de M. B... (pièce 48).

Sur le fait que la SASU [...] se soit séparée des deux seules élues FO :

Ce facteur, qui est un facteur exogène et n'intéresse pas spécifiquement la situation de Mme V... ne doit exercer aucune influence sur les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à l'encontre de Mme V....

Sur l'ensemble des faits dénoncés par Mme V..., certains ont été reconnus comme étant établis :
- l'existence d'une procédure de licenciement initiée en août 2014,
- l'absence d'évolution de carrière de Mme V...,
- l'affectation de Mme V... à des tâches répétitives,
- l'isolement physique de Mme V... et son isolement lors d'une formation par Mme W....
Ces faits laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.
Il incombe donc à la SASU [...] de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Sur la justification, par l'employeur, d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination :
L'absence d'évolution de carrière est justifiée par l'employeur par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la grande majorité des salariés de l'entreprise étant classée aux coefficients 130 et 140.
L'affectation à des tâches répétitives est manifestement le lot réservé à d'autres salariés, qui en attestent (pièces 98, 103, 104, 107, 108 et 122 de l'intimée). Qui plus est, par sa pièce 88 (courriel de Mme V... à son superviseur le 23 avril 2012) la SASU [...] montre que Mme V... n'était pas toujours disposée à changer de poste : "Bonjour, concernant le fait de me déplacer d'une prestation à une autre sans mon accord, je te rappelle qu'en tant qu'élue sans mon accord j'ai agi dans la contrainte en suivant tes instructions. Je t'informe que je tiens à revenir à mon poste et continuer mon travail comme le prévoit le code du travail". Ainsi, l'employeur justifie sa décision par un motif étranger à toute discrimination. L'isolement physique et fonctionnel de Mme V... a été démontré. Il n'est justifié par aucun élément qui serait étranger à toute discrimination.
La procédure de licenciement initiée en août 2014 ne traduit pas de la part de l'employeur, tout au moins en apparence, une discrimination, l'employeur se fondant sur un élément objectif étranger à toute discrimination comme en témoigne la pièce 19 dans laquelle apparaissent les propos virulents, outranciers et parfois vindicatifs de Mme V.... Cependant, les propos de Mme V... ne doivent pas être déconnectés du contexte, à savoir celui de la lecture de l'enquête du CHSCT qui a conclu à l'absence de discrimination alors qu'elle subit une mise à l'écart. Les conclusions du CHSCT pouvaient donc légitimement apparaitre aux yeux de Mme V... comme tout à fait inadmissibles et déclencher chez elle le sentiment qu'elle a maladroitement exprimé. Ce contexte enlève aux propos de Mme V... leur caractère fautif. L'engagement de la procédure de licenciement, envisagé dans ledit contexte, est donc dépourvu de l'objectivité requise.

Deux faits qui laissent supposer l'existence d'une discrimination (l'ouverture d'une procédure de licenciement à l'encontre de Mme V... et l'isolement de Mme V...) ne sont pas justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La discrimination syndicale est donc établie. Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point.
Le préjudice qui en est résulté pour Mme V... sera correctement réparé par l'octroi d'une indemnité de 15 000 euros, somme au paiement de laquelle la SASU [...] sera condamnée. » ;

ALORS, en premier lieu, QUE, lorsque le juge administratif est saisi d'une contestation portant sur un refus par l'autorité administrative d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement et ainsi violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le bien-fondé de la procédure de licenciement déclenchée par l'employeur ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme V... est investi de plusieurs mandats représentatifs et syndical et que, le 10 juillet 2014, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à des agissements de discrimination syndicale ; que la cour d'appel a constaté qu'a eu lieu, le 5 septembre 2014, l'entretien préalable de la salariée à son éventuel licenciement et qu'après que l'autorité administrative a refusé, par deux décisions des 28 octobre 2014 et 26 mai 2015, d'autoriser le licenciement de la salariée, la [...] a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande d'annulation de cette dernière décision ; que la cour d'appel a également relevé qu'à l'appui de sa demande, Mme V... invoquait le fait d'avoir fait l'objet de multiples procédures disciplinaires ; que procédant à l'examen de ce fait, elle a considéré que la procédure de licenciement initiée en août 2014 ne traduit pas, en apparence, de la part de l'employeur une discrimination, puisqu'il se fonde sur un élément objectif étranger à toute discrimination résidant dans les propos virulents, outranciers et parfois vindicatifs tenus par la salariée ; qu'elle a néanmoins estimé que ces propos ne devaient pas être déconnectés du contexte, à savoir celui de la lecture de l'enquête du CHSCT qui a conclu à l'absence de discrimination alors qu'elle a subi une mise à l'écart, et que ces conclusions pouvaient légitimement apparaître aux yeux de Mme V... comme tout à fait inadmissibles et déclencher chez elle un sentiment qu'elle maladroitement exprimé ; qu'elle en a conclu que ce contexte enlevait aux propos de la salariée leur caractère fautif et qu'ainsi, l'engagement de la procédure de licenciement, envisagé dans ce contexte, était dépourvu de l'objectivité requise, ce dont elle a déduit que ce fait, qui contribuait à laisser supposer l'existence d'une discrimination, n'était pas justifié par un élément objectif étranger à toute discrimination et permettait de considérer que la discrimination syndicale était établie ; qu'en statuant ainsi, alors qu'en appréciant le caractère fautif des faits reprochés à une salariée protégée dans le cadre d'une procédure disciplinaire de licenciement, elle appréciait le caractère réel et sérieux du licenciement dont le refus d'autorisation est soumis à l'examen du juge administratif dans le cadre d'une instance en cours, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs ;

ALORS, en deuxième lieu, QUE, lorsque la solution de l'instance prud'homale dépend de l'issue de la procédure engagée devant la juridiction administrative, le juge judiciaire est tenu de surseoir à statuer jusqu'à ce que cette juridiction se soit prononcée ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme V... est investi de plusieurs mandats représentatifs et syndical, que, le 10 juillet 2014, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à des agissements de discrimination syndicale, qu'a eu lieu, le 5 septembre 2014, l'entretien préalable de la salariée à son éventuel licenciement et qu'après que l'autorité administrative a refusé, par deux décisions des 28 octobre 2014 et 26 mai 2015, d'autoriser le licenciement de la salariée, la [...] a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande d'annulation de cette dernière décision ; que la cour d'appel a relevé qu'à l'appui de sa demande, Mme V... invoquait le fait d'avoir fait l'objet de multiples procédures disciplinaires ; que procédant à l'examen de ce fait, elle a considéré que la procédure de licenciement initiée en août 2014 ne traduit pas, en apparence, de la part de l'employeur une discrimination, puisqu'il se fonde sur un élément objectif étranger à toute discrimination résidant dans les propos virulents, outranciers et parfois vindicatifs tenus par la salariée ; qu'elle a néanmoins estimé que ces propos ne devaient pas être déconnectés du contexte, à savoir celui de la lecture de l'enquête du CHSCT qui a conclu à l'absence de discrimination alors qu'elle a subi une mise à l'écart, et que ces conclusions pouvaient légitimement apparaître aux yeux de Mme V... comme tout à fait inadmissibles et déclencher chez elle un sentiment qu'elle maladroitement exprimé ; qu'elle en a conclu que ce contexte enlevait aux propos de la salariée leur caractère fautif et qu'ainsi, l'engagement de la procédure de licenciement, envisagé dans ce contexte, était dépourvu de l'objectivité requise, ce dont elle a déduit que ce fait, qui contribuait à laisser supposer l'existence d'une discrimination, n'était pas justifié par un élément objectif étranger à toute discrimination et permettait de considérer que la discrimination syndicale était établie ; qu'en statuant ainsi, alors que l'appréciation de l'existence d'un élément objectif étranger à toute discrimination, à savoir le caractère justifié de la procédure disciplinaire de licenciement engagée à l'encontre de la salariée par l'employeur, dépend de l'issue de la procédure engagée devant la juge administratif concernant le refus d'autorisation opposé par l'autorité administrative, la cour d'appel, qui aurait dû surseoir à statuer, a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs ;

ALORS, en troisième lieu et à titre subsidiaire, QUE, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme V... est investi de plusieurs mandats représentatifs et syndical ; que la cour d'appel a relevé qu'à l'appui de sa demande, Mme V... invoquait le fait d'avoir fait l'objet de multiples procédures disciplinaires ; qu'elle a constaté, sur ce point, que le seul fait établi par la salariée était le fait pour l'employeur d'avoir engagé à l'encontre de celle-ci une mesure de licenciement envisagée en raison d'un comportement agressif permanent et des propos qu'elle a tenus lors de la réunion du CHSCT du 17 juillet 2014 et à l'occasion de laquelle ledit CHSCT avait donné les conclusions négatives de son rapport d'enquête sur la discrimination de la salariée ; que procédant à l'examen de ce fait, elle a considéré que la procédure de licenciement initiée en août 2014 ne traduit pas, en apparence, de la part de l'employeur une discrimination, puisqu'il se fonde sur un élément objectif étranger à toute discrimination résidant dans les propos virulents, outranciers et parfois vindicatifs tenus par la salariée ; qu'elle a néanmoins estimé que ces propos ne devaient pas être déconnectés du contexte, à savoir celui de la lecture de l'enquête du CHSCT qui a conclu à l'absence de discrimination alors qu'elle a subi une mise à l'écart, et que ces conclusions pouvaient légitimement apparaître aux yeux de Mme V... comme tout à fait inadmissibles et déclencher chez elle un sentiment qu'elle maladroitement exprimé ; qu'elle en a conclu que ce contexte enlevait aux propos de la salariée leur caractère fautif et qu'ainsi, l'engagement de la procédure de licenciement, envisagé dans ce contexte, était dépourvu de l'objectivité requise, ce dont elle a déduit que ce fait, qui contribuait à laisser supposer l'existence d'une discrimination, n'était pas justifié par un élément objectif étranger à toute discrimination et permettait de considérer que la discrimination syndicale était établie ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations ainsi que des conclusions d'appel de la [...] que des faits imputables à la salariée, autres que ceux qui s'étaient déroulés lors de la réunion du CHSCT du 17 juillet 2014, avaient été invoqués par l'employeur à l'appui de sa décision d'envisager la rupture du contrat de travail de la salariée et de demander l'autorisation de son licenciement à l'autorité administrative, la cour d'appel, qui n'a pas examiné tous les éléments objectifs étranger à toute discrimination et justifiant le fait invoqué par la salariée qui avaient été avancés et prouvés par la [...], a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la [...] à payer à Mme V... une somme de 10.000 euros en réparation du préjudice consécutif au harcèlement moral, une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,

« Sur le harcèlement moral :

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'"aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.".
Le salarié est tenu d'établir la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris en leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l'appui de sa demande, Mme V... invoque :
- le contexte général et l'absence de prévention suffisante des risques psycho-sociaux,
- les difficultés rencontrées par elle du fait de son opposition à l'attribution d'une prime de production au profit des seuls superviseurs,
- la multiplication des procédures disciplinaires à son égard,
- d'autres faits qu'elle décrit ainsi :
- l'absence de polyvalence,
- l'isolement,
- les erreurs sur ses fiches de paie.
Elle ajoute que ces faits ont eu des répercussions sur sa santé.

Le contexte général et l'absence de prévention suffisante des risques psycho-sociaux est mis en évidence par le courrier du 18 juin 2014 du médecin du travail (pièce 13 de Mme V...).

La question des difficultés rencontrées par Mme V... du fait de son opposition à l'attribution d'une prime de production au profit des seuls superviseurs a déjà été évoquée plus haut, lorsqu'a été étudiée la question de l'avertissement qu'elle a reçu en raison de son attitude envers M. H....
L'avertissement dont elle a alors fait l'objet était justifié de sorte que le grief que Mme V... invoque n'est pas établi.

La question de la multiplication des procédures disciplinaires a été évoquée. Il a été admis que Mme V... avait fait l'objet de rappels à l'ordre qui ne sont pas des sanctions disciplinaires. L'avertissement qui lui a été adressé le 28 mai 2014 n'était pas injustifié. En revanche, il a été vu que l'ouverture d'une procédure de licenciement était injustifiée. Mais il n'y a pas, comme le soutient Mme V... de "multiplication" des procédures disciplinaires à son endroit.

L'absence de polyvalence et l'isolement ont été examinés plus haut. La cour a estimé que l'absence de polyvalence, avérée, était justifiée eu égard à l'absence de polyvalence des autres salariés. Elle a en revanche estimé que l'isolement dans lequel Mme V... avait été maintenue n'était pas justifié par des raisons objectives. Quant aux erreurs sur les fiches de paie de Mme V..., dès lors que la salariée a été déboutée de ses demandes au titre de la prime d'assiduité et des tickets restaurant elles se limitent à une omission de l'employeur sur son bulletin de paie du mois d'octobre 2015 en rapport avec un jour de délégation que l'employeur a considéré à tort comme une absence injustifiée.

Finalement, les faits établis par la salariée, un contexte général d'absence de prévention suffisantes, l'ouverture d'une procédure de licenciement était injustifiée en 2014, l'isolement dans lequel Mme V... avait été maintenue et une erreur d'un jour de délégation sur son bulletin de paie du mois d'octobre 2015, pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Il revient dons à l'employeur de justifier que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le dernier fait consiste à une erreur que l'employeur a rectifiée dès le 4 novembre 2015 (cf. pièce 90 de l'appelante). Il peut être admis que l'employeur ait de ce chef commis une erreur et il doit être observé qu'elle a du reste très rapidement été réparée. Cette erreur ne participe donc pas du harcèlement dénoncé.
En revanche, les trois premiers faits, dont deux sont communs à la discrimination syndicale ne sont justifiés par l'employeur par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement.
Le harcèlement moral est donc établi.
Compte tenu des éléments qui précèdent et compte tenu de ce que Mme V... apporte la démonstration de ce que les faits imputables à l'employeur (procédure de licenciement injustifiée et isolement) ont eu des répercussions sur sa santé (cf. ses pièces 34 à 37), étant rappelé que les obligations résultant des articles L. 1132-1 et celles résultant de l'article L. 1152-1 du code du travail sont distinctes de sorte que la méconnaissance de chacune d'elle, lorsqu'elles entraînent des préjudices distincts, ouvre droit à des réparations spécifiques, le préjudice subi par Mme V... sera intégralement réparé par l'octroi d'une indemnité de 10 000 euros, somme au paiement de laquelle la SASU [...] sera condamnée. » ;

ALORS, en premier lieu, QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur le chef de dispositif relatif à la discrimination entraînera la cassation du chef de dispositif relatif au harcèlement moral ;

ALORS, en deuxième lieu et subsidiairement, QU'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la salariée invoquait à l'appui de sa demande en reconnaissance d'agissements de harcèlement moral notamment le contexte général et l'absence de prévention suffisante des risques psycho-sociaux ; qu'elle a estimé que ce fait était mis en évidence par le courrier du 18 juin 2014 du médecin du travail, qu'il n'était justifié par l'employeur par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement et que le harcèlement moral était établi ; qu'en statuant ainsi, alors que le contexte général et l'absence de prévention suffisante des risques psycho-sociaux ne constituaient pas un fait dont la salariée a été personnellement victime, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail ;

ALORS, en troisième lieu et subsidiairement, QUE les obligations résultant des articles L. 1132-1 et L. 1152-1 du code du travail sont distinctes, en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, d'une part, considéré que deux faits qui laissent supposer l'existence d'une discrimination (l'ouverture d'une procédure de licenciement à l'encontre de Mme V... et l'isolement de celle-ci) ne sont pas justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et qu'ainsi, la discrimination syndicale était établie ; qu'elle a, par suite, affirmé que le préjudice qui en est résulté pour Mme V... sera correctement réparé par l'octroi d'une indemnité de 15 000 euros, somme au paiement de laquelle la [...] sera condamnée ; que la cour d'appel a, d'autre part, considéré que trois des faits établis par la salariée, dont deux sont communs à la discrimination syndicale, ne sont justifiés par l'employeur par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement et qu'ainsi, le harcèlement moral était établi ; qu'elle a alors affirmé que, compte tenu de ce que Mme V... apporte la démonstration de ce que les faits imputables à l'employeur (procédure de licenciement injustifiée et isolement) ont eu des répercussions sur sa santé, étant rappelé que les obligations résultant des articles L. 1132-1 et celles résultant de l'article L. 1152-1 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elle, lorsqu'elles entraînent des préjudices distincts, ouvre droit à des réparations spécifiques, le préjudice subi par Mme V... sera intégralement réparé par l'octroi d'une indemnité de 10 000 euros, somme au paiement de laquelle la [...] sera condamnée ; qu'en statuant ainsi, en n'identifiant pas les préjudices distincts qu'aurait entraîné la commission de faits identiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1152-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-16378
Date de la décision : 31/03/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 19 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mar. 2021, pourvoi n°19-16378


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.16378
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award