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31/03/2021 | FRANCE | N°18-25923

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 mars 2021, 18-25923


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Cassation

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien fonction de président

Arrêt n° 284 F-P

Pourvoi n° Z 18-25.923

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 31 MARS 2021

1°/ le mini

stre de l'action et des comptes publics, domicilié [...] ,

2°/ le receveur régional des douanes et droits indirects de Paris-Est, domicilié [...]...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Cassation

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien fonction de président

Arrêt n° 284 F-P

Pourvoi n° Z 18-25.923

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 31 MARS 2021

1°/ le ministre de l'action et des comptes publics, domicilié [...] ,

2°/ le receveur régional des douanes et droits indirects de Paris-Est, domicilié [...] ,

3°/ le directeur général des douanes et droits indirects, domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° Z 18-25.923 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Comptoir commercial d'Orient (CCO), société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société SMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Comptoir commercial d'Orient,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du ministre de l'action et des comptes publics, du receveur régional des douanes et droits indirects de Paris-Est et du directeur général des douanes et droits indirects, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Comptoir commercial d'Orient, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2018), la société Comptoir commercial d'Orient (la société CCO), qui acquiert des fruits secs et des corbeilles produits sur le territoire de l'Union puis les expédie en Tunisie en vue de confectionner des corbeilles d'assortiments de fruits qu'elle réimporte ensuite sur le territoire communautaire, a bénéficié, entre 2009 et 2012, du régime douanier du perfectionnement passif.

2. Cette convention ayant été dénoncée par l'administration des douanes en raison des manquements de la société CCO à ses obligations déclaratives, celle-ci s'est, entre 2012 et 2014, acquittée de droits de douane dus à l'importation en déclarant ces corbeilles de fruits sous une position tarifaire correspondant à des ensembles de fruits.

3. Les 18 septembre 2015 et 22 juin 2016, la société CCO a demandé à l'administration des douanes le remboursement des droits versés entre 2012 et 2014 en soutenant, notamment qu'elle aurait dû bénéficier, pour partie de ces corbeilles, du régime douanier des marchandises en retour. Cette demande étant restée sans réponse de la part de l'administration des douanes, la société CCO, assistée de la Selarl SMJ, en qualité de commissaire à l'exécution du plan, l'a, le 15 mai 2017, assignée en remboursement des droits dont elle s'était acquittée au cours des années 2012, 2013 et 2014.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'administration des douanes fait grief à l'arrêt d'infirmer partiellement les décisions de rejet des demandes de remboursement fondées sur l'exonération des droits de douane au titre des marchandises communautaires en retour pour les années 2012, 2013 et 2014 et de la condamner à payer à la société CCO une certaine somme, alors :

« 1°/ que les marchandises exportées sous une position tarifaire différente de celle sous laquelle elles ont été réimportées ne peuvent être regardées comme réintroduites sur le territoire douanier communautaire "dans le même état" que celui dans lequel elles ont été exportées, de sorte qu'elles ne peuvent bénéficier du régime des "marchandises en retour" ; qu'en affirmant que les fruits litigieux autres que les dattes qui ont été fourrées n'auraient subi aucune transformation et auraient ainsi été réimportés dans le même état que celui dans lequel ils avaient été exportés au motif que seule leur présentation aurait été modifiée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les fruits en cause n'avaient pas été exportés sous une position tarifaire distincte de celle des corbeilles de fruits réimportées, ce dont il résultait que leurs caractéristiques et propriétés objectives n'étaient pas les mêmes et qu'il ne pouvait donc s'agir de "marchandises en retour", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 185 et 186 du code des douanes communautaire et de l'article 846 des dispositions d'application de ce code ;

2°/ que les marchandises éligibles au régime du "perfectionnement passif" du fait qu'elles subissent hors de l'Union de l'européenne des opérations de perfectionnement avant d'être réimportées ne peuvent être regardées comme réintroduites sur le territoire douanier communautaire "dans le même état" que celui dans lequel elles ont été exportées, si bien qu'elles ne peuvent bénéficier du régime des "marchandises en retour" ; qu'en relevant que les fruits litigieux autres que les dattes qui ont été fourrées n'auraient subi aucune transformation et auraient ainsi été réimportées dans le même état que celui dans lequel ils avaient été exportés au motif que seule leur présentation aurait été modifiée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les fruits en cause n'avaient pas été éligibles au régime du "perfectionnement actif " dont la société CCO avait bénéficié de 2009 à 2012, ce dont il résultait qu'ils faisaient l'objet d'une ouvraison ou d'une transformation hors de l'Union européenne et qu'il ne pouvait donc s'agir de "marchandises en retour", la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 114, 145 et 185 du code des douanes communautaire et de l'article 846 des dispositions d'application de ce code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 185, 186 du code des douanes communautaire et 844 et 846 des dispositions d'application du même code :

5. Selon ces textes, le bénéfice de l'exonération des droits de douane prévu par le régime dit des marchandises en retour exige que les marchandises exportées soient dans le même état que celles qui ont été réimportées.

6. Pour dire que la société CCO pouvait bénéficier de ce régime, la cour d'appel a relevé qu'elle exportait des fruits secs, du matériel d'emballage et de la pâte d'amande en Tunisie puis réimportait les marchandises constituées des produits exportés sous forme de corbeilles de fruits secs.

7. Elle a encore relevé que l'administration des douanes ne rapportait pas la preuve d'une quelconque manipulation ou de transformation du produit par la société CCO, seule la présentation du produit étant modifiée. Elle en a déduit que les opérations consistant à trier les fruits, les calibrer, les nettoyer et les conditionner dans des emballages appartenant aux producteurs ne constituaient pas des opérations de façonnage.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, d'une part, une marchandise exportée sous une position tarifaire différente de celle sous laquelle elle avait été réimportée ne pouvait être regardée comme ayant été réintroduite dans le même état que celui dans lequel elle avait été exportée et si, d'autre part, le fait que la société CCO ait, par le passé, bénéficié du régime de perfectionnement passif ne la rendait pas inéligible au régime dit des marchandises en retour pour des opérations similaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Comptoir commercial d'Orient et la Selarl SMJ, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Comptoir commercial d'Orient, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Comptoir commercial d'Orient et la Selarl SMJ, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Comptoir commercial d'Orient, et les condamne à payer au ministre de l'action et des comptes publics, au directeur général des douanes et droits indirects et au receveur régional des douanes et droits indirects de Paris-Est la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le ministre de l'action et des comptes publics, le receveur régional des douanes et droits indirects de Paris-Est et le directeur général des douanes et droits indirects.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR reçu la société CCO en ses demandes d'exonération de droits de douane au titre des marchandises en retour pour les produits communautaires réimportés sans transformation en 2012, 2013 et 2014, sauf en ce qui concerne les dattes fourrées, d'AVOIR partiellement infirmé les décisions de rejet des demandes de remboursement fondées sur l'exonération des droits de douane au titre des marchandises communautaires en retour pour les années 2012, 2013 et 2014 et d'AVOIR condamné l'administration des douanes à payer à la société CCO la somme de 88.983,33 euros due en principal au titre des droits à l'importation perçus en violation du droit de l'Union pour les marchandises communautaires en retour du 18 septembre 2012 au 9 décembre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du paiement des droits indus ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le régime des retours permet la réimportation en franchise de droits de douane d'une marchandise ; qu'il s'applique aux marchandises communautaires ou communautarisées qui ont fait l'objet d'une exportation puis sont réimportées dans le même état sous un délai de trois ans ; que la douane fait valoir que la société CCO importe des corbeilles fondamentalement différentes des produits exportés ; que la société CCO répond que les marchandises exportées sont parfaitement identifiables dans les marchandises réimportées, ces dernières n'ayant subi qu'une modification de leur présentation comme le permet la réglementation ; qu'aux termes de l'article 186 du code des douanes communautaire, l'exonération des droits à l'importation n'est accordée que pour autant que les marchandises soient réimportées dans le même état que celui dans lequel elles ont été exportées ; que l'article 158 du règlement délégué au code des douanes de l'Union dispose que « les marchandises sont considérées comme étant réintroduites dans le même état que celui dans lequel elles ont été exportées lorsque, après avoir été exportées hors du territoire douanier de l'Union, elles n'ont pas fait l'objet de traitements ou de manipulations autres que ceux modifiant leur présentation ou ceux nécessaires à leur réparation, leur remise en état ou leur maintien en bon état » ; que selon les douanes, les corbeilles composées relèvent de positions tarifaires différentes des marchandises exportées et ne peuvent se voir appliquer le régime des retours, car les marchandises ne sont pas identiques ; que la société rapporte la preuve qui établit l'origine communautaire des marchandises exportées ; que par ailleurs, les déclarations d'importation et les documents qui y sont annexés permettent de confirmer que ces marchandises ont été réimportées dans l'Union ; qu'en pratique, la société CCO exporte des fruits secs, du matériel d'emballage et de la pâte d'amende en Tunisie afin d'y faire réaliser des corbeilles de fruits, confectionnées par la société Tact Fruits Secs ; que la société Tact Fruits Secs réalise avec les fruits reçus les corbeilles de fruits assortis ; que seules les dattes, qui ont été fourrées, subissent une transformation ; mais qu'aucun remboursement n'est demandé en ce qui les concerne ; que la société CCO réimporte les marchandises constituées des produits exportés ; qu'il y a donc bien identité des marchandises exportées puis réimportées ; que la modification de présentation est autorisée par la réglementation ; que l'administration des douanes ne rapporte la preuve d'aucune manipulation ou transformation du produit ; que seule la présentation du produit est modifiée, puisque les marchandises exportées en vrac sont ensuite disposées en assortiment dans un contenant comportant plusieurs fruits différents ; que dès lors, la cour confirme les motifs du jugement en ce qu'il a considéré que les opérations consistant à trier les fruits, les calibrer, les nettoyer, les conditionner dans des emballages appartenant aux producteurs ne constituaient pas des opérations de façonnage et prononcé l'exonération des droits ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il résulte des dispositions des articles 185 et 186 du code des douanes communautaire (dorénavant codifiées à l'article 203 du CDU, entré en vigueur le 1er mai 2016) que pour bénéficier de l'exonération des droits de douane au titre des marchandises en retour, les marchandises réimportées doivent être des marchandises : - communautaires préalablement exportées,- réimportées dans l'état où elles ont été exportées, - réimportées dans un délai de trois ans ; que les articles 846 à 856 des dispositions d'application du code des douanes communautaire (DAC), complétés par la décision administrative n° 06-053 du 13 décembre 2006 publiée au BOD n° 6692 du 18 décembre 2006, précisent, en outre, les formalités douanières à accomplir en vue de l'octroi du bénéfice du régime des marchandises en retour ; qu'en l'espèce, il est acquis et non contesté que la société CCO justifie l'origine communautaire des marchandises préalablement exportées vers la Tunisie, puis réimportées en France, dans le délai imparti, conformément à la décision n° 06-053 du 13 décembre 2006 précitée et laquelle ne lie que l'administration des douanes à l'égard de ses administrés, en produisant notamment les déclarations d'exportation et d'importation des marchandises établies en 2012, 2013 et 2014 (pièces 5 et 6 en demande), les factures d'achat et les déclarations d'échanges intracommunautaires de ces marchandises (DEB) ; qu'en revanche, l'administration des douanes conteste l'état des marchandises communautaires réimportées en France, dans la mesure où elle considère que celles-ci ont fait l'objet en Tunisie d'un travail à façon conduisant à leur transformation après leur exportation hors du territoire douanier de la Communauté, et principalement du fait de leur conditionnement et de leur assemblage à d'autres produits non communautaires, telles les dattes fourrées à la pâte d'amande ; que l'article 846, 1, a) des dispositions d'application du code des douanes communautaire (DAC) précise en effet que, par dérogation aux dispositions de l'article 186 du code, seules sont admises au bénéfice de l'exonération des droits à l'importation les marchandises qui, après leur exportation hors du territoire douanier de la Communauté, n'ont fait l'objet que de traitements nécessaires à leur maintien en bon état de conservation ou de manipulations modifiant leur seule présentation ; que pour justifier le fait que les marchandises de la société CCO ont fait l'objet de manipulations autres que celles modifiant leur présentation, l'administration des douanes produit une facture n° 04-2012 établie par la société tunisienne Tact Fruits Secs le 6 octobre 2012, faisant état de la valeur des matières apportées par la demanderesse, des frais de façonnage ou coût de la main-d'oeuvre pour la confection des corbeilles référencées 11031 « Terre Neuve Bis » et 11036 « [...] », ainsi que des produits qu'elle a fournis, en l'occurrence des dattes « Deglet Nour » et dénoyautées (annexe 7 en défense) ; qu'elle produit, par ailleurs, deux documents faisant état de la composition des dattes fourrées à la pâte d'amande (annexe 5 en défense), également présentes dans les corbeilles référencées en 2012 par la demanderesse « Nador » et « Gourmandise d'Eliane » (annexes 5 et 6 en défense) ; que l'analyse de ces éléments fait apparaître qu'il s'agit là en effet d'un véritable marché à façon, étant observé à l'analyse de la seule facture produite par l'administration des douanes que la valeur des matières apportées par la société CCO, augmentée des frais de façonnage, excède la valeur des produits fournis par la société Tact Fruits Secs ; que dès lors, ces opérations consistant à assembler des dattes non communautaires avec de la pâte d'amande communautaire constitue un travail à façon modifiant, non plus leur seule présentation, mais aussi leur état d'origine par transformation des produits en une forme nouvelle, de sorte que ceux-ci ne puissent bénéficier du régime dit des marchandises en retour ; les opérations de façonnage conduisent nécessairement à modifier l'état d'origine de la marchandise réimportée, et non pas sa seule présentation, par la réalisation d'un produit nouveau par l'entrepreneur de l'ouvrage à partir des matériaux que le client lui a confiés ; que toutefois, ces opérations de façonnage ne concernent que les dattes non communautaires fourrées à la pâte d'amande d'origine communautaire, puisqu'il ressort des pièces versées aux débats, et notamment des déclarations d'exportation fournies par la demanderesse, que celle-ci exporte en Tunisie, outre la pâte d'amande, du matériel d'emballage (rouleaux adhésifs, films plastiques, étiquettes, cartons, corbeilles en bois, en osier et autres matériaux) et des fruits secs « en vrac » afin d'y faire réaliser des corbeilles de fruits, confectionnées par la société Tact Fruits Secs (pièces 5 et 6 en demande) ; que le fait pour la société Tact Fruits Secs de procéder à des manipulations sur les fruits secs communautaires, réceptionnés en vrac dans des palettes, et lesquelles consistent uniquement à les disposer, sans les transformer ni en dénaturer la substance, dans des corbeilles, le tout fourni par la demanderesse, ne constitue pas un travail à façon modifiant l'état d'origine des produits, mais une simple prestation de services modifiant la seule présentation des produits fournis par cette dernière ; qu'il est en effet constant que des opérations consistant exclusivement à trier des fruits, à les calibrer, nettoyer, brosser, émonder et à les recouvrir d'une pellicule de paraffine avant de les conditionner dans des emballages appartenant aux producteurs ne constituent pas des opérations de façonnage ; que, par conséquent, les fruits secs communautaires réimportés par la société CCO dans l'Union européenne en 2012, 2013 et 2014 peuvent être admis au bénéfice de l'exonération des droits à l'importation conformément à l'article 846, 1, a) des dispositions d'application du code des douanes communautaire (devenu l'article 158 du règlement délégué n° 2015/2446 de la Commission du 28 juillet 2015 complétant les dispositions du code des douanes de l'Union), à l'exclusion de la pâte d'amande ayant fait l'objet d'un travail à façon ; qu'en outre, pour justifier du montant des droits qu'elle réclame à ce titre et dont le paiement à la date des déclarations d'importation des marchandises n'est pas contesté par la défenderesse, la société CCO produit un état liquidatif qui permet d'identifier les droits de douane par elle acquittés sur ces marchandises au cours de la période du 18/09/2012 au 21/02/2014 (pièces 6 et 8 en demande), par catégorie de produits, avec indication du nom des composantes du produit fini, du nom du fournisseur de ces composants, du pays de provenance du produit, de la date d'achat de l'ingrédient utilisé, du numéro des factures fournisseurs que la douane ne conteste pas avoir reçues, de la quantité utilisée pour l'assemblage du produit fini, du prix au kg, etc. ; qu'il est d'ailleurs observé, à l'analyse de cet état liquidatif, que la demanderesse a pris soin d'exclure systématiquement, par année de production, les droits de douane qu'elle a versés à l'administration sur les marchandises contestées, à savoir les dattes fourrées à la patte d'amande fabriquées en Tunisie, du calcul des droits dont elle réclame le remboursement au titre des marchandises en retour ; que les droits acquittés n'étant pas légalement dus, après vérification faite des décomptes produits par la demanderesse, sa demande de remboursement sera donc accueillie pour un montant de : - 43.032,49 euros pour l'année 2012, - 29.658,32 euros pour l'année 2013, - 16.292,52 euros (et non 16.324,31 euros) pour l'année 2014, soit la somme totale de 88.983,33 euros ; que, dès lors, les décisions prises par l'administration des douanes en date des 20 octobre 2016 et 20 juillet 2017 seront partiellement annulées et celle-ci sera condamnée à verser à la société CCO la somme totale de 88.983,33 euros en application de l'article 236 du code des douanes communautaire ;

1°) ALORS QUE les marchandises exportées sous une position tarifaire différente de celle sous laquelle elles ont été réimportées ne peuvent être regardées comme réintroduites sur le territoire douanier communautaire « dans le même état » que celui dans lequel elles ont été exportées, de sorte qu'elles ne peuvent bénéficier du régime des « marchandises en retour » ; qu'en affirmant que les fruits litigieux autres que les dattes qui ont été fourrées n'auraient subi aucune transformation et auraient ainsi été réimportés dans le même état que celui dans lequel ils avaient été exportés au motif que seule leur présentation aurait été modifiée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les fruits en cause n'avaient pas été exportés sous une position tarifaire distincte de celle des corbeilles de fruits réimportées, ce dont il résultait que leurs caractéristiques et propriétés objectives n'étaient pas les mêmes et qu'il ne pouvait donc s'agir de « marchandises en retour », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 185 et 186 du code des douanes communautaire et de l'article 846 des dispositions d'application de ce code ;

2°) ALORS QUE les marchandises éligibles au régime du « perfectionnement passif » du fait qu'elles subissent hors de l'Union de l'européenne des opérations de perfectionnement avant d'être réimportées ne peuvent être regardées comme réintroduites sur le territoire douanier communautaire « dans le même état » que celui dans lequel elles ont été exportées, si bien qu'elles ne peuvent bénéficier du régime des « marchandises en retour » ; qu'en relevant que les fruits litigieux autres que les dattes qui ont été fourrées n'auraient subi aucune transformation et auraient ainsi été réimportées dans le même état que celui dans lequel ils avaient été exportés au motif que seule leur présentation aurait été modifiée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les fruits en cause n'avaient pas été éligibles au régime du « perfectionnement actif » dont la société Comptoir Commercial d'Orient avait bénéficié de 2009 à 2012, ce dont il résultait qu'ils faisaient l'objet d'une ouvraison ou d'une transformation hors de l'Union européenne et qu'il ne pouvait donc s'agir de « marchandises en retour », la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 114, 145 et 185 du code des douanes communautaire et de l'article 846 des dispositions d'application de ce code.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné l'administration des douanes à payer à la société CCO la somme de 88.983,33 euros due en principal au titre des droits à l'importation perçus en violation du droit de l'Union pour les marchandises communautaires en retour du 18 septembre 2012 au 9 décembre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du paiement des droits indus ;

AUX MOTIFS QUE la société CCO sollicite l'application d'intérêts de retard ; qu'elle invoque l'article 1231-6 du code civil, à l'aune des principes dégagés par le droit communautaire, qui exige le paiement des intérêts à compter de la mise en demeure, soit en l'occurrence de la date de demande de remboursement (18 septembre 2015 et 22 juin 2016) ; qu'elle fait valoir que le principe est rappelé dans le dispositif de l'arrêt Wortmann du 18 janvier 2017, qui précise que ces intérêts doivent courir à compter de la date de paiement lorsque des droits ont été perçus en violation du droit de l'Union ; que l'obligation de procéder au remboursement avec paiement des intérêts est ainsi devenue un principe général du droit de l'Union européenne, qui implique d'appliquer d'office des intérêts de retard dans toutes les situations où un impôt a été prélevé en violation du droit de l'Union ; que l'administration des douanes répond que le paiement des intérêts de retard est prévu par les articles 236, 241 du code des douanes communautaire et par l'article 116 du code des douanes de l'Union ; qu'elle invite à distinguer celui qui a reçu de mauvaise foi de celui qui a reçu de bonne foi ; qu'elle soutient qu'elle a de bonne foi perçu les droits et que les déclarations en douane sont déclaratives et font l'objet d'un contrôle a posteriori ; que l'erreur de déclaration est imputable à CCO ; qu'il est apparu que les remboursements opérés par l'administration des douanes ne résultent pas d'une violation du droit de l'Union mais d'erreurs de calcul qu'elle a rectifiées si bien que l'administration des douanes disposait d'un délai de trois mois à compter de sa décision de remboursement ; qu'en revanche, il y a violation du droit de l'Union pour le régime des retours ; que la cour adopte les motifs des premiers juges en ce qu'ils ont jugé que les intérêts étaient dus : - concernant l'espèce tarifaire : pour la période comprise entre l'expiration de la période de trois mois suivant la décision de remboursement jusqu'à parfait paiement, - concernant les droits relatifs au régime des retours : à compter de la date de paiement des droits litigieux ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la société CCO soutient que les intérêts moratoires calculés au taux légal sont dus à compter de ses demandes de remboursement, en application des principes généraux du droit de l'Union européenne ; que l'administration des douanes soutient au contraire que le remboursement des droits ne donne pas lieu aux pénalités de retard puisqu'il n'y a pas eu de violation du droit de l'Union, conformément à l'article 116 du CDU (anciennement 241 du code des douanes communautaire) ; qu'aux termes de l'article 241 du code des douanes communautaire (devenu l'article 116 §6 du code des douanes de l'Union), le remboursement par les autorités douanières, de montants de droits à l'importation ou de droits à l'exportation, ne donne pas lieu au paiement d'intérêts par ces autorités ; que toutefois, un intérêt est payé lorsqu'une décision donnant suite à une demande de remboursement n'est pas exécutée dans un délai de trois mois à partir de l'adoption de ladite décision ou lorsque les dispositions nationales le prévoient ; que dans l'ordre juridique interne, le législateur français ne prévoit aucune disposition particulière relative au paiement des intérêts moratoires dans le cadre d'une répétition de l'indu en matière douanière ; que cependant, il résulte des dispositions de droit commun, et notamment de l'article 1153 du code civil applicable aux faits de l'espèce que, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal ; que ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte ; qu'ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir à compter du paiement des droits et taxes indus et non du jour de l'introduction de la demande en justice, en cas de mauvaise foi de l'administration par application de l'article 1378 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce ; qu'en tout état de cause, il résulte d'une jurisprudence constante de la CJUE que, nonobstant l'article 241 du code des douanes communautaire (CDC) qui proscrit le paiement d'intérêts sur les sommes reversées par les Etats membres, les justiciables ont droit au remboursement des intérêts y afférents et lesquels courent à compter de la date de paiement des droits remboursés, dès lors que ces droits ont été perçus en violation du droit de l'Union ; qu'au cas particulier, il résulte des motifs exposés supra à l'appui des pièces versées aux débats que l'administration des douanes a méconnu la réglementation européenne en refusant d'admettre que la demanderesse puisse prétendre au bénéfice du régime particulier des marchandises en retour, rejetant ainsi ses demandes de remboursement par décisions du 20 octobre 2016 et du 20 juillet 2017 ; qu'en agissant ainsi, la douane a violé le droit de l'Union et notamment les articles 185 et 186 du code des douanes communautaire ainsi que l'article 846, 1, a) des dispositions d'application du code des douanes communautaire (DAC) pour les motifs précédemment évoqués ; qu'il y aura donc lieu d'assortir la condamnation de l'administration des douanes au versement de la somme de 88.983,33 euros due en principal au titre du régime des marchandises en retour, des intérêts au taux légal à compter de la date de paiement des droits litigieux, conformément au droit de l'UE et plus spécifiquement à la jurisprudence selon laquelle le principe de l'obligation faite aux Etats membres de restituer avec des intérêts les montants des droits et taxes prélevés en violation du droit de l'Union découle de ce dernier droit ;

1°) ALORS QUE l'administration des douanes n'est tenue de payer des intérêts à compter de la date du paiement des droits à l'importation réclamés que si elle a perçu ces droits en violation du droit de l'Union à la date de cette perception ; qu'en considérant, pour condamner l'administration des douanes au paiement d'intérêts à compter de la date du paiement des droits dont le remboursement a été demandé, qu'elle avait violé le droit communautaire concernant le régime des « retours » sans rechercher si elle n'avait pas perçu les droits litigieux en conformité avec le droit communautaire à la date de cette perception et tant que la société Comptoir Commercial d'Orient n'avait pas sollicité a posteriori leur remboursement sur la base d'éléments nouveaux dans le cadre d'une demande d'application du régime des « marchandises en retour », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 241 du code des douanes communautaire ;

2°) ALORS QUE l'administration des douanes qui a perçu de bonne foi des droits à l'importation dont le montant s'avère erroné à la suite d'un nouveau calcul sur la base d'informations supplémentaires n'est tenue de payer des intérêts qu'à compter de l'expiration du délai de paiement du montant des droits dont le remboursement a été demandé ; qu'en considérant, pour condamner l'administration des douanes au paiement d'intérêts à compter de la date du paiement des droits dont le remboursement a été demandé, qu'elle avait violé le droit communautaire concernant le régime des « retours », sans rechercher si elle n'avait pas perçu les droits litigieux de bonne foi tant qu'elle n'avait pas découvert, sur la base des éléments nouveaux apportés par la société Comptoir Commercial d'Orient dans le cadre de sa demande d'application du régime des « marchandises en retour », que les droits payés devaient être remboursés, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 241 du code des douanes communautaire.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-25923
Date de la décision : 31/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DOUANES - Régime des marchandises en retour - Exonération - Conditions - Identité d'état des marchandises exportées et réimportées - Applications diverses - Société ayant bénéficié du régime de perfectionnement passif - Position tarifaire différente lors de la réimportation

Selon les articles 185 et 186 du code des douanes communautaire et 844 et 846 des dispositions d'application du même code, le bénéfice de l'exonération des droits de douane prévu par le régime dit des marchandises en retour exige que les marchandises exportées soient dans le même état que celles qui ont été réimportées. Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui, pour dire qu'une société, qui acquiert des marchandises sur le territoire de l'Union européenne qu'elle expédie en dehors de ce territoire pour les réimporter ensuite sur le territoire communautaire peut bénéficier de ce régime, relève que l'administration des douanes ne rapporte pas la preuve d'une quelconque manipulation ou de transformation du produit, dont seule la présentation a été modifiée, sans rechercher si, d'une part, la marchandise exportée sous une position tarifaire différente de celle sous laquelle elle avait été réimportée ne pouvait être regardée comme ayant été réintroduite dans le même état que celui dans lequel elle avait été exportée et si, d'autre part, le fait que la société ait, par le passé, bénéficié du régime de perfectionnement passif ne la rendait pas inéligible au régime dit des marchandises en retour pour des opérations similaires


Références :

articles 185, 186, 844 et 846 du code des douanes communautaires.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 mar. 2021, pourvoi n°18-25923, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.25923
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