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25/03/2021 | FRANCE | N°19-21893

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 25 mars 2021, 19-21893


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 273 F-D

Pourvoi n° Q 19-21.893

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

La société Synergie, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n°

Q 19-21.893 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (1re ch ambre civile), dans le litige l'opposant à la société G...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 273 F-D

Pourvoi n° Q 19-21.893

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

La société Synergie, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-21.893 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (1re ch ambre civile), dans le litige l'opposant à la société Groupe Morgan services, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Synergie, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Groupe Morgan services, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 juillet 2019), se plaignant de faits de détournement de clientèle par débauchage de salarié, la société Synergie a saisi le président d'un tribunal de grande instance par requête aux fins de voir ordonner des mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile avec mission de se rendre au siège de la société Groupe Morgan Services (la société GMS).

2. La requête a été rejetée par ordonnance du 29 mai 2018 puis, sur présentation « d'une requête d'appel » accueillie par ordonnance du 8 juin 2018.

3. La société GMS a assigné la société Synergie en rétractation de cette ordonnance et a soulevé l'incompétence du président du tribunal de grande instance au profit de celui du tribunal de commerce.

4. Ces demandes ont été rejetées par une ordonnance en date du 14 janvier 2019, dont la société GMS a interjeté appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5 . La société Synergie fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du président du tribunal de grande instance et, statuant à nouveau, de dire que le président du tribunal de grande instance était matériellement incompétent pour examiner la requête présentée le 8 juin 2018, d'ordonner la rétractation de l'ordonnance du 8 juin 2018, d'annuler les procès-verbaux d'huissier de justice effectués les 29 juin 2018 et le 6 novembre 2018 en exécution de ladite ordonnance, de dire que l'huissier instrumentaire devait restituer à la société GMS l'ensemble des informations et des éléments saisis dans le cadre de sa mission et de débouter les parties du surplus de leurs demandes, alors « qu'une demande de mesure d'instruction in futurum s'apprécie au regard de l'éventuel litige en vue duquel elle est sollicitée, sans que celui-ci puisse, par hypothèse, être précisément déterminé, de sorte la compétence du juge des requêtes qui modifie une précédente décision s'apprécie au regard de l'ensemble des faits fondant les demandes de mesure dans les deux requêtes ; qu'en opposant la première et la seconde requête de la société Synergie, sans prendre en considération l'ensemble de la situation conflictuelle dans laquelle s'insérait l'action de cette dernière dans les deux cas et en vue de laquelle les mesures étaient sollicitées, à savoir des actes concertés entre Mme T... et la société GMS constitutifs tant d'actes de concurrence déloyale que d'une violation d'un engagement contractuel de non-concurrence, la cour d'appel a violé les articles 145, 496 et 952 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour

Vu les articles 496 et 952 du code de procédure civile :

6. Il résulte de ces textes que la compétence du juge des requêtes s'appréciant au jour de sa saisine, le juge de la rétractation doit examiner sa compétence au regard de la requête initiale, à laquelle la déclaration d'appel contre une ordonnance de rejet ne se substitue pas.

7. Pour dire que le président du tribunal de grande instance n'avait pas la compétence matérielle pour examiner la requête, l'arrêt retient, d'abord, que la requête initiale ayant été rejetée, l'assignation en rétractation introduite par la société GMS devant la juridiction du président du tribunal de grande instance portait sur l'ordonnance du 8 juin 2018 qui avait pour support la requête d'appel présentée le même jour.

8. L'arrêt relève, ensuite, que requête initiale et requête d'appel sont différentes, que la première vise à rassembler des éléments de preuve en vue d'une action tant à l'encontre de l'ancienne salariée, Mme T... que de son nouvel employeur, la société GMS, alors que la seconde ne vise plus que l'action en concurrence déloyale dirigée contre la seule société GMS.

9. L'arrêt retient, encore, que la requête initiale fait une place importante à Mme T... dont le comportement et le rôle dans les faits imputés à la société GMS sont décrits avec détails et à qui il est expressément reproché une violation délibérée de sa clause de non concurrence, de sorte que les mesures d'instruction sollicitées ont manifestement pour objet de faire cesser non seulement une action en concurrence déloyale mais également la violation de la clause de non concurrence par Mme T..., cependant qu'au contraire, dans le cadre de la requête d'appel, la demande est uniquement dirigée contre la société GMS soupçonnée d'actes de concurrence déloyale par détournement à son profit des clients représentant 60 % de son chiffre d'affaires et ce par l'intermédiaire d'une de ses anciennes salariées embauchée par elle en violation de sa clause de non concurrence.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la requête initiale avait pour objet des faits de concurrence déloyale et de violation d'une clause de non-concurrence par une salariée et que seule la déclaration d'appel, improprement appelée « seconde requête », invoquait exclusivement des faits de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen relevé d'office

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 90, alinéa 2, du code de procédure civile :

12. Aux termes de ce texte, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.

13. Pour rétracter l'ordonnance et annuler les mesures d'instruction, l'arrêt retient qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens développés par les parties et qu'en conséquence, la décision déférée sera infirmée et que les procès-verbaux de constat, qui n'avaient pour seul support que l'ordonnance déférée, seront annulés.

14. En statuant ainsi alors, qu'étant juridiction d'appel des décisions tant du président du tribunal de grande instance que du président du tribunal de commerce, elle avait compétence pour statuer sur les mérites de la requête présentée par la société Synergie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne la société Groupe Morgan services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Groupe Morgan services et la condamne à payer à la société Synergie la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Synergie

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'ordonnance du président du tribunal de grande instance et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que le président du tribunal de grande instance de Bordeaux était matériellement incompétent pour examiner la requête présentée le 8 juin 2018, d'AVOIR ordonné la rétractation de l'ordonnance du 8 juin 2018, d'AVOIR annulé les procès-verbaux d'huissier effectués les 29 juin 2018 et le 6 novembre 2018 en exécution de ladite ordonnance, dit que l'huissier instrumentaire devrait restituer à la SAS GMS l'ensemble des informations et des éléments saisis dans le cadre de sa mission et débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QU' « au cas d'espèce, la reque.te initiale ayant été rejeté, l'assignation en rétractation introduite par la Sas GMS devant la juridiction du président du tribunal de grande instance portait sur l'ordonnance du 8 juin 2018 qui avait pour support la requête d'appel (article 950 du code de procédure civile) présentée le même jour. Or, force est de constater que requête initiale et requête d'appel sont différentes. La première vise à rassembler des éléments de preuve en vue d'une action tant à l'encontre de l'ancienne salariée, Mme T... que de son nouvel employeur, la Sas GMS, alors que la seconde ne vise plus que l'action en concurrence déloyale dirigée contre la seule Sas GMS. C'est ainsi, (pièce 27 des productions de l'appelante) que la requête initiale fait une place importante à Mme T... dont le comportement et le rôle dans les faits imputés à la Sas GMS sont décrits avec luxe de détails et à qui il est expressément reproché une violation délibérée de sa clause de non concurrence. Les mesures d'instruction sollicitées ont manifestement pour objet de faire cesser non seulement une action en concurrence déloyale mais également la violation de la clause de non concurrence par Mme T... (cf. p.6/15 de la requête initiale II La mesure sollicitée). Au contraire, (pièces 28 des productions de l'appelante) dans le cadre de la requête d'appel, la demande est uniquement dirigée contre la Sas GMS soupçonnée d'actes de concurrence déloyale par détournement à son profit des clients représentant 60 % de son chiffre d'affaires et ce par l'intermédiaire d'une de ses anciennes salariées embauchée par elle en violation de sa clause de non concurrence. Pour s'en convaincre il suffit de se référer à la page 7/11 de la requête d'appel, où société Synergie explique :
- en tout état de cause la requête n'a pas pour objet d'établir que la société Groupe Morgan Services dissimulerait effectivement l'activité de ses salariés mais de mettre en exergue des agissements anti-concurrentiels de la part d'un concurrent.
- .../... la société Synergie est légitime à présumer un comportement déloyale à son égard de la part de la société Groupe Morgan Services.

- .../... il existe un litige en germe (.../...).
- concernant la problématique relative aux faits de concurrence déloyale ... la preuve des faits allégués ne peut être obtenue qu'en dérogeant au principe du contradictoire (.../...).
Par voie de conséquence, le président du tribunal de grande instance ne pouvait que constater son incompétence pour examiner la requête qui lui était présentée.
Sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant les autres moyens développés par les parties, la décision déférée sera infirmée et il conviendra d'annuler les procès-verbaux de constat qui n'avaient pour seul support que l'ordonnance déférée à la cour. L'huissier devra restituer à la Sas GMS l'ensemble des informations recueillis et des éléments éventuellement saisis dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance litigieuse » ;

1°) ALORS QUE une demande de mesure d'instruction in futurum s'apprécie au regard de l'éventuel litige en vue duquel elle est sollicitée, sans que celui-ci puisse, par hypothèse, être précisément déterminé, de sorte la compétence du juge des requêtes qui modifie une précédente décision s'apprécie au regard de l'ensemble des faits fondant les demandes de mesure dans les deux requêtes ; qu'en opposant la première et la seconde requête de la société Synergie, sans prendre en considération l'ensemble de la situation conflictuelle dans laquelle s'insérait l'action de cette dernière dans les deux cas et en vue de laquelle les mesures étaient sollicitées, à savoir des actes concertés entre Madame T... et la société GMS constitutifs tant d'actes de concurrence déloyale que d'une violation d'un engagement contractuel de non-concurrence, la cour d'appel a violé les articles 145, 496 et 952 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges du fait ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espeÌce, la requête accueillie par l'ordonnance du 8 juin 2018 dont rétractation est sollicitée par la société GMS tendait certes à l'octroi d'une mesure de constat portant sur les échanges et activités de la société GMS, mais fondait cette prétention sur les actes de concurrence déloyale commis par cette dernière avec le concours de Madame T..., comme elle l'indiquait expressément et comme cela ressortait du fait que la requête entendait reprendre l'argumentation de sa premieÌre requête qu'elle demandait au juge, par son appel, d'accueillir et répondre aux objections ayant justifié le rejet de celle-ci ; qu'en analysant la requête du 8 juin 2018 comme si elle était indépendante de celle du 25 mai 2018 et en affirmant qu'elle ne visait pas le comportement de Madame T..., bien que les mesures sollicitées tendaient à établir tant les fautes de la société GSM que celles commises en connivence par Madame T..., la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée clairs de la requête du 8 juin 2018 et a violé le principe selon lequel les juges du fait ne peuvent pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-21893
Date de la décision : 25/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 03 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 25 mar. 2021, pourvoi n°19-21893


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.21893
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