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18/03/2021 | FRANCE | N°20-12348

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 18 mars 2021, 20-12348


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 265 F-D

Pourvoi n° K 20-12.348

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2021

1°/ M. J... P...,

2°/ Mme U... L..., épouse P...,

domi

ciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° K 20-12.348 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et comme...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 265 F-D

Pourvoi n° K 20-12.348

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2021

1°/ M. J... P...,

2°/ Mme U... L..., épouse P...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° K 20-12.348 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à M. S... I..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme P..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. I..., après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen , 14 novembre 2019), par acte authentique du 14 avril 2010, M. et Mme P... ont donné à bail rural à long terme à M. I... diverses parcelles de terre moyennant un fermage annuel de 11 541,60 euros payable semestriellement à terme échu le 1er janvier et le 1er juillet de chaque année.

2. Par lettre recommandée du 22 juillet 2016, visant l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, les bailleurs ont mis en demeure M. I... de régler les fermages échus le 1er janvier et le 1er juillet 2016, puis, par une seconde lettre recommandée du 7 novembre 2016, ils l'ont de nouveau mis en demeure de régler celui échu le 1er juillet 2016.

3. Par déclaration du 8 mars 2017, M. et Mme P... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail, expulsion et paiement de sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. et Mme P... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que la résiliation du bail peut être demandée par le bailleur s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance ; qu'en cas de double défaut de paiement du même terme, le preneur a l'obligation, pour éviter la résiliation, d'effectuer son paiement avant l'expiration du délai de trois mois suivant la seconde mise en demeure ; qu'en retenant en l'espèce que le bailleur ne justifiait pas de deux défauts de paiement pour cette raison que seule l'échéance du 1er juillet 2016 était demeurée impayée, quand il était constant que cette échéance était restée impayée plus de trois mois tant après la mise en demeure du 22 juillet 2016 qu'après celle du 7 novembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 411-31 I, 1° du code rural et de la pêche maritime :

6. Il résulte de ce texte que les deux défauts de paiement de fermage persistant à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure, qui autorisent le bailleur à demander la résiliation du bail, peuvent concerner la même échéance.

7. Pour rejeter la demande de résiliation du bail formée par M. et Mme P..., l'arrêt retient que le bailleur ne justifie pas de deux défauts de paiement ayant fait l'objet d'une mise en demeure ayant persisté à l'expiration du délai de trois mois puisque seule l'échéance du 1er juillet 2016 est demeurée impayée.

8. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'échéance du 1er juillet 2016 avait fait l'objet de deux mises en demeure et restait impayée au jour de sa saisine, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne M. I... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. I... et le condamne à payer à M. et Mme P... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme P....

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a débouté M. et Mme P... de leurs demandes de résiliation judiciaire du bail à ferme conclu le 14 avril 2010, en expulsion de M. I... et en paiement d'une indemnité d'occupation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur l'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages.
Aux termes de l'article L. 411-31, I, 1°, du code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance sauf si le preneur justifie de raisons sérieuses et légitimes.
En application de ces dispositions, les motifs de la résiliation judiciaire doivent s'apprécier au jour de la demande en justice et le bailleur est fondé à invoquer deux défauts de paiement ayant persisté trois mois après la mise en demeure dès lors que le paiement intégral des sommes dues n'est pas intervenu à la date d'introduction de l'instance.
En l'espèce, la première mise en demeure du 22 juillet 2016 portait sur deux échéances de fermage échues au 1er janvier et au 1er juillet 2016 et il n'est pas contesté que M. I... a réglé l'échéance du 1er janvier 2016 dans les trois mois ayant suivi la mise en demeure.
Une seconde mise en demeure a été adressée au preneur le 7 novembre 2016 portant exclusivement sur l'échéance impayée au 1er juillet 2016.
Il en résulte que le bailleur ne justifie pas de deux défauts de paiement ayant fait l'objet d'une mise en demeure ayant persisté à l'expiration du délai de trois mois puisque seule l'échéance du 1er juillet 2016 est demeurée impayée.
Dès lors, les conditions d'application de l'article L. 411-31, I, 1°, ne sont pas réunies et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté M, et Mme P... de leur demande formée à ce titre sans qu'il y ait lieu d'examiner l'existence des raisons sérieuses et légitimes opposées par le preneur. » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « Sur la résiliation du bail en cause pour non-paiement des fermages.
Conformément à l'article L. 411-31, 1, 1°, du code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut notamment demander la résiliation du bail s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à I'échéance sauf à démontrer un cas de force majeure ou des raisons sérieuses et légitimes.
En l'espèce, les consorts P... considèrent que la résiliation du bail doit être prononcée d'une part au vu de l'existence des deux défauts de paiement de fermage au moment de la saisine de la juridiction, le fermier n'ayant aucun motif sérieux et légitime à faire valoir, d'autre part au vu du manque d'entretien du fonds loué.
Concernant les deux défauts de paiement de fermage au moment de la saisine de la juridiction, il y a lieu de relever que le fermier présente des raisons sérieuses et légitimes au retard des fermages dénoncés, désormais réglés, dans la mesure où il n'est pas contesté que les consorts P... lui ont consenti des ventes d'herbes de parcelles alors qu'ils n'en avaient pas le pouvoir ce qui l'a contraint de cesser toute exploitation des terres en cause, ne pouvant obtenir de requalification en bail verbal, le tribunal paritaire des baux ruraux se déclarant incompétent au vu de la situation au profit du tribunal de grande instance d'ARGENTAN par décision du 24 mars 2017.
Cette situation et les procédures judiciaires qui en découlent n'ont pu qu'entraîner des problèmes financiers.
Au surplus, il y a lieu d'observer que les arriérés réclamés ont été réglés avant que la juridiction ne statue.
Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de résiliation du bail de ce chef. » ;

ALORS QUE, premièrement, la résiliation du bail peut être demandée par le bailleur s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance ; qu'en cas de double défaut de paiement du même terme, le preneur a l'obligation, pour éviter la résiliation, d'effectuer son paiement avant l'expiration du délai de trois mois suivant la seconde mise en demeure ; qu'en retenant en l'espèce que le bailleur ne justifiait pas de deux défauts de paiement pour cette raison que seule l'échéance du 1er juillet 2016 était demeurée impayée, quand il était constant que cette échéance était restée impayée plus de trois mois tant après la mise en demeure du 22 juillet 2016 qu'après celle du 7 novembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

ALORS QUE, deuxièmement, et subsidiairement, les manquements du fermier à l'origine d'une demande de résiliation du contrat de bail doivent être appréciés au jour de la demande en résiliation ; qu'en retenant en l'espèce, par motifs éventuellement adoptés, que les arriérés avaient été réglés avant le prononcé de la décision de première instance, la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

ET ALORS QUE, troisièmement, et plus subsidiairement, la résiliation du bail peut être demandée par le bailleur s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance, sauf si le preneur peut se prévaloir d'un cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes ; qu'en retenant en l'espèce, par motifs éventuellement adoptés, que les retards de paiement du preneur trouvaient des raisons sérieuses et légitimes dans le fait qu'il avait dû cesser l'exploitation d'autres parcelles sur lesquelles les bailleurs lui avaient consenti des ventes d'herbes sans en avoir le pouvoir, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la faiblesse et l'irrégularité des revenus que tirait le preneur de ces ventes d'herbes pouvaient justifier que M. I... retienne le paiement du loyer dû sur les parcelles données à ferme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-31, I, 1°, du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-12348
Date de la décision : 18/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 14 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 18 mar. 2021, pourvoi n°20-12348


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12348
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