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18/03/2021 | FRANCE | N°19-24343

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 mars 2021, 19-24343


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 214 F-D

Pourvoi n° C 19-24.343

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2021

La société Children Worldwide Fashion, dont le siège est [

...] , venant aux droits de la société CWF boutique, a formé le pourvoi n° C 19-24.343 contre le jugement rendu le 13 septembre 2019 par le tribu...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 214 F-D

Pourvoi n° C 19-24.343

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2021

La société Children Worldwide Fashion, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société CWF boutique, a formé le pourvoi n° C 19-24.343 contre le jugement rendu le 13 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon (pôle social), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) [...], dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Taillandier-Thomas, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Children Worldwide Fashion, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF [...], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Taillandier-Thomas, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, 13 septembre 2019), rendu en dernier ressort, à la suite d'un contrôle portant sur les années 2008 à 2010, l'URSSAF [...] (l'URSSAF) a opéré un redressement des cotisations de la société Children Worldwide Fashion (la société) et lui a notifié, le 20 septembre 2011, une mise en demeure, puis décerné le 26 mai 2015 une contrainte, à laquelle la société a fait opposition devant une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La société fait grief au jugement de déclarer irrecevable son recours à l'encontre de la mise en demeure et de valider la contrainte, alors « qu'en l'état des termes clairs et précis de la lettre du 11 janvier 2012 selon lesquels « par courrier du 18/10/2011, vous avez saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF [...]. Celle-ci ne s'est pas encore prononcée. », le tribunal qui pour dire définitive la mise en demeure du 20 septembre 2011, faute de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale dans le mois suivant la notification de cette lettre, retient qu'« il est constant que ce courrier informe clairement la société que la commission de recours amiable ne statuera pas sur son recours » a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre en méconnaissance du principe faisant interdiction au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis. »

Réponse de la Cour

3. C'est par une interprétation souveraine que les termes ambigus de la lettre du 11 janvier 2012 rendaient nécessaire que les juges du fond, après avoir relevé que la commission de recours amiable de l'URSSAF avait, par ce courrier, informé la société qu'elle n'avait pas statué et que l'absence de réponse valant rejet implicite, il lui appartenait de saisir directement le tribunal des affaires de sécurité sociale, ont retenu que cette lettre informait la société que la commission ne statuerait pas sur son recours.

4. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

5. La société fait le même grief au jugement, alors « qu'en vertu de l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret n° 96-786 du 10 septembre 1996, le délai de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale est de deux mois à compter de la décision de la commission de recours amiable ; que ce délai ne court pas tant que l'intéressé n'a pas été expressément informé de la possibilité du recours judiciaire contre la décision même implicite de la commission de recours amiable, comme de ses modalités ; que la lettre portant accusé de réception de la saisine de la commission de recours amiable ne peut faire courir le délai ouvert pour le recours contre la décision même implicite de rejet de cette commission, lorsqu'elle comporte des mentions erronées notamment quant au délai de recours ; qu'ayant constaté que la lettre de la commission de recours amiable du 11 janvier 2012 informait la société exposante qu'il lui appartenait de saisir directement le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai d'un mois à compter de la réception dudit courrier, le tribunal qui retient que les voies et délais de recours étaient clairement notifiés à la société, qu'« il lui appartenait donc de saisir le tribunal dans le délai d'un mois qui lui était notifié » et que faute pour elle de l'avoir fait la mise en demeure du 20 septembre 2011 est définitive et ne peut plus être contestée dans le cadre de l'opposition à contrainte régulièrement formée, a violé les articles R. 142-18 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 142-6 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, applicable au litige :

6. Il résulte du premier de ces textes qu'à défaut de réponse de la commission de recours amiable dans le délai d'un mois à compter de la réception de la réclamation par l'organisme de sécurité sociale, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. Selon le second, ce tribunal est saisi dans un délai de deux mois à compter, soit de la date de la notification de la décision de la commission de recours amiable, soit de l'expiration du délai d'un mois prévu au premier.

7. Pour déclarer irrecevable le recours de la société à l'encontre de la mise en demeure du 20 septembre 2011, le jugement retient que par courrier du 11 janvier 2012, la commission de recours amiable a informé la société qu'il lui appartenait, en l'absence de réponse valant rejet implicite, de saisir directement le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai d'un mois et que les voies et délais de recours lui ayant ainsi été clairement notifiés, faute pour la société d'avoir saisi le tribunal dans le délai d'un mois, la mise en demeure est définitive et ne peut plus être contestée dans le cadre de l'opposition à contrainte.

8. En statuant ainsi, alors que ce courrier fixait par erreur à un mois le délai de recours contentieux, de sorte que cette information erronée empêchait le délai de courir et faisait obstacle à ce que soit opposée au cotisant la forclusion de son recours, le tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'opposition à contrainte recevable, le jugement rendu le 13 septembre 2019, entre les parties, par le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Niort ;

Condamne l'URSSAF [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'URSSAF [...] à payer à la société Children Worldwide Fashion la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société Children Worldwide Fashion.

LE POURVOI REPROCHE AU JUGEMENT ATTAQUÉ D'AVOIR déclaré irrecevable le recours à l'encontre de la mise en demeure portant redressement du 20 septembre 2011, validé la contrainte du 26 mai 2015 pour la somme de 2518 euros et rappelé que le débiteur sera tenu au paiement des majorations de retard jusqu'à complet paiement de la dette

AUX MOTIFS QUE Sur la recevabilité de l'opposition à contrainte : que la société Children Worldwide Fashion Boutique a formé opposition dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la contrainte prévue par l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale ; qu'elle est par ailleurs motivée conformément à ce texte ; que l'opposition sera dès lors déclarée recevable ; Sur le recours à l'encontre de la mise en demeure du 20 septembre 2011 : qu'il résulte des dispositions des articles R. 42-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale applicables à l'espèce que le tribunal des affaires de sécurité sociale désormais pôle social ne peut être saisi d'une réclamation contre un organisme de sécurité sociale qu'après que celle-ci a été soumise à la commission de recours amiable ; que celle-ci devait être saisie dans le délai de 2 mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation ; que l'article R. 142-6 du code de la sécurité sociale disposait alors que lorsque la décision de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai d'un mois, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que si ce délai a été porté à deux mois par le décret du 29 octobre 2018, il était bien d'un mois dans sa rédaction applicable à l'espèce ; que la forclusion tirée de l'expiration de ce délai de recours ne peut être opposée au requérant que si celui-ci a été informé du délai dans lequel il devait saisir le TASS en cas de décision implicite de rejet de la commission de recours amiable ainsi que des modalités d'exercice du recours ; qu'en l'espèce, la contrainte est fondée sur une mise en demeure en date du 20 septembre 2011 qui a été notifiée par l'URSSAF [...] à la société CWF BOUTIQUE pour un montant de 2518 euros ; que cette société a saisi la commission de recours amiable par courrier recommandé du 18 octobre 2011 en contestant partiellement les redressements ; que par courrier recommandé daté du 11 janvier 2012 reçu le 19 janvier 2012, la commission de recours amiable a informé la société que la commission n'avait pas statué et que l'absence de réponse valant rejet implicite, il lui appartenait de saisir directement le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai d'un mois à compter de la réception dudit courrier ; qu'il est constant que ce courrier informe clairement la société que la commission de recours amiable ne statuera pas sur son recours ; que cette possibilité a été clairement envisagée par les textes qui ne prévoient qu'une obligation de saisine de la commission et non une obligation pour celle-ci de statuer ; que les voies et délais de recours étaient clairement notifiés à la société ; qu'il lui appartenait donc de saisir le tribunal dans le délai d'un mois qui lui était notifié ; que faute pour elle de l'avoir fait, la mise en demeure du 20 septembre 2011 est définitive et ne peut plus être contestée dans le cadre de l'opposition à contrainte ; que le recours à l'encontre de la mise en demeure sera donc déclaré irrecevable et la contrainte sera donc validée pour son entier montant de 2518 euros ; qu'il convient de rappeler que le débiteur est redevable des majorations de retard jusqu'à complet paiement de la dette du coût de la signification de la contrainte et de tous les actes nécessaires à son exécution et à celle du présent jugement en application de l'article R. 133-6 du code de la sécurité sociale ;

ALORS D'UNE PART QU'en l'état des termes clairs et précis de la lettre du 11 janvier 2012 selon lesquels « par courrier du 18/10/2011, vous avez saisi la Commission de Recours Amiable de l'URSSAF [...]. Celle-ci ne s'est pas encore prononcée. » , le tribunal qui pour dire définitive la mise en demeure du 20 septembre 2011, faute de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale dans le mois suivant la notification de cette lettre, retient qu'« il est constant que ce courrier informe clairement la société que la commission de recours amiable ne statuera pas sur son recours » a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre en méconnaissance du principe faisant interdiction au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

ALORS D'AUTRE PART et à titre subsidiaire QU' en vertu de l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret n° 96-786 du 10 septembre 1996, le délai de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale est de 2 mois à compter de la décision de la commission de recours amiable ; que ce délai ne court pas tant que l'intéressé n'a pas été expressément informé de la possibilité du recours judiciaire contre la décision même implicite de la commission de recours amiable, comme de ses modalités ; que la lettre portant accusé de réception de la saisine de la commission de recours amiable ne peut faire courir le délai ouvert pour le recours contre la décision même implicite de rejet de cette commission, lorsqu'elle comporte des mentions erronées notamment quant au délai de recours ; Qu'ayant constaté que la lettre de la commission de recours amiable du 11 janvier 2012 informait la société exposante qu'il lui appartenait de saisir directement le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai d'un mois à compter de la réception dudit courrier, le tribunal qui retient que les voies et délais de recours étaient clairement notifiés à la société, qu' « il lui appartenait donc de saisir le tribunal dans le délai d'un mois qui lui était notifié » et que faute pour elle de l'avoir fait la mise en demeure du 20 septembre 2011 est définitive et ne peut plus être contestée dans le cadre de l'opposition à contrainte régulièrement formée, a violé les articles R. 142-18 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

ALORS ENFIN QUE le délai de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale ne court pas tant que l'intéressé n'a pas été expressément informé de la possibilité du recours judiciaire contre la décision même implicite de la commission de recours amiable, comme de ses modalités ; que la lettre portant accusé de réception de la saisine de la Commission de recours amiable ne peut faire courir le délai ouvert pour le recours contre la décision même implicite de rejet de cette commission, lorsqu'elle désigne une juridiction incompétente ; que la société exposante avait notamment fait valoir que la lettre de la commission de recours amiable du 11 janvier 2012, portant accusé réception de sa saisine le 18 octobre précédent, indiquait de manière erronée que le tribunal compétent était le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes « sis [...] » cependant que seul était compétent territorialement le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Roche Sur Yon, de sorte que le délai ouvert pour le recours contre la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable n'avait pu courir à compter de la notification de cette lettre ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent des conclusions d'appel dont il était saisi, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-24343
Date de la décision : 18/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, 13 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 18 mar. 2021, pourvoi n°19-24343


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24343
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