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17/03/2021 | FRANCE | N°19-23742

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mars 2021, 19-23742


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 mars 2021

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 352 F-D

Pourvoi n° Z 19-23.742

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MARS 2021

1°/ le syndicat CFE-CGC

SNATT, dont le siège est [...] ,

2°/ M. T... X...,
3°/ M. E... A...,
4°/ M. C... J...,

domiciliés tous trois SAS Express Marée, établissement ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 mars 2021

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 352 F-D

Pourvoi n° Z 19-23.742

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MARS 2021

1°/ le syndicat CFE-CGC SNATT, dont le siège est [...] ,

2°/ M. T... X...,
3°/ M. E... A...,
4°/ M. C... J...,

domiciliés tous trois SAS Express Marée, établissement [...],

ont formé le pourvoi n° Z 19-23.742 contre le jugement rendu le 17 octobre 2019 par le tribunal d'instance de Bordeaux (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :

1°/ au syndicat CFDT multi départemental des transports routiers Aquitaine Atlantique, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Express Marée, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , prise en son établissement, sis [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat du syndicat CFE-CGC SNATT et de MM. X..., A... et J..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT Multi départemental des transports routiers Aquitaine Atlantique, après débats en l'audience publique du 27 janvier 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Bordeaux, 17 octobre 2019), les élections des membres du comité social et économique au sein de la société Express Marée se sont déroulées le 11 juillet 2019. Le protocole préélectoral précisait que le deuxième collège était composé de cinq femmes et vingt-deux hommes et que deux postes étaient à pourvoir.

2. Le 24 juillet 2019, le syndicat CFDT multi départemental des transports routiers Aquitaine Atlantique (le syndicat CFDT) a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de l'élection de MM. J... et A... figurant sur les listes du syndicat CFE-CGC Snatt (le syndicat CFE-CGC) au motif que ces listes ne comportaient pas de candidat du sexe féminin.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le syndicat CFE-CGC, MM. A..., J... et X... font grief au jugement d'annuler l'élection de M. J... en qualité de titulaire et de M. A... en tant que suppléant, au comité social économique de la société Express Marée, alors « que les dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail imposent une composition des listes de candidats comportant un nombre de femmes et d'hommes proportionnel à leurs parts respectives d'inscrits sur la liste électorale, en instituant des règles d'arrondi, l'avant-dernier de ce même article prévoyant que lorsque l'application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté, ce candidat ne pouvant alors être en première position sur la liste ; qu'ainsi, l'avant dernier alinéa de l'article L. 2314-30 constitue une exception à l'application des règles d'arrondi permettant de déterminer la part respective de personnes des deux sexes sur une liste de candidats, disposition par suite d'interprétation stricte, prenant la forme d'une dérogation possible à l'application des règles d'arrondi, de sorte que le non-usage de cette dérogation facultative par une liste de candidats à l'élection au comité social et économique ne saurait constituer une méconnaissance des règles d'ordre public devant être sanctionnée par le juge de l'élection en application de l'article L. 2314-32 du code du travail ; qu'en l'espèce, compte tenu des parts de femmes et d'hommes sur la liste électorale, induisant respectivement des nombres de 0,37 et 1,63, l'application des règles d'arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure à 5, conduisait à permettre la composition de listes de deux candidats masculin, sans obligation de faire figurer sur la liste une candidate de sexe féminin ; qu'en annulant néanmoins l'élection de M. J... en qualité de titulaire et de M. A... en qualité de suppléant, le tribunal d'instance de Bordeaux a méconnu l'article L. 2314-30 du code du travail, ensemble l'article L. 2314-32 dudit code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2314-30 du code du travail :

4. Lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l'article L. 2314-30 du code du travail, c'est-à-dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté.

5. Lorsque l'application des règles de proportionnalité et de l'arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à cinq conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, il résulte de l'article précité que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues. Les dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail étant d'ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger.

6. Pour dire irrégulières les listes présentées par le syndicat CFE-CGC, le tribunal retient que si l'application des règles de proportionnalité et d'arrondi prévues par l'article L. 2314-30 du code du travail conduisent à déterminer une proportion de 0,37 pour les femmes et à exclure la représentation du sexe féminin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que deux postes étant à pourvoir, les listes devaient comporter un homme et une femme.

7. En statuant ainsi, alors que les femmes ne représentant que 18,52 % des effectifs du deuxième collège, soit, pour deux sièges à pourvoir, un pourcentage en application de la règle de l'arrondi ne donnant droit à aucun siège, le syndicat pouvait présenter deux candidats de sexe masculin, le tribunal d'instance a violé, par fausse application, le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il annule l'élection dans le deuxième collège des représentants au comité social et économique de l'établissement de [...] de la société Express Marée, au titre des titulaires, de M. J... et au titre des suppléants de M. A..., le jugement rendu le 17 octobre 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande d'annulation de l'élection dans le deuxième collège de M. J... en qualité de membre titulaire et de M. A... en qualité de membre suppléant du comité social et économique de l'établissement de [...] de la société Express Marée ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat CFDT multi départemental des transports routiers aquitaine atlantique ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour le syndicat CFE-CGC SNAtt et MM. X..., A... et J...

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'avoir annulé l'élection de M. J... en qualité de titulaire et de M. A... en tant que suppléant, au comité social économique de la société Express Marée,

Aux motifs qu'il résulte en l'espèce du protocole d'accord préélectoral non contesté que le deuxième collège étant composé de 5 femmes et 22 hommes, la part de femmes était de 18,52 % et celle des hommes de 81,48% ; que deux sièges de titulaires et deux sièges de suppléants étaient à pourvoir dans ce collège ; que si l'application des règles proportionnelles et d'arrondis précitées conduisent à déterminer une proportion de 0,37 pour les femmes (2x18,52/100) et de 1,63 (2x81,48/100) pour les hommes, soit la candidature de deux hommes, la règle d'arrondi a pour effet d'exclure totalement la représentation du sexe féminin ; que selon la jurisprudence de la Cour de Cassation résultant de son arrêt du 9 mai 2018 (Cass. Soc., 9 mai 2018 n° 17-14 088) et de la note explicative de la Cour de cassation dans laquelle elle a estimé que les dispositions anciennes des articles L. 2314-24-1 et L. 2324-22-1 du code du travail imposaient désormais aux organisations syndicales, au cas particulier où deux sièges étaient à pourvoir, de présenter une liste de deux candidats, une femme et un homme, ce dernier au titre du sexe sous représenté dans le collège considéré et ce en s'appuyant sur la réserve d'interprétation du Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018 aux termes de laquelle la règle dite d'arrondi ne saurait "faire obstacle à ce que les listes de candidats puissent comporter un candidat du sexe sous-représenté dans le collège électoral" ; que la Cour de Cassation a rendu cette décision alors que le nouvel article L. 2314-30 était entré en vigueur et nonobstant le fait que la décision du Conseil Constitutionnel employait le verbe "pouvoir" ; qu'elle a maintenu depuis cette jurisprudence notamment dans un arrêt du 17 avril 12019 (n° de pourvoi 17-26724), ce dont il suit que les listes présentées par le syndicat CFE-CGC dans le 2ème collège sont irrégulières comme comportant, qu'il s'agisse de la liste des titulaires ou de celle des suppléants, deux hommes alors qu'elles auraient dû comporter un homme et une femme ; que ces dispositions sont d'ordre public, et la constatation du non-respect de ces dispositions, lorsqu'elle est soumise au tribunal, ne peut qu'entrainer la sanction prévue par le texte, sans qu'il puisse être tenu compte des circonstances de fait qui expliquent la composition des listes ; que la liste titulaire et la liste suppléant comportant chacune un candidat homme surnuméraire, la sanction prévue par l'article L. 2314-32 conduit à annuler dans le deuxième collège l'élection de M. C... J..., élu titulaire, et de M. E... A..., élu suppléant ;

Alors que les dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail imposent une composition des listes de candidats comportant un nombre de femmes et d'hommes proportionnel à leurs parts respectives d'inscrits sur la liste électorale, en instituant des règles d'arrondi, l'avant-dernier de ce même article prévoyant que lorsque l'application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté, ce candidat ne pouvant alors être en première position sur la liste ; qu'ainsi, l'avant dernier alinéa de l'article L. 2314-30 constitue une exception à l'application des règles d'arrondi permettant de déterminer la part respective de personnes des deux sexes sur une liste de candidats, disposition par suite d'interprétation stricte, prenant la forme d'une dérogation possible à l'application des règles d'arrondi, de sorte que le non-usage de cette dérogation facultative par une liste de candidats à l'élection au comité social et économique ne saurait constituer une méconnaissance des règles d'ordre public devant être sanctionnée par le juge de l'élection en application de l'article L .2314-32 du code du travail ; qu'en l'espèce, compte tenu des parts de femmes et d'hommes sur la liste électorale, induisant respectivement des nombres de 0,37 et 1,63, l'application des règles d'arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure à 5, conduisait à permettre la composition de listes de deux candidats masculin, sans obligation de faire figurer sur la liste une candidate de sexe féminin ; qu'en annulant néanmoins l'élection de M. J... en qualité de titulaire et de M. A... en qualité de suppléant, le Tribunal d'instance de Bordeaux a méconnu l'article L. 2314-30 du code du travail, ensemble l'article L. 2314-32 dudit code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-23742
Date de la décision : 17/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Bordeaux, 17 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 mar. 2021, pourvoi n°19-23742


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23742
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