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10/03/2021 | FRANCE | N°19-26046

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mars 2021, 19-26046


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 331 F-D

Pourvoi n° D 19-26.046

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. E....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 octobre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________
<

br>AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

M. I... E..., domicilié ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 331 F-D

Pourvoi n° D 19-26.046

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. E....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 octobre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

M. I... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 19-26.046 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société FB service, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de M. E..., de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société FB service, après débats en l'audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 19 septembre 2018), M. E... a été engagé le 2 avril 2012 par la société FB service à compter du 1er octobre 2012 en qualité d'ouvrier polyvalent.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen du moyen

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur à une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés de la perte de ses droits à contrepartie obligatoire en repos en 2013 et 2014, et de le condamner à supporter ses propres frais irrépétibles et à régler, par moitié, les dépens, alors « que dans le dispositif de ses conclusions d'appel récapitulatives notifiées le 30 avril 2018, M. E... a demandé que la société FB Service soit condamnée à lui payer la somme de 15 054,60 euros de dommages-intérêts, en réparation des préjudices nés de la privation du bénéfice des contreparties obligatoires en repos compensateur de juin 2013 à décembre 2015, net de charges ; qu'en considérant pourtant que la demande du salarié, formée à ce titre, ''concerne la période de juin 2013 au 31 décembre 2014'' et que ''le salarié a limité sa demande à 2013 et 2014'', pour lui allouer la seule somme de 3 761,47 euros net, à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la perte de ses droits à contrepartie obligatoire en repos en 2013 et 2014, quand la demande du salarié portait également sur l'année 2015, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

5. Pour limiter à une certaine somme la condamnation de l'employeur à des dommages-intérêts en réparation des préjudices nés de la perte des droits du salarié à contrepartie obligatoire en repos en 2013 et 2014, l'arrêt retient que le salarié a limité sa demande à 2013 et 2014.

6. En statuant ainsi, alors que dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives le salarié demandait la condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 15 064,60 euros nets de toute charge, à titre de dommages-intérêts pour privation du bénéfice des contreparties obligatoires en repos compensateurs de juin 2013 à décembre 2015, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts en réparation de préjudices nés du non-respect par l'employeur des règles de sécurité et de le condamner à supporter ses propres frais irrépétibles et à régler, par moitié, les dépens, alors « que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave peut être admis à agir contre son employeur, sur le fondement des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de ce dernier, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée ; que partant, en considérant que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque, pour en déduire que dans la mesure où le site n'a pas été référencé parmi les établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 le préjudice moral ne peut être réparé, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1et L. 4121-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige :

8. Il résulte de ces textes qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut être admis à agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée.

9. Pour rejeter les demandes du salarié, l'arrêt retient que pour être indemnisé, celui-ci doit avoir subi un préjudice qu'il lui revient de prouver. Il relève que le salarié ne précise pas la nature du préjudice qu'il subit et que dans la mesure où il n'allègue aucunement avoir développé une quelconque maladie professionnelle, ce préjudice est nécessairement de nature morale. L'arrêt ajoute que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque. L'arrêt observe que dans la mesure où le site n'a pas été référencé parmi les établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 le préjudice moral ne peut être réparé. Il en déduit que faute pour le salarié de justifier d'autres préjudices, la demande ne peut aboutir pour ce qui concerne l'amiante.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la société FB Service à la somme de 3 761,47 euros net, à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés de la perte de ses droits à contrepartie obligatoire en repos en 2013 et 2014, en ce qu'il déboute M. E... de sa demande de dommages-intérêts en réparation de préjudices nés du non-respect par la société FB service des règles de sécurité et en ce qu'il le condamne à supporter ses propres frais irrépétibles et à régler, par moitié, les dépens, l'arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne le société FB service aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société FB service à payer à la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour M. E...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société FB Service à payer à Monsieur I... E... la seule somme de 3.761,47 euros net, à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la perte de ses droits à contrepartie obligatoire en repos en 2013 et 2014, et d'avoir condamné le salarié à supporter ses propres frais irrépétibles et à régler, par moitié, les dépens ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur E... soutient avoir été privé de contreparties obligatoires en repos, faute d'en avoir été informé. L'employeur soutient que toute demande antérieure au 13 juin 2013 est prescrite et que pour le surplus, la demande est partiellement infondée car résultant d'un calcul erroné. Pour ce qui concerne la prescription, force est de constater que la demande concerne la période de juin 2013 au 31 décembre 2014. Autrement dit, la prescription ne concerne que la période du 1er au 13 juin 2013. (
) Sur le fond, la demande, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016 est régie par les articles L. 3121-11 et D. 3121-14 du Code du travail en leur version en vigueur en 2013 et 2014. Par conséquent, les heures supplémentaires effectuées hors limite de contingent ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos selon ce que prévoient les conventions ou accords collectifs et à défaut, selon les dispositions décrétales. La convention collective nationale des ouvriers des entreprises du bâtiment employant plus de dix salariés, en son article 3.14, prévoit que les heures effectuées hors contingent ouvrent droit à un repos compensateur égal au nombre d'heures supplémentaires effectuées et intégralement indemnisé. Il faut donc calculer le nombre d'heures supplémentaires pour déterminer l'existence d'un éventuel dépassement du contingent et son ampleur. Ce contingent était en 2013 et 2014 de 145 heures pour les entreprises pratiquant l'annualisation du temps de travail et de 180 heures pour les entreprises ne pratiquant pas l'annualisation du temps de travail, en application des dispositions de l'article 3.13 de la convention collective précitée. En l'espèce, le contingent est de 180 heures annuelle par salarié. Un accord d'entreprise existe depuis 2001 soit bien avant l'embauche de Monsieur E... lequel s'applique en (au) contrat en cause. Aussi le débat sur l'opposabilité de la note de service qui fixe les modalités de la modulation des horaires de travail est inopérant. L'accord d'entreprise prévoit une modulation du temps de travail avec alternance de semaines de 31 heures et de semaines de 39 heures, de sorte que sont considérées comme heures supplémentaires les heures effectuées après la 42ème heure. Si le salarié étaye sa demande en produisant un décompte de ses heures supplémentaires, ce décompte, adossé au décompte des heures supplémentaires élaboré au jour le jour et signé du demandeur ainsi que de la hiérarchie, versé aux débats par l'employeur, fait apparaître de juin à décembre 2013, 186 heures supplémentaires soit 6 heures de dépassement du contingent. Pour l'année 2014, ce sont 462 heures qui sont comptabilisées soit 282 heures de dépassement. Rien au dossier ne vient attester que le salarié a été informé par l'employeur de son droit à contrepartie obligatoire en repos et l'employeur ne le prétend d'ailleurs pas. Aussi, la perte de son droit à contrepartie obligatoire en repos, cause au salarié un préjudice qu'il convient d'évaluer au montant de l'indemnisation qui aurait dû lui être versée sans contrepartie de travail outre congés payés y afférent. Sachant que le taux horaire est de 11,749 euros en 2013 et de 11,876 euros en 2014, l'indemnité est de 3.761,47 euros incluant les congés payés y afférent. Certes, l'employeur a demandé à la cour de dire que les dommages et intérêts ne dépasseraient pas 11.931,57 euros. Cependant, cette prétention ne vaut pas reconnaissance d'une dette d'un tel montant. De plus, le cantonnement réclamé intègre la contrepartie pour les années 2013 à 2015 alors que le salarié a limité sa demande à 2013 et 2014. Par infirmation du jugement, il sera fait droit à la demande dans la limite de 3.761,47 euros net de cotisation de sécurité sociale (arrêt p. 8 à 10) ;

1) ALORS QUE dans le dispositif de ses conclusions d'appel récapitulatives notifiées le 30 avril 2018, Monsieur I... E... a demandé que la société FB Service soit condamnée à lui payer la somme de 15 054,60 euros de dommages et intérêts, en réparation des préjudices nés de la privation du bénéfice des contreparties obligatoires en repos compensateur de juin 2013 à décembre 2015, net de charges ; qu'en considérant pourtant que la demande du salarié, formée à ce titre, « concerne la période de juin 2013 au 31 décembre 2014 » et que « le salarié a limité sa demande à 2013 et 2014 », pour lui allouer la seule somme de 3.761,47 euros net, à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la perte de ses droits à contrepartie obligatoire en repos en 2013 et 2014, quand la demande du salarié portait également sur l'année 2015, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QU'en outre, dans ses conclusions d'appel n° 2, la société FB Service faisait elle-même valoir que les heures supplémentaires à comptabiliser s'élevaient à 112,25 heures de juin à décembre 2013 et 460,75 heures en 2014 ; qu'en estimant qu'il convenait de retenir 6 heures de dépassement de juin 2013 au 31 décembre 2013, et 282 heures de dépassement pour l'année 2014, pour allouer au salarié la seule somme de 3.761,47 euros net, à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la perte de ses droits à contrepartie obligatoire en repos en 2013 et 2014, la cour d'appel, qui a retenu un nombre d'heures supplémentaires inférieur à celui reconnu par l'employeur, a de nouveau méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3) ALORS QU'une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1 607 heures ; que selon L. 3122-10 II du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige , constituent des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions relatives au décompte et au paiement des heures supplémentaires, au contingent annuel d'heures supplémentaires et au repos compensateur obligatoire : 1 ° les heures effectuées au-delà de la durée maximale hebdomadaire fixée par la convention ou l'accord ; 2° les heures effectuées au-delà de 1 607 heures ou d'un plafond inférieur fixé par la convention ou l'accord, déduction faite des heures supplémentaires déjà comptabilisées au titre du 1° ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail du 28 décembre 2001 fixe le plafond à 1600 heures ; que partant, en considérant que l'accord d'entreprise, qui existe depuis 2001 et s'applique au contrat de travail du salarié, prévoit une modulation du temps de travail avec alternance de semaines de 31 heures et de semaines de 39 heures, de sorte que sont considérées comme heures supplémentaires les heures effectuées après la 42ème heure, sans rechercher si des heures avaient été effectuées au-delà de 1600 heures, a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard des articles 3.1 et 5.1 de l'accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail du 28 décembre 2001, ensemble des articles L. 3122-9 et L. 3122-10 II du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur I... E... de sa demande de dommages-intérêts en réparation de préjudices nés du non-respect par l'employeur des règles de sécurité et d'avoir condamné le salarié à supporter ses propres frais irrépétibles et à régler, par moitié, les dépens ;

AUX MOTIFS QUE pour ce qui concerne l'amiante, il importe peu que l'employeur ne soit pas une entreprise de décontamination. En effet, les risques encourus sont ceux de la sous section 4, section III, chapitre II, titre 1, livre quatrième du code du travail, comme elle le relève elle-même dans ses échanges avec l'inspection du travail ou la médecine du travail, c'est-à-dire ceux liés aux interventions sur des matériaux, des équipements, des matériels ou des articles susceptibles de provoquer l'émission de fibres d'amiante, comme c'est le cas pour la rénovation et l'entretien de bâtiments. Le fait que l'entreprise ait pu être vertueuse sur certains chantiers pour lesquels la présence d'amiante était signalée n'empêche pas qu'elle a négligé le risque pour les chantiers où les donneurs d'ordre ne communiquaient pas les diagnostics liés à la présence d'amiante, la mettant ainsi dans l'impossibilité de mettre en oeuvre un plan de prévention. Tel était bien le cas du chantier pour lequel Monsieur E... a refusé de faire les travaux faute de diagnostic amiante. Selon les articles R. 4412-97 et suivants du code du travail, l'employeur doit mettre en place un plan de prévention à partir des éléments de repérage de la présence d'amiante. D'ailleurs, le document unique de prévention produit ne suffit pas, puisque les textes précités exigent un plan de prévention spécial bâti d'après les repérages des zones amiantées. Or, figure au dossier la preuve que dans certains cas, l'employeur a négligé la prévention des risques dans la mesure où Monsieur E..., qui n'était pas formé à l'intervention sur chantier amianté, justifie par la production de divers diagnostics et de ses fiches de travail, qu'il est intervenu sur divers chantiers notamment [...] ou encore [...] alors que des zones amiantées avaient été repérées. Cependant, les plans de prévention ne sont pas produits par l'employeur. Le seul plan de prévention et de mesurage produit est un chantier [...]. Le fait que l'entreprise employeur n'avait pas la possibilité d'exiger du donneur d'ordre un diagnostic sur la présence d'amiante dans les bâtiments à rénover, n'est pas exonératoire, la faute du tiers n'étant pas exonératoire de responsabilité. Il en résulte que l'employeur, qui a la charge de la preuve, ne justifie pas avoir respecté son obligation de sécurité lié à l'amiante. Néanmoins, pour être indemnisé, Monsieur E... doit avoir subi un préjudice qu'il lui revient de prouver. Or, il ne précise pas la nature du préjudice qu'il subit. Dans la mesure où il n'allègue aucunement avoir développé une quelconque maladie professionnelle, ce préjudice est nécessairement de nature morale. Toutefois, le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque. Dans la mesure où le site n'a pas été référencé parmi les établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 le préjudice moral ne peut être réparé. Faute de justifier d'autres préjudices, la demande ne peut aboutir pour ce qui concerne l'amiante. (
) C'est donc à tort que le conseil de prud'hommes a fait droit à la demande de dommages et intérêts, dans son jugement qui doit être infirmé (arrêt p. 11 dernier et et p. 12) ;

ALORS QUE le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave peut être admis à agir contre son employeur, sur le fondement des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de ce dernier, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée ; que partant, en considérant que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque, pour en déduire que dans la mesure où le site n'a pas été référencé parmi les établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 le préjudice moral ne peut être réparé, la cour d'appel a violé les articles des articles L. 4121-1et L. 4121-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-26046
Date de la décision : 10/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 19 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mar. 2021, pourvoi n°19-26046


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.26046
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