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10/03/2021 | FRANCE | N°19-24516

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mars 2021, 19-24516


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 311 F-D

Pourvoi n° R 19-24.516

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

La société [...], société par

actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-24.516 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2019 par la cour d'appel de Pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 311 F-D

Pourvoi n° R 19-24.516

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

La société [...], société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-24.516 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme B... W..., épouse T..., domiciliée [...] ,

2°/ à la société Atalian Propreté IDF, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société TFN Propreté Ile-de-France,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [...], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme W..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Atalian Propreté IDF, après débats en l'audience publique du 19 janvier 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2019), Mme W... a été engagée par la société [...] (la société), à effet du 1er avril 1989, en qualité d'agent de nettoyage sur un site qui a été repris le 1er mars 2015 par la société TFN Propreté IDF, aux droits de laquelle se trouve la société Atalian Propreté IDF.

2. La salariée a été en arrêt de travail pour maladie du 13 septembre 2014 au 18 février 2015 inclus puis à nouveau du 2 mars 2015 jusqu'au 31 mars 2016.

3. Le médecin du travail a émis le 23 février 2015 l'avis suivant : « ne peut pas travailler ce jour. Médecin traitant à voir. A revoir à la reprise. »

4. Informée par la société TFN Propreté de l'absence de transfert de son contrat de travail et la société [...] lui ayant indiqué qu'elle ne faisait plus partie de ses effectifs, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail à l'encontre des deux sociétés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée à ses torts et de mettre hors de cause la société TFN Propreté Ile-de-France, de fixer la résiliation judiciaire à la date du 27 mars 2017 et de la condamner à payer à la salariée des sommes au titre
de la rupture du contrat de travail et des rappels de salaire et congés payés afférents, alors :

« 1°/ qu'en vertu de l'article 7-2-I de la Convention collective nationale des entreprises de propreté, le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de l'intégralité du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui, étant titulaire d'un contrat à durée indéterminée, justifie notamment ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'après l'expiration de son arrêt de travail le 19 février 2915, Mme W... avait repris le travail auprès de la société [...] du 25 au 28 février 2015 puis s'était présentée le 1er mars 2015 sur le site de la société TFN Propreté, attributaire du marché à compter de cette date ; qu'il en résulte que n'étant plus en arrêt de travail et ayant repris effectivement ses fonctions à la date d'expiration du marché conclu par la société [...], la salariée n'était pas absente depuis 4 mois, son contrat de travail étant transféré de plein droit auprès de la société TFN Propreté ; qu'en affirmant que lorsque le salarié reprend effectivement le travail sans que cette reprise ait été validée par le médecin du travail la nouvelle société adjudicataire peut opposer à l'entreprise sortante l'absence de reprise régulière du salarié, la cour d'appel, qui a ajouté une condition aux stipulations conventionnelles applicables, a violé l'article 7-2-I de la Convention collective nationale des entreprises de propreté du 26 juillet 2011 ;

2°/ que selon les dispositions de l'article 7-2 II de la Convention collective des entreprises de propreté, lorsque le salarié remplit les conditions énoncées à l'article 7-2 I, « Le transfert des contrats de travail s'effectue de plein droit par l'effet du présent dispositif et s'impose donc au salarié dans les conditions prévues ci-dessous. Le but de celui-ci est de protéger le salarié, son emploi et sa rémunération. Le transfert conventionnel est l'un des vecteurs stabilisateurs du marché de la propreté. Le maintien de l'emploi entraînera la poursuite du contrat de travail au sein de l'entreprise entrante » ; que dès lors en retenant que la fourniture à Mme W... d'une tenue de travail le 1er mars 2015 ne caractérisait pas l'acceptation par la société TFN Propreté du transfert du contrat de travail de la salariée auprès d'elle, et que la salariée n'avait pas signé d'avenant à son contrat de travail avec cette dernière et avait pour sa part considéré que la société [...] était demeurée son employeur, la cour d'appel qui s'est fondée sur des circonstances impropres à faire échec au transfert, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7-2 II de la Convention collective nationale des entreprises de propreté du 26 juillet 2011. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel, qui a relevé, par motifs propres et adoptés, que la salariée avait été en arrêt de travail du 13 septembre 2014 au 19 février 2015, en absence autorisée du 19 au 24 février 2015, puis à nouveau en arrêt de travail du 2 mars 2015 au 31 mars 2016, avant d'être placée en invalidité, et que le travail effectué du 25 au 28 février 2015 au profit de la société [...] l'avait été en contradiction avec les préconisations du médecin du travail, qui avait conclu à l'impossibilité de travailler, a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche du moyen, légalement justifié sa décision.

7.Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée les sommes de 6 566,42 euros bruts au titre des compléments de salaire et 656,64 euros à titre de congés payés y afférents, alors « qu'aux termes de l'article 4-9-1 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté, les salariés en arrêt maladie ayant 25 ans d'ancienneté reçoivent pendant 90 jours, 90 % de leur rémunération brute puis 2/3 de cette rémunération pendant les 90 jours suivants, soit au total 180 jours d'indemnisation ; que « pour le calcul des temps et des taux d'indemnisation il sera tenu compte, lors de chaque arrêt, des indemnités versées au cours des 12 derniers mois, de telle sorte que, si plusieurs absences pour maladie ou accident ont été indemnisées au cours de ces 12 mois, la durée de l'indemnisation ne dépasse pas celle applicable en vertu des alinéas précédents » ; que Mme W... sollicitait le paiement d'un complément maladie par son employeur portant sur la période comprise entre le 13 septembre 2014 et le 14 février 2015 et entre le 2 mars et le 2 septembre 2015, soit une indemnisation de 11 mois d'arrêt maladie sur une période de 12 mois consécutifs, lorsque, ayant 25 ans d'ancienneté, elle ne pouvait prétendre qu'à 180 jours d'indemnisation sur 12 mois consécutifs ; qu'en faisant droit à sa demande, la cour d'appel a violé l'article 4-9-1 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté du 26 juillet 2011. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4-9-1, de la Convention collective nationale des entreprises de propreté du 26 juillet 2011 :

9. Selon ce texte, en cas d'absences pour maladie ou accident, professionnel ou non professionnel, dûment constatées par certificat médical et contre-visite, s'il y a lieu, les salariés ayant au moins 12 mois d'ancienneté bénéficieront des dispositions suivantes. Ils recevront, pendant 30 jours, 90 % de la rémunération brute définie à l'alinéa 10 du présent article, les 2/3 de cette rémunération pendant les 30 jours suivants. Ces temps d'indemnisation seront augmentés en fonction de l'ancienneté pour atteindre au total :(...) après 25 ans d'ancienneté : 90 jours à 90 %, 90 jours aux 2/3 ; (...).
Lors de chaque arrêt de travail, l'indemnisation commencera à courir à partir du 8e jour d'absence (7 jours de carence), sauf si celle-ci est consécutive à une maladie professionnelle ou à un accident du travail, auquel cas l'indemnisation sera due au premier jour de l'absence.
Pour le calcul des temps et des taux d'indemnisation il sera tenu compte, lors de chaque arrêt, des indemnités versées au cours des douze derniers mois, de telle sorte que, si plusieurs absences pour maladie ou accident ont été indemnisées au cours de ces douze mois, la durée de l'indemnisation ne dépasse pas celle applicable en vertu des alinéas précédents.

10. Pour faire droit à la demande de rappel de complément de salaire, pour les périodes du 13 septembre 2014 au 14 février 2015, puis du 2 mars au 2 septembre 2015, l'arrêt retient qu'au regard des pièces et calculs produits par la salariée et compte tenu de la somme versée par l'employeur en février 2015 à hauteur de 489,58 euros, il convient de condamner la société à payer à la salariée la somme de 6 566,42 euros à titre de compléments d'indemnités journalières outre les congés payés y afférents.

11. En statuant ainsi, alors que pour apprécier à l'occasion du deuxième arrêt de travail les droits à indemnisation de la salariée, il convenait de tenir compte des indemnités versées au cours des douze mois précédents, en sorte que la durée d'indemnisation ne dépasse pas 180 jours, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Demande de mise hors de cause

17. Il y a lieu de mettre hors de cause la société Atalian Propreté IDF, venant aux droits de la société TFN Propreté IDF, contre laquelle n'est pas dirigé le second moyen.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société la société [...] à payer à Mme W... les sommes de 6 566,42 euros bruts au titre des compléments de salaire et 656,64 euros à titre de congés payés y afférents, l'arrêt rendu le 18 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société [...]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme W... aux torts de la société [...] et mis hors de cause la société TFN Propreté Ile de France, d'AVOIR fixé la résiliation judiciaire à la date du 27 mars 2017, d'AVOIR condamné la société [...] à payer à Mme W... les sommes de 4.420,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 442,00 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 16.942,00 € à titre d'indemnité légale de licenciement, 45000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la rupture abusive, 26.520 euros à titre du rappels de salaire pour la période d'avril 2016 à mars 2017 et 2652 euros au titre des congés payés y afférents, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de l'AVOIR condamnée aux dépens

AUX MOTIFS PROPRES QUE « La salariée a été en arrêt de travail pour maladie du 13 septembre au 19 février 2015. Elle a été reçue par le médecin du travail le 23 février 2015 et a repris le travail auprès de la société [...] du 25 au 28 février 2015. le dimanche 1er mars 2015, elle s'est présentée sur le site de la société TFN Propreté. Elle a de nouveau été en arrêt maladie dès le 2 mars 2015 »

ET QUE « Il est constant qu'en vertu de l'article 7 de la Convention collective des entreprises de propreté, un salarié absent, depuis plus de quatre mois ou plus à la date expiration du contrat, peut se voir refuser le transfert de son contrat de travail.
Dans l'hypothèse où le salarié reprend effectivement le travail sans que cette reprise ait été validée par le médecin du travail et que le salarié se trouve donc juridiquement encore en période de suspension de son contrat de travail, la nouvelle société adjudicataire pourra opposer à l'entreprise sortante l'absence de reprise régulière du salarié.
Dans le cas d'espèce, Madame W... arrêtée pour maladie depuis plus de quatre mois, a bénéficié le 23 février 2015 d'une visite de reprise. Lors de cette visite le médecin a conclu à l'impossibilité de travailler dans les termes suivants: « ne peut pas travailler ce jour. Médecin traitant à voir. A revoir à la reprise ». Ainsi, outre le fait que le contrat de travail restait suspendu, le travail effectué par la salariée jusqu'au 28 février 2015 auprès de la société [...] s'est réalisé en contradiction avec les préconisations médicales.
Dans ces circonstances, la société [...] ne peut valablement soutenir que les termes de la Convention collective conduisent à ce que la seule réalisation d'un travail effectif par la salariée constituait une reprise et qu'elle suffit à écarter la condition tenant à la présence de la salariée.
La société [...] prétend que la société TFN PROPRETE avait procédé à un transfert effectif du contrat de travail en remettant la salariée une tenue de travail siglée de la marque de la société et en lui permettant de travailler le 1er mars sur le site.
Dans la mesure où la société sortante n'a pas transmis la fiche d'aptitude de la salariée à l'entreprise adjudicataire, cette dernière a pu être induite en erreur et avoir ainsi remis une chasuble à Madame W... et l'avoir laissé accéder au site le 1er mars 2015. Toutefois ces circonstances ne suffisent pas à conclure à une acceptation par la société adjudicataire du transfert du contrat de travail.
En conséquence de ces motifs, il convient de confirmer la décision prud'homale qui a considéré que les conditions du transfert n'étaient pas réunies et a mis hors de cause la société TFN PROPRETE.
Eu égard aux manquements graves de la société [...] notamment l'absence de poursuite du contrat de travail, la défaillance partielle dans le règlement des salaires et des compléments d'indemnités journalières et le défaut de procédure de rupture régulière, la résiliation judiciaire sera ordonnée à la date de prononcé par le conseil de prud'hommes, soit le 27 mars 2017.
Sur les demandes relatives aux indemnités de rupture
Le calcul des indemnités de rupture supposent l'évaluation du salaire de référence. Madame W... le fixe à 2210 euros correspondant aux trois derniers mois travaillés avant son arrêt maladie, soit les mois de juin, juillet et août 2014. La société se fonde sur les dispositions des articles L. 323-4 et R. 323-4 du code de la sécurité sociale.
Il y a lieu de rappeler les termes de l'article R. 1234-4 du code du travail, qui précisent: "Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1 ° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement,
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel versée au salarié pendant cette période, n(est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à dur proportion."
Compte tenu de la situation particulière d'arrêt maladie de Madame W..., la Cour est amené à retenir les calculs proposés par la salariée et confirme le jugement sur ce point.
Ainsi, au regard des 28 ans d'ancienneté au mois de mars 2017, l'indemnité de licenciement doit être fixée à la somme de 17680 euros.
S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, Madame W... a été reconnue comme travailleur handicapé par la Commission des Droits et de l'autonomie des Personnes Handicapées le 4 février 2016. En application de l'article L52l3-9 du Code du travail, la durée du préavis est doublée pour les salariés handicapés, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois, la durée de ce préavis.
Compte tenu de la date de rupture Madame W... peut prétendre au paiement d'une d'indemnité compensatrice de préavis de 3 mois, soit 6.630 euros et les congés payés y afférents.
Sur les dommages-intérêts pour la rupture irrégulière
La société [...] a mis fin au contrat de travail de façon illégitime et irrégulière. La demande de dommages-intérêts de Madame W... est fondée et compte tenu des éléments dont elle justifie sur les conséquences de la rupture, la Cour fixe le montant de son préjudice à 45000 euros »

ET AUX MOTIFS PARTIELLEMENT ADOPTES QUE « Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame B... W... :
En application de l'article 1184 du code civil, l'une ou l'autre des parties à un contrat synallagmatique peut demander la résiliation judiciaire en cas d'inexécution des obligations découlant de ce contrat.
Le présent litige porte sur le transfert du contrat de travail de Madame B... W... de la société sortante la SAS [...] à la société entrante SASU TFN PROPRETE ILE DE FRANCE.
Madame B... W... est salariée depuis le 1er avril 1989, elle est affectée sur le site du Musée du Louvre.
Le contrat de travail est régi par la convention collective nationale des entreprises de propreté.
L'article 7.2 de la convention collective prévoit les obligations à la charge du nouvel attributaire d'un marché. Les conditions transfert de plein droit des contrats de travail sont les suivantes :
- Appartenir expressément soit à l'un des quatre premiers niveaux de la filière d'emplois « exploitation ».
- Être titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée et justifier d'une affectation sur le marché d'au moins six mois à la date d'expiration du marché et ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat.
En l'espèce, Madame B... W... remplit la première condition. Sa qualification est ATSQ 1 A. Elle est bien titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée. Affectée depuis plus de vingt ans sur le site du Musée du Louvre, elle remplit parfaitement les conditions d'affectation.
Reste à examiner la seconde condition « ne pas être absent depuis quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat ».
Il ressort des pièces versées aux débats et des débats eux-mêmes que Madame B... W... est en congé maladie continu à dater du 13 septembre 2014 au 18 février 2015. Madame B... W... est en absence autorisée du 19 au 24 février 2015. Le bulletin de salaire le mentionne. Elle ne travaille pas.
Madame B... W... se présente le premier jour de la reprise du site par la SASU TFN PROPRETE ILE DE FRANCE. Elle est dans l'incapacité physique de travailler.
Les attestations de Mesdames O... et I..., produites par la SASU TFN PROPRETE ILE DE FRANCE, sont éclairantes sur l'état de santé de Madame B... W.... Madame B... W... s'est présentée sur le site avec « des béquilles et une minerve. Je lui ai demandé pourquoi elle venait. Elle a avoué que c'était pour le transfert mais qu'elle ne pouvait pas travailler. Elle n'a jamais travaillé pour la société TFN » .
Certes, elle reçoit une tenue de travail TFN PROPRETE car elle possédait le badge du site délivré par la SAS [...] (et non par la SASU TFN PROPRETE ILE DE FRANCE). Par ailleurs, Madame B... W... a suivi le processus où la tenue était délivrée avant la signature de l'avenant. Monsieur L... F..., directeur d'exploitation du site Le Louvre, l'atteste.
Madame B... W... ne signera pas un avenant de son contrat de travail actant le transfert.
La fiche d'aptitude médicale établie le 23 février 2015 indique que Madame B... W... « ne peut travailler ce jour. Médecin traitant à voir. A voir à la reprise ».
Au terme de l'article R. 4624-23 du code du travail, il est incontestable que Madame B... W... n'a pas repris effectivement son travail. Aucun avis d'aptitude n'est délivré, bien au contraire, le médecin souhaite revoir Madame B... W... à sa reprise.
Madame B... W... sera à nouveau en arrêt maladie dès le 2 mars 2015 et ce pour une durée de plus d'une année soit jusqu'au 31 mars 2016. Elle sera placée en invalidité.
Rappelons que Madame B... W... précise à la SAS [...] qu'elle est bien son employeur et lui demande de procéder à la régularisation de sa situation.
Rappelons que par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 16 mars 2015, la SAS [...] rappelle à Madame B... W... que son contrat a bien été transféré à la SASU TFN PROPRETE ILE DE FRANCE depuis le 1er mars 2015. Son transfert est de plein droit. Elle invite Madame B... W... à envoyer ses arrêts maladie à la SASU TFN PROPRETE ILE DE FRANCE.
Cependant, il est notable que Madame B... W... elle-même considère que son employeur est la SAS [...] puisque tous les avis d'arrêt de travail portent mention de la SAS [...] comme employeur. Il en est de même pour l'attestation de paiement des indemnités journalières de la période du 13 septembre 2014 au 08 juillet 2015. C'est bien le numéro de SIRET de la SAS [...] qui apparaît.
Madame B... W... saisit l'inspection du travail afin d'éclaircir sa situation. Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 mars 2015, la SASU TFN PROPRETE ILE DE FRANCE explique les raisons pour lesquelles le contrat de travail de Madame B... W... n'est pas transférable de plein droit et précise: « Si vous deviez considérer, à l'appui de ses éléments que Madame W... était transférable de plein droit au sein de notre société, nous en assumerions la responsabilité en l'intégrant dans nos effectifs et en procédant à un rappel de salaire à compter du 1er mars 2015 ». Aucune suite n'est donnée à ce courrier.
C'est donc de manière erronée que la SAS [...] transfère le contrat de travail de Madame B... W... à la SASU TFN PROPRETE ILE DE FRANCE.
L'employeur de Madame B... W... est bien la SAS [...] .
La SAS [...] a failli à ses obligations contractuelles.
Au terme de l'article 1184 du code civil, le Conseil prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame B... W... aux torts de la SAS [...] .
La demande est fondée.
Sur la demande de mise hors de cause de la société TFN PROPRETE:
L'employeur de Madame B... W... est la SAS [...] .
Le Conseil met hors de cause la SASU TFN PROPRETE ILE DE FRANCE.
Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:
En cas de résiliation judiciaire, la rupture est considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La demande est fondée »

1/ ALORS QU'en vertu de l'article 7-2-I de la convention collective nationale des entreprises de propreté, le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de l'intégralité du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui, étant titulaire d'un contrat à durée indéterminée, justifie notamment ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'après l'expiration de son arrêt de travail le 19 février 2915, Mme W... avait repris le travail auprès de la société [...] du 25 au 28 février 2015 puis s'était présentée le 1er mars 2015 sur le site de la société TFN Propreté, attributaire du marché à compter de cette date ; qu'il en résulte que n'étant plus en arrêt de travail et ayant repris effectivement ses fonctions à la date d'expiration du marché conclu par la société [...], la salariée n'était pas absente depuis 4 mois, son contrat de travail étant transféré de plein droit auprès de la société TFN Propreté ; qu'en affirmant que lorsque le salarié reprend effectivement le travail sans que cette reprise ait été validée par le médecin du travail la nouvelle société adjudicataire peut opposer à l'entreprise sortante l'absence de reprise régulière du salarié, la cour d'appel, qui a ajouté une condition aux stipulations conventionnelles applicables, a violé l'article 7-2-I de la convention collective nationale des entreprises de propreté du 26 juillet 2011 ;

2/ ALORS QUE selon les dispositions de l'article 7-2 II de la convention collective des entreprises de propreté, lorsque le salarié remplit les conditions énoncées à l'article 7-2 I, « Le transfert des contrats de travail s'effectue de plein droit par l'effet du présent dispositif et s'impose donc au salarié dans les conditions prévues ci-dessous. Le but de celui-ci est de protéger le salarié, son emploi et sa rémunération. Le transfert conventionnel est l'un des vecteurs stabilisateurs du marché de la propreté. Le maintien de l'emploi entraînera la poursuite du contrat de travail au sein de l'entreprise entrante » ; que dès lors en retenant que la fourniture à Mme W... d'une tenue de travail le 1er mars 2015 ne caractérisait pas l'acceptation par la société TFN Propreté du transfert du contrat de travail de la salariée auprès d'elle, et que la salariée n'avait pas signé d'avenant à son contrat de travail avec cette dernière et avait pour sa part considéré que la société [...] était demeurée son employeur, la cour d'appel qui s'est fondée sur des circonstances impropres à faire échec au transfert, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7-2 II de la convention collective nationale des entreprises de propreté du 26 juillet 2011.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société [...] à payer à Mme W... les sommes de 6566,42 euros bruts au titre des compléments de salaire et 656,64 euros à titre de congés payés y afférents, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Madame W... sollicite 7.056 € bruts au titre des compléments de salaire et 705 € au titre des congés payés y afférents. Les modalités de calcul répondent aux dispositions de l'article 4.9 de la Convention collective.
Cet article prévoit qu'en cas d'absence pour maladie ou accident, professionnel ou non professionnel, dûment constatées par certificat médical et contre-visite, les salariés ayant au moins 12 mois d'ancienneté bénéficieront pendant 30 jours de 90 % de la rémunération brute et pendant les 30 jours suivants, des 2/3 de cette rémunération.
Ces temps d'indemnisation seront augmentés en fonction de l'ancienneté pour atteindre au total après 25 ans d'ancienneté de 90 jours à 90 %, 90 jours aux 2/3.
Lors de chaque arrêt de travail, l'indemnisation commencera à courir à partir du 8ème jour d'absence (7 jours de carence), sauf si celle-ci est consécutive à une maladie professionnelle ou à un accident du travail, auquel cas l'indemnisation sera due au premier jour de l'absence.
Les garanties accordées s'entendent déduction faite des allocations que l'intéressé perçoit par la sécurité sociale et des régimes complémentaires de prévoyance mais en ne retenant, dans ce dernier cas, que la part des prestations résultant des versements de l'employeur.
Ces garanties ne doivent pas conduire à verser à l'intéressé un montant supérieur à la rémunération nette qu'il aurait effectivement perçue s'il avait continué à travailler.
La rémunération à prendre en considération est le salaire brut de référence déclaré pour le calcul des indemnités journalières servies par la sécurité sociale, corrigé en cas d'augmentation conventionnelle du salaire.
Au regard des pièces et calculs produits par la salariée et compte tenu de la somme versée par l'employeur en février 2015 à hauteur de 489,58 euros, il convient de condamner la société à payer à Madame W... la somme de 6566,42 euros à titre de compléments d'indemnités journalières outre les congés payés y afférents »

ALORS QU'aux termes de l'article 4-9-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, les salariés en arrêt maladie ayant 25 ans d'ancienneté reçoivent pendant 90 jours, 90 % de leur rémunération brute puis 2/3 de cette rémunération pendant les 90 jours suivants, soit au total 180 jours d'indemnisation ; que « pour le calcul des temps et des taux d'indemnisation il sera tenu compte, lors de chaque arrêt, des indemnités versées au cours des 12 derniers mois, de telle sorte que, si plusieurs absences pour maladie ou accident ont été indemnisées au cours de ces 12 mois, la durée de l'indemnisation ne dépasse pas celle applicable en vertu des alinéas précédents » ; que Mme W... sollicitait le paiement d'un complément maladie par son employeur portant sur la période comprise entre le 13 septembre 2014 et le 14 février 2015 et entre le 2 mars et le 2 septembre 2015, soit une indemnisation de 11 mois d'arrêt maladie sur une période de 12 mois consécutifs, lorsque, ayant 25 ans d'ancienneté, elle ne pouvait prétendre qu'à 180 jours d'indemnisation sur 12 mois consécutifs ; qu'en faisant droit à sa demande, la cour d'appel a violé l'article 4-9-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté du 26 juillet 2011.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-24516
Date de la décision : 10/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mar. 2021, pourvoi n°19-24516


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24516
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