LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 mars 2021
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 328 F-D
Pourvoi n° U 19-19.137
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021
M. J... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 19-19.137 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à la société Konica Minolta Business Solutions France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. L..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Konica Minolta Business Solutions France, après débats en l'audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 mai 2020), M. L... a été engagé par la société Konica Minolta Business Solutions France en qualité d'ingénieur commercial, à compter du 7 janvier 2013 et jusqu'au 20 mars 2015, selon plusieurs contrats à durée déterminée de remplacement d'un salarié absent pour maladie.
2. Postérieurement au terme de la relation contractuelle de travail, le salarié a saisi, le 15 décembre 2016, la juridiction prud'homale de demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses indemnités.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de considérer que les conditions de son embauche et du remplacement d'un autre salarié relevaient de la qualification de contrat à durée déterminée de remplacement et de le débouter de toutes ses demandes, alors « que les juges doivent motiver leur décision et ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant que les conditions de renouvellement stipulées dans les avenants étaient soumises au salarié avant le terme initialement prévu, car chaque avenant était établi antérieurement à la date de signature, la cour d'appel a statué par voie d'affirmation en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
4. Selon ce texte, tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé.
5. Pour rejeter la demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, l'arrêt retient que les conditions de renouvellement stipulées dans les avenants étaient soumises au salarié avant le terme initialement prévu car chaque avenant était établi antérieurement à la date de signature.
6. En statuant ainsi, sans préciser sur quelles pièces elle se fondait pour retenir que les contrats de travail avaient été régulièrement renouvelés, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. La cassation prononcée n'atteint pas le rejet de la demande de dommages-intérêts au titre du retard de la visite médicale d'embauche et de l'absence de visite périodique.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. L... de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche et absence de visite périodique, l'arrêt rendu le 2 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Konica Minolta Business Solutions France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Konica Minolta Business Solutions France et la condamne à payer à M. L... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. L...
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que les conditions d'embauche et de remplacement de M. A... par M. L... relevaient de la qualification CDD du contrat de remplacement et d'avoir débouté M. L... de toutes ses demandes ;
Aux motifs propres que sur les demandes relatives à la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, l'article L. 1243-13 du code du travail en vigueur au moment des faits dispose « le contrat à durée déterminée est renouvelable une fois pour une durée déterminée (
) ; les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l'objet d'un avenant avant le terme initialement prévu (
) ; l'article L. 1242-13 du code du travail en vigueur au moment des faits dispose : « le contrat de travail est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche » ; l'article L. 1245-1 du code du travail en vigueur au moment des faits dispose : « est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1243-13
» ; que la société produit l'ensemble des contrats de travail et des avenants signés par les deux parties ainsi qu'un mail du 12 mars 2015 adressé à M. L... par Mme F... qui indique « comme évoqué par téléphone, tu trouveras ci-joint la prolongation de ton contrat jusqu'au 20 mars 2015 inclus. En parallèle, les deux originaux t'ont été adressés par courrier à ton domicile » ; qu'il ressort des pièces produites que la relation entre M. L... et la société KMBSF s'est poursuivie sans interruption du 7 janvier 2013 au 20 mars 2015 et que l'ensemble des contrats et des avenants ont été signé par les deux parties ; qu'il n'est pas contesté que le service de ressources humaines était situé en région parisienne et qu'en conséquence, l'ensemble des contrats étaient adressés dans les délais légaux pour être signés par M. L... le jour d'entrée en vigueur du nouveau contrat ou de l'avenant sans interruption ; que les conditions de renouvellement stipulées dans les avenants étaient soumis avant le terme initialement prévus à M. L... car chaque avenant était établi antérieurement à la date de la signature ; que le mail du 12 mars 2015 prouve que la société KMBSF a adressé avant l'expiration du contrat précédent le contrat du 13 au 20 mars 2015, qui est le seul contrat non signé à la date de prise de fonctions par M. L... ; qu'en conséquence, M. L... sera débouté de sa demande de requalification ; que la rupture s'analysant comme une rupture de contrat à durée déterminée, M. L... ne peut prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de licenciement, et sera débouté du surplus de ses prétentions d'indemnisation mal fondées compte tenu de l'issue de l'appel ;
Aux motifs éventuellement adoptés que M. L... a fait l'objet de plusieurs contrats à durée déterminée pour le remplacement de M. A... du 7 janvier 2013 au 20 mars 2015 ; que les différents contrats sont liés à ses arrêts de travail successifs ; que le poste de M. L... est similaire à celui de M. A... ; que la société KMBSF, dont le service Ressources humaines était localisé en région parisienne, prouve que les différents contrats sont transmis à chaque renouvellement dans les délais impartis et que les contrats sont datés et portent la signature de M. L... ; que sur le dernier contrat concernant la période du 13 mars au 20 mars 2015, M. L... a barré la date du 6 mars 2015 pour mentionner la date du 19 mars 2015, mais que la société KMBSF apporte la preuve que ce dernier contrat lui a été transmis par mail le 12 mars 2015 au terme de son précédent contrat ; que l'article L. 1242-13 du code du travail prévoit que le contrat de travail doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche » ; que lors de la transmission des contrats par mail à M. L..., KMBSF précise que « les deux originaux t'ont été adressés par courrier à ton domicile » ; qu'aussi, la société a transmis dans les délais le contrat à M. L... ; qu'en conséquence, les contrats signés avec la société KMBSF sont des contrats à durée déterminée en remplacement de M. A... absent et que les divers contrats sont adossés aux périodes des arrêts de maladie successifs de M. A... ;
Alors 1°) que le contrat à durée déterminée, faute de prévoir les conditions de son renouvellement, doit être renouvelé par la conclusion d'un avenant avant le terme initialement prévu ; qu'à défaut, il devient un contrat à durée indéterminée, lorsque la relation de travail s'est poursuivie après l'échéance du terme ; que M. L... a soutenu que l'absence d'antériorité de la conclusion des avenants de renouvellement au terme des contrats initiaux, résultait des dates des contrats et des avenants conclus ; qu'il a rappelé la conclusion d'un premier contrat du 7 janvier au 1er février 2013 et d'un avenant de renouvellement du 4 février au 31 mars 2013 ; d'un deuxième contrat du 1er avril au 5 avril 2013 et d'un avenant de renouvellement du 8 avril au 1er juin 2013 ; d'un quatrième contrat du 15 juillet au 12 septembre 2013 et d'un avenant de renouvellement du 13 septembre au 12 novembre ; d'un cinquième contrat du 13 novembre 2013 au 12 janvier 2014 et d'un avenant du 13 janvier au 17 janvier 2014 ; d'un sixième contrat du 18 janvier au 12 mars 2014 et d'un avenant du 13 mars au 15 mai 2014 ; d'un neuvième contrat du 13 septembre au 12 novembre 2014 et d'un avenant du 13 novembre au 20 novembre ; d'un dixième contrat du 21 novembre 2014 au 12 janvier 2015 et d'un avenant du 13 janvier au 12 mars 2015 ; qu'il en a déduit que la société « n'a pas respecté les règles légales en matière de contrat à durée déterminée puisque : l'ensemble des contrats ne prévoit pas de clause de renouvellement ; les avenants de renouvellement concernant le premier contrat puis les deuxième, quatrième, cinquième, sixième, neuvième et dixième contrats ont été conclus postérieurement au terme du contrat » ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, s'il ne résultait des dates des contrats et avenants qu'il y avait lieu de requalifier les contrats en contrat à durée indéterminée depuis le premier renouvellement (conclusions d'appel p. 7 et 8), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1243-13 et L. 1245-1 du code du travail ;
Alors 2°) et en tout état de cause, que le contrat à durée déterminée, faute de prévoir les conditions de son renouvellement, ne peut être renouvelé que par la conclusion d'un avenant avant le terme initialement prévu ; qu'à défaut, il devient un contrat à durée indéterminée, dès lors que la relation de travail s'est poursuivie après l'échéance du terme ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles le contrat du 13 au 20 mars 2015 n'avait pas été signé à la date de prise de fonctions par M. L..., ce dont il résultait, pour le moins, que le contrat à durée déterminée à effet du 13 mars 2015 devait être requalifié en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel violé les articles L. 1243-13 et L. 1245-1 du code du travail ;
Alors 3°), que les juges ne peuvent dénaturer les conclusions qui fixent les termes du litige ; qu'en énonçant qu' « il n'est pas contesté » que le service de ressources humaines était situé en région parisienne et qu'en conséquence, « l'ensemble des contrats étaient adressés dans les délais légaux pour être signés par M. L... le jour d'entrée en vigueur du nouveau contrat ou de l'avenant sans interruption », cependant que le salarié a invoqué, en droit, l'article L. 1242-13 du code du travail et a soutenu, en fait, que « l'ensemble des contrats ont été remis tardivement et en dehors du délai légal » (conclusions de M. L... p. 8), et a donc contesté expressément le fait que les contrats lui étaient adressés dans les délais légaux, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors 4°) que les juges doivent motiver leur décision et ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant que les conditions de renouvellement stipulées dans les avenants étaient soumises avant le terme initialement prévu à M. L..., car chaque avenant était établi antérieurement à la date de signature, la cour d'appel a statué par voie d'affirmation en violation de l'article 455 du code de procédure civile.