LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 mars 2021
Cassation partielle
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 213 F-P
Pourvois n°
W 19-16.816
P 19-17.154 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 MARS 2021
I - 1°/ la société Nord voile, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ M. G... L..., domicilié [...] ,
ont formé le pourvoi n° W 19-16.816 contre un arrêt n° RG : 16/04589 rendu le 5 février 2019 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Intrum Justitia Debt Finance AG, dont le siège est [...],
2°/ à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Nord-Est, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société V et V, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, en la personne de M. X... U..., dont le siège est [...] , prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Nord voile,
défenderesses à la cassation.
II - 1°/ M. G... L...,
2°/ la société Nord voile,
ont formé le pourvoi n° P 19-17.154 contre le même arrêt n° RG : 16/04589 rendu, dans le litige les opposant :
1°/ à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Nord-Est,
2°/ à la société Intrum Justitia Debt Finance AG,
3°/ à la société V et V,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs aux pourvois n° W 19-16.816 et P 19-17.154 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation identique, annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. L... et de la société Nord voile,
de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Intrum Justitia Debt Finance AG, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 janvier 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° W 19-16.816 et n° P 19-17.154 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 février 2019), la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord-Est (la banque) a, dans la limite des montants fixés par deux conventions de crédit global de trésorerie conclues les 3 novembre 2005 et 30 mars 2007 avec la société Nord voile, consenti à celle-ci deux prêts, respectivement de 189 700 et 150 000 euros, qui ont été réalisés le 26 juillet 2013.
3. N'ayant pas honoré ses engagements de remboursement, la société Nord voile a été mise en demeure, le 4 septembre 2014, de payer les sommes restant dues au titre des prêts. La même mise en demeure a été délivrée à M. L..., gérant de la société, qui s'était rendu caution solidaire de l'exécution des conventions de crédit global de trésorerie. Les créances de la banque ont été cédées à la société Intrum Justitia Debt Finance AG (la société Justitia).
4. Par un jugement du 30 septembre 2016, la société Nord voile a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde. Le 22 septembre 2017, un plan de sauvegarde a été adopté, prévoyant le règlement de la créance de la société Justitia en un unique dividende forfaitaire de 10 %, le 22 septembre 2018.
Examen des moyens des pourvois n° W 19-16.816 et n° P 19-17.154, rédigés en termes identiques, réunis
Sur les moyens, pris en leur première branche, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur les moyens, pris en leur seconde branche
Enoncé des moyens
6. La société Nord voile et M. L... font grief à l'arrêt de fixer au passif de la procédure de sauvegarde les créances de la société Justitia aux sommes de 53 445,23 euros outre intérêts au taux de 8,50 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, 202 234,83 euros outre intérêts au taux de 2 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, et de 158 633,96 euros outre intérêts au taux de 2,12 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, de condamner M. L... à payer les sommes de 189 700 euros au titre du prêt du même montant outre intérêts au taux de 2 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, et la somme de 150 000 euros au titre du prêt de 150 000 euros outre intérêts au taux de 2,12 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, de dire que la condamnation à payer la somme de 150 000 euros outre intérêts ne pourra être mise à exécution contre M. L... qu'au terme du plan de sauvegarde ou si ce plan est résolu et de débouter M. L... de toutes ses autres demandes et notamment de sa demande de délai de paiement, alors « que l'article L. 626-11 du code de commerce, issu de la loi du 26 juillet 2005, entré en vigueur le 1er janvier 2006, s'applique sans réserve aux procédures nouvelles et les cautions en bénéficient dès lors que la procédure collective est ouverte à la date du 1er janvier 2006, indépendamment de la date de leur engagement ; qu'en jugeant que cette disposition n'était pas applicable au cautionnement donné le 3 novembre 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 626-11 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 626-11 du code de commerce :
7. Il résulte de ce texte que le jugement qui arrête le plan de sauvegarde d'un débiteur en rend les dispositions opposables à tous, et qu'à l'exception des personnes morales, les cautions de ce débiteur peuvent s'en prévaloir, même si leur engagement est antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 qui a introduit ce bénéfice à leur égard, dès lors que la procédure a été ouverte postérieurement.
8. Pour limiter la faculté pour M. L... de se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde de la société Nord voile aux sommes dues au titre du cautionnement du 30 mars 2007, et rejeter sa demande d'inclusion de celles dues au titre du cautionnement du 3 novembre 2005, l'arrêt retient que l'article L. 626-11 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2006, n'est pas applicable au cautionnement donné le 3 novembre 2005 en garantie de la convention de crédit global consentie le même jour.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. En l'état des motifs critiqués par le moyen, qui ne viennent pas au soutien des chefs de dispositif relatifs aux condamnations prononcées contre la société Nord voile et contre M. L..., ni au soutien du chef de dispositif disant que la condamnation à payer la somme de 150 000 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 30 mars 2007, ne pourra être mise à exécution contre M. L... qu'au terme du plan de sauvegarde de la société ou si ce plan est résolu, la cassation n'atteint que ce dernier chef de dispositif en ce qu'il exclut de son champ la condamnation de M. L... à payer la somme de 189 700 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 3 novembre 2005.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il exclut du chef de dispositif disant que la condamnation à payer la somme de 150 000 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 30 mars 2007, ne pourra être mise à exécution contre M. L... qu'au terme du plan de sauvegarde de la société ou si ce plan est résolu, la condamnation de M. L... à payer la somme de 189 700 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 3 novembre 2005, l'arrêt rendu le 5 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord-Est et la société Intrum Justitia Debt Finance AG aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord-Est et la société Intrum Justitia Debt Finance AG à payer à la société Nord voile et à M. L... la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen identique produit aux pourvois n° W 19-16.816 et P 19-17.154 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Nord voile et M. L....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé au passif de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de la société Nord Voile les créances de la société Intrum Justitia Debt Finance AG aux sommes de : - 53 445,23 euros outre intérêts au taux de 8,50 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, 202 234,83 euros outre intérêts au taux de 2 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, 158 633,96 euros outre intérêts au taux de 2,12 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014 et d'AVOIR condamné M. L... à payer à la société Intrum Justitia les sommes de 189.700 € au titre du prêt de 189 700 euros outre intérêts au taux contractuel de 2% l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, 150.000 € au titre du prêt de 150 000 euros outre intérêts au taux contractuel de 2,12 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, D'AVOIR dit que la condamnation à payer la somme de 150 000 euros outre intérêts ne pourra être mise à exécution contre M. L... qu'au terme du plan de sauvegarde de la société Nord voile ou si ce plan est résolu et d'AVOIR débouté M. L... de toutes ses autres demandes et notamment de sa demande de délai de paiement ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article L. 626-11 du code de commerce issu de la loi du 26 juillet 2005, la caution peut se prévaloir des modalités fixées par le plan de sauvegarde de la débitrice principale ; que cette disposition qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2006 n'est pas applicable au cautionnement donné le 3 novembre 2005 en garantie de la convention de crédit global consentie le même jour ; que la même disposition est en revanche applicable au cautionnement donné le 30 mars 2007 ; que si elle n'exclut pas que le créancier obtienne un titre contre la caution pendant l'exécution du plan de sauvegarde de la débitrice principale pour l'intégralité de la dette garantie, elle soumet l'exécution de ce titre aux termes du plan ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le plan de sauvegarde de la société Nord Voile adopté le 22 septembre 2017 est en cours d'exécution, de sorte que la créancière ne pourra mettre à exécution les condamnations prononcées au titre de la convention du 30 mars 2007 à l'encontre de M. l... qu'au terme du plan de sauvegarde ou si ce plan est résolu ;
1/ ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen pris de l'inapplicabilité de l'article L. 626-11 du code de commerce issu de la loi du 26 juillet 2005 à un cautionnement souscrit avant le 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de cette disposition, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE l'article L. 626-11 du code de commerce, issu de la loi du 26 juillet 2005, entré en vigueur le 1er janvier 2006, s'applique sans réserve aux procédures nouvelles et les cautions en bénéficient dès lors que la procédure collective est ouverte à la date du 1er janvier 2006, indépendamment de la date de leur engagement ; qu'en jugeant que cette disposition n'était pas applicable au cautionnement donné le 3 novembre 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 626-11 du code de commerce.