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10/03/2021 | FRANCE | N°19-15315

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 mars 2021, 19-15315


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 216 F-D

Pourvoi n° Q 19-15.315

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 MARS 2021

La société Kia Motors France, société par actions

simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-15.315 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la cour d'appel de Pau (2e ch...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 216 F-D

Pourvoi n° Q 19-15.315

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 MARS 2021

La société Kia Motors France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-15.315 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Erramuzpe automobiles, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Ambulances de la vallée, société à responsabilité limitée - société à associé unique, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La société Erramuzpe automobiles a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal et la demanderesse au pourvoi incident invoquent, chacune, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Kia Motors France, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Erramuzpe automobiles, de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Ambulances de la vallée, après débats en l'audience publique du 19 janvier 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 janvier 2019), le 20 décembre 2011, la société Ambulances de la vallée (la société AV) a acheté un véhicule de marque Kia à la société Erramuzpe automobiles (le vendeur).

2. A la suite d'une panne, la société AV a assigné le vendeur, ainsi que la société Kia Motors France (la société Kia), en réparation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. La société Kia fait grief à l'arrêt de la déclarer, in solidum avec le vendeur, responsable du préjudice subi par la société AV et, en conséquence, de les condamner in solidum à lui payer certaines sommes, alors « que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; qu'en l'espèce, la société Kia faisait expressément valoir dans ses écritures d'appel que le désordre litigieux ne rendait pas, en tout état de cause, le véhicule impropre à sa destination, ainsi que cela résultait du rapport d'expertise ; qu'en se bornant à affirmer que le désordre survenu était en lien direct et certain avec un défaut de conception ou de montage imputable à la société exposante pour en déduire que celle-ci était tenue au titre de la garantie des vices cachés envers la société AV, sans constater que le vice allégué rendait le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné, ou diminuait celui-ci au point que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou en aurait donné un moindre prix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1641 du code civil :

4. Aux termes de ce texte, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

5. Pour condamner la société Kia et le vendeur in solidum à indemniser le préjudice subi par la société AV, l'arrêt, après avoir énoncé qu'en application des dispositions de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés et que le sous-acquéreur est recevable à engager son action contre le vendeur originaire, se borne à retenir que le désordre survenu est en lien direct et certain avec un défaut de conception ou de montage imputable à la société Kia, qui doit donc sa garantie.

6. En se déterminant ainsi, sans dire en quoi le vice allégué rendait le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné ou en diminuait tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou en aurait donné un prix moindre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Ambulances de la vallée aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Kia Motors France.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré les sociétés Erramuzpe Automobiles et Kia Motors France responsables in solidum du préjudice subi par la société Ambulances de la Vallée et de les avoir en conséquence condamnées in solidum à payer à cette dernière la somme de 55.885 euros HT au titre de la réparation de son préjudice, outre celle de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « la SARL Ambulances de la Vallée recherche la responsabilité solidaire de la SAS Erramuzpe Automobiles et de la SAS Kia Motors France sans invoquer de fondement juridique précis. Cependant, en page 5 de ses conclusions, elle fait référence à l'existence d'un vice caché. La SAS Kia Motors France répond d'ailleurs en visant l'article 1641 du Code civil et ne dénie pas sa garantie mais considère que le retard pris pour solutionner le litige est imputable à la SAS Erramuzpe Automobiles, qui ne lui a jamais présenté de demande de prise en charge de la réparation. La SAS Erramuzpe Automobiles, pour sa part, considère que sa responsabilité dans la survenance du dommage n'est pas démontrée et soutient qu'elle s'est heurtée au refus de prise en charge de la SAS Kia Motors France au titre de la garantie « constructeur », alors qu'elle aurait pu réaliser la réparation bien plus tôt. Il résulte des pièces produites que le véhicule Kia, acheté neuf par la SARL Ambulances de la Vallée auprès de la SAS Erramuzpe Automobiles en décembre 2011, a fait l'objet le 5 novembre 2013, alors qu'il était encore couvert par la garantie contractuelle « constructeur », d'une panne caractérisée par l'arrêt brutal du moteur et l'impossibilité de le redémarrer. La SARL Ambulances de la Vallée l'a donc confié à la SAS Erramuzpe Automobiles pour déterminer l'origine de la panne et procéder à sa réparation. Un litige s'étant élevé sur la cause de cette panne et les responsabilités encourues, le véhicule est resté immobilisé jusqu'au 26 octobre 2016. L'origine de la panne a été identifiée. Elle a été causée par un court-circuit résultant de la dégradation du faisceau d'injection sur la centrale ECM en raison d'un frottement inhabituel. Il a été mis en évidence par l'expert que la recherche de la panne réalisée par la SAS Erramuzpe Automobiles avait conduit à la dégradation des pins du connecteurs de jonction de la centrale, faute pour ce professionnel de posséder l'outillage adéquat. Dès janvier 2014, le remplacement du faisceau électrique était possible mais la réparation a été différée dans l'attente des opérations d'expertise. Lors de sa mise en service, il a été installé sur ce véhicule un kit de « taximètre » par la SARL Adour Diesel. La responsabilité de cette société a été formellement écartée par l'expert, l'implantation du boîtier taximètre étant éloignée du boîtier ECM en cause. Toutes les parties ont accepté les conclusions de l'expert sur ce point et la responsabilité de la société Adour Diesel n'est plus recherchée. Lors de ses opérations d'expertise, M. U... a constaté que « le faisceau est en contact avec le boîtier ECM et que cette configuration est d'origine ». Il ne peut cependant se prononcer sur le fait que le contact du faisceau avec le boîtier ECM était présent dès la sortie d'usine ou s'il est apparu par la suite. En tout état de cause, il considère que « cette configuration est un défaut de conception ou de montage, en présence de conséquences non négligeables, même si elles apparaissent comme aléatoires » et que « son identification à l'achat du véhicule était peu décelable ». L'expert a également mis en évidence que la SARL Ambulances de la Vallée n'a pu par son utilisation et/ou son entretien du véhicule contribuer à cette situation. La SAS Kia Motors France a admis que le véhicule était couvert par sa garantie contractuelle au moment de la panne. Elle en veut pour preuve le fait qu'elle a fourni la pièce de rechange avant même le début des opérations d'expertise. En application des dispositions de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés. Le sous-acquéreur est recevable à engager son action contre le vendeur originaire. Par conséquent, il est démontré que le désordre survenu est en lien direct et certain avec un défaut de conception ou de montage imputable à la SAS Kia Motors France qui doit donc sa garantie à la SARL Ambulances de la Vallée. Il est également démontré que la SAS Erramuzpe Automobiles en intervenant de manière inadéquate lors de la recherche de la panne a contribué au dommage subi par la SARL Ambulances de la Vallée. Il est par ailleurs constant que la société Erramuzpe Automobiles était en possession de la pièce de rechange mais n'a pas fait la réparation pendant le cours de la procédure. Il est constant que le réparateur qui n'a pas procédé au remplacement des pièces défectueuses, nécessaires à la réparation dont son client l'a chargé ou dont l'intervention a aggravé le dommage subi, engage sa responsabilité contractuelle. A cet égard, le rôle de la SAS Erramuzpe Automobiles dans la réalisation du préjudice de la SARL Ambulances de la Vallée est indéniable. C'est elle qui a vendu le véhicule neuf à la SARL Ambulances de la Vallée et à ce titre, elle est tout comme la SAS Kia Motors France tenue à la garantie des vices cachés. Elle est intervenue de manière intempestive sur le véhicule après la panne sans résoudre le problème. Elle a tardé une fois en possession de la pièce de rechange à faire les réparations nécessaires, dont le coût était par ailleurs raisonnable, et s'est abstenue de mettre en oeuvre les procédures habituelles dans le cadre de la garantie constructeur en se dispensant de manière incompréhensible d'adresser à la SAS Kia Motors France une demande de prise en charge. C'est donc bien en raison de sa carence que la SARL Ambulances de la Vallée a été contrainte d'engager une procédure judiciaire. Enfin, si l'on peut admettre que la réparation ne pouvait intervenir avant que le véhicule ne soit examiné par l'expert, rien n'interdisait de mettre rapidement le véhicule en état dès sa mission achevée. Par conséquent, la SAS Erramuzpe Automobiles engage sa responsabilité non seulement en sa qualité de vendeur du véhicule mais
également de réparateur soumis à une obligation de résultat. Il est constant que la livraison d'une chose défectueuse suffit à établir la faute du fabricant ou du vendeur professionnel. Ils sont alors tenus de réparer toutes les conséquences dommageables du vice. L'acquéreur n'a pas à supporter les atermoiements du vendeur et du fabricant quant à la prise en charge de la réparation du véhicule. Par conséquent, il ne saurait lui être reproché l'engagement d'une procédure de référé pour obtenir la désignation d'un expert dans un bref délai permettant de réduire la période d'immobilisation du véhicule. Il a donc été démontré que la SAS Kia Motors France et la SAS Erramuzpe Automobiles ont contribué toutes les deux à la réalisation du dommage subi par la SARL Ambulances de la Vallée de telle sorte qu'ils seront condamnés in solidum à l'indemniser de ce fait. Dès lors qu'il a été déterminé que la panne avait pour origine un vice de construction, la facture de remise en état devra être assumée par la SAS Kia Motors France. Le préjudice de la SARL Ambulances de la Vallée ne peut s'apprécier qu'au regard du chiffres d'affaires antérieur mais seulement en fonction de la part d'exploitation liée à l'immobilisation du véhicule en panne. Pour évaluer son préjudice, la SARL Ambulances de la Vallée s'appuie sur deux notes rédigées par M. S..., expert-comptable, qui chiffre le préjudice subi jusqu'en février 2015. Ainsi que le fait justement remarquer la SAS Kia Motors France, la SARL Ambulance de la Vallée ne peut invoquer à la fois une perte de marge liée à l'utilisation d'un véhicule de substitution et une perte de chiffre d'affaires résultant de l'impossibilité d'honorer ses commandes en raison de l'immobilisation dudit véhicule. La SAS Erramuzpe Automobiles soutient avoir mis à la disposition de la SARL Ambulances de la Vallée un véhicule de substitution, ce que cette dernière ne conteste pas. L'immobilisation du véhicule en panne a duré 36 mois de novembre 2013 à octobre 2016. Rien n'indique que ce délai soit imputable à un refus de la SARL Ambulances de la Vallée de procéder à la remise en état. Il a été déterminé par l'expert-comptable que la perte de marge sur les courses effectuées par un VSL plutôt que par un taxi est de 1.207 euros. Par conséquent, le préjudice subi par la SARL Ambulances de la Vallée doit être évalué à 43.452 euros HT. Il conviendra d'y ajouter les frais d'assurance et de crédit-bail qui ont couru sans contrepartie durant cette période d'immobilisation, soit 2.672 euros pour l'assurance et 9.761 euros HT pour le coût du crédit-bail. En conséquence, la SAS Erramuzpe Automobiles et la SAS Kia Motors France seront condamnés in solidum à payer à la SARL Ambulances de la Vallée la somme de 55.885 euros HT au titre de la réparation de son préjudice jusqu'en octobre 2016 » ;

1°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la société Kia Motors France faisait expressément valoir dans ses conclusions d'appel « l'absence de vice caché imputable à la société Kia », soulignant à cet égard que le rapport d'expertise n'avait pas constaté l'existence d'un défaut de montage ou de conception, mais seulement émis une hypothèse à ce sujet, hypothèse qu'il avait ensuite écartée en retenant que la qualification de vice caché n'était pas idoine (conclusions, p. 6, § 2 à 5) ; qu'en retenant cependant que « la SAS Kia Motors France répond d'ailleurs en visant l'article 1641 du Code civil et ne dénie pas sa garantie », la Cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de la société exposante laquelle, loin de ne pas dénier sa garantie au titre du vice caché, la contestait au contraire de façon expresse, a violé le principe susvisé ;

2°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, le rapport d'expertise n'a pas techniquement constaté l'existence d'un défaut de montage ou de conception, mais seulement émis l'hypothèse selon laquelle le contact avec le faisceau électrique « pourrait ainsi être caractérisé de défaut de conception ou de montage », l'emploi du conditionnel démontrant que l'expert n'évoquait là qu'une simple possibilité, pour ensuite l'abandonner en constatant qu'en toute hypothèse, la qualification de vice caché n'était pas idoine, le désordre n'ayant pas rendu le véhicule impropre à sa destination ; qu'en énonçant que l'expert « considère que cette configuration est un défaut de conception et de montage, en présence de conséquences non négligeables, même si elles apparaissent comme aléatoires », cependant qu'il n'avait émis à ce sujet qu'une simple hypothèse, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise en attribuant à l'expert judiciaire une conclusion qui n'était pas la sienne et violé le principe susvisé ;

3°/ ALORS QUE le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; qu'en l'espèce, la société Kia Motors France faisait expressément valoir dans ses écritures d'appel que le désordre litigieux ne rendait pas, en tout état de cause, le véhicule impropre à sa destination, ainsi que cela résultait du rapport d'expertise (conclusions, p. 6, § 4) ; qu'en se bornant à affirmer que le désordre survenu était en lien direct et certain avec un défaut de conception ou de montage imputable à la société exposante pour en déduire que celle-ci était tenue au titre de la garantie des vices cachés envers la société Ambulances de la Vallée, sans constater que le vice allégué rendait le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné, ou diminuait celui-ci au point que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou en aurait donné un moindre prix, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du Code civil ;

4°/ ALORS QUE la garantie contractuelle accordée par un fabricant ne se confond pas avec la garantie des vices cachés ; qu'en conséquence, le fait qu'un fabricant accorde sa garantie contractuelle de constructeur n'implique en rien l'existence d'un vice caché, les conditions de mise en oeuvre des deux garanties étant parfaitement distinctes ; qu'en retenant en l'espèce, pour décider que la société Kia Motors France était tenue au titre de la garantie des vices cachés envers la société Ambulances de la Vallée, qu'elle avait « admis que le véhicule était couvert par sa garantie contractuelle au moment de la panne », la Cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé l'article 1641 du Code civil ;

5°/ ALORS QUE, subsidiairement, si le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, ce n'est toutefois qu'à la condition qu'un lien de causalité puisse être établi entre le préjudice subi par l'acheteur et le vice caché ; qu'en l'espèce, la société Ambulance de la Vallée a subi deux préjudices distincts, l'un lié à la nécessité de procéder à la remise en état du véhicule, l'autre découlant de la durée d'immobilisation de celui-ci pendant trois années ; que s'agissant du préjudice d'immobilisation du véhicule, la Cour d'appel a elle-même relevé que « la société Erramuzpe était en possession de la pièce de rechange mais n'a pas fait la réparation pendant le cours de la procédure », qu'il « est constant que le réparateur qui n'a pas procédé au remplacement des pièces défectueuses, nécessaire à la réparation dont son client l'a chargé, ou dont l'intervention a aggravé le dommage subi, engage sa responsabilité contractuelle », que la société Erramuzpe Automobiles « est intervenue de manière intempestive sur le véhicule après la panne sans résoudre le problème. Elle a tardé, une fois en possession des pièces de rechange à faire les réparations nécessaires, dont le coût était par ailleurs raisonnable, et s'est abstenue de mettre en oeuvre les procédures habituelles dans le cadre de la garantie constructeur en se dispensant de manière incompréhensible d'adresser à la SAS Kia Motors France une demande de prise en charge » et que « c'est donc bien en raison de sa carence que la SARL Ambulances de la Vallée a été contrainte d'engager une procédure judiciaire » ; qu'il résultait de ces différentes constatations que le préjudice lié à l'immobilisation du véhicule litigieux pendant trois années trouvait sa cause exclusive dans la carence fautive de la société Erramuzpe Automobiles qui, en possession de la pièce de rechange immédiatement fournie par la société Kia Motors France, a refusé de procéder, dans le mois suivant la panne, à une réparation en soi peu coûteuse, qui aurait clos le litige et évité l'action en justice engagée par l'acheteur ; qu'en décidant cependant que la société exposante était responsable in solidum avec la société Erramuzpe Automobiles de l'ensemble des préjudices subis par la société Ambulances de la Vallée, en ce compris le préjudice d'immobilisation du véhicule, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1645 du Code civil ;

6°/ ALORS QUE, plus subsidiairement encore, la société Kia Motors France faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'expert-comptable, qui avait calculé la perte de marge sur les courses effectuées par la société Ambulances de la Vallée du fait de l'utilisation d'un VSL au lieu d'un véhicule taxi, se fondait sur un principe contraire aux dispositions du Code de la sécurité sociale, ce qui faussait totalement ses calculs ; qu'elle soutenait ainsi que « le choix du transport n'est nullement laissé à l'entreprise mais résulte d'une prescription médicale laquelle doit être guidée par un souci d'économie compatible avec l'état de santé du patient. Dès lors, la société Ambulances de la Vallée n'est pas fondée à solliciter une perte de marge sur chacune des courses effectuées mais exclusivement sur celles pour lesquelles un taxi était requis (et non un VSL) et qu'elle n'a donc pu honorer. Or la société Ambulances de la Vallée n'apporte aucun élément de preuve de nature à permettre de déterminer les courses qu'elle a été contrainte de refuser au motif qu'elle n'avait pas de véhicule disponible » (conclusions, p. 12) ; qu'en se bornant à retenir qu'« il a été déterminé par l'expert-comptable que la perte de marge sur les courses effectuées par un VSL plutôt que par un taxi est de 1.207 euros », pour en déduire que « le préjudice subi par la SARL Ambulances de la Vallée doit être évalué à 43.452 euros HT », sans répondre à ce moyen déterminant des écritures d'appel de la société exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

7°/ ALORS QUE, plus subsidiairement encore, il résulte du principe de la réparation intégrale, dont l'objectif est de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, que les dommages-intérêts alloués à la victime doivent réparer son entier préjudice sans toutefois pouvoir excéder celui-ci ; qu'en l'espèce, les redevances réglées par la société Ambulances de la Vallée au titre du crédit-bail portant sur le véhicule litigieux, pendant les trois années de son immobilisation, correspondaient en partie au coût du véhicule, dont la propriété était appelée à lui bénéficier à la levée de l'option et avaient en outre été compensées par la mise à disposition gratuite d'un véhicule par la société Erramuzpe Automobiles ; qu'en octroyant cependant à la société Ambulances de la Vallée des dommages-intérêts incluant la totalité du coût du crédit-bail pendant les trois années d'immobilisation du véhicule pour une somme de 9.761 euros HT, ce qui excédait manifestement le préjudice réellement subi par l'acquéreur, la Cour d'appel a violé l'article 1645 du Code civil ;

8°/ ALORS QUE, plus subsidiairement encore, les conclusions de la société Kia Motors France faisaient expressément valoir en l'espèce que le montant des redevances de crédit-bail ne pouvait être pris en compte dans le calcul du préjudice de la société Ambulances de la Vallée, dans la mesure où ces redevances intégraient le coût du véhicule dont la propriété bénéficierait à cette dernière à la levée de l'option et avaient en outre été compensées par la mise à disposition gratuite d'un véhicule par la société Erramuzpe Automobiles (conclusions, p. 14) ; qu'en affirmant de façon péremptoire que les frais de crédit-bail avaient couru pendant trois années sans aucune contrepartie, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions d'appel de la société exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

9°/ ALORS QUE, plus subsidiairement encore, les juges ne peuvent déclarer un fait établi sans préciser sur quel élément de preuve ils se fondent, ou sans procéder à une analyse sommaire de cet élément ; qu'en énonçant en l'espèce que les frais d'assurance et de crédit-bail ayant couru pendant la période d'immobilisation de trois ans étaient d'un montant de 2.672 euros pour l'assurance et de 9.761 euros pour le crédit-bail, sans préciser quels éléments de preuve fondaient cette évaluation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

10°/ ALORS QUE, plus subsidiairement encore, la société Kia Motors France soulignait expressément dans ses conclusions d'appel que le montant des frais d'assurance et des redevances de crédit-bail n'était étayé par aucun document de nature à justifier la réalité de ces coûts (conclusions, p. 14), ce qui était confirmé par la liste des pièces produites par la société Ambulances de la Vallée, limitées à deux courriers de l'expert-comptable, à l'exclusion de tout autre document ; qu'en affirmant de façon péremptoire que les frais d'assurance et de crédit-bail ayant couru pendant la période d'immobilisation de trois ans étaient d'un montant de 2.672 euros pour l'assurance et de 9.761 euros pour le crédit-bail, sans répondre aux écritures d'appel de la société exposante sur ce point, la Cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Erramuzpe automobiles.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué attaqué d'AVOIR déclaré les sociétés Erramuzpe Automobiles et Kia Motors France responsables in solidum du préjudice subi par la société Ambulances de la Vallée et de les AVOIR en conséquence condamnées in solidum à payer à cette dernière la somme de 55.885 euros HT au titre de la réparation de son préjudice, outre celle de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE le préjudice de la SARL Ambulances de la Vallée ne peut s'apprécier qu'au regard du chiffres d'affaires antérieur mais seulement en fonction de la part d'exploitation liée à l'immobilisation du véhicule en panne.
Pour évaluer son préjudice, la SARL Ambulances de la Vallée s'appuie sur deux notes rédigées par M. S..., expert-comptable, qui chiffre le préjudice subi jusqu'en février 2015.
Ainsi que le fait justement remarquer la SAS Kia Motors France, la SARL Ambulances de la Vallée ne peut invoquer à la fois une perte de marge liée à l'utilisation d'un véhicule de substitution et une perte de chiffre d'affaires résultant de l'impossibilité d'honorer ses commandes en raison de l'immobilisation dudit véhicule.
La SAS Erramuzpe Automobiles soutient avoir mis à la disposition de la SARL Ambulances de la Vallée un véhicule de substitution, ce que cette dernière ne conteste pas. L'immobilisation du véhicule en panne a duré 36 mois de novembre 2013 à octobre 2016. Rien n'indique que ce délai soit imputable à un refus de la SARL Ambulances de la Vallée de procéder à la remise en état.
Il a été déterminé par l'expert-comptable que la perte de marge sur les courses effectuées par un VSL plutôt que par un taxi est de 1.207 euros. Par conséquent, le préjudice subi par la SARL Ambulances de la Vallée doit être évalué à 43.452 euros HT.
Il conviendra d'y ajouter les frais d'assurance et de crédit-bail qui ont couru sans contrepartie durant cette période d'immobilisation, soit 2.672 euros pour l'assurance et 9.761 euros HT pour le coût du crédit-bail.
En conséquence, la SAS Erramuzpe Automobiles et la SAS Kia Motors France seront condamnées in solidum à payer à la SARL Ambulances de la Vallée la somme de 55.885 euros HT au titre de la réparation de son préjudice jusqu'en octobre 2016 ;

ALORS DE PREMIERE PART QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que la société Erramuzpe Automobiles faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 9, § 4 et s.), que l'expert-comptable, qui avait calculé la perte de marge sur les courses effectuées par la société Ambulances de la Vallée du fait de l'utilisation d'un VSL au lieu d'un véhicule taxi, se fondait sur un principe contraire aux dispositions du Code de la sécurité sociale, ce qui faussait totalement ses calculs ; qu'en se bornant à retenir qu'il a été déterminé par l'expert-comptable que la perte de marge sur les courses effectuées par un VSL plutôt que par un taxi est de 1.207 euros, pour en déduire que le préjudice subi par la SARL Ambulances de la Vallée doit être évalué à 43.452 euros HT, sans répondre à ce moyen déterminant des écritures d'appel de la société exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS DE DEUXIEME PART QU'il résulte du principe de la réparation intégrale, dont l'objectif est de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, que les dommages-intérêts alloués à la victime doivent réparer son entier préjudice sans toutefois pouvoir excéder celui-ci ; qu'en l'espèce, les redevances réglées par la société Ambulances de la Vallée au titre du crédit-bail portant sur le véhicule litigieux, pendant les trois années de son immobilisation, correspondaient en partie au coût du véhicule, dont la propriété était appelée à lui bénéficier à la levée de l'option et avaient en outre été compensées par la mise à disposition gratuite d'un véhicule par la société Erramuzpe Automobiles ; qu'en octroyant cependant à la société Ambulances de la Vallée des dommages-intérêts incluant la totalité du coût du crédit-bail pendant les trois années d'immobilisation du véhicule pour une somme de 9.761 euros HT, ce qui excédait manifestement le préjudice réellement subi par l'acquéreur, la cour d'appel a violé l'article 1645 du code civil ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que les conclusions de la société Erramuzpe Automobiles (p. 10 in limine) faisaient expressément valoir que le montant des redevances de crédit-bail ne pouvait être pris en compte dans le calcul du préjudice de la société Ambulances de la Vallée, dans la mesure où ces redevances intégraient le coût du véhicule dont la propriété bénéficierait à cette dernière à la levée de l'option et avaient en outre été compensées par la mise à disposition gratuite d'un véhicule par la société Erramuzpe Automobiles ; qu'en affirmant de façon péremptoire que les frais de crédit-bail avaient couru pendant trois années sans aucune contrepartie, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions d'appel de la société exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS DE QUATRIEME PART QUE les juges ne peuvent déclarer un fait établi sans préciser sur quel élément de preuve ils se fondent ou sans procéder à une analyse sommaire de cet élément ; qu'en énonçant que les frais d'assurance et de crédit-bail ayant couru pendant la période d'immobilisation de trois ans étaient d'un montant de 2.672 euros pour l'assurance et de 9.761 euros pour le crédit-bail, sans préciser quels éléments de preuve fondaient cette évaluation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-15315
Date de la décision : 10/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 29 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 mar. 2021, pourvoi n°19-15315


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.15315
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