LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 mars 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 168 FS-D
Pourvoi n° J 20-14.509
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021
La société Ouest sablage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 20-14.509 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la société Exopeint, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Ouest sablage, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Exopeint, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, M. Jobert, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, Zedda, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 décembre 2019), l'établissement public Voies navigables de France a confié la rénovation d'une écluse à la société Baudin Châteauneuf, qui a sous-traité certains travaux à la société Exopeint. Celle-ci a sous-traité le sablage des portes à la société Ouest sablage.
2. Le chantier ayant été interrompu à deux reprises, d'abord à cause du retard pour sortir les portes de l'écluse de l'eau, puis en raison de la présence d'amiante dans les peintures, la société Ouest sablage, qui était venue sur place avec son personnel et son matériel, a assigné la société Exopeint en paiement de ses frais.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Ouest sablage fait grief à l'arrêt de limiter à 6 601,92 euros la somme que la société Exopeint a été condamnée à lui payer à titre de dommages-intérêts et de rejeter ses autres demandes, alors « que seul constitue un cas de force majeure un événement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat ; qu'en déduisant le caractère imprévisible de la présence d'amiante sur les portes de motifs inopérants et généraux tirés de ce que la société Exopeint n'était pas leur propriétaire ni leur gardienne sans rechercher, comme il lui était demandé, si la présence d'amiante dans une peinture ancienne recouvrant les portes d'une écluse n'était pas prévisible pour cette société spécialisée dans le domaine du bâtiment de sorte qu'elle aurait dû s'assurer de sa composition chimique avant de sous-traiter à la société Ouest Sablage son décapage par sablage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1148 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1147 et 1148 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
4. Selon le premier de ces textes, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
5. Aux termes du second, il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.
6. Pour limiter à la somme de 6 601,92 euros les dommages-intérêts que la société Exopeint a été condamnée à payer à la société Ouest sablage et rejeter ses autres demandes, l'arrêt retient que la société Exopeint n'est pas entrepreneur principal mais sous-traitant de la société Baudin Châteauneuf et que la présence d'amiante sur les portes constituait pour elle un événement extérieur, imprévisible et irrésistible dès lors qu'elle n'était ni propriétaire ni gardienne de l'objet du contrat et n'avait pas la maîtrise du chantier.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la présence d'amiante dans une peinture ancienne recouvrant les portes de l'écluse n'était pas prévisible pour la société Exopeint, société spécialisée qui avait sous-traité le décapage des portes à la société Ouest sablage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 6 601,92 euros l'indemnité allouée à la société Ouest sablage, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne la société Exopeint aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Ouest sablage.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité à 6.601,92 € la somme que la société Exopeint a été condamnée à payer à la société Ouest Sablage à titre de dommages-intérêts, et d'avoir rejeté les demandes de la société Ouest Sablage pour le surplus ;
Aux motifs qu'il ressort des pièces que la société Ouest Sablage a pu intervenir sur les portes les 10 et 11 septembre 2013, mais que le chantier a ensuite été interrompu en raison de la présence d'amiante sur les portes.
Contrairement à ce que soutient la société Ouest Sablage, il ne saurait être tiré argument du paiement de la facture du 23 septembre 2013 pour un montant de 8.515,52 euros dès lors qu'il correspond aux prestations effectuées les 10 et 11 septembre 2013, ce dont il se déduit qu'aucune reconnaissance de responsabilité par la société Exopeint ne peut être retenue à ce titre.
Pour s'opposer à la demande de son sous-traitant, la société Exopeint se place sur le terrain de la force majeure et fait valoir que la présence d'amiante sur les portes constitue pour elle un cas de force majeure, ayant justifié l'arrêt du chantier et en conséquence le non-respect de ses engagements contractuels à l'égard de la société Ouest Sablage.
Cette dernière réplique que les conditions de la force majeure ne sont pas remplies.
Cependant, il est établi que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la société Exopeint n'est pas entrepreneur principal, mais sous-traitant de la société Baudin Châteauneuf.
N'étant ni propriétaire ni gardienne de l'objet du contrat et n'ayant aucunement la maîtrise du chantier, il s'en déduit que la présence d'amiante sur les portes, objet du contrat, constituait pour elle un événement extérieur, imprévisible et irrésistible.
Le jugement sera ainsi infirmé et la société Exopeint sera déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour la période postérieure au 11 septembre 2013 ;
ALORS D'UNE PART QUE seul constitue un cas de force majeure un événement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat ; qu'en déduisant le caractère imprévisible de la présence d'amiante sur les portes de motifs inopérants et généraux tirés de ce que la société Exopeint n'était pas leur propriétaire ni leur gardienne sans rechercher, comme il lui était demandé, si la présence d'amiante dans une peinture ancienne recouvrant les portes d'une écluse n'était pas prévisible pour cette société spécialisée dans le domaine du bâtiment de sorte qu'elle aurait dû s'assurer de sa composition chimique avant de sous-traiter à la société Ouest Sablage son décapage par sablage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1148 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
ALORS D'AUTRE PART QUE seul constitue un cas de force majeure un événement présentant un caractère irrésistible dans l'exécution du contrat ; qu'en déduisant le caractère irrésistible de la présence d'amiante sur les portes de l'écluse de motifs inopérants et généraux tirés de ce que la société Exopeint n'était pas leur propriétaire ni leur gardienne et de ce qu'elle n'avait pas la maîtrise du marché sans rechercher comme il lui était demandé si le désamiantage des portes était définitivement et absolument impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1148 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
ALORS ENFIN QUE le vice affectant la chose objet du contrat ne peut constituer un cas de force majeure que s'il est extérieur à l'activité du débiteur ; qu'en déduisant l'extériorité de la présence d'amiante sur les portes de l'écluse de motifs inopérants et généraux tirés de ce que la société Exopeint n'était pas leur propriétaire ni leur gardienne sans expliquer en quoi elle était extérieure à l'activité de cette société, spécialisée dans le domaine du bâtiment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1148 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.