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04/03/2021 | FRANCE | N°20-11726

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 mars 2021, 20-11726


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 170 FS-P

Pourvoi n° J 20-11.726

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

M. U... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 20-11.726 contre

l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige l'opposant à la commune de Cabrières, repré...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 170 FS-P

Pourvoi n° J 20-11.726

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

M. U... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 20-11.726 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige l'opposant à la commune de Cabrières, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [...], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. P..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de la commune de Cabrières, et après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, Mme Abgrall, M. Jobert, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 novembre 2019), M. P... est propriétaire d'un mas situé sur la commune de Cabrières, en zone agricole du plan local d'urbanisme où ne sont autorisées que les constructions nécessaires à l'activité agricole.

2. Lui reprochant d'avoir aménagé dans les lieux plusieurs appartements à usage d'habitation, qu'il a donnés à bail, la commune de Cabrières l'a assigné en remise en état.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. P... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors :

« 1°/ que la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage porte atteinte au droit au domicile des personnes y demeurant ; qu'il appartient au juge de s'assurer que l'ingérence dans ce droit est nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en retenant, pour ordonner la remise en état des logements n° 7, 8, 9, 10 et 11, que seuls les locataires des logements de M. P..., concernés par la mesure de démolition, pouvaient invoquer les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, quand la remise en état des logements destinés à l'habitation en locaux destinés à l'exploitation agricole, qui a pour effet de contraindre les locataires à quitter leur domicile, ne peut être ordonnée qu'après un examen de tous les intérêts en présence, la cour d'appel a violé l'article 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

2°/ que la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage porte atteinte au droit au domicile des personnes y demeurant ; qu'il appartient au juge de s'assurer que l'ingérence dans ce droit est nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en retenant que, répondant à l'intérêt général, la mesure sollicitée était proportionnée, sans rechercher si, la mise en conformité de logements occupés par des familles toutes composées de jeunes enfants âgés entre six mois et cinq ans, n'avait pas pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit au domicile des locataires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

6. Il résulte de cette disposition que celui qui invoque la violation du droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile, garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention), doit justifier d'un intérêt personnel à agir, en démontrant qu'il est victime de la violation alléguée.

7. Cette condition rejoint celle découlant de l'article 34 de la Convention. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, pour pouvoir introduire une requête en vertu de ce texte, un individu doit pouvoir se prétendre victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention, ce qui suppose qu'il ait été personnellement touché par la violation alléguée (CEDH, décision du 12 novembre 2013, Occhetto c. Italie, n° 14507/07, § 37).

8. Ayant relevé que le logement de M. P... n'était pas concerné par le litige et exactement retenu que seuls ses locataires étaient à même d'invoquer les dispositions de l'article 8 de la Convention, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à un contrôle de proportionnalité que ses constatations rendaient inopérant, a légalement justifié sa décision d'ordonner la remise en état des bâtiments modifiés en méconnaissance des règles d'urbanisme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. P... et le condamne à payer à la commune de Cabrières la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. P...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription s'agissant des appartements n° 7, 8, 9, 10 et 11 sur le plan de l'expert et en conséquence, a déclaré l'action de la commune recevable pour ces appartements ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE au regard des termes des dernières conclusions des parties qui maintiennent des moyens et prétentions sur lesquels la cour s'est déjà prononcée dans son précédent arrêt, il est rappelé que le dispositif de l'arrêt du 8 juin 2017 est le suivant : - réforme le jugement rendu le 4 juillet 2016 par le tribunal de grande instance de Nîmes en ce qu'il a dit que l'action de la commune de Cabrières n'est pas prescrite, Statuant à nouveau, - dit et juge que l'action de la commune de Cabrières est prescrite pour quatre, des appartements concernés par la demande de subvention accordée le 14 décembre 1972 par l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. Ces disposition bénéficient de l'autorité de la chose jugée et ne peuvent en conséquence être remises en cause. Par ailleurs, l'appelant maintenant le moyen tiré de la non rétroactivité de l'article L 480-14 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010, la cour rappelle que la non-rétroactivité d'une loi nouvelle n'exclut pas son application immédiate aux situations juridique non contractuelles en cours. M. U... P... ne peut se prévaloir d'un droit acquis à la législation antérieure tant que les constructions érigées en violation des règles d'urbanisme applicables depuis l'adoption du plan local d'urbanisme ne bénéficient pas de la prescription décennale fixée par l'article L.480-14 du code de l'urbanisme. Il est seulement ajouté que M. P... se prévaut vainement de la violation de son droit de propriété tel que garanti par l'article 1er du protocole additionnel de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que l'atteinte prévue par le législateur, est proportionnée au respect de l'intérêt général de faire respecter les règles d'urbanisme. En cet état, seul demeure en litige le sort de six appartements, pour lesquels la commune maintient sa demande de remise en état et M. U... P... oppose le moyen tiré de la prescription décennale de l'article susvisé selon lequel l'action civile de la commune se prescrit par dix ans à compter de l'achèvement des travaux. L'action engagée par la commune par l'assignation en référé du 24 juin 2013 a interrompu la prescription dont pourrait se prévaloir M U... P..., ce qui signifie que les appartements construits et les ouvertures créées avant le 24 juin 2003 bénéficient de la prescription invoquée, qu'en revanche il n'en est pas de mème pour les ouvertures et les appartements créés après cette date. C'est afin de permettre à la cour de fixer la date d'achèvement des six autres appartements qu'a été ordonnée, avant dire droit sur les demandes de la commune, une mesure d'expertise confiée à Mme R.... M. P... soulève la nullité de ce rapport au motif que l'expert n'aurait pas respecté les devoirs d'objectivité et impartialité imposés par l'article 237 du code de procédure civile. L'article 175 du code de procédure civile dispose que la nullité des décisions et actes relatifs aux mesures d'instruction est régie par les dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure énoncées les articles 112 et suivants du même code. Or, en l'espèce, il est établi que M. P... a notifié des conclusions au fond les 11 février et 11 mars 2019 sans soulever la nullité du rapport d'expertise, invoquée la première fois dans les conclusions du 27 août 2019, de sorte qu'en application de l'article 112, la nullité alléguée est couverte et comme telle irrecevable. Les conclusions de l'expert judiciaire sont les suivantes : - les appartements 1, 2, 3 et 4 existaient avant 2003 comme conclu dans l'arrêt, - l'appartement 5 existait avant 2003 mais pas sous sa forme actuelle, - les appartements 8n 9n 10 et 11 ont été construits après 2009 à la place de deux hangars agricoles, - l'appartement 7 a été construit à partir de 2006 à la place de deux hangars dont celui extérieur au mas a servi de logement sommaire à un berge dans les années 90. S'agissant de l'appartement n°5, il résulte des investigations auxquelles a procédé l'expert que ce logement a été remanié mais existait déjà sous la forme de logements u usage d'habitation, avant 2003. Les parties ne contestent pas les conclusions de l'expert sur ce point. En conséquence, s'agissant de ce logement, attenant à celui occupé par M. U... P..., reconstruit en 1996 après un incendie, et équipé d'huisseries datées de 1995, ce dernier peut également se prévaloir de la prescription décennale. L'action de la commune est en conséquence irrecevable. Pour les cinq autres appartements, il est rappelé que l'aveu fait au cours d'une instance précédente, même opposant les mêmes parties, n'a pas le caractère d'un aveu judiciaire et n'en produit par les mêmes effets. En conséquence, la cour ne peut, ainsi que le sollicite la commune, s'emparer des conclusions remises par M. U... P... lors de l'instance en référé, comme valant aveu de la date d'achèvement des logements litigieux. En ce qui concerne l'appartement n°7, il a été aménagé dans deux hangars agricoles, ainsi que le confirment les plans annexés à la déclaration préalable déposée le 27 juillet 2009, étant relevé qu'il est constant que les travaux avaient été réalisés auparavant. L'expert a également relevé que : - le contrôleur du service public d'assainissement non collectif qui a procédé à la vérification des trois fosses septiques présentes sur le mas en novembre 2009, mentionne s'agissant de l'installation n°3, qui se rapporte à ce logement, compte tenu du nombre de pièces et d'occupants, une construction et une installation de l'assainissement en 2006, selon la date qui lui a été communiquée, - les menuiseries sont datées de 2008, - sur la photographie aérienne du 29 avril 2006, l'emprise du hangar donnant sur la cour n'est pas encore élargie, - à partie de 2006, l'emprise de ce hangar est plus importante au cadastre, de 68m² à 97m², ce que confirme la photographie aérienne de 2015. En l'état de ces éléments, la seule attestation de M. N..., selon lequel, «
sur la gauche du portail il y avait une petite maison où habitait un type âgé, un peu sauvage
», sans aucune précision de date, ne saurait suffire à établir la destination d'habitation d'un de ces hangars, avant 2003, d'autant que les pièces ci-dessus établissent des modifications du hangar donnant sur la cour postérieurement à 2006. La cour observe qu'elle trouve pas l'attestation de M. O... dans le dossier de M. P.... En conséquence, au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas établi que ces deux hangars étaient à usage d'habitation, dans leur configuration constatée par l'expert, antérieurement au 24 juin 2003. Il s'ensuit que l'action de la commune n'est pas prescrite. La contestation de M. P... porte principalement sur les conclusions de l'expert s'agissant des appartements n° 8, 9, 10 et 11 situés dans l'aile nord du mas, en ce qu'il affirme que le bâtiment a été surélevé. Afin de contester cette affirmation, il produit un rapport amiable de M. G..., architecte, également expert judiciaire, qui affirme au vu des pièces produites, que la réalité est que la toiture du bâtiment nord a fait l'objet d'une troncature, l'assiette du bâtiment est toujours la même. En tout état de cause que les - 4 – hangars situés au nord aient été surélevés ou pas, les pièces du dossier établissent que manifestement ces appartements n'ont pas été construits avant 2003. Ainsi, ils n'existaient pas à la date de la déclaration préalable déposée en 2009, ne figurant ni sur les plans, ni sur les photographies annexées. Par ailleurs, la comparaison des photographies aériennes démontre que le 28 janvier 2009, il n'existait aucune terrasse devant ces hangars, alors que sur celle du 3 juin 2010, on voit clairement, ces terrasses ou courettes en cours de réalisation et surtout les poutres des appartements n°8, 9 et 10, ce qui confirme, au demeurant, la troncature de la toiture constatée par M. G..., qui a permis de réaliser des pièces à l'étage. Quant à l'appartement n°11, on voit sur ce cliché la toiture en tôle grise, ultérieurement modifiée (photographie de 2017). En cet état, quelle que soit la nature des travaux entrepris, il est établi qu'ils ont été réalisés en 2010, par la transformation de bâtiments agricoles (anciennement écurie, bergerie, granges à foin) en logements destinés à l'habitation, de sorte que la prescription n'est pas davantage acquise pour ces quatre appartements ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE M. P... soutient que l'action en démolition prévue par l'article L.480-14 du code de l'urbanisme est prescrite car la portée de l'article a été modifiée par la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010, quant aux pouvoirs des communes, ce qui le rend inapplicable, au regard du principe de non-rétroactivité des lois. Certes la modification apportée à l'article L.480-14 du code de l'urbanisme par la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite Grenelle II, a ouvert aux communes (ou EPCI compétents) une action civile en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans autorisation d'urbanisme ou en méconnaissance de cette autorisation, en supprimant le renvoi à l'existence de risques naturels prévisibles. Toutefois, la loi de 2010 n'a pas modifié le délai de prescription de l'action civile qui reste de dix ans à compter de l'achèvement des travaux. En l'espèce, Monsieur P... ne peut sérieusement soutenir aujourd'hui que les derniers travaux d'aménagement ont été réalisés en 1992, puis reconstruits à l'identique après un incendie de 1996, alors qu'il soutenait dans ses conclusions devant el juge des référés que les aménagements avaient été réalisés « dès 1995 » et « jusqu'en 2005 » (page 3 des conclusions), et produisait des factures des travaux d'aménagement allant jusqu'en 2007. Il est, par ailleurs, établi que la partie accueillant les logements d'habitation étaient qualifiés de « hangar existant » dans le dossier de « déclaration préalable » déposé le 27 juillet 2009 par Monsieur U... P.... Ainsi, le procès-verbal du 17 octobre 2012 constatant l'aménagement des logements, et la présente assignation du 18 novembre 2014 ont bien été établis dans le délai légal de 10 ans. Il convient donc de dire que l'action civile mise en oeuvre par la commune de Cabrières n'est pas prescrite ;

1°) ALORS QU'en retenant, pour décider que l'appartement n°7 avait été aménagé et destiné à usage d'habitation en 2006, que le contrôleur du service public d'assainissement non collectif mentionnait que l'assainissement aurait été installé cette année-là, que les menuiseries étaient datées de 2008 et que le hangar avait été élargi en 2006, sans répondre au moyen de M. P... selon lequel ces travaux avaient pour seule finalité d'entretenir, améliorer et mettre aux normes ce logement, qui servait, de longue date, d'habitation au berger du mas, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE constitue une dénaturation par omission le fait de tenir pour inexistante une pièce versée aux débats ; qu'en énonçant, pour décider qu'il n'était pas établi que l'appartement n°7 était, avant 2003, destiné à l'habitation, que la cour ne trouvait pas l'attestation de M. O... dans le dossier de M. P..., quand cette attestation, qui était de nature à établir les lieux étaient, avant 2003, destinés à l'habitation, était annexée au rapport du 26 février 2018 de l'expertise ordonnée par la cour, la cour d'appel a dénaturé par omission l'attestation de M. O..., en violation du principe interdisant aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ;

3°) ALORS, subsidiairement, QUE dès lors qu'une pièce figure sur la liste des pièces annexées au rapport d'expertise, le juge qui ne trouve pas les pièces en cause dans le dossier qui lui est soumis, a l'obligation d'interpeler les parties sur ce point ; qu'en retenant qu'elle ne trouvait pas l'attestation de M. O... dans le dossier de M. P..., sans avoir invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de cette attestation, qui figurait sur la liste des pièces annexées au rapport d'expertise judiciaire, et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU'il appartient à la commune de démontrer que les travaux se sont accompagnés d'un changement de destination des locaux ; qu'en retenant, pour décider que les travaux s'étaient accompagnés d'un changement de destination, que M. P... n'établissait pas que l'appartement n°7 était à usage d'habitation avant les travaux, quand il revenait à la commune d'établir la destination antérieure et postérieure aux travaux des appartements, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L.480-14 et R.421-14 du code de l'urbanisme ;

5°) ALORS QUE la cour d'appel relevait qu'une partie de l'appartement n°7 avait servi de logement sommaire à un berger dans les années 90 ; qu'en décidant toutefois qu'il n'était pas établi que l'appartement n°7 était à usage d'habitation dans leur configuration constatée par l'expert, antérieurement au 24 juin 2003, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L.480-14 et R.421-14 du code de l'urbanisme ;

6°) ALORS QU'en retenant, pour décider que les appartements n°8, 9, 10 et 11 n'ont pas été construits avant 2003, qu'ils n'existaient pas à la date de la déclaration préalable déposée en 2009, que la comparaison des photographies aériennes démontrait que le 28 janvier 2009, il n'existait aucune terrasse devant ces hangars alors que sur celle du 3 juin 2010, on voyait clairement ces terrasses ou courettes en cours de réalisation et surtout les poutres des appartements n°8, 9 et 10 et qu'on voyait sur une photographie de 2017 la toiture en tôle grise de l'appartement n°11, sans analyser, même sommairement, le rapport établi par M. A..., qui établissait que tous les bâtiments du mas existaient déjà en 2006 et qu'à l'exception de la création des courettes, l'emprise de l'immeuble n'avait pas évolué, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QU'en retenant que les travaux réalisés en 2010 avaient eu pour effet de transformer les bâtiments agricoles en logements destinés à l'habitation, sans - 6 – analyser, même sommairement, les photographies contenues dans le rapport réalisé par M. G..., qui faisaient apparaître que les appartements n° 8, 9, 10 et 11 étaient, de longue date, climatisés afin de rafraichir des lieux d'habitation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir ordonné la remise des lieux en l'état, impliquant la fermeture des ouvertures crées sur l'aile nord du mas et la cessation d'occuper à titre locatif, s'agissant des appartements identifiés sous les numéros 7, 8, 9, 10 et 11 du rapport d'expertise, dans le délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt, et passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant une durée de six mois, et d'avoir autorisé la commune de Cabrières, à défaut d'exécution, à procéder d'office aux travaux de remise en état aux frais et risques du propriétaire de la parcelle, et à défaut d'exécution au terme du délai imparti, à requérir le concours de la force publique afin d'exécuter l'injonction prononcée ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article L 480-14 de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux. Cette action qui a pour objet la démolition ou la mise en conformité, est destinée à faire cesser une situation illicite, est une action autonome ne nécessitant pas la démonstration d'un préjudice direct et personnel causé par les constructions irrégulières. En l'espèce, il est établi que des ouvertures ont été créées sur l'aile nord du mas, or, en application de l'article R 421-14 du code de l'urbanisme sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes.....c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28. En l'espèce, ces ouvertures modifiant les façades se sont accompagnés d'un changement de destination de bâtiments. Par ailleurs, il est constant que le mas de Saint-Privat est situé en zone agricole du plan local d'urbanisme approuvé le 2 mai 2005 où seules sont autorisées les occupations et utilisations du sol suivantes : « - les constructions et bâtiments directement liés à l'activité agricole, à l'exclusion des constructions à usage d'habitation, notamment les constructions destinées au stockage des produits agricoles à condition que l'intégration au paysage soit étudiée avec soin, - l'aménagement et l'agrandissement des constructions existantes à usage d'habitation nécessaires à l'exploitation agricole à condition que le projet ne conduise pas à un accroissement de plus de 50 % de la surface de plancher hors oeuvre nette existante ». Il est également constant que les logements litigieux, aménagés dans des bâtiments anciennement à destination agricole, sont destinés à la location de particuliers, extérieurs à l'exploitation, ainsi que le démontrent les baux d'habitation versés au dossier, ils ne sont nullement nécessaires à l'activité agricole. En conséquence, la commune est bien fondée à solliciter la remise en état des bâtiments dont la destination a été modifiée en méconnaissance de règles d'urbanisme destinées à - 8 – préserver certains territoires de l'urbanisation. Il sera fait droit à sa demande de ce chef. Afin de s'opposer à cette remise en état, M. P... invoque les dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme selon lequel toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Or, la cour relève que le logement de M. P... numéroté 6 sur le plan de l'expert n'est pas concerné par le présent litige. En procédant en 2010 à des travaux, dont il connaissait nécessairement le caractère illicite, il a pris le risque de la présente action, dont il lui appartiendra d'assumer les conséquences auprès de ses locataires, seuls à même d'invoquer les dispositions de l'article susvisé. Il s'ensuit que, répondant à l'intérêt général, la mesure sollicitée est proportionnée ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il résulte des éléments du dossier que Monsieur P... a aménagé des logements en contravention avec les dispositions de l'article R 421-14 du code de l'urbanisme qui soumet à permis de construire les travaux, exécutés sur des constructions existantes, lorsqu'ils s'accompagnent d'un changement de destination, en l'espèce en transformant un hangar en logements d'habitation, sans en avoir l'autorisation. La preuve en est rapportée par le procès-verbal du 17 octobre 2012 et par le dépôt de la déclaration préalable du 27 juillet 2009, qui faisait état d'un simple hangar, et non de logements d'habitation. Monsieur P... ne conteste pas ne jamais avoir déposé de demande de permis de construire ni de déclaration préalable de travaux pour ces logements, se contentant d'indiquer que les logements existent depuis 1962, pour des ouvriers agricoles. Mais, les documents qu'il produit ne sont pas de nature à démontrer qu'il n'a pas effectué des travaux de transformation de ces logements dans les dernières années, dans les conditions prévues dans sa demande en mairie. La commune de Cabrières rapporte donc la preuve de la violation du plan local d'urbanisme par Monsieur P..., soit de sa faute, et du dommage en résultant, à savoir la présence d'équipements illégaux dans une zone à caractère agricole, dont la vocation est de lutter contre l'urbanisation à outrance. Il convient donc de condamner Monsieur P... à remettre en état des lieux, impliquant, notamment, la fermeture de toutes les ouvertures créées sans autorisation d'urbanisme, la cessation d'occuper à titre locatif les 10 logements, la remise en état du hangar transformé en logement et la démolition des logements en extérieur du mas (côté droit). Il convient, par ailleurs, d'autoriser la commune de Cabrières, à défaut d'exécution, à procéder d'office aux travaux de remise en état aux frais et risques de l'occupant et du propriétaire de la parcelle, et à défaut d'exécution au terme du délai imparti, la commune de Cabrières à requérir le concours de la force publique afin d'exécuter l'injonction prononcée ;

1°) ALORS QUE la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage porte atteinte au droit au domicile des personnes y demeurant ; qu'il appartient au juge de s'assurer que l'ingérence dans ce droit est nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en retenant, pour ordonner la remise en état des logements n° 7, 8, 9, 10 et 11, que seuls les locataires des logements de M. P..., concernés par la mesure de démolition, pouvaient invoquer les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, quand la remise en état des logements destinés à l'habitation en locaux destinés à l'exploitation agricole, qui a pour effet de contraindre les locataires à quitter leur domicile, ne peut être ordonnée qu'après un examen de tous les intérêts en présence, la cour d'appel a violé l'article 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

2°) ALORS QUE la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage porte atteinte au droit au domicile des personnes y demeurant ; qu'il appartient au juge de s'assurer que l'ingérence dans ce droit est nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en retenant que, répondant à l'intérêt général, la mesure sollicitée était proportionnée, sans rechercher si, la mise en conformité de logements occupés par des familles toutes composées de jeunes enfants âgés entre six mois et cinq ans, n'avait pas pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit au domicile des locataires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-11726
Date de la décision : 04/03/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 8 - Respect de la vie privée et familiale - Atteinte - Conditions pour s'en prévaloir - Intérêt à agir - Caractérisation - Défaut - Application diverses - Propriétaire invoquant la violation du droit à la vie privée et familiale de ses locataires

ACTION EN JUSTICE - Intérêt - Intérêt né et actuel - Caractérisation - Défaut - Applications diverses - Propriétaire invoquant la violation du droit à la vie privée et familiale de ses locataires

Celui qui invoque la violation du droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile, garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit justifier d'un intérêt personnel à agir, en démontrant qu'il est victime de la violation alléguée. Il s'ensuit qu'un propriétaire n'est pas recevable à invoquer la violation du droit à la vie privée et familiale de ses locataires


Références :

article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

article 31 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 07 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 mar. 2021, pourvoi n°20-11726, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.11726
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