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04/03/2021 | FRANCE | N°20-10912

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 mars 2021, 20-10912


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 209 F-D

Pourvoi n° Z 20-10.912

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société Uni'Agrid, société à responsabilité limitée, dont le siège

est [...] , a formé le pourvoi n° Z 20-10.912 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le lit...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 209 F-D

Pourvoi n° Z 20-10.912

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société Uni'Agrid, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 20-10.912 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige l'opposant à la société [...], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de son liquidateur Mme Y... G..., défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Uni'Agrid, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 19 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 novembre 2019), le 29 avril 2003, l'Earl [...] a acquis un corps de ferme, dans lequel la société Uni'Agrid a exercé son activité commerciale à compter du 14 mars 2001, date de sa création.

2. Le 24 novembre 2016, l'Earl [...], reprochant à la société Uni'Agrid d'occuper les lieux sans droit ni titre, l'a assignée en expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation.

3. La société Uni'Agrid a reconventionnellement soutenu être titulaire d'un bail commercial sur l'ensemble des bâtiments composant le corps de ferme.

Examen du moyen

Sur le moyen unique pris, en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Uni'Agrid fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail à ses torts, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que les sociétés Uni'Agrid et [...] étaient liées par un bail, dont l'existence résultait de « deux factures établies par M. A... D..., ancien propriétaire du corps de ferme jusqu'à sa vente intervenue par acte authentique du 29 avril 2003 », libellées au nom de la société Uni'Agrid, « la première portant sur toute l'année 2002, la seconde sur la période du 1er janvier 2003 au 30 avril 2003 », « relatives à la « mise à disposition bâtiments corps de ferme moyennant un prix de 274,41 € par mois, soit la somme annuelle de 3 292,92 € », et que cette occupation avait perduré après l'acquisition de ce corps de ferme par l'Earl [...] ; qu'elle a encore relevé que les deux factures émises par A... D... pour les deux premières années de location en 2002 et 2003 portaient « 'indication « bâtiments » au pluriel sans autre précision », et qu'aux termes de son attestation, M. D... avait indiqué avoir loué à compter de mars 2001 à la société Uni'Agrid « le corps de ferme sans autre précision » ; qu'il résultait de ces constatations que l'assiette du bail verbal conclu initialement entre la Sci Uni'Agrid et l'Earl [...] portait sur le corps de ferme dans sa globalité, et non pas sur un seul des bâtiments le composant, quand bien même les factures ultérieurement émises par l'Earl [...], après cession des parts à Mme G..., portaient comme objet « location bâtiment » au singulier ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Ayant procédé à l'examen de l'ensemble des éléments de preuve produits, la cour d'appel a souverainement retenu que le bail commercial dont elle a dit la société Uni'Agrid titulaire ne portait que sur deux des bâtiments composant le corps de ferme.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième à sixième branches

7. La société Uni'Agrid fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail à ses torts, alors :

« 2°/ que lorsque le bail est verbal, le loyer est nécessairement quérable ; que le bailleur ne saurait reprocher au locataire d'avoir manqué à son obligation de paiement du loyer s'il ne justifie lui-même avoir effectué une demande en vue d'obtenir le règlement du prix du bail ; qu'en l'espèce, la société Uni'Agrid faisait valoir que l'Earl [...] avait cessé toute facturation à partir de 2010 et qu'en l'absence de compte établi entre les parties, elle n'avait pas pu payer des loyers qui ne lui étaient pas facturés et qu'elle ne pouvait traduire en comptabilité ; que la cour d'appel a effectivement constaté que l'Earl [...] qui déniait avoir consenti un bail commercial à la société Uni'Agrid, ne lui a jamais adressé la moindre demande de loyer ; qu'en reprochant à la société Uni'Agrid de n'avoir pas versé un loyer qui ne lui était pas demandé, pour prononcer ensuite la résiliation du bail, la cour d'appel a violé les articles 1247 ancien et 1728 du code civil, ensemble l'article 1217 nouveau du même code ;

3°/ que le juge ne peut pas fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la société Uni'Agrid faisait valoir que l'Earl [...] avait cessé toute facturation à partir de 2010 et qu'en l'absence de compte établi entre les parties, elle n'avait pas pu payer des loyers qui ne lui étaient pas facturés et qu'elle ne pouvait traduire en comptabilité ; que l'Earl [...] qui, à titre principal, contestait l'existence d'un bail commercial entre les parties, n'a jamais prétendu avoir réclamé le moindre loyer à la société occupant les lieux ; qu'or, pour reprocher à la société Uni'Agrid un défaut de paiement des loyers, la cour d'appel a considéré que l'assignation délivrée par l'Earl [...] à la société Uni'Agrid par acte d'huissier du 24 novembre 2016, en paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 140 400 euros, constituait a minima un appel de loyer ; qu'en se fondant ainsi sur un moyen d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que le bailleur ne saurait reprocher au locataire d'avoir manqué à son obligation de paiement du loyer s'il ne justifie lui-même avoir effectué une demande en vue d'obtenir le règlement du prix du bail ; qu'à la différence du loyer, l'indemnité d'occupation n'a pas une nature contractuelle ; qu'en considérant, pour reprocher à la société Uni'Agrid un défaut de paiement des loyers, que l'assignation délivrée par l'Earl [...] à la société Uni'Agrid par acte d'huissier du 24 novembre 2016, en paiement d'une indemnité d'occupation constituait a minima un appel de loyer, la cour d'appel a violé les articles 1247 ancien et 1728 du code civil, ensemble l'article 1217 nouveau du même code ;

5°/ qu'en toute hypothèse, le défaut de réponse à conclusion est un défaut de motif ; qu'en l'espèce, la société Uni'Agrid faisait valoir que jusqu'à l'année 2010, les loyers avaient été payés à l'Earl [...] par compensation avec les prestations de travaux agricoles effectuées par la société Uni'Agrid au profit de l'Earl [...] ; que le défaut de paiement des loyers à compter de l'année 2010 résultait du conflit existant entre M. J... et son ex-épouse, Mme G... qui, dans le cadre des fonctions salariées qu'elle exerçait au sein de la société Uni'Agrid, avait comptabilisé en dettes plusieurs fausses factures émises par l'Earl [...], lesquelles avaient fait l'objet d'un dépôt de plainte ; que la société Uni'Agrid s'était alors opposée à toute compensation entre les sommes qu'elle devait à l'Earl [...] et les sommes qui lui étaient dues par cette dernière, créant un arriéré de loyers ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen de nature à établir que le défaut de paiement des loyers depuis 2010 ne constituait pas une faute suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail aux torts de la société Uni'Agrid, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que si les infractions commises par le locataire aux obligations légales et contractuelles découlant du bail commercial constituent des fautes susceptibles de permettre au bailleur de solliciter la résiliation judiciaire du bail, il est nécessaire que ces infractions présentent un caractère de gravité suffisant pour justifier celle-ci ; qu'en l'espèce, il ressortait de la procédure, qu'assignée par acte d'huissier du 24 novembre 2016, devant le tribunal de grande instance d'Amiens, en expulsion du corps de ferme et en paiement d'une indemnité d'occupation, la société Uni'Agrid avait, par conclusions du 25 avril 2018, offert de payer à l'Earl [...] l'intégralité de l'arriéré de loyers ; qu'en considérant que la persistance de cette dette locative près de trois ans après l'introduction de l'action de l'Earl [...] constitue un manquement grave de la société Uni'Agrid à son obligation essentielle de payer le montant du loyer au terme convenu sans s'expliquer sur l'offre de paiement de l'arriéré de loyer formulée, dès la première instance, par la société Uni'Agrid, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1217 nouveau du code civil. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a retenu que l'occupation par la société Uni'Agrid de l'intégralité du corps de ferme et des terrains attenants excédait l'assiette du bail et relevait d'une exécution abusive de celui-ci.

9. Elle a souverainement déduit, de ce seul motif, que ce manquement justifiait la résolution du bail aux torts de la locataire.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Uni'Agrid aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Uni'Agrid et la condamne à payer à l'Earl [...], prise en la personne de son liquidateur Mme G..., la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Uni'Agrid.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation, aux torts de la société Uni'Agrid, du bail commercial portant sur un hangar à usage d'atelier et son extension ayant respectivement une superficie de 852,70 m² et 105 m², dépendant du corps de ferme sis à [...] et ayant pris effet le 29 avril 2003, date d'acquisition par l'Earl [...] de ce corps de ferme, d'AVOIR condamné la société Uni'Agrid à payer à l'Earl [...] la somme de 39.423,62 euros au titre des loyers impayées arrêtés à la date du prononcé de la décision, et débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QU'au soutien de sa demande subsidiaire en résiliation de bail, l'Earl [...] invoque comme griefs l'obstacle mis par la société Uni'Agrid à une utilisation partagée du corps de ferme, reprochant à cette dernière de s'être ainsi accaparée la totalité de ce corps de ferme et le défaut de versement par celle-ci de la contrepartie onéreuse désormais qualifiée de loyer ; qu'étant de l'essence du bail de conférer la jouissance du bien loué, l'Earl [...] ne peut valablement prétendre exercer sa jouissance sur la chose louée ; que pour autant, il résulte du constat d'huissier du 4 juillet 2012 que le corps de ferme dont s'agit comprend plusieurs parties distinctes, ce corps de ferme étant notamment constitué de divers bâtiments pouvant chacun être individualisé ; que ce corps de ferme étant donc divisible, il convient de rechercher quels étaient les biens loués, autrement dit quelle était l'assiette du bail ; que les parties s'opposent sur cette assiette, l'Earl [...] prétend que n'ont été mis à disposition de la société Uni'Agrid qu'un bâtiment agricole à usage d'atelier et son extension puis, à partie de 2005, suite à des travaux d'aménagement, un bâtiment à usage de bureau comprenant également une salle pour les employés, outre des sanitaires, comprenant lave-mains, toilettes et douche, le reste du corps de ferme lui étant réservé ; que l'occupation par la société Uni'Agrid de bâtiments autres que les deux susvisés correspond à l'accaparement que l'Earl lui reproche ; que la société Uni'Agrid prétend pour sa part que lui a été mis à disposition l'ensemble du corps de ferme, comme son gérant l'a d'ailleurs clairement exprimé à l'huissier qui faisait ses opérations de constat à la demande de l'Earl [...] ; que le contexte particulier de la mise à disposition ci-avant décrit explique que n'a pas été établi lors de celle-ci un état descriptif des biens mis à disposition ; qu'il résulte du jugement de divorce produit que l'ordonnance de non-conciliation est en date du 10 décembre 2007 ; que par ailleurs, dès le 2 mai 2007, Mme Y... G..., ainsi que ses deux frères, s'adressaient à M. R... J... en tant que gérant de la société Uni'Agrid pour l'informer de leur volonté de quitter cette société et qu'ils ne cautionneront plus les achats effectués ; qu'il est donc établi que c'est au cours de l'année 2007 que la séparation, non seulement des époux J.../G... était consommée, mais aussi la fin de l'entente entre les membres de leurs familles respectives, et donc la cessation de toute coopération des sociétés que ces derniers animaient et/ou dirigeaient ; qu'après cette séparation, l'Earl [...] a contesté l'étendue de l'occupation par la société Uni'Agrid ; que le conseil de l'Earl [...], par un courrier du 7 février 2008 adressé à la société Uni'Agrid lui demandait de libérer trois parcelles de terres que sa cliente estimait indûment occupées par cette dernière ; que la société Uni'Agrid rétorquait le 23 février 2008 qu'elle n'avait pas l'intention de libérer ces trois parcelles pour lesquelles elle serait en mesure de revendiquer un bail commercial ; que l'Earl [...] a entendu se ménager une preuve de l'occupation illicite par la société Uni'Agrid d'une partie des bâtiments en faisant établir le constat d'huissier du 5 juin 2009, ayant précisé à l'huissier que cette dernière avait annexé un second bâtiment ainsi qu'un terrain sans son accord ; que le litige étant définitivement consommé dès le début de l'année 2009 entre les parties qui sont restées depuis campées sur leurs positions contraires, l'étendue de l'assiette du bail doit être recherchée à partie d'éléments antérieurs lorsque les parties n'étaient pas encore en conflit ; que n'ayant pas été fait mention dans l'acte de vente de l'existence d'une location du corps de ferme à la société Uni'Agrid, cette location n'était pas opposable à l'Earl [...] en application de l'article 1743 du code civil ; qu'en conséquence, il ne peut être tiré argument de l'indication « bâtiments » au pluriel, sans autre précision figurant sur les deux factures émises par M. A... D... pour les années 2002 et 2003, que l'Earl [...] a mis à la disposition de la société Uni'Agrid l'intégralité de ce corps de ferme après en être devenue propriétaire ; que de même, l'attestation de M. D... selon laquelle il a loué à compter de mars 2001 à la société Uni'Agrid le corps de ferme sans autre précision, outre que cette location et donc son étendue ne sont pas opposable à l'Earl [...], ne renseigne pas sur l'étendue exacte de la mise à disposition par cette société ; que les factures émises par l'Earl [...] les 5 janvier 2004, 2005, 2006, portent comme objet « location bâtiment », ce dernier terme étant employé au singulier ; que la colonne quantité figurant sur les factures est renseignée par le chiffre « 1 » ; que le 5 janvier 2007, étaient émises deux factures, l'une pour une « mise à disposition bâtiment », toujours avec comme mention de quantité « 1 », l'autre relative à une « location de bureau » ; que l'emploi du terme bâtiment au singulier, associé au chiffre 1 comme élément quantitatif, milite en faveur d'une assiette limitée à un seul bâtiment ; qu'un courrier de la compagnie d'assurance Groupama adressé à l'Earl [...] fait état des conditions de la garantie souscrite par cette dernière relative aux biens immobiliers de son assurée affectés à son exploitation (pièce 30 de l'Earl [...]) ; qu'à ce courrier était annexé un plan des bâtiments pour chacun desquels l'assureur a attribué un numéro ; que l'implantation des bâtiments telle qu'elle figure sur ce plan correspond à celle du plan cadastral ; que par ailleurs, à chacun des bâtiments figurant sur le plan cadastral correspond un bâtiment du plan établi par l'assureur de l'Earl [...] ; qu'il est donc retenu que le plan de l'assureur est exhaustif, en ce qu'il porte sur l'ensemble des bâtiments du corps de ferme ; qu'il résulte du courrier précité que la garantie de l'assureur de l'Earl [...] porte sur l'ensemble des bâtiments du corps de ferme, à l'exception des bâtiments n° 3 et 4 du plan qui sont situés au fond de la cour ; que le bâtiment n° 4 apparaissant tant sur le plan cadastral que sur le plan de l'assureur est le plus important du corps de ferme, ce dernier est prolongé par un auvent ou appentis en sa façade donnant sur la cour côté droit ; qu'il ressort du rapprochement de ces plans avec le constat d'huissier du 4 juillet 2012 que le hangar à usage d'atelier dans lequel l'huissier a relevé la présence de plusieurs engins et produits agricoles et pièces mécaniques correspond au bâtiment n° 4 qui compose d'après l'Earl [...] l'assiette du bail, outre les bureaux et sanitaires ; que la souscription par l'Earl [...] d'une assurance pour l'ensemble des bâtiments du corps de ferme autre que ce hangar à usage d'atelier constitue un indice sérieux que l'assiette du bail se limitait à ce bâtiment jusqu'à son extension aux locaux à usage de bureau et sanitaires et que le constat d'huissier permet de localiser dans un bâtiment situé sur la droite de la cour de ferme, bâtiment auquel le plan de l'assureur a attribué le bâtiment n° 2 ; que l'attestation produite par la société Uni'Agrid émanant de M. B... qui était un ami du couple J.../G..., selon laquelle la totalité du corps de ferme est actuellement occupée par l'entreprise de travaux agricoles de M. R... J... et qui ne fait que décrire une situation factuelle et actuelle, ne contrarie par que l'assiette du bail puisse porter uniquement sur le bâtiment n° 4, outre le local à usage de bureau et sanitaires ; qu'il en est de même s'agissant des attestations émanant de M. V..., de M. P... et de M. S... ; que l'attestation de M. A... D..., outre les éléments non probants ci-avant analysés, comprend l'indication que ce dernier n'a jamais vu ne serait-ce qu'un kilo de blé ou autres céréales stockés dans les bâtiments du corps de ferme ; que cette attestation ne permet pas de déduire que l'assiette du bail désormais reconnu entre l'Earl [...] et la société Uni-Agrid s'étendait à l'ensemble du corps de ferme ; qu'il en est de même pour les remarques de son auteur sur la réalisation des travaux culturaux de l'Earl [...] par la société Uni'Agrid, et l'absence de participation de Mme Y... G... aux travaux culturaux ; qu'au vu de ce qui précède, il est retenu que l'assiette du bail dont la société Uni'Agrid est reconnue titulaire ne portait que sur le hangar à usage d'atelier correspondant au bâtiment n° 4 et à son extension correspondant au bâtiment n° 3 selon la numération de ces bâtiments par le plan de l'assureur de l'Earl [...] ; que l'occupation de l'intégralité du corps de ferme et des terrains attenants est établie notamment par le constat du 4 juillet 2012 ; que cette occupation qui excède l'assiette des lieux loués relève en conséquence d'une exécution abusive du bail ; que l'Earl [...] reproche à la société Uni'Agrid d'avoir cessé le règlement de tout loyer à compter de l'année 2010, ce que la société Uni'Agrid ne conteste pas, expliquant avoir cessé ses versements par le fait qu'elle ne recevait plus de factures de loyers et qu'elle ne pouvait donc pas traduire en comptabilité le paiement du loyer ; qu'aux termes de l'article L. 145-33 du code de commerce, seul le montant du loyer du bail renouvelé ou révisé doit correspondre à la valeur locative ; que le montant du loyer du bail d'origine est en conséquence fixé par les parties au montant qu'elles conviennent ; qu'en application de l'article L. 145-9 du code de commerce, à défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail commercial se poursuit par tacite prolongation ; qu'en l'occurrence, il est d'évidence que le bail n'a pas été renouvelé ; que la procédure de révision du loyer instituée par les articles L. 145-38 et R. 145-20 et suivants du code de commerce n'ayant pas été suivie, aucune révision du montant du loyer n'a pu intervenir ; qu'il s'ensuit que le montant du loyer est resté fixé, comme le soutient d'ailleurs la société Uni'Agrid, selon les conditions du bail d'origine ; qu'étant établi par les factures produites qu'a été appelée au titre de la location du bâtiment loué et de son extension la somme annuelle de 3.292 € Ht, soit 3.937,23 € Ttc, il est retenu que le montant du loyer y afférent est fixé à cette même somme ; que le même raisonnement vaut pour les locaux à usage de bureau et sanitaires facturés pour un montant de 4.800 € Ht ; que le montant du loyer annuel s'élève en conséquence à la somme de 8.092 €, ce qui correspond à une somme mensuelle de 674,33 € ; qu'aux termes de l'article 1728 du code civil, le paiement du prix du loyer au terme convenu est une des deux obligations principales du preneur ; que si selon l'article 1247 ancien du code civil, applicable en la cause, le paiement du loyer est quérable à défaut d'une stipulation contraire, l'assignation délivrée par l'Earl [...] à la société Uni'Agrid par acte d'huissier du 24 novembre 2016, en paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 140.400 €, alors même qu'elle se prévaut de l'existence d'un bail commercial et du maintien du loyer au montant des facturations qui lui avaient été adressées, constitue a minima un appel de loyer ; que selon l'attestation du propre expert-comptable de la société Uni'Agrid (pièce 48), qui a soustrait la somme de 34.754,38 € représentant le montant de plusieurs facturations de l'Earl [...] estimées litigieuses par sa cliente et qui a calculé le montant des loyers sur la base des factures établies par l'Earl [...] jusqu'en 2009, sa cliente est redevable, après compensation, de la somme de 33.449,28 € au titre des arriérés de loyers sur la période 2010 à 2017 compris ; que l'Earl [...] n'ayant pas contredit par des éléments circonstanciés l'avis de l'expertcomptable de la société Uni'Agrid, et n'ayant notamment intenté à ce jour aucune action en paiement au titre des facturations contestées par la société Uni'Agrid, et dont la plus ancienne remonte au 31 mars 2007, la proposition de l'expertcomptable de cette dernière de les exclure des dettes dont celle-ci est redevable est pertinente ; que la société Uni'Agrid, aux termes de ses écritures, admet rester redevable, au mois de janvier 2019 compris, de l'intégralité du montant des loyers de 2018 et du loyer du mois de janvier 2019 ; que son propre décompte arrêté à la date du 31 janvier 2019 fait état d'une dette locative de 37.614,30 € (page 30 des conclusions de l'appelante) ; qu'en l'absence de contestation par l'Earl [...], du décompte de la société Uni'Agrid qui repose sur des éléments comptables vérifiés par son expert-comptable, il est retenu que la dette locative arrêtée au 31 janvier 2019 s'établit à la somme de 37.614,30 € ; que la persistance de cette dette locative près de trois ans après l'introduction de l'action de l'Earl [...] constitue un manquement grave de la société Uni'Agrid à son obligation essentielle de payer le montant du loyer au terme convenu ; que cette infraction, ajoutée à l'exécution abusive par la société Uni'Agrid du bail résultant de l'occupation par cette dernière de locaux non compris dans son assiette, est d'une gravité suffisante pour emporter la résiliation du bail ; que la résiliation du bail est en conséquence prononcée aux torts de la société Uni'Agrid ; que le bail étant résilié judiciairement par le présent arrêt, la société Uni'Agrid était redevable jusqu'à son prononcé d'un loyer ; qu'en sus du montant de la dette locative arrêtée au 31 janvier 2019, la société Uni'Agrid était tenue de payer les loyers pour la période ayant couru du mois de février 2019 jusqu'à la date du 14 novembre 2019 ; que le montant des loyers pendant cette période s'élève à la somme de 5.709,32 € [(674,33 x 8) + (674,33/14)] ; que l'Earl [...] ne contestant pas que la société Uni'Agrid a versé par trois fois la somme de 1.300 € depuis le prononcé du jugement, et dont elle fait état page 30 de ses conclusions, la réalité de ces versements est retenue ; qu'il ressort donc que la dette de loyers arrêtée à la date du prononcé du présent arrêt s'élève à la somme de 39.423,62 € (37.614,30 + 5.709,32 € - 3.900 €) ; qu'en l'état de la demande subsidiaire de l'Earl [...] en résiliation de bail, qui ne vise jusqu'à la date de la résiliation que des arriérés de loyers et non une indemnité d'occupation pour la partie des locaux occupés indûment par la société Uni'Agrid, il ne peut être prononcé qu'une condamnation au titre des loyers ; que partant, réformant le jugement entrepris, il y a lieu de condamner la société Uni'Agrid à payer à l'Earl [...] la somme de 39.423,62 € au titre des arriérés de loyers dus jusqu'à la résiliation du bail intervenant à la date du prononcé de l'arrêt ;

1) ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que les sociétés Uni'Agrid et [...] étaient liées par un bail, dont l'existence résultait de « deux factures établies par M. A... D..., ancien propriétaire du corps de ferme jusqu'à sa vente intervenue par acte authentique du 29 avril 2003 », libellées au nom de la société Uni'Agrid, « la première portant sur toute l'année 2002, la seconde sur la période du 1er janvier 2003 au 30 avril 2003 », « relatives à la « mise à disposition bâtiments corps de ferme moyennant un prix de 274,41 € par mois, soit la somme annuelle de 3.292,92 € », et que cette occupation avait perduré après l'acquisition de ce corps de ferme par l'Earl [...] (cf. arrêt, p. 8) ; qu'elle a encore relevé que les deux factures émises par A... D... pour les deux premières années de location en 2002 et 2003 portaient « l'indication « bâtiments » au pluriel sans autre précision », et qu'aux termes de son attestation, M. D... avait indiqué avoir loué à compter de mars 2001 à la société Uni'Agrid « le corps de ferme sans autre précision » (cf. arrêt, p. 12) ; qu'il résultait de ces constatations que l'assiette du bail verbal conclu initialement entre la Sci Uni'Agrid et l'Earl [...] portait sur le corps de ferme dans sa globalité, et non pas sur un seul des bâtiments le composant, quand bien même les factures ultérieurement émises par l'Earl [...], après cession des parts à Mme G..., portaient comme objet « location bâtiment » au singulier ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;

2) ALORS QUE lorsque le bail est verbal, le loyer est nécessairement quérable ; que le bailleur ne saurait reprocher au locataire d'avoir manqué à son obligation de paiement du loyer s'il ne justifie lui-même avoir effectué une demande en vue d'obtenir le règlement du prix du bail ; qu'en l'espèce, la société Uni'Agrid faisait valoir que l'Earl [...] avait cessé toute facturation à partir de 2010 et qu'en l'absence de compte établi entre les parties, elle n'avait pas pu payer des loyers qui ne lui étaient pas facturés et qu'elle ne pouvait traduire en comptabilité ; que la cour d'appel a effectivement constaté que l'Earl [...] qui déniait avoir consenti un bail commercial à la société Uni'Agrid, ne lui a jamais adressé la moindre demande de loyer ; qu'en reprochant à la société Uni'Agrid de n'avoir pas versé un loyer qui ne lui était pas demandé, pour prononcer ensuite la résiliation du bail, la cour d'appel a violé les articles 1247 ancien et 1728 du code civil, ensemble l'article 1217 nouveau du même code ;

3) ALORS QUE le juge ne peut pas fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la société Uni'Agrid faisait valoir que l'Earl [...] avait cessé toute facturation à partir de 2010 et qu'en l'absence de compte établi entre les parties, elle n'avait pas pu payer des loyers qui ne lui étaient pas facturés et qu'elle ne pouvait traduire en comptabilité ; que l'Earl [...] qui, à titre principal, contestait l'existence d'un bail commercial entre les parties, n'a jamais prétendu avoir réclamé le moindre loyer à la société occupant les lieux ; qu'or, pour reprocher à la société Uni'Agrid un défaut de paiement des loyers, la cour d'appel a considéré que l'assignation délivrée par l'Earl [...] à la société Uni'Agrid par acte d'huissier du 24 novembre 2016, en paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 140.400 €, constituait a minima un appel de loyer ; qu'en se fondant ainsi sur un moyen d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE le bailleur ne saurait reprocher au locataire d'avoir manqué à son obligation de paiement du loyer s'il ne justifie lui-même avoir effectué une demande en vue d'obtenir le règlement du prix du bail ; qu'à la différence du loyer, l'indemnité d'occupation n'a pas une nature contractuelle ; qu'en considérant, pour reprocher à la société Uni'Agrid un défaut de paiement des loyers, que l'assignation délivrée par l'Earl [...] à la société Uni'Agrid par acte d'huissier du 24 novembre 2016, en paiement d'une indemnité d'occupation constituait a minima un appel de loyer, la cour d'appel a violé les articles 1247 ancien et 1728 du code civil, ensemble l'article 1217 nouveau du même code ;

5) ALORS, en toute hypothèse, QUE le défaut de réponse à conclusion est un défaut de motif ; qu'en l'espèce, la société Uni'Agrid faisait valoir que jusqu'à l'année 2010, les loyers avaient été payés à l'Earl [...] par compensation avec les prestations de travaux agricoles effectuées par la société Uni'Agrid au profit de l'Earl [...] ; que le défaut de paiement des loyers à compter de l'année 2010 résultait du conflit existant entre M. J... et son ex-épouse, Mme G... qui, dans le cadre des fonctions salariées qu'elle exerçait au sein de la société Uni'Agrid, avait comptabilisé en dettes plusieurs fausses factures émises par l'Earl [...], lesquelles avaient fait l'objet d'un dépôt de plainte ; que la société Uni'Agrid s'était alors opposée à toute compensation entre les sommes qu'elle devait à l'Earl [...] et les sommes qui lui étaient dues par cette dernière, créant un arriéré de loyers (cf. conclusions d'appel, p. 20) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen de nature à établir que le défaut de paiement des loyers depuis 2010 ne constituait pas une faute suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail aux torts de la société Uni'Agrid, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6) ALORS QUE si les infractions commises par le locataire aux obligations légales et contractuelles découlant du bail commercial constituent des fautes susceptibles de permettre au bailleur de solliciter la résiliation judiciaire du bail, il est nécessaire que ces infractions présentent un caractère de gravité suffisant pour justifier celle-ci ; qu'en l'espèce, il ressortait de la procédure, qu'assignée par acte d'huissier du 24 novembre 2016, devant le tribunal de grande instance d'Amiens, en expulsion du corps de ferme et en paiement d'une indemnité d'occupation, la société Uni'Agrid avait, par conclusions du 25 avril 2018, offert de payer à l'Earl [...] l'intégralité de l'arriéré de loyers (jugement, p. 3) ; qu'en considérant que la persistance de cette dette locative près de trois ans après l'introduction de l'action de l'Earl [...] constitue un manquement grave de la société Uni'Agrid à son obligation essentielle de payer le montant du loyer au terme convenu sans s'expliquer sur l'offre de paiement de l'arriéré de loyer formulée, dès la première instance, par la société Uni'Agrid, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1217 nouveau du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-10912
Date de la décision : 04/03/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 14 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 mar. 2021, pourvoi n°20-10912


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.10912
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