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04/03/2021 | FRANCE | N°19-19443

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 mars 2021, 19-19443


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 224 F-D

Pourvoi n° B 19-19.443

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société Sonige, société civile immobilière, dont le siège est [...]

, a formé le pourvoi n° B 19-19.443 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 224 F-D

Pourvoi n° B 19-19.443

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société Sonige, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° B 19-19.443 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ au syndicat de copropriété résidence du théâtre, dont le siège est [...] , représenté par son syndic la société A.M.C.L. Immobilier, dont le siége [...] ,

2°/ à la société Résidence du théâtre, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Langlois, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société Laurent et associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

5°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles, dont le siège est [...] ,

6°/ à la société la Mutuelle architectes français, société d'assurances mutuelles, dont le siège est [...] ,

7°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les sociétés Résidence du théâtre et Langlois ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Sonige, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat des sociétés Résidence du théâtre et Langlois, de la SCP Boulloche, avocat de la société Laurent et associés, de la société la Mutuelle architectes français, de Me Le Prado, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, et après débats en l'audience publique du 26 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 mai 2019), la société civile immobilière Langlois et la société Résidence du théâtre ont réhabilité, à la suite d'un incendie, un immeuble leur appartenant sous la maîtrise d'oeuvre de la société Laurent et associés, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), une assurance dommages-ouvrage ayant été souscrite auprès de la société MMA.

2. La réception des travaux a été prononcée le 19 novembre 2004.

3. En 2008, invoquant le mauvais état d'une cheminée mitoyenne, la société civile immobilière Sonige (la SCI Sonige), propriétaire de l'immeuble voisin, a assigné en référé-expertise le syndicat des copropriétaires de la résidence du théâtre. L'expert désigné a conclu à une menace d'effondrement de la cheminée et préconisé des mesures d'urgence.

4. La société civile immobilière Langlois et la société Résidence du théâtre ont assigné en référé-expertise les intervenants à l'opération de réhabilitation et leurs assureurs, ainsi que le syndicat des copropriétaires de la résidence du théâtre, les opérations d'expertise ayant été ultérieurement rendues communes à la SCI Sonige.

5. Les travaux de consolidation de la cheminée ont été réalisés à frais partagés entre le syndicat des copropriétaires de la résidence du théâtre et la SCI Sonige.

6. Invoquant, notamment, la perte locative résultant de l'impossibilité de mettre en location les appartements lui appartenant en raison de l'état de la cheminée mitoyenne, la SCI Sonige a assigné en réparation les sociétés Langlois, Résidence du théâtre, la MAF et le syndicat des copropriétaires de la résidence du théâtre. La société MMA a été appelée en garantie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La SCI Sonige fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre du préjudice locatif, alors :

« 1°/ que sauf à ce qu'elle constitue un cas de force majeure ou la cause exclusive du dommage, la faute de la victime n'est qu'une cause d'exonération partielle de l'auteur dont la responsabilité est recherchée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les sociétés Langlois et La Résidence du Théâtre avaient commis une faute en renonçant, en 2003, à engager les travaux de réfection de leur cheminée mitoyenne avec l'immeuble de la société Sonige, et en ne modifiant pas leur position après avoir été averties du péril par cette dernière dès l'année suivante ; qu'en faisant ensuite état, s'agissant du préjudice locatif, de ce que la société Sonige avait elle-même fait preuve de négligence en ne saisissant pas le juge des référés avant le mois de mars 2008 afin d'exonérer les sociétés Langlois et La Résidence du Théâtre de toute responsabilité, sans constater que cette faute de la demanderesse aurait constitué pour ces dernières un cas de force majeure ou encore la cause exclusive du dommage, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil ;

2°/ que la perte de chance de bénéficier d'une éventualité favorable constitue un préjudice actuel et certain donnant lieu à réparation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le préjudice locatif de la société Sonige s'analysait en une perte de chance de louer son bien ; qu'en s'en tenant ensuite, pour exclure tout droit à réparation de cette société, à observer que le taux d'occupation de l'immeuble était inférieur à 60 %, de sorte que la société Sonige n'avait perdu aucune chance de louer immédiatement la totalité de ses logements, quand il se déduisait de ses constatations que cette société avait à tout le moins perdu une chance de louer près de 60 % de ses logements, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale ;

3°/ que la perte de chance de bénéficier d'une éventualité favorable constitue un préjudice actuel et certain donnant lieu à réparation ; qu'en retenant, pour exclure tout préjudice de la société Sonige, qu'il s'était écoulé un délai de deux ans entre la réception des travaux de réfection de la cheminée, intervenue le 6 juillet 2010, et la signature du premier bail en 2012, après avoir pourtant observé que la société Sonige avait vendu son bien le 30 novembre 2011, ce qui suffisait à expliquer que les logements n'aient pas été donnés plus tôt en location, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil ;

4°/ que la perte de chance de bénéficier d'une éventualité favorable constitue un préjudice actuel et certain donnant lieu à réparation ; qu'en s'appuyant sur la circonstance qu'il s'était écoulé un délai de deux ans entre la réception des travaux de réfection de la cheminée, intervenue le 6 juillet 2010, et la signature du premier bail, quand ce délai aurait permis à la société Sonige, si les travaux avaient été réalisés dès l'année 2004, de commencer à louer ses logements en 2006, soit cinq ans avant la vente de son bien, la cour d'appel, à cet égard également, a statué par un motif inopérant, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel, après avoir relevé que le préjudice locatif de la SCI Sonige ne pouvait s'analyser qu'en une perte de chance de mettre ses appartements en location, a retenu que la SCI Sonige, qui n'avait eu connaissance de la dangerosité de la cheminée mitoyenne, résultant de la vétusté et d'un défaut d'entretien, que par le rapport d'expertise déposé le 5 novembre 2008, ne justifiait pas de la location d'appartements durant les deux années ayant suivi la réalisation des travaux de consolidation de la cheminée, faisant ainsi ressortir qu'elle ne démontrait pas que ces appartements étaient destinés à être loués avant la revente de l'immeuble intervenue le 30 novembre 2011.

9. Elle en a souverainement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, qu'elle n'établissait pas l'existence d'une perte de chance en lien direct avec l'état de vétusté de la cheminée.
10. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis

Enoncé des moyens

11. Par son deuxième moyen, la SCI Sonige fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de la société Laurent et associés et de la MAF, alors « que le tiers peut rechercher la responsabilité de l'auteur d'un manquement à une obligation contractuelle d'information et de conseil si ce manquement constitue une faute quasi-délictuelle à son égard ; qu'en l'espèce, la société Sonige s'attachait à démontrer que la société d'architecte Laurent et associés, maître d'oeuvre des travaux de rénovation de l'immeuble appartenant aux sociétés Langlois et La Résidence du Théâtre, avait omis d'alerter les maîtres de l'ouvrage de la nécessité de procéder à la réfection de la cheminée mitoyenne avec l'immeuble de la société Sonige ; qu'en se bornant à relever que la société Laurent et associés avait initialement prévu des travaux de réfection de la cheminée ensuite refusés par les maîtres d'ouvrage, pour en déduire qu'elle avait ainsi satisfait à son obligation d'information et de conseil, sans rechercher, comme il lui était demandé, si cet architecte avait alerté les maîtres d'ouvrage de la nécessité de réaliser ces travaux compte tenu de l'état de dangerosité que présentait la cheminée, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil. »

12. Par son moyen unique, la société civile immobilière Langlois et la société Résidence du théâtre font grief à l'arrêt de rejeter leur appel en garantie contre la société Laurent et associés et la MAF, alors :

« 1°/ que l'architecte chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre est tenu d'une obligation de suivi des travaux et de conseil vis à vis de son client profane ; qu'en cas de manquement allégué à cette obligation, l'architecte doit apporter la preuve de ce qu'il a averti le maître de l'ouvrage des risques encourus, notamment, en raison de l'état et de la fragilité d'un élément de l'ouvrage ; que dans leurs conclusions, les sociétés Langlois et Résidence du théâtre soutenaient n'avoir jamais été informées de la nécessité d'entreprendre des travaux d'urgence pour remédier à un risque d'effondrement de la cheminée ; que si des travaux avaient effectivement été envisagés dans le cadre d'un projet global, ceux-ci avaient été perdus de vue sans que l'architecte n'insiste, dans le cadre de sa mission de suivi de projet, sur l'urgence de ces travaux nécessaires à la solidité de l'ouvrage ; qu'en se bornant à constater, pour exonérer l'architecte de sa responsabilité, que des travaux avaient été préconisés et chiffrés avant d'être reportés par décision des maîtres de l'ouvrage, sans cependant rechercher si l'architecte avait effectivement informé les maîtres de l'ouvrage des risques inhérents à un report des travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que le juge doit indiquer et analyser, fût-ce sommairement, les pièces au vu desquelles il se détermine ; qu'en se bornant à énoncer, pour exonérer l'architecte de toute responsabilité s'agissant de son obligation de conseil, que contrairement à ce que les sociétés Langlois et Résidence du théâtre tentent de faire croire, elles avaient été informées de la nécessité de consolider la cheminée, sans mentionner ni analyser les documents de preuve sur lesquels elle se serait fondée et qui révéleraient que les maîtres d'ouvrage avaient effectivement été informés par l'architecte des dangers d'un report des travaux de la cheminée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

13. La cour d'appel a relevé que le maître d'oeuvre avait préconisé des travaux de démolition et de reconstruction de la partie haute de la cheminée, adaptés à son état de vétusté, et avait soumis aux maîtres de l'ouvrage un devis qui avait été accepté avant que ceux-ci, informés de cette nécessité, décidassent, comme cela résultait d'une situation du lot gros oeuvre et d'une lettre de l'entreprise chargée de ce lot, de renoncer aux travaux de confortement de la cheminée.

14. Ayant retenu, par motifs adoptés, que les maîtres de l'ouvrage auraient dû, en toute hypothèse, supporter la moitié du coût des travaux de confortement de la cheminée mitoyenne si ceux-ci avaient été entrepris durant l'opération de réhabilitation de leur immeuble, elle n'était pas tenue de procéder à une recherche relative à l'absence d'information sur les risques inhérents à un report des travaux que ses constatations rendaient inopérante.

15. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a pu retenir que la société Laurent et associés n'avait pas engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard des maîtres de l'ouvrage au titre d'un manquement à son obligation d'information et de conseil, en a exactement déduit que la demande formée par la SCI Sonige sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'architecte prise d'un manquement contractuel ne pouvait être accueillie.

16. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

17. La SCI Sonige fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence du théâtre, alors :

« 1°/ que constitue un trouble anormal de voisinage le dommage qui excède les inconvénients normaux de voisinage ; que ce dommage et ses suites donnent lieu à réparation lorsqu'ils trouvent leur origine dans le comportement, même non fautif, du propriétaire voisin, y compris quand ils procèdent du défaut de réparation d'un ouvrage mitoyen ; qu'en rejetant en l'espèce les demandes indemnitaires formées par la société Sonige à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble voisin pour cette raison que les parties étaient toutes deux propriétaires mitoyens de la cheminée litigieuse, quand les demandes de la société Sonige ne portaient pas sur la prise en charge du coût de réparation de la cheminée, mais sur la perte locative que l'inaction de la copropriété voisine lui avait occasionnée, la cour d'appel a violé les articles 544, 651, 655 du code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;

2°/ que le propriétaire d'un immeuble est responsable des préjudices causés aux propriétaires voisins à raison d'un défaut d'entretien de son bien ; qu'il en va de même à l'égard du copropriétaire mitoyen si le défaut d'entretien est seulement imputable à ce propriétaire ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations des juges que la société Sonige avait, dès 2004, sollicité les copropriétaires voisins afin de faire réaliser des travaux de réfection de la cheminée mitoyenne, et qu'elle avait encore sollicité à même fin le syndicat des copropriétaires au mois de février 2007, lequel avait refusé toute intervention au prétexte que la cheminée n'était pas plus dégradée que d'autres cheminées du quartier ; qu'en écartant toute responsabilité du syndicat des copropriétaires pour cette raison que la société Sonige n'avait pas pris d'autres initiatives au cours des années 2005 et 2006, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 544, 651 et 1382 ancien devenu 1240 du code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;

3°/ que l'obligation d'un propriétaire d'entretenir son bien ne dépend pas de la question de la prise en charge financière de cet entretien ; qu'en excluant toute responsabilité du syndicat des copropriétaires de la résidence du Théâtre dans le défaut de remise en état de la cheminée mitoyenne pour cette raison que le propriétaire voisin, qui avait pris la peine de l'alerter sur la nécessité de consolider la cheminée, n'avait pas précisé que les travaux de réfection de cet ouvrage mitoyen s'effectueraient à frais partagés, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles 544, 651, 655 et 1382 ancien devenu 1240 du code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage. »

Réponse de la Cour

18. La cour d'appel, qui a souverainement retenu que la SCI Sonige ne justifiait pas de l'existence d'un préjudice locatif en lien direct avec l'état de vétusté de la cheminée mitoyenne, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la SCI Sonige aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Sonige

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR condamné in solidum la société Langlois et la société La Résidence du Théâtre à payer à la SCI Sonige la somme de 280,27 € TTC seulement en réparation de son préjudice matériel et d'AVOIR débouté la SCI Sonige du surplus de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE sur les responsabilités, la SCI Sonige sollicite la condamnation in solidum des promoteurs, de l'architecte et de son assureur ainsi que du syndicat de copropriétaires à l'indemniser de ses préjudices ; que la cheminée, élevée dans le prolongement du mur mitoyen, est mitoyenne ; que d'après les photographies versées aux débats, il s'agit d'une cheminée très haute, sur toute la profondeur de l'immeuble, qualifiée de monumentale dans plusieurs pièces du dossier ; que selon M. W..., c'est sa vétusté qui a rendu nécessaires les travaux, la cheminée ayant souffert d'un défaut d'entretien manifeste ; que la SCI Sonige incrimine également l'incendie ; que cependant, l'expert judiciaire s'exprime par des motifs hypothétiques lorsqu'il écrit "on peut penser que l'incendie (chaleur et eau) qui a ruiné l 'immeuble en 1999 a également contribué à la fragilisation et à la déstabilisation de la souche" ; qu'il ne fait état d'aucun élément venant corroborer cette hypothèse ; que sur la responsabilité des promoteurs et du maître d'oeuvre, il ressort du second rapport d'expertise de M. W... que des travaux de réfection de la souche de cheminée avaient été prévus par la société Laurent, architecte (cf les comptes-rendus de chantier de mai 2003), et avaient fait l'objet de devis de l'entrepreneur titulaire du gros-oeuvre, la société Guillaume, pour un montant de 16 103,11 € HT ramené à 12 000 € HT, que le devis avait été accepté le 16 septembre 2003, mais que cette somme a ensuite donné lieu à une moins-value sur la situation du mois de décembre, la décision de ne pas réaliser les travaux ayant été prise entre-temps ; que la société Laurent avait donc satisfait à son devoir de conseil en préconisant des travaux adaptés à l'état de la cheminée (démolition et reconstruction de la partie haute avec un chaînage) et en les faisant chiffrer ; qu'il ne peut dès lors lui être fait grief de s'être trompée sur l'état réel de la souche de cheminée ; qu'à partir du moment où le devis avait été accepté, seule une décision des promoteurs était de nature à remettre en cause l'exécution de la prestation ; que la preuve de celle-ci est rapportée par le courrier de la société Guillaume du 7 novembre 2003 : "Comme indiqué lors de la réunion d'architecte du 7 novembre 2003, nous avons pris bonne note qu'il n'y a pas d'aménagements à prévoir sur la cheminée mitoyenne [...] ; qu'en effet, la limite de propriété n 'est pas définie à ce jour" ;
Que la question de la limite de propriété était, en effet, du seul ressort des sociétés Langlois et Résidence du Théâtre, étant précisé que la cheminée est présentée comme mitoyenne dans les documents précités de sorte que les constructeurs n'avaient pas à remettre en cause cette qualification ; que contrairement à ce que ces dernières tentent de faire croire, elles avaient été informées de la nécessité de consolider la cheminée : qu'au regard des éléments qui viennent d'être exposés, la société Laurent et associés est fondée à solliciter sa mise hors de cause et donc celle de son assureur, le jugement étant infirmé sur ce point ; que les deux sociétés n'ont pas modifié leur position après que le gérant de la SCI Sonige leur eut fait part de ses préoccupations sur la stabilité de la cheminée en juillet 2004 ; que l'inertie de cette dernière après cette date ne peut les exonérer de leur propre responsabilité ; que dans ce contexte, le fait d'avoir renoncé à faire exécuter les travaux de consolidation de la cheminée constitue une faute engageant la responsabilité des sociétés Langlois et Résidence du Théâtre envers la SCI Sonige ; que le jugement est infirmé ;

ET AUX MOTIFS QUE sur l'indemnisation des préjudices, la vente du bien immobilier datant du 30 novembre 2011, l'appelante a qualité et intérêt à solliciter l'indemnisation des préjudices subis avant cette date ; qu'en premier lieu, la SCI justifie avoir déboursé la somme de 693,11 € TTC au titre de trois factures datées des 26 avril 2004, 30 mars et 2 décembre 2007 pour la réparation de la couverture suite à des chutes de pierres ; qu'en second lieu, elle réclame la somme de 115 920 € au titre de la perte des loyers de juillet 2004, date de la première réunion avec les maîtres de l'ouvrage, et juillet 2010, date de la réception des travaux, pour quatre appartements de type T2 et trois chambres ainsi que diverses sommes au motif qu'elle ne pouvait pas louer aussi longtemps que la cheminée ne serait pas réparée en raison des risques d'atteinte à la sécurité des personnes ; que la cour relève que : - d'après les pièces versées aux débats, c'est par le rapport d'expertise du 5 novembre 2008 que la SCI a eu connaissance de la dangerosité de la cheminée ; que si elle était vraiment convaincue qu'il existait des "risques mortels", comme elle l'écrivait dans son courrier du 22 décembre 2004 à la société Résidence du Théâtre, force est de constater qu'elle a alors été fort négligente en attendant mars 2008 pour saisir le juge des référés ; qu'en outre, la mission confiée à l'expert par l'ordonnance du 22 mai 2008 consistait en une mission classique du bâtiment, ce qui laisse penser que cet élément n'avait pas été évoqué dans l'assignation (celle-ci n'est pas produite) ; - les premiers juges ont dit à raison que le préjudice locatif s'analyse comme une perte de chance de louer le bien, la location ayant par nature un caractère aléatoire apprécié en fonction des caractéristiques du bien et de l'état du marché immobilier ; qu'ils ont pertinemment observé que les contrats de bail produits par la SCI mettaient en évidence un taux d'occupation de moins de 60 % de sorte que la chance de la SCI de louer immédiatement la totalité des logements était inexistante et, enfin, qu'il s'était écoulé un délai de deux ans entre la réception des travaux et la signature du premier bail, délai qui met à néant l'argumentation de l'appelante ;
Qu'au regard de ces éléments, la cour considère qu'il n'est démontré aucun préjudice locatif, que les factures de 2007 sont imputables à l'inertie de la SCI Sonige et que le seul préjudice en lien direct et certain avec la faute des maîtres de l'ouvrage est la facture du 26 avril 2004 d'un montant de 280,27 € ; qu'il sera fait droit à l'appel dans cette mesure, le jugement étant infirmé ;

1) ALORS QUE sauf à ce qu'elle constitue un cas de force majeure ou la cause exclusive du dommage, la faute de la victime n'est qu'une cause d'exonération partielle de l'auteur dont la responsabilité est recherchée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les sociétés Langlois et La Résidence du Théâtre avaient commis une faute en renonçant, en 2003, à engager les travaux de réfection de leur cheminée mitoyenne avec l'immeuble de la société Sonige, et en ne modifiant pas leur position après avoir été averties du péril par cette dernière dès l'année suivante ; qu'en faisant ensuite état, s'agissant du préjudice locatif, de ce que la société Sonige avait elle-même fait preuve de négligence en ne saisissant pas le juge des référés avant le mois de mars 2008 afin d'exonérer les sociétés Langlois et La Résidence du Théâtre de toute responsabilité, sans constater que cette faute de la demanderesse aurait constitué pour ces dernières un cas de force majeure ou encore la cause exclusive du dommage, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil ;

2) ALORS QUE la perte de chance de bénéficier d'une éventualité favorable constitue un préjudice actuel et certain donnant lieu à réparation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le préjudice locatif de la société Sonige s'analysait en une perte de chance de louer son bien ; qu'en s'en tenant ensuite, pour exclure tout droit à réparation de cette société, à observer que le taux d'occupation de l'immeuble était inférieur à 60 %, de sorte que la société Sonige n'avait perdu aucune chance de louer immédiatement la totalité de ses logements, quand il se déduisait de ses constatations que cette société avait à tout le moins perdu une chance de louer près de 60 % de ses logements, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale ;

3) ALORS QUE la perte de chance de bénéficier d'une éventualité favorable constitue un préjudice actuel et certain donnant lieu à réparation ; qu'en retenant, pour exclure tout préjudice de la société Sonige, qu'il s'était écoulé un délai de deux ans entre la réception des travaux de réfection de la cheminée, intervenue le 6 juillet 2010, et la signature du premier bail en 2012, après avoir pourtant observé que la société Sonige avait vendu son bien le 30 novembre 2011, ce qui suffisait à expliquer que les logements n'aient pas été donnés plus tôt en location, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil ;

4) ALORS subsidiairement QUE la perte de chance de bénéficier d'une éventualité favorable constitue un préjudice actuel et certain donnant lieu à réparation ; qu'en s'appuyant sur la circonstance qu'il s'était écoulé un délai de deux ans entre la réception des travaux de réfection de la cheminée, intervenue le 6 juillet 2010, et la signature du premier bail, quand ce délai aurait permis à la société Sonige, si les travaux avaient été réalisés dès l'année 2004, de commencer à louer ses logements en 2006, soit cinq ans avant la vente de son bien, la cour d'appel, à cet égard également, a statué par un motif inopérant, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien devenu 1240 du code.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR mis hors de cause la société Laurent et Associés et la société MAF ; d'AVOIR uniquement condamné in solidum la société Langlois et la société La Résidence du Théâtre au paiement d'une somme de 280,27 euros TTC en réparation du préjudice matériel de la société Sonige ; et d'AVOIR débouté cette dernière du surplus de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité des promoteurs et du maître d'oeuvre, il ressort du second rapport d'expertise de M. W... que des travaux de réfection de la souche de cheminée avaient été prévus par la société Laurent, architecte (cf les comptes-rendus de chantier de mai 2003), et avaient fait l'objet de devis de l'entrepreneur titulaire du gros-oeuvre, la société Guillaume, pour un montant de 16 103,11 € HT ramené à 12 000 € HT, que le devis avait été accepté le 16 septembre 2003, mais que cette somme a ensuite donné lieu à une moins-value sur la situation du mois de décembre, la décision de ne pas réaliser les travaux ayant été prise entre-temps ; que la société Laurent avait donc satisfait à son devoir de conseil en préconisant des travaux adaptés à l'état de la cheminée (démolition et reconstruction de la partie haute avec un chaînage) et en les faisant chiffrer ; qu'il ne peut dès lors lui être fait grief de s'être trompée sur l'état réel de la souche de cheminée ; qu'à partir du moment où le devis avait été accepté, seule une décision des promoteurs était de nature à remettre en cause l'exécution de la prestation ; que la preuve de celle-ci est rapportée par le courrier de la société Guillaume du 7 novembre 2003 : "Comme indiqué lors de la réunion d'architecte du 7 novembre 2003, nous avons pris bonne note qu'il n'y a pas d'aménagements à prévoir sur la cheminée mitoyenne [...] ; qu'en effet, la limite de propriété n 'est pas définie à ce jour" ; que la question de la limite de propriété était, en effet, du seul ressort des sociétés Langlois et Résidence du Théâtre, étant précisé que la cheminée est présentée comme mitoyenne dans les documents précités de sorte que les constructeurs n'avaient pas à remettre en cause cette qualification ; que contrairement à ce que ces dernières tentent de faire croire, elles avaient été informées de la nécessité de consolider la cheminée : qu'au regard des éléments qui viennent d'être exposés, la société Laurent et associés est fondée à solliciter sa mise hors de cause et donc celle de son assureur, le jugement étant infirmé sur ce point ; que les deux sociétés n'ont pas modifié leur position après que le gérant de la SCI Sonige leur eut fait part de ses préoccupations sur la stabilité de la cheminée en juillet 2004 ; que l'inertie de cette dernière après cette date ne peut les exonérer de leur propre responsabilité ; que dans ce contexte, le fait d'avoir renoncé à faire exécuter les travaux de consolidation de la cheminée constitue une faute engageant la responsabilité des sociétés Langlois et Résidence du Théâtre envers la SCI Sonige ; que le jugement est infirmé ;

ALORS QUE le tiers peut rechercher la responsabilité de l'auteur d'un manquement à une obligation contractuelle d'information et de conseil si ce manquement constitue une faute quasi-délictuelle à son égard ; qu'en l'espèce, la société Sonige s'attachait à démontrer que la société d'architecte Laurent et Associés, maître d'oeuvre des travaux de rénovation de l'immeuble appartenant aux sociétés Langlois et La Résidence du Théâtre, avait omis d'alerter les maîtres de l'ouvrage de la nécessité de procéder à la réfection de la cheminée mitoyenne avec l'immeuble de la société Sonige ; qu'en se bornant à relever que la société Laurent et Associés avait initialement prévu des travaux de réfection de la cheminée ensuite refusés par les maîtres d'ouvrage, pour en déduire qu'elle avait ainsi satisfait à son obligation d'information et de conseil, sans rechercher, comme il lui était demandé, si cet architecte avait alerté les maîtres d'ouvrage de la nécessité de réaliser ces travaux compte tenu de l'état de dangerosité que présentait la cheminée, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR uniquement condamné in solidum la société Langlois et la société La Résidence du Théâtre au paiement d'une somme de 280,27 euros TTC en réparation du préjudice matériel de la société Sonige ; et d'AVOIR débouté cette dernière du surplus de ses demandes, en ce que celles-ci étaient dirigées contre le syndicat des copropriétaires de la résidence du Théâtre ;

AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires, l'appelante invoque la théorie du trouble anormal de voisinage à l'égard du syndicat de copropriétaires tout en développant des moyens tendant à faire juger que ce dernier a fait preuve d'inertie ; que l'appelante justifie avoir écrit au syndic le 2 février 2007, lequel lui a répondu le 9 février suivant que, renseignements pris auprès du promoteur, la cheminée n'était pas en plus mauvais état que les cheminées du quartier ; que la SCI est malvenue de lui reprocher de n'avoir pris aucune initiative alors qu'elle-même n'avait rien fait en 2005 et 2006 et qu'elle s'était abstenue de préciser dans son courrier que la cheminée était mitoyenne de sorte que la réparation se ferait à frais partagés ; qu'à ce titre, le statut de mitoyenneté prive la SCI, en sa qualité de propriétaire de l'immeuble mitoyen, de la possibilité d'arguer d'un trouble anormal de voisinage pour une situation dont elle partageait la responsabilité ; que la SCI Sonige fait encore grief au syndicat de copropriété de ne pas avoir signé dès le 9 février 2009 le contrat avec l'architecte choisi pour superviser les travaux de réfection et d'avoir attendu le mois de décembre ; que le syndicat réplique qu'il avait demandé la rédaction d'un CCTP, d'un CCAP et d'un devis actualisé et que la saisine de l'architecte des bâtiments de France (ABF) avait été nécessaire ; que ces observations sont fondées et il en résulte que la signature du contrat au mois de février n'aurait pas permis aux travaux d'être exécutés plus rapidement compte tenu des procédures à respecter ;

1) ALORS QUE constitue un trouble anormal de voisinage le dommage qui excède les inconvénients normaux de voisinage ; que ce dommage et ses suites donnent lieu à réparation lorsqu'ils trouvent leur origine dans le comportement, même non fautif, du propriétaire voisin, y compris quand ils procèdent du défaut de réparation d'un ouvrage mitoyen ; qu'en rejetant en l'espèce les demandes indemnitaires formées par la société Sonige à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble voisin pour cette raison que les parties étaient toutes deux propriétaires mitoyens de la cheminée litigieuse, quand les demandes de la société Sonige ne portaient pas sur la prise en charge du coût de réparation de la cheminée, mais sur la perte locative que l'inaction de la copropriété voisine lui avait occasionnée, la cour d'appel a violé les articles 544, 651, 655 du code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;

2) ALORS QUE le propriétaire d'un immeuble est responsable des préjudices causés aux propriétaires voisins à raison d'un défaut d'entretien de son bien ; qu'il en va de même à l'égard du copropriétaire mitoyen si le défaut d'entretien est seulement imputable à ce propriétaire ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations des juges que la société Sonige avait, dès 2004, sollicité les copropriétaires voisins afin de faire réaliser des travaux de réfection de la cheminée mitoyenne, et qu'elle avait encore sollicité à même fin le syndicat des copropriétaires au mois de février 2007, lequel avait refusé toute intervention au prétexte que la cheminée n'était pas plus dégradée que d'autres cheminées du quartier ; qu'en écartant toute responsabilité du syndicat des copropriétaires pour cette raison que la société Sonige n'avait pas pris d'autres initiatives au cours des années 2005 et 2006, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 544, 651 et 1382 ancien devenu 1240 du code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;

3) ALORS QUE l'obligation d'un propriétaire d'entretenir son bien ne dépend pas de la question de la prise en charge financière de cet entretien ; qu'en excluant toute responsabilité du syndicat des copropriétaires de la résidence du Théâtre dans le défaut de remise en état de la cheminée mitoyenne pour cette raison que le propriétaire voisin, qui avait pris la peine de l'alerter sur la nécessité de consolider la cheminée, n'avait pas précisé que les travaux de réfection de cet ouvrage mitoyen s'effectueraient à frais partagés, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles 544, 651, 655 et 1382 ancien devenu 1240 du code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage. Moyens produits au pourvoi incident provoqué par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour les sociétés Résidence du théâtre et Langlois

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir mis hors de cause la société Laurent et associés et son assureur, la Mutuelle des architectes de France, d'avoir débouté la société Langlois et la société Résidence du Théâtre de leurs appels en garantie contre la société Laurent et associés et la Mutuelle des architectes de France et de les avoir condamnées au paiement d'une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité des promoteurs et du maître d'oeuvre, il ressort du second rapport d'expertise de M. W... que des travaux de réfection de la souche de cheminée avaient été prévus par la société Laurent, architecte, (cf. les comptes rendus de chantier de mai 2003) et avaient fait l'objet de devis de l'entrepreneur titulaire du gros oeuvre, la société Guillaume, pour un montant de 16.103,11 € HT ramenée à 12.000 € HT, que le devis avait été accepté le 16 septembre 2003 mais que cette somme a ensuite donné lieu à une moins-value sur la situation du mois de décembre, la décision de ne pas réaliser les travaux ayant été prise entre-temps ; que la société Laurent avait donc satisfait à son devoir de conseil en préconisant des travaux adaptés à l'état de la cheminée (démolition et reconstruction de la partie haute avec un chaînage) et en les faisant chiffrer ; qu'il ne peut dès lors lui être fait grief de s'être trompée sur l'état réel de la souche de cheminée ; qu'à partir du moment où le devis avait été accepté, seule une décision des promoteurs était de nature à remettre en cause l'exécution de la prestation ; que la preuve de celle-ci est rapportée par le courrier de la société Guillaume du 7 novembre 2003 : « comme indiqué lors de la réunion d'architecte du 7 novembre 2003, nous avons pris bonne note qu'il n'y a pas d'aménagements à prévoir sur la cheminée mitoyenne [...] . En effet, la limite de propriété n'est pas définie à ce jour » ; que la question de la limite de propriété était, en effet, du seul ressort des sociétés Langlois et Résidence du Théâtre, étant précisé que la cheminée est présentée comme mitoyenne dans les documents précités de sorte que les constructeurs n'avaient pas à remettre en cause cette qualification ; que contrairement à ce que ces dernières tentent de faire croire, elles avaient été informées de la nécessité de consolider la cheminée ; qu'au regard des éléments qui viennent d'être exposés, la société Laurent et associés est fondée à solliciter sa mise hors de cause et donc celle de son assureur, le jugement étant infirmé sur ce point ; que les deux sociétés n'ont pas modifié leur position après que le gérant de la SCI Sonige leur eût fait part de ses préoccupations sur la stabilité de la cheminée en juillet 2004 ; que l'inertie de cette dernière après cette date ne peut les exonérer de leur propre responsabilité ; que dans ce contexte, le fait d'avoir renoncé à faire exécuter les travaux de consolidation de la cheminée constitue une faute engageant la responsabilité des sociétés Langlois et Résidence du Théâtre envers la SCI Sonige ; que le jugement est infirmé ;

1°) ALORS QUE l'architecte chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre est tenu d'une obligation de suivi des travaux et de conseil vis à vis de son client profane ; qu'en cas de manquement allégué à cette obligation, l'architecte doit apporter la preuve de ce qu'il a averti le maître de l'ouvrage des risques encourus, notamment, en raison de l'état et de la fragilité d'un élément de l'ouvrage ; que dans leurs conclusions (cf. p. 26 à 32), les sociétés Langlois et Résidence du Théâtre soutenaient n'avoir jamais été informées de la nécessité d'entreprendre des travaux d'urgence pour remédier à un risque d'effondrement de la cheminée ; que si des travaux avaient effectivement été envisagés dans le cadre d'un projet global, ceux-ci avaient été perdus de vue sans que l'architecte n'insiste, dans le cadre de sa mission de suivi de projet, sur l'urgence de ces travaux nécessaires à la solidité de l'ouvrage ; qu'en se bornant à constater, pour exonérer l'architecte de sa responsabilité, que des travaux avaient été préconisés et chiffrés avant d'être reportés par décision des maîtres de l'ouvrage, sans cependant rechercher si l'architecte avait effectivement informé les maîtres de l'ouvrage des risques inhérents à un report des travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE le juge doit indiquer et analyser, fût-ce sommairement, les pièces au vu desquelles il se détermine ; qu'en se bornant à énoncer, pour exonérer l'architecte de toute responsabilité s'agissant de son obligation de conseil, que contrairement à ce que les sociétés Langlois et Résidence du Théâtre tentent de faire croire, elles avaient été informées de la nécessité de consolider la cheminée, sans mentionner ni analyser les documents de preuve sur lesquels elle se serait fondée et qui révèleraient que les maîtres d'ouvrage avaient effectivement été informés par l'architecte des dangers d'un report des travaux de la cheminée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-19443
Date de la décision : 04/03/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 16 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 mar. 2021, pourvoi n°19-19443


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boulloche, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.19443
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