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03/03/2021 | FRANCE | N°19-20542

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mars 2021, 19-20542


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2021

Cassation partielle sans renvoi

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 264 F-D

Pourvoi n° W 19-20.542

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021

La société Maintenance indust

rie, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 19-20.542 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2021

Cassation partielle sans renvoi

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 264 F-D

Pourvoi n° W 19-20.542

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021

La société Maintenance industrie, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 19-20.542 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Vega conseil sécurité, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ à M. K... Q..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Maintenance industrie, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Vega conseil sécurité, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué rendu en référé (Paris, 27 juin 2019), la société Vega conseil sécurité a, courant 2018, perdu les marchés de nettoyage sur lesquels elle intervenait pour le compte de la ville de Paris. Elle a alors saisi l'inspection du travail d'une demande de transfert du contrat de travail de son salarié, M. Q..., délégué du personnel, auprès de la société Maintenance industrie, adjudicataire du marché.

2. Suite à l'accord du salarié et l'autorisation de l'inspection du travail le 1er juin 2018, la société Maintenance industrie après avoir introduit des recours gracieux et hiérarchiques restés vains, a saisi la juridiction administrative de sa contestation de l'autorisation administrative.

3. La société Vega conseil sécurité a saisi la juridiction prud'homale statuant en référé aux fins de faire juger que la société Maintenance industrie était l'employeur du salarié depuis le 1er juin 2018, obtenir d'elle le remboursement des salaires, charges et frais qu'elle avait payés au et pour le compte du salarié, qu'elle a appelé à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Maintenance industrie fait grief à l'arrêt de rejeter le moyen d'irrecevabilité des demandes nouvelles du salarié formées en appel à son encontre et de les accueillir en assortissant d'une astreinte provisoire l'injonction qui lui a été faite de reprendre le contrat de travail depuis le 1er juin 2018 et de la condamner à payer au salarié des frais irrépétibles, alors « que le droit d'intimer en appel tous ceux qui ont été parties en première instance n'emporte pas celui de présenter des prétentions à l'encontre des parties contre lesquelles l'appelant n'a pas conclu en première instance ; qu'en jugeant recevables les demandes de M. Q... formées à l'appui de son appel incident quand celui-ci n'avait présenté aucune demande à l'encontre de la société Maintenance industrie en première instance, la cour a violé les articles 547 et 564 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 547 et 564 du code de procédure civile :

6. Selon le premier de ces textes, en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Tous ceux qui ont été parties peuvent être intimés.

7. Selon le second, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

8. Pour juger recevables les demandes du salarié, présentées pour la première fois en cause d'appel à l'encontre de la société Maintenance industrie, la cour d'appel a retenu que sa qualité de partie à l'instance lui conférait le droit de former un appel incident et que ses demandes étaient identiques à celles présentées par la société Vega conseil sécurité tendant au transfert de son contrat à la société Maintenance industrie, ce qui ne modifiait en rien la dévolution du litige porté devant la cour, sauf à ajouter une demande en condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

9. En statuant ainsi, alors que le droit d'intimer en appel tous ceux qui ont été parties en première instance n'emporte pas celui de présenter des prétentions à l'encontre des parties contre lesquelles l'appelant n'avait pas conclu en première instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. La société Maintenance industrie fait grief à l'arrêt de déclarer recevables devant la formation de référé de la juridiction prud'homale, les demandes de la société Vega conseil sécurité, alors « que le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient ; qu'il n'est pas compétent pour connaître du litige opposant un employeur à l'adjudicataire d'un marché en vue de déterminer si le contrat de travail du salarié qui y était affecté devait ou non être transféré ; qu'en retenant la compétence de la juridiction prud'homale aux motifs que le litige survenu à l'occasion du contrat de travail de M. Q... a un effet direct sur la situation de ce dernier et que la demande de remboursement des salaires est accessoire à la demande principale portant sur le rattachement de M. Q... à son employeur quand le litige opposait la société Vega conseil sécurité, entreprise sortante, à la société Maintenance industrie, entreprise adjudicataire du marché de nettoyage, et que M. Q... a simplement été appelé en la cause par la première aux fins de lui voir rendre le jugement commun, la cour, qui a statué par des motifs inopérants, a violé les article L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1411-1 du code du travail :

11. Selon cet article, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

12. Pour retenir la compétence prud'homale, la cour d'appel a relevé que le litige survenu à l'occasion du contrat de travail avait un effet direct sur la situation du salarié qui était dans l'attente de l'exécution de la décision prise par l'inspection du travail et que la demande qui portait sur le remboursement des salaires était accessoire à la demande principale portant sur le rattachement du salarié à son employeur.

13. En statuant ainsi, alors que le litige n'opposait pas l'une ou l'autre des sociétés au salarié mais deux sociétés commerciales entre elles, ce dont il résultait qu'il ne relevait pas de la compétence de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. Il convient de déclarer les demandes du salarié irrecevables et, par application des dispositions des articles 81, alinéa 2, et 82 du code de procédure civile, de désigner la juridiction compétente, soit en l'espèce le tribunal de commerce de Paris.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel incident de M. Q..., écarte l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative, et rejette la demande de sursis à statuer présentée par la société Maintenance industrie, l'arrêt rendu le 27 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

JUGE irrecevables les demandes de M. Q... ;

DÉCLARE la juridiction prud'homale incompétente pour statuer sur les demandes formées par la société Vega conseil sécurité à l'encontre de la société Maintenance industrie ;

DIT que l'affaire est de la compétence du tribunal de commerce de Paris et renvoie l'affaire devant cette juridiction ;

DIT que le dossier lui sera transmis, avec une copie du présent arrêt, à la diligence du greffe ;

Condamne la société Vega conseil sécurité aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Vega conseil sécurité et la condamne à payer à la société Maintenance industrie la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Maintenance industrie

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le moyen d'irrecevabilité de l'appel incident de M. Q... soulevé par la société Maintenance Industrie,

AUX MOTIFS QU' « Au vu des éléments de la procédure qui s'est déroulée devant la formation de référé du conseil de prud'hommes d'Évry, il convient de relever que M. Q... était partie à l'instance puisque la société Vega Conseil Sécurité, qui a saisi le conseil aux fins d'obtenir la condamnation de la société Maintenance Industrie, a également demandé la convocation de M. Q..., directement intéressé par le règlement du litige opposant les deux sociétés, sur la poursuite du contrat de travail suite au transfert de marché attribué par la Ville de Paris.
Même si aucune demande écrite n'a été déposée devant le conseil, alors que M. Q... s'est présenté seul sans l'assistance d'un avocat, sa qualité de partie à l'instance lui confère le droit de former un appel incident, avec cette précision que ses demandes sont identiques à celles présentées par la société Vega Conseil Sécurité, tendant au transfert de son contrat à la société Maintenance Industries, ce qui ne modifie en rien la dévolution du litige porté devant la cour, sauf à ajouter une demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;

ALORS QU'en se bornant, pour rejeter le moyen d'irrecevabilité de l'appel incident de M. Q... soulevé par la société Maintenance Industrie, à constater que la qualité de partie à l'instance de M. Q... lui confère le droit de former un appel incident sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par la société Maintenance Industrie dans ses conclusions d'appel, si celui-ci, appelé en intervention forcée par la société Vega Conseil Sécurité aux fins de lui rendre commun le jugement, avait intérêt à faire appel puisqu'il n'avait formulé aucune prétention en première instance et qu'aucune disposition de l'ordonnance de référé du 15 novembre 2018 ne lui fait grief, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 31et 546 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le moyen d'irrecevabilité des demandes nouvelles de M. Q... formées en appel à l'encontre de la société Maintenance Industrie et de les avoir accueillies en assortissant d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard constaté, huit jours après la signification de l'arrêt par la société Vega Conseil Sécurité ou par M. Q..., l'injonction faite à la société Maintenance Industrie de reprendre son contrat de travail depuis le 1er juin 2018 et en ayant condamné la société Maintenance Industrie à payer la somme de 1 500 euros à M. Q... au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QU' « Au vu des éléments de la procédure qui s'est déroulée devant la formation de référé du conseil de prud'hommes d'Évry, il convient de relever que M. Q... était partie à l'instance puisque la société Vega Conseil Sécurité, qui a saisi le conseil aux fins d'obtenir la condamnation de la société Maintenance Industrie, a également demandé la convocation de M. Q..., directement intéressé par le règlement du litige opposant les deux sociétés, sur la poursuite du contrat de travail suite au transfert de marché attribué par la Ville de Paris.
Même si aucune demande écrite n'a été déposée devant le conseil, alors que M. Q... s'est présenté seul sans l'assistance d'un avocat, sa qualité de partie à l'instance lui confère le droit de former un appel incident, avec cette précision que ses demandes sont identiques à celles présentées par la société Vega Conseil Sécurité, tendant au transfert de son contrat à la société Maintenance Industries, ce qui ne modifie en rien la dévolution du litige porté devant la cour, sauf à ajouter une demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;

1°) ALORS QUE le droit d'intimer en appel tous ceux qui ont été parties en première instance n'emporte pas celui de présenter des prétentions à l'encontre des parties contre lesquelles l'appelant n'a pas conclu en première instance ; qu'en jugeant recevables les demandes de M. Q... formées à l'appui de son appel incident quand celui-ci n'avait présenté aucune demande à l'encontre de la société Maintenance Industrie en première instance, la cour a violé les articles 547 et 564 du code de procédure civile.

2°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en constatant que les demandes nouvelles formées par M. Q... à l'appui de son appel incident sont identiques à celles présentées par la société Vega Conseil Sécurité sauf à ajouter une demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile quand le dispositif des conclusions d'appel de la société Vega Conseil Sécurité ne comportait aucune demande d'astreinte provisoire à la différence de celles de M. Q..., la cour a violé le principe précité.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Ce moyen reproche enfin à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR déclaré recevables devant la formation de référé de la juridiction prud'homale les demandes de la société Vega Conseil Sécurité ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la compétence de la juridiction prud'homale
La société Maintenance Industrie fait valoir que le conseil de prud'hommes a rejeté à tort son exception d'incompétence matérielle dès lors que le litige relève de la compétence du juge administratif ; que l'autorisation de transfert du contrat de M. Q... a fait l'objet d'un recours actuellement pendant devant le juge de l'excès de pouvoir. À titre subsidiaire elle considère que la cour doit surseoir à statuer jusqu'au prononcé de la décision administrative. Très subsidiairement la société Maintenance Industrie soutient que le litige qui oppose deux sociétés commerciales, s'agissant du paiement des salaires, doit être porté devant le tribunal de commerce.
La société Vega Conseil Sécurité expose que la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le litige qui porte sur le transfert du contrat de travail de M. Q... suite à l'adjudication du chantier de la Ville de Paris à la société Maintenance Industrie.
M. Q... s'associe aux moyens développés par la société Vega Conseil Sécurité au motif que l'inspection du travail a autorisé son transfert par décision du 4 mai 2018.
En application de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient.
En l'espèce M. Q... salarié de la société Vega Conseil Sécurité depuis le 7 avril 2015, occupant depuis le 1er octobre 2015 un poste d'inspecteur, niveau MP3 de la grille de classification de l'annexe 1 de la convention collective des entreprises de propreté, a été affecté sur divers services dépendant du marché propreté de la Ville de Paris, marché attribué à cette société depuis le 3 avril 2014 pour les locaux situés dans six arrondissements de la ville.
À compter du 1er juin 2018, la Ville de Paris a procédé à une nouvelle organisation du marché de nettoyage, en découpant les sites non plus par arrondissement mais en fonction de la nature des locaux.
Après avoir engagé la procédure d'appel d'offres, les lots ont été attribués à trois sociétés, Maintenance Industrie, Challancins et Nickel.
M. Q... étant titulaire d'un mandat de délégué du personnel, la société Vega Conseil Sécurité a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de transfert de son contrat à la société Maintenance Industrie.
Par décision du 4 mai 2018, et après avoir constaté l'accord de M. Q... à ce transfert, Mme l'inspectrice du travail a autorisé le transfert du contrat de travail.
Contestant cette décision, la société Maintenance Industrie a exercé sans succès les recours gracieux et hiérarchiques, et saisi le tribunal administratif de Paris le 4 avril 2019.
Elle soutient à tort que le litige relève de la seule compétence du juge administratif, alors que la formation de référé du conseil de prud'hommes a été saisie d'une demande portant sur l'exécution du contrat de travail de M. Q..., visant à faire constater que la société Maintenance Industrie est devenu son nouvel employeur depuis le 1er juin 2018.
Cette question relève de la compétence de la juridiction prud'homale en application de l'article L. 1411-1 du code du travail, dès lors que le litige survenu à l'occasion du contrat de travail, a un effet direct sur la situation de M. Q... qui est dans l'attente de l'exécution de la décision prise par l'inspection du travail.
Au contraire, le juge administratif est seul compétent pour apprécier la validité de la décision de l'administration, décision qui s'impose au juge judiciaire en application du principe de la séparation des pouvoirs.
Il ressort de ces éléments que la formation de référé a écarté à juste titre l'exception d'incompétence soulevée par la société Maintenance Industrie.
À titre subsidiaire la société Maintenance Industrie demande à la cour de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision administrative définitive intervienne.
Or le recours devant la juridiction administrative n'est pas suspensif, et cette règle vise à assurer l'exécution effective des décisions prises par l'administration dans l'attente de l'issue d'une contestation.
Il n'y a pas lieu par suite d'ordonner le sursis à statuer requis par la société Maintenance Industrie.
Très subsidiairement la société Maintenance Industrie soutient que la demande qui porte sur le remboursement des salaires, doit être portée devant le tribunal de commerce.
Or il n'est pas sérieusement contestable que cette demande est accessoire à la demande principale portant sur le rattachement de M. Q... à son employeur.
Au vu de ces éléments, cette exception, nouvelle en appel, sera rejetée » ;

ALORS QUE le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient ; qu'il n'est pas compétent pour connaître du litige opposant un employeur à l'adjudicataire d'un marché en vue de déterminer si le contrat de travail du salarié qui y était affecté devait ou non être transféré ; qu'en retenant la compétence de la juridiction prud'homale aux motifs que le litige survenu à l'occasion du contrat de travail de M. Q... a un effet direct sur la situation de ce dernier et que la demande de remboursement des salaires est accessoire à la demande principale portant sur le rattachement de M. Q... à son employeur quand le litige opposait la société Vega Conseil Sécurité, entreprise sortante, à la société Maintenance Industrie, entreprise adjudicataire du marché de nettoyage, et que M. Q... a simplement été appelé en la cause par la première aux fins de lui voir rendre le jugement commun, la cour, qui a statué par des motifs inopérants, a violé les article L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Ce moyen reproche enfin à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Maintenance Industrie à rembourser à la société Vega Conseil Sécurité les salaires, charges et frais versés à M. Q... depuis le 1er juin 2018,

AUX MOTIFS QUE « Sur la compétence de la formation de référé et le transfert du contrat de travail
A l'appui de son appel, la société Vega Conseil Sécurité expose que la société Maintenance Industrie s'obstine à s'opposer au transfert de M. Q... et invoque à tort une affectation partielle sur les sites de nettoyage qui lui ont été attribués alors que M. Q... intervenait en sa qualité d'inspecteur sur 41 sites dont 38 ont été repris par la société Maintenance Industrie.
La société Maintenance Industrie fait valoir qu'il existe une contestation sérieuse s'opposant à la compétence de la formation de référé puisque M. Q... ne travaillait pas sur la totalité du marché qui lui a été attribué ; qu'il existe une contestation sérieuse sur le périmètre de ses fonctions et la quotité des lots couverts par l'activité de M. Q... de sorte qu'il n'est pas certain que le salarié remplisse les conditions posées par l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté. À titre subsidiaire, la société demande de limiter le transfert de M. Q... à hauteur de 48 %.
M. Q... fait valoir que le juge des référés est compétent sur le fondement du trouble manifestement illicite crée par la société entrante qui refuse d'appliquer la décision administrative exécutoire ; que le juge judiciaire ne peut pas remettre en cause l'appréciation faite par l'inspecteur du travail pour autoriser le transfert en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
En droit, il ressort des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail que dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud'hommes, ordonner toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Même en présence d'une contestation sérieuse, elle peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il convient en l'espèce de constater l'existence du trouble manifestement illicite qui résulte du refus de la société Maintenance Industrie de respecter la décision de l'inspection du travail ayant autorisé le transfert du contrat de travail de M. Q....
Les contestations élevées par la société Maintenance Industrie conduisent à mettre en cause l'appréciation faite par Mme l'inspectrice du travail des conditions d'application du transfert, alors que ces conditions seront examinées dans le cadre du recours formé devant le tribunal administratif de Paris.
La cour relève en outre que la question de l'étendue du transfert de M. Q... a été examinée par Mme l'inspectrice du travail dans sa décision du 4 mai 2018 qui constate que celui-ci était affecté à 100 % de son activité au poste dépendant du chantier attribué à la société Maintenance Industrie.
Le contrôle du juge judiciaire, qui ne peut pas remettre en cause cette appréciation, porte uniquement sur le non-respect de la décision administrative, situation constitutive d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en faisant injonction à la société Maintenance Industrie de poursuivre l'exécution du contrat de travail de M. Q... aux mêmes conditions contractuelles.
En outre le remboursement des salaires, charges et frais réglés depuis le 1er juin 2018 par la société Vega Conseil Sécurité est également justifié puisqu'en application de l'autorisation de transfert, la société Maintenance Industrie est devenu l'employeur du salarié depuis cette date et débiteur des obligations à son égard.
L'ordonnance du 15 novembre 2018 mérite par suite son infirmation en ce qu'elle a déclaré les demandes de la société Vega Conseil Sécurité irrecevables.

1°) ALORS QUE le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'il peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en condamnant la société Maintenance Industrie à rembourser à la société Vega Conseil Sécurité l'intégralité des salaires, charges et frais versés à M. Laarousi depuis le 1er juin 2018 quand une telle condamnation ne constitue pas une mesure conservatoire ou de remise en état mais une provision, la cour a excédé ses pouvoirs et violé les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail.

2°) ALORS (subsidiairement) QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'octroi d'une provision en application de l'article 1455-7 du code du travail sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations au préalable, la cour a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-20542
Date de la décision : 03/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mar. 2021, pourvoi n°19-20542


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20542
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