LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 19-84.918 F-D
N° 00138
ECF
17 FÉVRIER 2021
CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 FÉVRIER 2021
M. V... F... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-10, en date du 19 juin 2019, qui l'a relaxé des chefs de contrefaçon de timbre poste ou de valeur fiduciaire postale et usage et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ont été produits.
Sur le rapport de M. d'Huy, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. V... F..., les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société La Poste, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 janvier 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. d'Huy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. V... F... a été cité devant le tribunal correctionnel des chefs susmentionnés.
3. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable, l'ont condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et à 5 000 euros d'amende et ont prononcé sur les intérêts civils.
4. M. F... ainsi que le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le dispositif du jugement qui a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société La Poste et condamné M. F... à payer à celle-ci la somme de 33 278,14 euros en réparation de son préjudice matériel, et a, en conséquence, condamné M. F... à payer à la société la Poste la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors :
« 1°/ que la juridiction correctionnelle, saisie de l'action publique et de l'action civile, lorsqu'elle relaxe, ne peut que débouter la partie civile de son action ; faisant droit aux demandes indemnitaires de la partie civile, tandis que, par l'appel du ministère public et du prévenu du jugement ayant déclaré ce dernier coupable des faits visés à la prévention, elle était saisie de l'action publique et de l'action civile, de sorte qu'en l'état de la relaxe qu'elle prononçait, elle ne pouvait que débouter la partie civile de son action, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 2 du code de procédure pénale, ensemble l'article 593 du même code ;
2°/ que subsidiairement, le dommage dont la partie civile peut obtenir réparation de la part de la personne relaxée ne peut résulter que de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, de sorte qu'en déclarant M. F..., en dépit de sa relaxe, responsable du préjudice subi par la partie civile, tout en relevant par ailleurs que les éléments constitutifs de l'infraction prévue à l'article 443-2 du code pénal ne sont pas caractérisés à la charge du prévenu, ce dont il résulte qu'il ne pouvait être reproché à l'intéressé aucune faute civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que plus subsidiairement, en relevant que plus de 30 000 plis ont été illégalement affranchis au moyen de vignettes dupliquées par la société Bravo Presse et que cet acte, réitéré à plusieurs reprises, est constitutif d'une faute civile dont la matérialité s'inscrit dans les limites de la prévention, dès lors que M. F..., en sa qualité de responsable légal de l'entreprise, a négligé d'encadrer ses salariés, dont il dénonce les agissements indélicats, pour en déduire que l'exposant était responsable du préjudice subi par la partie civile, quand la faute civile ainsi retenue à la charge de l'intéressé ne constituait qu'une négligence et, partant, ne pouvait, en l'état des poursuites diligentées pour une infraction intentionnelle, caractériser une faute civile procédant des faits objet de la poursuite, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 2 du code de procédure pénale, ensemble l'article 593 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2 du code de procédure pénale :
6. En vertu de ce texte, la juridiction correctionnelle, saisie de l'action publique et de l'action civile, lorsqu'elle relaxe, ne peut que débouter la partie civile de son action.
7. Il résulte de l'arrêt attaqué qu'après avoir relaxé M. F... des chefs de la prévention, la cour d'appel a confirmé le dispositif civil du jugement le condamnant à payer à la société La Poste, partie civile, la somme de 33 278,14 euros en réparation du préjudice matériel et l'a par ailleurs condamné à payer à cette dernière la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale en cause d'appel.
8. En prononçant ainsi sur l'action civile, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
9. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 19 juin 2019, en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils et à la condamnation de M. F... au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT que La Poste est déboutée de ses demandes ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, chambre 4-10, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept février deux mille vingt et un.