LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 février 2021
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 158 F-D
Pourvoi n° D 19-13.626
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 FÉVRIER 2021
1°/ la société HDI Global SE, dont le siège est [...] ,
2°/ la société Stein Energy Boilers and Technology (SEBT), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
ont formé le pourvoi n° D 19-13.626 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Evergreen, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Kinetic Therm, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , prise en qualité d'assureur responsabilité civile de la société Kinetec Therm,
4°/ à la société MJS Partners, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur de la société Packsys,
5°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,
6°/ à la société Dresser produits industriels, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La société Dresser produits industriels a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat des sociétés HDI Global SE et Stein Energy Boilers and Technology, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Evergreen, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat des sociétés Kinetic Therm, et Axa France IARD, de Me Haas, avocat de la société Dresser produits industriels, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 janvier 2019), le 19 mai 2006, la société Evergreen, qui intervient dans le domaine de la production d'énergie thermique et électrique et de la distribution de vapeur, a conclu un contrat d'entreprise avec la société Stein Energy Boilers and Technology (la société SEBT), ayant pour activité la fabrication et la fourniture de chaudières industrielles et leurs équipements, pour la conception, la fabrication, et l'installation d'une nouvelle chaudière industrielle dite « CH1. »
2. La société SEBT a acheté une « canne de désurchauffe », destinée à réguler la température de vapeur et reliant les deux surchauffeurs de l'installation, à la société Dresser produits industriels (la société Dresser), laquelle s'est fournie auprès de la société Kinetic Therm (la société Kinetic), qui a confié la fabrication de ce produit à la société Packsys.
3. Après sa mise en service en juin 2007 puis plusieurs avaries ayant nécessité des arrêts, la chaudière a fait l'objet d'une réception avec réserves le 15 novembre 2007.
Divers désordres étant apparus durant l'année 2008, les sociétés Evergreen et SEBT ont conclu, le 19 octobre 2009, un protocole d'accord prévoyant le remplacement du surchauffeur et l'organisation d'une expertise amiable en vue de mettre fin au litige.
4. La société Evergreen l'ayant assignée en indemnisation de divers préjudices, la société SEBT a assigné en intervention forcée la société Dresser.
Ont été mises en cause successivement la société Kinetic, la société Soinne, en sa qualité de liquidateur de la société Packsys, la société Allianz IARD (la société Allianz), assureur de cette dernière, et la société HDI Global (la société HDI), assureur de la société SEBT. La société Axa France IARD (la société Axa) est intervenue volontairement, en qualité d'assureur de la société Kinetic.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, le deuxième et le sixième moyen du pourvoi principal, et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. Les sociétés HDI et SEBT font grief à l'arrêt de dire que la société HDI était fondée à opposer seulement une franchise contractuelle de 100 000 euros, alors :
« 1°/ que constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations ; que le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage ; qu'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique ; qu'en l'espèce, la société HDI Global invoquait l'application de deux franchises de 100 000 euros chacune, dès lors qu'un sinistre était intervenu antérieurement à février 2008, qui ne concernait pas le surchauffeur, et qu'un autre sinistre était survenu concernant ce dernier postérieurement à cette date ; que, pour juger qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer deux fois la franchise contractuelle de 100 000 euros, la cour s'est bornée à relever que "l'action de la société Evergreen a pour objet l'indemnisation des préjudices subis en application de la responsabilité contractuelle de la société SEBT pour les désordres constatés dans la chaudière CH1, ce qui constitue non pas deux, mais un seul sinistre" (arrêt, p. 34, § 9) ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les désordres constatés résultaient d'un ou plusieurs faits dommageables, et dans cette hypothèse, s'ils avaient une cause technique commune pour faire application d'une seule franchise contractuelle, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1134, devenu 1103 du code civil, ensemble l'article L. 124-1-1 du code des assurances ;
2°/ que tout jugement, à peine de censure, doit être motivé ; que ne répondent pas à cette exigence des motifs inopérants ; qu'en l'espèce, pour trancher la question de savoir s'il y avait eu un ou deux sinistres, auxquels il convenait d'appliquer une ou deux franchises, la cour a retenu que "l'action de la société Evergreen a pour objet l'indemnisation des préjudices subis en application de la responsabilité contractuelle de la société SEBT pour les désordres constatés dans la chaudière CH1, ce qui constitue non pas deux, mais un seul sinistre" (arrêt, p. 34, § 9) ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'objet de cette action, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Ayant retenu que l'objet de l'action de la société Evergreen était l'indemnisation des préjudices subis à la suite des désordres constatés sur la chaudière CH1, la cour d'appel, qui a statué par une décision motivée et n'était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées sur l'existence d'un ou plusieurs faits dommageables et, le cas échéant, sur l'existence d'une cause technique commune, a pu retenir qu'il s'agissait d'un seul sinistre, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer deux fois la franchise contractuelle.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, de ce pourvoi
Enoncé du moyen
8. Les sociétés SEBT et HDI font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Evergreen la somme de 30 249 euros à titre de dommages-intérêts, portant ainsi le total de leur condamnation à la somme de 1 781 170 euros hors taxes, alors « que si le manquement identifié à une obligation de résultat constitue une condition nécessaire à la responsabilité contractuelle de son auteur, il n'en est cependant pas une condition suffisante ; qu'en décidant dès lors de condamner la société SEBT à payer la somme de 30 249 euros au titre des "frais engendrés pour la chaudière SEBT non liés au surchauffeur", sans avoir retenu aucun élément de nature à établir la réalité du préjudice correspondant, sa cause technique et son imputabilité à la société SEBT, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
9. Il résulte de ce texte que, sauf cause étrangère, le débiteur d'une obligation contractuelle est tenu de réparer, le cas échéant par le paiement de dommages-intérêts, le préjudice causé à son cocontractant en raison de l'inexécution fautive, ou réputée fautive, de cette obligation.
10. Pour condamner les sociétés SEBT et HDI à payer la somme de 30 149 euros au titre des « frais non liés au surchauffeur », l'arrêt constate que ce poste de préjudice correspond à des frais allégués par la société Evergreen pour des réparations nécessitées par d'autres désordres sur la chaudière entre février 2008 et janvier 2011.
Il retient ensuite « qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire qu'une autre série de causes que celle liée à la buse de la canne de désurchauffe a été relevée dans la construction de la chaudière, pour ce qui est des matériaux et des soudures, de sorte que ce chef de préjudice est directement lié aux défaillances de la chaudière CH1 ».
11. En se déterminant ainsi, alors que la fragilité des soudures et l'absence de traitement thermique avaient, selon elle, été constatées par trois rapports d'expertise réalisés sur les éléments du surchauffeur, la cour d'appel, qui n'a pas relevé de manquements imputables à la société SEBT et qui seraient, comme elle l'a retenu, à l'origine de dommages non liés au surchauffeur examiné par les experts, a privé sa décision de base légale.
Sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche, du même pourvoi
Enoncé du moyen
12. La société SEBT fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il rejette sa demande reconventionnelle dirigée contre la société Evergreen, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, toutefois, la prescription ne court pas, en particulier, à l'égard d'une créance à terme, tant que ce terme n'est pas arrivé, le point de départ du délai de prescription ne courant qu'à compter de la date d'exigibilité de l'obligation ; qu'en l'espèce, les exposantes avaient soutenu qu'en vertu de l'avenant n° 1 apporté par les sociétés SEBT et Evergreen à leur contrat du 19 mai 2006, le terme de règlement à la réception n'interviendrait, pour le solde du paiement, qu'à "la levée des réserves majeures", cette levée constituant dès lors la date d'exigibilité de ce solde et, partant, le point de départ de la prescription à laquelle serait soumise la demande de paiement ; qu'en décidant dès lors que la demande reconventionnelle de la société SEBT était prescrite, "que l'on prenne en considération la date de la facture ou la date de paiement partiel par Evergreen le 28 mars 2008", sans rechercher, comme elle y était explicitement invitée, si, en vertu de l'avenant n° 1 susvisé le point de départ de la prescription n'était pas le jour "de la levée des réserves majeures", soit, ainsi que le soutenaient les exposantes, la date du dépôt du rapport d'expertise intervenu le 22 décembre 2014, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 et 2233 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
14. Pour déclarer prescrite la demande de la société SEBT en paiement du solde du prix du contrat conclu le 19 mai 2006, comme ayant été formulée dans des conclusions en date du 19 février 2016 donc au-delà du délai de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil, l'arrêt constate que, dès l'émission de la facture du 12 novembre 2007, ayant fait l'objet d'un paiement partiel en mars 2008, la société SEBT connaissait ses droits puis retient que la prescription n'a pas été interrompue, l'assignation au fond délivrée par la société Evergreen et les opérations d'expertise n'ayant pas le même but de l'apurement des comptes entre les parties.
15. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société SEBT qui soutenait qu'en vertu de l'avenant du 21 décembre 2007 ayant prévu que le solde de 128 587,50 euros HT devrait être payé « à la levée des réserves majeures », le point de départ du délai de prescription de cinq ans avait été reporté à ce terme, soit à la date du dépôt du rapport d'expertise intervenu le 22 décembre 2014, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le cinquième moyen du même pourvoi
Enoncé du moyen
16. Les sociétés SEBT et HDI font grief à l'arrêt de confirmer le jugement déféré en ce qu'il les condamne in solidum à payer à la société Evergreen la somme de 119 009 euros hors taxes, alors « qu'en vertu du protocole d'accord qu'elles ont conclu le 19 octobre 2009, la société SEBT et la société Evergreen sont convenues, avant que la cause des désordres et que les responsabilités ne soient déterminées, de l'installation d'un nouveau surchauffeur, chaque partie s'engageant à participer pour moitié aux frais ainsi occasionnés, à hauteur de 119 009,50 euros hors taxes chacune ; que, devant la cour, la société Evergreen demandant remboursement de cette somme, les exposantes avaient objecté que si la société SEBT avait bien payé sa propre part, la société Evergreen n'avait jamais payé en totalité la sienne, puisqu'elle restait devoir une somme de 5 950,48 euros, correspondant au dernier terme de paiement de 5 % ; que la cour, qui a relevé cette objection, a ajouté que "la question du complet versement de la somme que soulève SEBT sera traitée infra avec sa demande reconventionnelle" (arrêt, p. 31, § 3) ; qu'en décidant cependant de confirmer le jugement "en ce qu'il a alloué à Evergreen à titre de dommages-intérêts les sommes de (
) 119 009" euros (arrêt, p. 31, in fine), sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si ce paiement complet était intervenu, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
17. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
18. Pour condamner in solidum les sociétés SEBT et HDI au paiement de la somme de 119 009 euros, l'arrêt se borne à retenir que la question du complet versement par la société Evergreen de la part lui incombant en application du protocole d'accord sera traitée à l'occasion de l'examen de la demande reconventionnelle de la société SEBT.
19. En statuant ainsi, sans s'en expliquer dans les motifs relatifs à cette demande ni répondre aux conclusions de la société SEBT, qui, rappelant qu'en vertu du protocole d'accord conclu le 19 octobre 2009 prévoyant l'installation d'un nouveau surchauffeur, chaque partie s'était engagée à participer pour moitié aux frais ainsi occasionnés, à hauteur de 119 009,50 euros hors taxes chacune, soutenait que, si elle-même avait payé sa part, la société Evergreen n'avait pas payé en totalité la sienne et restait devoir une somme de 5 950,48 euros, ce dont elle déduisait que la société Evergreen ne pouvait obtenir le remboursement de la totalité de la somme de 119 009,50 euros hors taxes, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Demande de mise hors de cause
20. En application de l'article 624 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, les sociétés Kinetic, Axa et Allianz, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il alloue à la société Evergreen la somme de 119 009 euros et fixe un premier total à 1 155 920 euros, réformant le jugement, il alloue à la société Evergreen la somme de 30 249 euros, soit un total supplémentaire de 625 250 euros HT et un total général de 1 781 170 euros HT, et en ce que, ajoutant au jugement, il évalue aux sommes de 1 155 920 euros et de 625 250 euros l'assiette des intérêts dus au taux légal, l'arrêt rendu le 14 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Met hors de cause les sociétés Kinetic Therm, Allianz IARD et Axa France IARD ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Evergreen aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Stein Energy Boilers and Technology, HDI Global et Evergreen, et condamne les sociétés Stein Energy Boilers and Technology et HDI Global à payer à la société Dresser produits industriels la somme globale de 3 000 euros, aux sociétés Kinetic et Axa France IARD la somme globale de 1 500 euros, à la société Allianz IARD la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour les sociétés HDI Global SE et Stein Energy Boilers and Technology.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement rendu le 23 juin 2017 par le tribunal de commerce de Bordeaux, condamné in solidum la société SEBT et la société HDI Global à payer à la société Evergreen les sommes de 595 001 + 30 249 soit un total supplémentaire de 625 250 euros hors taxes, à titre de dommages et intérêts, portant ainsi le total de leur condamnation à la somme de 1 781 170 euros hors taxes ;
AUX MOTIFS QUE la chaudière commandée par Evergreen à SEBT a fait l'objet d'une mise en service en juin 2007 et finalement d'une réception avec réserves le 15 novembre 2007 malgré plusieurs avaries survenues à partir d'août 2007 ; que l'expert a conclu que le produit fourni par la société Dresser était affecté d'un défaut de serrage, non décelé par la société SEBT lors de l'installation de la canne sur la chaudière en fabrication ; que l'expert a identifié une seconde série de cause de causes de désordres, à savoir la dureté des matériaux, la fragilité des soudures et l'absence de traitement thermique des éléments du surchauffeur conçus et réalisés par la société SEBT, qui ont également contribué à l'apparition des désordres ; que le poste de préjudice constitué par le maintien en réserve chaude de l'ancienne chaudière BW7 correspond à la différence d'énergie nécessaire pour le maintien en réserve chaude de la chaudière BW7 et celle qui aurait été nécessaire à la chaudière CH1 si elle avait fonctionné ; que la société Evergreen demande à ce titre 595 000 €, alors que le tribunal de commerce écarté ce chef de préjudice ; que la société SEBT et son assureur contestent le principe même de la demande, en considérant que ce poste repose sur des données et des calculs qui ne sont ni justifiés, ni explicités ; que la société Evergreen fait valoir que c'est à tort que le tribunal, sans s'en expliquer, a écarté ce chef d'indemnisation alors que l'expert l'a retenu, lié au défaut de surchauffeur puisque ce défaut a entraîné les désordres sur la chaudière CH1 objet du contrat ; que cette ancienne chaudière consommait beaucoup plus d'énergie pour son maintien en réserve chaude que n'aurait dû en consommer la nouvelle chaudière CH1 ; que l'expert a retenu 591 001 € pour la période d'août 2007 à juillet 2010, même si la chaudière BW7 a fonctionné jusqu'au 1er janvier, l'expert n'ayant retenu que 3 mois de fonctionnement après remplacement du surchauffeur en avril 2010 ; que le préjudice invoqué est directement lié aux défaillances de la chaudière CH1, qui ont nécessité le maintien en activité « chaude » de l'ancienne chaudière ; que la demande est donc justifiée ; que, s'agissant de son quantum, l'expert a justement retenu, pour des raisons claires et motivées la période d'août 2007 à juillet 2010, et son chiffrage motivé, fondé sur 25 euros le MWh, doit être retenu ; que, réformant le jugement, il sera alloué à la société Evergreen une somme de 591 00 euros ; que le poste de préjudice constitué par les frais engendrés pour la chaudière SEBT non liés au surchauffeur correspond à des frais allégués par la société Evergreen pour des réparations nécessites par d'autres désordres sur la chaudière entre février 2008 et janvier 2011 ; que ladite société reproche au tribunal de n'avoir pas retenu ce poste, au contraire de l'expert qui l'avait chiffré à 30 248 € ; qu'elle fait valoir qu'il s'agit là d'autres vices que le surchauffeur affectant la chaudière SEBT, dont le fournisseur doit répondre ; que la société SBT et son assureur opposent, pour demander confirmation du jugement sur ce point, que ce autres désordres n'ont fait l'objet d'aucun constat ni débat contradictoire, et que leur réalité, leur cause technique et leur imputabilité n'ont été ni déterminées, ni explicitées ; que le tribunal de commerce ne s'est pas expliqué sur le rejet de ce poste alors que l'expert avait pris soin de présenter dans son tableau (p. 39) les pièces qu'il proposait de retenir, qui ont donc été intégrées au débat contradictoire pendant l'expertise ; qu'il ressort du rapport, comme repris supra, qu'une autre cause que celle liée à la buse de la canne du surchauffage a été relevée dans la construction de la chaudière, pour ce qui est des matériaux et des soudures, de sorte que ce chef de préjudice est directement lié aux défaillances de la chaudière CH1 ; qu'ainsi, réformant le jugement, il sera alloué la somme de 30 249 € arrêtée par l'expert ;
1° ALORS QUE si le manquement identifié à une obligation de résultat constitue une condition nécessaire à la responsabilité contractuelle de son auteur, il n'en est cependant pas une condition suffisante ; que l'engagement de cette responsabilité requiert, en outre, la caractérisation, d'une part d'un préjudice et, d'autre part, d'un lien de causalité entre ce préjudice et ce manquement ; qu'en l'espèce, la société HDI, contestant devoir assumer les « frais engendrés pour la chaudière SEBT non liés au surchauffeur » à hauteur de 30 249 € (poste de préjudice n° 6), avait soutenu que l'expert avait procédé à une évaluation globale du préjudice de la société Evergreen sans « isoler le préjudice résultant du défaut du surchauffeur du préjudice résultant d'autres désordres » et que « les causes de ces autres désordres n'avaient pas été recherchées et discutées » (concl., p. 32), en ajoutant que « leur réalité, leur cause technique et leur imputabilité à la société SEBT n'a[vait] nullement été déterminée ni explicitée par l'expert (
) » (p. 56, § 2) ; que, pour condamner néanmoins la société SEBT à payer la somme susvisée, la cour a retenu « qu'il ressort du rapport, comme repris supra, qu'une autre cause que celle liée à la buse de la canne de désurchauffe ont été relevés dans la construction de la chaudière, pour ce qui est des matériaux et des soudures, de sorte que ce chef de préjudice est directement lié aux défaillances de la chaudière CH1 » ; que, cependant, la cour a par ailleurs constaté que cette « seconde série de causes des désordres » [à côté du défaut de serrage de la buse de la canne de désurchauffe] avait été « identifiée dans les trois rapports d'expertise, réalisés sur les éléments du surchauffeur, [rapports] qui mettent en évidence la dureté des matériaux, la fragilité des soudures et l'absence de traitement thermique des éléments du surchauffeur conçus et réalisés par SEBT » (p. 25, § 6) ; qu'il s'ensuit que les deux causes ainsi constatées étaient liées au surchauffeur, de sorte que ni l'une ni l'autre ne pouvait justifier la responsabilité de la société SEBT dans des « frais engendrés (
) non liés au surchauffeur » ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;
2° ALORS QUE si le manquement identifié à une obligation de résultat constitue une condition nécessaire à la responsabilité contractuelle de son auteur, il n'en est cependant pas une condition suffisante ; qu'en décidant dès lors de condamner la société SEBT à payer la somme de 30 249 euros au titre des « frais engendrés pour la chaudière SEBT non liés au surchauffeur », sans avoir retenu aucun élément de nature à établir la réalité du préjudice correspondant, sa cause technique et son imputabilité à la société SEBT, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;
3° ALORS QUE, s'agissant de la réparation du poste de préjudice n° 1 au titre du « maintien en réserve chaude de l'ancienne chaudière BW7 », sur une période s'étalant d'août 2007 à juillet 2010, la société SEBT avait fait valoir dans ses conclusions que les désordres sur le surchauffeur étaient apparus en février 2008 et qu'il n'était nullement établi que les désordres antérieurs pussent lui être imputés, de sorte que la période du 1er août 2007 au 2 février 2008 ne pouvait être prise en considération pour le calcul du préjudice résultant du coût de maintien en réserve chaude (concl., p. 33, §§ 8-10) ; que, cependant, la cour a jugé que « le préjudice invoqué est directement lié aux défaillances de la chaudière CH1 qui ont nécessité le maintien en activité "chaude" de l'ancienne chaudière ; qu'à juste titre l'expert a retenu, pour des raisons claires et motivées, la période d'août 2007 à juillet 2010 » (arrêt, p. 27, §§ 10-11) ; qu'en prenant ainsi en compte une période antérieure à février 2008, la cour a retenu des désordres qui ne concernaient pas le surchauffeur ; qu'en se déterminant ainsi, sans justifier en rien que la société SEBT ait eu une quelconque responsabilité dans la survenance de ces désordres non liés au surchauffeur, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société HDI Global, in solidum avec la société SEBT, à payer à la société Evergreen, à titre de dommages et intérêts, les sommes de 85 109 € [« frais engagés pour la chaudière SEBT liés au surchauffeur »] et de 119 009 € [« frais engagés pour le remplacement du surchauffeur »], et la somme de 30 249 € [« frais engendrés pour la chaudière SEBT non liés au surchauffeur »],
AUX MOTIFS QUE les frais engagés pour la chaudière SEBT liés au surchauffeur correspondent aux coûts des réparations rendues nécessaires par les fuites sur le surchauffeur ; que la société SEBT et son assureur calculent que, s'agissant de ces frais, le tribunal n'a pas vérifié l'évaluation faite par l'expert, et soutiennent que seuls 43 664.10 €pourraient le cas échéant être considérés en lien mais, concluant à la mauvaise foi de la société Evergreen, concluent au débouté de celle-ci ; qu'il apparait toutefois que l'expert, pour arriver à sa proposition, a déjà procédé à l'examen des pièces produites, qu'il a soigneusement repris dans son tableau précis, de sorte que, alors que le préjudice n'est pas contesté, le total à retenir se monte bien à 85 109 €, qui sera confirmé ; que, s'agissant des frais engagés pour le remplacement du surchauffeur, la société SEBT et son assureur reprochent au tribunal de reprendre à son compte l'évaluation erronée de l'expert qui occulte que la société Evergreen ne lui a jamais payé en totalité la somme de 119 009,50 € et reste lui devoir la somme de 5 950,48 € correspondant au dernier terme de paiement de 5 %, et que le remplacement d'un collecteur du surchauffeur aurait été suffisant ; que c'est toutefois à juste titre que l'expert, sur le fondement du protocole du 19 octobre 2009, propose de faire droit à la demande de remboursement ; que le jugement sera confirmé ; que les frais engendrés pour la chaudière SEBT non liés au surchauffeur correspondent à des frais allégués par la société Evergreen pour des réparations nécessitées par d'autres désordres sur la chaudière entre février 2008 et janvier 2011 ; qu'il ressort du rapport d'expertise qu'une autre cause que celle liée à la buse de la canne de surchauffe est liée a été relevée dans la construction de la chaudière, pour ce qui est des matériaux et des soudures, de sorte que ce chef de préjudice est directement lié aux défaillances de la chaudière CH1, qu'ainsi, il sera alloué la somme de 30 249 € arrêtée par l'expert ; que la société HDI conteste la couverture de certains postes de préjudice ; qu'elle fait valoir l'existence d'une exclusion de garantie spécifique pour les frais de remboursement, de remplacement, ou de réparation des produits ou des travaux défectueux livrés par l'assuré figurant au contrat (clause d'exclusion 2.2.3) ; qu'elle soutient que les postes de préjudice « coût lié au défaut du surchauffeur », « coût non lié au défaut du surchauffeur » et « coût engagé pour le remplacement du surchauffeur » sont exclus de la garantie ; que la société SEBT déclare partager l'analyse et la position de son assureur quant à une couverture ne s'étendant pas à tous les postes ; que la société Evergreen objecte que la clause susvisée ajoute : « cette exclusion ne porte que sur la seule valeur de remboursement des produits ou travaux dans l'état où ils se trouvaient lors de la livraison ; étant précisé que demeurent couverts la valeur ajoutée par un tiers et plus généralement tout travail ou frais supplémentaires non prévus dans le prix de vente initial. Par ailleurs, elle ne concerne pas les dépenses de transports entraînées par un sinistre garanti » ; qu'elle en conclut exactement que la garantie de l'assureur couvre donc bien tous les frais supplémentaires, non compris dans le prix de vente initial, engagés par elle pour remédier aux désordres litigieux, et à la carence de la société SEBT à assumer son obligation contractuelle de garantie, et qui constituent un préjudice ; que, dans le cas contraire, une telle clause d'exclusion serait nulle et de nul effet car insuffisamment formelle et limitée, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code des assurances, et ne saurait vider d'une partie majeure de sa substance la garantie souscrite ; qu'il n'y a donc pas lieu d'exclure de la garantie de la société HDI certains des postes de préjudice ci-dessus ;
1° ALORS QUE, sur le principe, les exclusions du risque d'entreprise sont valables, dès lors qu'elles laissent dans le champ de la garantie les dommages causés aux tiers par les produits livrés et n'excluent que les dommages qu'ils subissent et les conséquences pécuniaires du non-respect par l'assuré d'engagement de performance ; qu'en l'espèce, la société HDI Global faisait valoir l'existence d'une exclusion de garantie spécifique pour les frais de remboursement, de remplacement ou de réparation des produits ou des travaux défectueux livrés par l'assuré (clause 2.2.3) et soutenait, par conséquent, que les postes de préjudices « coût lié au défaut du surchauffeur », « coût non lié au défaut du surchauffeur » et « coût engagé pour le remplacement du surchauffeur » étaient exclus de la garantie ; que, pour juger qu'il n'y avait pas lieu d'exclure de la garantie de la compagnie HDI les préjudices précités, la cour a retenu que la garantie de l'assureur couvre tous les frais supplémentaires, non compris dans le prix de vente initial, engagés par elle pour remédier litigieux, et à la carence de la société SEBT à assumer son obligation contractuelle de garantie, et qui constituent le préjudice, faute de quoi une telle clause d'exclusion serait nulle car insuffisamment formelle et limitée et ne saurait vider d'une partie majeure de sa substance la garantie souscrite ; qu'en se déterminant ainsi, quand, en dépit de cette clause, demeuraient garantis les dommages que le produit livré avait éventuellement causés, la cour a violé l'article L. 113-1 du code des assurances, ensemble l'article 1134, devenu l'article 1103 du code civil ;
2° ALORS, en toute hypothèse, QUE, sur le principe, les exclusions du risque d'entreprise sont valables, dès lors qu'elles laissent dans le champ de la garantie les dommages causés aux tiers par les produits livrés et n'excluent que les dommages qu'ils subissent et les conséquences pécuniaires du non-respect par l'assuré d'engagement de performance ; qu'à supposer, en l'espèce, que la clause d'exclusion des dommages subis par le produit et les frais de reprise des travaux effectués par l'assuré ait vidé la garantie d'assurance de sa substance, il appartenait au juge de rechercher ce qui restait garanti après application de cette exclusion ; qu'en se dispensant de cet examen, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ;
3° ALORS QUE, pour juger qu'il n'y avait pas lieu d'exclure de la garantie de la société HDI Global certains postes de préjudice (frais de remboursement, de remplacement, de réparation des produits ou des travaux défectueux livrés par l'assuré figurant au contrat), ainsi du coût lié au défaut du surchauffeur, au coût non lié au défaut du surchauffeur et au coût engagé pour le remplacement du surchauffeur, la cour a retenu qu'en application de l'article 2.2.3 du contrat d'assurance, les frais supplémentaires, non compris dans le prix de vente initial et engagés par la société SEBT pour remédier aux désordres demeuraient couverts ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir aucunement caractérisé en quoi les postes de préjudices contestés par les sociétés HDI et SEBT constituaient des frais supplémentaires supportés par la société Evergreen, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société HDI était fondée à opposer [seulement] une franchise contractuelle de 100 000 euros,
AUX MOTIFS QUE la société HDI invoque l'application de deux franchises de 100 000 euros chacune ; qu'elle fait d'abord valoir que la garantie ne saurait être mise en oeuvre que sous déduction de la franchise applicable ; qu'elle soutient alors que, puisque plusieurs causes techniques doivent être distinguées, il y a lieu à appliquer : - une première franchise de 100 000 euros pour le sinistre antérieur à février 2008, dommage ne concernant pas le surchauffeur, - et une seconde franchise de 100 000 euros pour le sinistre à partir de février 2008, dommage concernant le surchauffeur ; que la société SEBT, assuré concerné au premier chef, déclare partager l'analyse de la société HDI ; que la société Evergreen, bien qu'elle demande confirmation du jugement qui a retenu une seule franchise, ne s'en explique pas ; que, pour autant, l'action de la société Evergreen a pour objet l'indemnisation des préjudices subis en application de la responsabilité contractuelle de la société SEBT pour les désordres constatés dans la chaudière CH1, ce qui constitue non pas deux, mais un seul sinistre, de sorte qu'il n'y a pas lieu à appliquer deux fois la franchise contractuelle, et de confirmer de ce chef le jugement qui a admis l'application de la franchise à concurrence de 100 000 euros ;
1° ALORS QUE constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations ; que le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage ; qu'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique ; qu'en l'espèce, la société HDI Global invoquait l'application de deux franchises de 100 000 € chacune, dès lors qu'un sinistre était intervenu antérieurement à février 2008, qui ne concernait pas le surchauffeur, et qu'un autre sinistre était survenu concernant ce dernier postérieurement à cette date ; que, pour juger qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer deux fois la franchise contractuelle de 100 000 €, la cour s'est bornée à relever que « l'action de la société Evergreen a pour objet l'indemnisation des préjudices subis en application de la responsabilité contractuelle de la société SEBT pour les désordres constatés dans la chaudière CH1, ce qui constitue non pas deux, mais un seul sinistre » (arrêt, p. 34, § 9) ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les désordres constatés résultaient d'un ou plusieurs faits dommageables, et dans cette hypothèse, s'ils avaient une cause technique commune pour faire application d'une seule franchise contractuelle, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1134, devenu 1103 du code civil, ensemble de l'article L. 124-1-1 du code des assurances ;
2° ALORS QUE tout jugement, à peine de censure, doit être motivé ; que ne répondent pas à cette exigence des motifs inopérants ; qu'en l'espèce, pour trancher la question de savoir s'il y avait eu un ou deux sinistres, auxquels il convenait d'appliquer une ou deux franchises, la cour a retenu que « l'action de la société Evergreen a pour objet l'indemnisation des préjudices subis en application de la responsabilité contractuelle de la société SEBT pour les désordres constatés dans la chaudière CH1, ce qui constitue non pas deux, mais un seul sinistre » (arrêt, p. 34, § 9) ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'objet de cette action, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement rendu le 23 juin 2017 par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il avait débouté la société SEBT de sa demande reconventionnelle dirigée contre la société Evergreen,
AUX MOTIFS QUE comme devant le tribunal la société SEBT forme une demande reconventionnelle, dans l'un de ses subsidiaires, de condamner la société Evergreen à lui payer 150 407,95 euros hors taxes ; qu'elle expose que ce montant correspond au « solde du prix du contrat survenu entre les deux sociétés », c'est-à-dire la convention n° 87 E-16-A22 du 19 mai 2006 ;
qu'elle fait valoir sa facture du 12 novembre 2007 de 248 587,50 € hors taxes qui n'a fait l'objet que d'un paiement partiel de 120 000 € hors taxes en mars 2008 ; que le tribunal de commerce a rejeté cette demande comme prescrite ; qu'il résulte de l'article 2224 du code civil que l'action se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il apparaît que c'est par des conclusions déposées en vue de l'audience de préparation des dossiers du 19 février 2016 que la société SEBT a pour la première fois demandé la condamnation de la société Evergreen à lui payer la somme de 150 407,97 € hors taxes au titre de sa facture du 12 novembre 2007 ; que, cependant, que l'on prenne en considération la date de la facture ou la date du paiement partiel par Evergreen le 28 mars 2008, l'action était largement prescrite le 19 février 2016 ; qu'en l'espèce, la société SEBT connaissait ses droits dès l'émission de la facture qu'elle invoque ; que la prescription n'a pas été interrompue par un quelconque acte interruptif, et l'assignation au fond par Evergreen de SEBT n'avait pas le même but ; qu'il en est de même pour les opérations d'expertise, engagées par SEBT à l'encontre de Dresser, et qui ne portaient pas sur un apurement de comptes entre les parties ; qu'il y a donc lieu de confirmer le rejet de cette demande de la société SEBT comme atteinte par la prescription ;
1° ALORS QUE les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, toutefois, la prescription ne court pas, en particulier, à l'égard d'une créance à terme, tant que ce terme n'est pas arrivé, le point de départ du délai de prescription ne courant qu'à compter de la date d'exigibilité de l'obligation ; qu'en vertu de l'avenant n° 1 qu'elles ont apporté à leur contrat de fourniture du 19 mai 2006, les sociétés SEBT et Evergreen sont convenues qu'en « dérogation à l'article 20 bis de la convention, le terme de règlement à la réception est scindé en deux parties : - 120 000 € HT, payable à la réception du présent avenant signé, - 128 587,50 € HT, à la levée des réserves majeures, contre remise d'une caution de garantie de 10 % du montant du contrat » ; qu'il s'ensuit, ainsi que le soutenaient les exposantes, que le solde de la facture émise le 12 novembre 2007 n'était exigible qu'à compter de la levée des réserves majeures ; que, cependant, ainsi qu'il était encore soutenu, cette levée n'est intervenue, tacitement, que lors du dépôt du rapport d'expertise, de sorte que le point de départ du délai de prescription n'a pu être que le 22 décembre 2014, date de ce dépôt ; qu'il s'ensuit que la demande reconventionnelle en paiement formulée par la société SEBT dans ses conclusions déposées le 19 février 2016 n'était pas prescrite ; qu'en jugeant le contraire, la cour a violé les articles 2224 et 2233 du code civil ;
2° ALORS QU'en vertu de l'avenant n° 1 qu'elles ont apporté à leur contrat de fourniture du 19 mai 2006, les sociétés SEBT et Evergreen sont convenues qu'en « dérogation à l'article 20 bis de la convention, le terme de règlement à la réception est scindé en deux parties : - 120 000 € HT, payable à la réception du présent avenant signé, - 128 587, 50 € HT, à la levée des réserves majeures, contre remise d'une caution de garantie de 10 % du montant du contrat » ; que la date d'exigibilité du solde du règlement à la réception ayant ainsi été fixée au jour de la levée des réserves, le point de départ du délai de prescription ne pouvait intervenir avant cette date ; qu'en décidant dès lors d'appliquer les règles de la prescription en méconnaissance de ces stipulations contractuelles, qui en déterminaient la mise en oeuvre, la cour a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;
3° ALORS QUE les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, toutefois, la prescription ne court pas, en particulier, à l'égard d'une créance à terme, tant que ce terme n'est pas arrivé, le point de départ du délai de prescription ne courant qu'à compter de la date d'exigibilité de l'obligation ; qu'en l'espèce, les exposantes avaient soutenu qu'en vertu de l'avenant n° 1 apporté par les sociétés SEBT et Evergreen à leur contrat du 19 mai 2006, le terme de règlement à la réception n'interviendrait, pour le solde du paiement, qu'à « la levée des réserves majeures », cette levée constituant dès lors la date d'exigibilité de ce solde et, partant, le point de départ de la prescription à laquelle serait soumise la demande de paiement ; qu'en décidant dès lors que la demande reconventionnelle de la société SEBT était prescrite, « que l'on prenne en considération la date de la facture ou la date de paiement partiel par Evergreen le 28 mars 2008 », sans rechercher, comme elle y était explicitement invitée, si, en vertu de l'avenant n° 1 susvisé le point de départ de la prescription n'était pas le jour « de la levée des réserves majeures », soit, ainsi que le soutenaient les exposantes, la date du dépôt du rapport d'expertise intervenu le 22 décembre 2014, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 et 2233 du code civil.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné in solidum la société SEBT et la société HDI à payer à la société Evergreen la somme de 119 009 euros hors taxes,
AUX MOTIFS QUE la société Evergreen demande confirmation du jugement qui lui a alloué 119 009,50 €, montant correspondant, comme le relevait l'expert, au protocole du 19 octobre 2009, soit 50 % des frais de 238 019 € ; que la société SEBT et son assureur reprochent au tribunal de commerce de reprendre à son compte l'évaluation erronée de l'expert qui occulte que la société Evergreen ne lui a jamais payé en totalité la somme de 119 009,50 € et reste lui devoir à ce titre la somme de 5 950,48 € correspondant au dernier terme du paiement de 5 % ; que c'est toutefois à juste titre que l'expert, sur le fondement du protocole du 19 octobre 2009, propose de faire droit à la demande de remboursement ; que la question du complet versement de la somme que soulève SEBT sera traité infra avec sa demande reconventionnelle ; qu'ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à Evergreen à titre de dommages et intérêts « les sommes de (
) 119 009 » euros ; que, sur les demandes de la société SEBT à la société Evergreen ; que la société SEBT forme une demande reconventionnelle demande paiement d'une somme de 150 407,95 € hors taxes correspondant au solde du prix du contrat du 19 mai 2006, sur le fondement d'une facture du 12 novembre 2007 ; que le tribunal a constaté que cette demande était prescrite ; qu'en cause d'appel, la société SEBT demande condamnation de la société Evergreen au titre d'une facture du 12 novembre 2007 ; que la demande est prescrite ;
ALORS QU'en vertu du protocole d'accord qu'elles ont conclu le 19 octobre 2009, la société SEBT et la société Evergreen sont convenues, avant que la cause des désordres et que les responsabilités ne soient déterminées, de l'installation d'un nouveau surchauffeur, chaque partie s'engageant à participer pour moitié aux frais ainsi occasionnés, à hauteur de 119 009,50 euros hors taxes chacune ; que, devant la cour, la société Evergreen demandant remboursement de cette somme, les exposantes avaient objecté que si la société SEBT avait bien payé sa propre part, la société Evergreen n'avait jamais payé en totalité la sienne, puisqu'elle restait devoir une somme de 5 950,48 €, correspondant au dernier terme de paiement de 5 % ; que la cour, qui a relevé cette objection, a ajouté que « la question du complet versement de la somme que soulève SEBT sera traitée infra avec sa demande reconventionnelle » (arrêt, p. 31, § 3) ; qu'en décidant cependant de confirmer le jugement « en ce qu'il a alloué à Evergreen à titre de dommages et intérêts les sommes de (
) 119 009 » euros (arrêt, p. 31, in fine), sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si ce paiement complet était intervenu, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article l'article 1134, devenu 1103 du code civil.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué, qui a condamné in solidum les sociétés SEBT et HDI à payer à la société Evergreen différentes sommes à titre de dommages et intérêts, et notamment une somme de 119 009 € hors taxes, d'AVOIR condamné la société Dresser à relever indemnes les sociétés SEBT et HDI à hauteur de 30 % du total, pour les sommes qui seront effectivement versées à la société Evergreen,
AUX MOTIFS QUE sur les demandes à l'encontre des société Dresser, Kinetic Therm, Axa, Packsys et Allianz ; que la société SEBT et son assureur HDI demandent à être garanties par ces sociétés ; que c'est à juste titre que la responsabilité de la société Packsys a été écartée ; que la responsabilité de la société Kinetic Therm a été justement écartée ; que, s'agissant de la société Dresser, elle a livré à la société SEBT un produit non conforme à sa destination, ce qui a provoqué les désordres ; qu'ainsi, la responsabilité pour cette partie des désordres, à savoir le défaut de serrage de la buse sur la canne, est partagée entre Dresser et SEBT qui n'a pas vérifié le serrage et le blocage de la buse lors du montage final de la canne ; que l'autre cause des désordres, à savoir la fragilité des matériaux et des soudures, ne peut être imputée qu'à la société SEBT ; que, dans ces conditions, il apparaît du rapport d'expertise, qui ne les hiérarchise pas autrement, que ces deux causes de désordre interviennent chacune pour 50 % dans les préjudices subis par la société Evergreen ; que SEBT doit supporter seule, avec son assureur, la responsabilité des désordres provenant de la fragilité des matériaux et des soudures, soit 50 % du total ; que s'agissant des 50 % il y a lieu de dire que Dresser devra supporter une part de responsabilité de 30 % et SEBT une part de 20 % dans les désordres provenant de la perte de la buse par défaut de serrage et de blocage, d'une part, défaut de vérification d'autre part ; qu'ainsi, au total, SEBT et son assureur devront supporter 70 % de la responsabilité, et Dresser 30 % ; que Dresser devra donc garantir SEBT à hauteur de cette fraction de 30 % des sommes qui seront effectivement versées à la société Evergreen à titre de dommages et intérêts pour ses préjudices ;
ALORS QU'en vertu du protocole d'accord qu'elles ont conclu le 19 octobre 2009, la société SEBT et la société Evergreen sont convenues, à la suite de désordres constatés, de l'installation d'un nouveau surchauffeur, chaque partie s'engageant à participer pour moitié aux frais ainsi occasionnés, à hauteur de 119 009,50 euros hors taxes chacune ; que, cependant, ce protocole est intervenu sans que la cause des désordres ou les responsabilités soient connues, ce pourquoi, en particulier, les parties sont convenues d'organiser une expertise amiable afin de les déterminer ; que, cette cause et ces responsabilités étant débattues sur le fondement du rapport d'expertise, les exposantes ont notamment soutenu que la somme susvisée, que la société SEBT avait dû engager, ne pouvait rester à sa charge ; qu'ainsi, les exposantes ont demandé à la cour de condamner in solidum les sociétés Dresser, Kinetic Therm, Axa France, Soinne [ès qualités de liquidateur de la société Packsys] et Allianz, à raison des fautes respectives des intervenants, de payer à la société SEBT cette somme ; que, la cour ayant écarté la responsabilité des sociétés Kinetic Therm et Packsys, cette demande visait toujours la société Dresser, jugée coresponsable ; qu'en effet, les exposantes étaient fondées à demander que cette société prît à sa charge, à tout le moins, une partie de la somme de 119 009,50 € puisque cette dernière avait dû être avancée en raison de désordres que la société Dresser avait partiellement provoqués ; qu'en condamnant dès lors, in solidum, la société SEBT et la société HDI à payer cette somme à la société Evergreen, sans rechercher, comme elle y était invitée, si une partie au moins de cette somme ne devait pas peser sur la société Dresser, à raison de sa responsabilité dans le dommage, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Dresser produits industriels.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Dresser à relever indemnes les sociétés SEBT et HDI à hauteur de 30 % du total pour les sommes qui seront effectivement versées à la société Evergreen ;
AUX MOTIFS QUE, s'agissant de la société Dresser, celle-ci fait valoir que, venderesse, elle n'a pas commis de faute contractuelle puisqu'elle a livré effectivement la chose commandée, pour le prix convenu, et dans les délais convenus, et qu'elle ne peut être responsable du défaut de montage de la pièce sur la chaudière conçue, construite et assemblée par SEBT ; qu'or, l'expert a clairement, dans le cadre de ses opérations contradictoires, relevé que, sur tous les schémas Dresser figurant au dossier, la canne de désurchauffe est équipée de sa buse, qu'aucun document ne précise qui doit s'assurer du bon serrage de la buse sur la canne, et conclu qu'il estimait que cette canne aurait dû être livrée avec sa buse montée, bloquée et vérifiée au montage final par la société SEBT ; qu'il en résulte que la société Dresser, en fournissant à la société SEBT une canne de désurchauffe munie d'une buse non serrée et bloquée, a livré à son client un produit non conforme à sa destination puisque, montée sur la chaudière ensuite mise en fonctionnement, la canne a perdu sa buse non bloquée, ce qui a provoqué les désordres ; que la société Dresser ne serait pas fondée à rechercher la responsabilité de ses propres fournisseurs, qui ne peuvent être recherchés pour le défaut de serrage de la buse sur la canne ; qu'ainsi, la responsabilité pour cette partie des causes des désordres est partagée entre la société Dresser, qui ne peut contester qu'elle a fourni une canne de désurchauffe avec une buse non serrée et bloquée, et la société SEBT, qui n'a pas vérifié le serrage et le blocage de la buse lors du montage final de la canne ; que, subsidiairement, la société Dresser invoque une limitation contractuelle, qui fixerait la limitation de toute éventuelle condamnation à 3 846 euros HT, ce qui est le montant contractuel de la fourniture donnant lieu à réclamation ; que, toutefois, la société SEBT oppose à bon droit qu'il n'est nullement établi que les conditions générales dont se prévaut ainsi la société Dresser aient été portées à sa connaissance et acceptées par elle ; qu'elles lui sont donc inopposables ; qu'alors que la responsabilité est ainsi partagée entre les sociétés SEBT et Dresser pour le défaut de serrage de la buse, l'autre cause des désordres, c'est à dire la fragilité des matériaux et des soudures, ne peut être imputée qu'à la seule société SEBT, les sous-traitants présents dans la présente cause n'étant pas intervenus autrement dans la construction de la chaudière que ci-dessus pour la canne de désurchauffe et sa buse ; que, dans ces conditions, il apparaît du rapport d'expertise, qui ne les hiérarchise pas autrement, que les deux causes de désordres interviennent chacune pour 50 % dans les préjudices subis par la société Evergreen ; que la société SEBT doit supporter seule, avec son assureur, la responsabilité des désordres provenant de la fragilité des matériaux et des soudures, soit 50 % du total ; que s'agissant des 50 % restant il y a lieu de dire que la société Dresser devra supporter une part de responsabilité de 30 % et la société SEBT une part de responsabilité de 20 % dans les désordres provenant de la perte de la buse par, respectivement, défaut de serrage et blocage d'une part, et défaut de vérification du serrage et blocage d'autre part ; qu'ainsi, au total, la société SEBT et son assureur devront supporter 70 % de la responsabilité et la société Dresser 30 % ;
ALORS QUE le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme il le lui était demandé, si le dommage subi par la société Evergreen dans le cadre de l'exécution du contrat d'entreprise avec obligation de résultat qu'elle avait conclu avec la société SEBT, était prévisible pour la société Dresser lors de la formation du contrat de vente de la canne de désurchauffe, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1150 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.