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10/02/2021 | FRANCE | N°18-25722

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 février 2021, 18-25722


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 février 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 144 F-D

Pourvoi n° F 18-25.722

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 FÉVRIER 2021

M. Y... D..., domicilié [...] , a formé l

e pourvoi n° F 18-25.722 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposan...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 février 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 144 F-D

Pourvoi n° F 18-25.722

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 FÉVRIER 2021

M. Y... D..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 18-25.722 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. K... C... , domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. D..., de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. C... , et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 13 septembre 2018), aux termes d'un protocole d'accord transactionnel conclu le 5 février 2002, M. D... a cédé à M. C... l'intégralité des parts qu'il détenait dans le capital de la société de Bourbon, société mère de la société 1855. L'article 1.4 de ce protocole prévoyait que « le prix sera susceptible d'être augmenté si les actions de la société 1855 deviennent liquides soit par leur admission aux négociations à la cote d'un marché réglementé, soit par leur cession. »

2. Les titres de la société ont été introduits sur le marché Alternext le 21 décembre 2006 et ont été admis à la négociation en continu sur le marché de Nyse Euronext le 4 avril 2011.

3. Estimant que la condition posée par la convention du 5 février 2002 pour le versement du complément de prix était remplie, M. D... a assigné M. C... en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. D... fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « qu'il appartient aux juges du fond d'interpréter les clauses ambiguës d'un acte ; que la clause de l'acte du 5 février 2002, qui, subordonnait le paiement au cédant d'un complément de prix à la liquidité des actions "soit par leur admission aux négociations à la cote d'un marché réglementé, soit par leur cession", pouvait désigner tous les marchés soumis à une réglementation donc les marchés régulés qui n'existaient pas à la date de conclusion du contrat en excluant uniquement leur cotation sur un marché libre, soit les marchés désignés par le terme légal "réglementé" ; qu'en retenant que cette clause ne nécessitait aucune interprétation et en s'abstenant par conséquent de rechercher comme elle y était invitée si les parties n'avaient pas entendu viser tous les marchés soumis à une réglementation conformément au sens commun des termes employés, ce qui incluait les marchés dits régulés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir énoncé, d'un côté, que s'il incombe au juge d'interpréter la commune intention des parties, il ne saurait dénaturer les termes clairs de leur convention et, de l'autre, qu'en vertu de l'article L. 424-1 du code monétaire et financier, dans sa version alors applicable, la reconnaissance de la qualité de marché réglementé d'instruments financiers était décidée par arrêté du ministre chargé de l'économie sur la proposition du conseil des marchés financiers et après avis de la commission des opérations de bourse ainsi que de la Banque de France, l'arrêt relève que le marché Alternext, créé en mai 2005, est un système multilatéral de négociation organisée et que ni lui, ni le marché Nyse Euronext ne sont des marchés réglementés au sens de la législation française et de la directive n° 2004/CE dite MIF.

6. En cet état, la cour d'appel, qui n'avait pas à interpréter les stipulations d'une clause dépourvue d'ambiguïté, a exactement retenu, sans avoir à procéder à la recherche, inopérante, invoquée par le moyen, qu'aucune conclusion quant à l'exigibilité d'un complément de prix ne pouvait être tirée de la cotation des actions de la société 1855 sur le marché Alternext, de la signature, par cette société, d'un contrat de liquidité et de l'admission des dites actions à la négociation en continu sur le marché Nyse Euronext.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. M. D... fait le même grief à l'arrêt, alors « que dans ses conclusions d'appel, il avait également soutenu que la condition de "liquidité par cession" des actions était, en toute hypothèse, également réalisée dès lors qu'une partie d'entre elles avait été cédée sur un marché régulé ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

10. Pour rejeter la demande en paiement d'un complément de prix formée par M. D..., la cour d'appel a retenu que la condition de liquidité des actions par leur admission aux négociations à la cote d'un marché réglementé n'était pas remplie.

11. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. D... qui soutenait que la condition de liquidité des actions par leur cession était remplie, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. C... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. C... et le condamne à payer à M. D... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. D....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté l'ensemble des demandes de M. D... ;

AUX MOTIFS QU'ensuite de dissensions nées entre associés (Y... D... et K... C... ) et managers (R... S... et B... C... ) de la société 1855 SA, ces personnes ont conclu le 5 février 2002 un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel :

- Y... D... a accepté de céder à K... C... , à titre de transaction définitive, la totalité des parts, soit quatre parts, de la holding SARL De Bourbon, dont il était propriétaire (article 1.1)
- cette cession était consentie par le cédant pour un prix de base de 20.000 Francs payé par chèque le jour de l'acte, ce dont Y... D... cédant a donné bonne et quittance valable à l'acquéreur (article 1.3) ;
que l'article 1.4 de ce protocole d'accord est ainsi libellé :
"Le prix sera susceptible d'être augmenté si les actions de la société 1855 deviennent liquides soit par leur admission aux négociations à la cote d'un marché réglementé, soit par leur cession". Le complément de prix (ci-après le Complément de Prix) sera alors égal à deux cent vingt mille (220 000) francs si la valorisation de 100 % du capital de la Société est égale à cent millions (100 000 000) de francs étant entendu que si la valorisation était supérieure ou inférieure à cette valeur de référence de 100 000.000 de francs, le montant du complément de Prix serait ajusté proportionnellement" ; qu'à l'article 1.6 les Managers s'engageaient à tenir le Cédant informé de la survenance d'un fait de nature à "leur" permettre de recevoir en tout ou partie le Complément de prix ; qu'à l'article 2 du protocole en contrepartie du Prix des Parts et de l'éventuel Complément de Prix le Cédant se déclarait rempli de tous ses droits ; que s'il incombe au juge d'interpréter la commune intention des parties il ne saurait dénaturer les termes clairs de leur convention ; que selon le protocole signé entre Y... D... et K... C... , l'exigibilité d'un complément de prix au profit du cédant était soumise soit à l'admission des titres de la société 1855 aux négociations à la cote d'un marché réglementé, soit par à leur cession ; qu'en 2002 existaient des marchés réglementés ; que l'article L. 424-1 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur du 12 décembre 2001 au 2 août 2003 précise que la reconnaissance de la qualité de marché réglementé d'instrument financiers est décidée par arrêté du ministre chargé de l'économie sur la proposition du conseil des marchés financiers et après avis de la commission des opérations de bourse ainsi que de la Banque de France ; que l'article L. 421-4 du code monétaire et financier dispose désormais que la reconnaissance de la qualité de marché réglementé d'instrument financiers est décidée par arrêté du ministre chargé de l'économie sur la proposition de l'Autorité des marchés financiers ; que c'est donc à tort que les premiers juges ont considéré qu'il convenait de s'affranchir des termes précis employés dans la convention et de considérer que les parties avaient en réalité voulu éviter la cotation sur un marché libre et faire référence non à un marché réglementé mais à "un marché sous surveillance de la COB" qui a été remplacée par l'AMF ; que le marché ALTERNEXT qui a été créé en mai 2005, est un système multilatéral de négociation organisée ; qu'il s'agit ainsi d'un marché régulé aux exigences réglementaires assouplies ; qu'il n'est toutefois pas un marché réglementé selon la législation française et la directive n° 2004/CE dite MIF; que le marché NYSE EURONEXT n'est pas non plus un marché réglementé ; qu'ainsi aucune conclusion quant à l'exigibilité d'un complément de prix ne peut être tirée de ce que :
- à compter de décembre 2006 les actions de la SA 1855 ont été cotées sur le marché ALTERNEXT
- le 13 octobre 2010 la SA 1855 a signé un contrat de liquidité
- à compter du 4 avril 2011 les actions de la SA 1855 ont été sont admises à la négociation en continu sur le marché NYSE EURONEXT ; qu'il convient donc d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau de débouter Y... D... de toutes ses demandes ;

1° ALORS QU'il appartient aux juges du fond d'interpréter les clauses ambigües d'un acte ; que la clause de l'acte du 5 février 2002, qui, subordonnait le paiement au cédant d'un complément de prix à la liquidité des actions « soit par leur admission aux négociations à la cote d'un marché réglementé, soit par leur cession », pouvait désigner tous les marchés soumis à une règlementation donc les marchés régulés qui n'existaient pas à la date de conclusion du contrat en excluant uniquement leur cotation sur un marché libre, soit les marchés désignés par le terme légal « réglementé » ; qu'en retenant que cette clause ne nécessitait aucune interprétation et en s'abstenant par conséquent de rechercher comme elle y était invitée si les parties n'avaient pas entendu viser tous les marchés soumis à une règlementation conformément au sens commun des termes employés, ce qui incluait les marchés dits régulés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2° ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel, l'exposant avait également soutenu que la condition de « liquidité par cession » des actions était, en toute hypothèse, également réalisée dès lors qu'une partie d'entre elles avait été cédée sur un marché régulé (conclusions précitées, p. 13 et s.) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-25722
Date de la décision : 10/02/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 13 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 fév. 2021, pourvoi n°18-25722


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.25722
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