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28/01/2021 | FRANCE | N°19-24254

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 janvier 2021, 19-24254


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 janvier 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 116 F-D

Pourvoi n° F 19-24.254

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021

La société Immobess, société civile immobilière, d

ont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° F 19-24.254 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), d...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 janvier 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 116 F-D

Pourvoi n° F 19-24.254

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021

La société Immobess, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° F 19-24.254 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. P... Q...,

2°/ à Mme A... N..., épouse Q...,

tous deux domiciliés [...] ,

3°/ à M. E... W...,

4°/ à Mme Y... V... , épouse W...,

tous deux domiciliés [...] ,

5°/ à M. R... U...,

6°/ à Mme H... D..., épouse U...,

tous deux domiciliés [...] ,

7°/ à Mme G... T..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Béghin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Immobess, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme Q..., de M. et Mme W..., de M. et Mme U... et Mme T..., et après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Béghin, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 16 septembre 2019), M. et Mme U..., M. et Mme W..., et M. et Mme Q... ont acquis diverses parcelles constituant trois lots d'un lotissement et bénéficiant d'une servitude conventionnelle de passage sur deux autres parcelles. Ultérieurement, Mme T... puis M. et Mme L..., aux droits desquels vient la société civile immobilière Immobess (la SCI), ont chacun acquis une parcelle bénéficiant également de cette servitude de passage.

2. La SCI a assigné les consorts U..., W..., Q... et T... en rétablissement de la servitude, en réfection du revêtement du passage, en suppression de l'écoulement des eaux pluviales sur son fonds, et en réparation de divers préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation des consorts Q..., W..., U... et T... à réaliser à leurs frais les travaux de réfection du revêtement du fonds servant, alors :

« 1°/ que le procès-verbal de constat du 16 mai 2014 établi par le même huissier de justice que celui du 25 février 2014 venait compléter le précédent relatif au revêtement de la rue ainsi que les photographies produites par la SCI Immobess, et n'avait vocation qu'à constater l'état d'accessibilité de la servitude de passage sur les parcelles cadastrées [...] et [...] sans procéder à une nouvelle constatation des faits de dégradation du revêtement déjà constatés ; qu'en s'étant fondée sur le fait que le constat du 16 mai 2014 ne comportait aucune mention sur l'état des chaussées pour en déduire que l'existence d'un défaut d'entretien de l'assiette de la servitude n'était pas démontrée, après avoir constaté que des photographies produites par la SCI Immobess avaient établi le mauvais état de l'assiette de la servitude, notamment par l'existence de nids de poule, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la personne tenue d'assurer le bon entretien de l'immeuble sur lequel s'exerce une servitude de passage et qui prétend s'être libérée de cette obligation de manière satisfaisante, face au créancier de cette obligation qui se plaint du contraire et à plus forte raison s'il établit des éléments révélant un défaut d'entretien, a la charge de prouver le contraire ; qu'en déboutant la SCI Immobess de sa demande de réalisation des travaux de réfection nécessaires, en retenant qu'elle avait la charge de la preuve et en raison de l'insuffisance des preuves par elle rapportées, après avoir cependant constaté qu'elle avait produit un constat d'huissier établissant le mauvais état de la chaussée sur laquelle devait s'exercer la servitude, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, appréciant la valeur probante des pièces soumises à son examen, a retenu souverainement que, si le premier en date des procès-verbaux de constat produits par la SCI faisait état d'une dégradation du revêtement des chaussées, le second ne comportait aucune mention sur l'état de celles-ci et que les photographies également produites ne permettaient pas d'établir leur mauvais état.

6. Elle en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que la SCI ne démontrait pas l'existence d'un défaut d'entretien de l'assiette de la servitude.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La SCI fait grief à l'arrêt de dire que l'écoulement des eaux pluviales sur son fonds résulte d'une servitude par destination du père de famille, alors « que l'existence d'une servitude par destination du père de famille, lorsqu'il existe des signes apparents de servitude, peut être écartée par les dispositions contraires de l'acte de division ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si les stipulations de l'acte notarié du 4 mai 2007 selon lesquelles « le vendeur déclare que l'immeuble vendu n'est grevé d'aucune servitude que celle pouvant résulter de la situation naturelle des lieux, de la loi ou de l'urbanisme ainsi que celles constituée et rappelée ci-avant en partie normalisée » et selon lesquelles « le vendeur déclare qu'à sa connaissance, il n'existe aucune servitude sur l'immeuble tant de son chef que de celui des précédents propriétaires à l'exception de celles qui pourraient être rappelées ou constituées ci-dessus » ne s'opposaient pas à l'existence de la servitude par destination du père de famille revendiquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 694 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 694 du code civil :

9. Selon ce texte, si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.

10. Pour reconnaître l'existence d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales grevant le fonds de la SCI, acquise par destination du père de famille, l'arrêt retient qu'il résulte des actes de cessions versés aux débats que les fonds des parties ont appartenu aux lotisseurs, qui ont prévu les réseaux d'alimentation et d'évacuation de fluides des maisons du lotissement, et que ces réseaux ont été réalisés et l'état actuel des lieux établi plusieurs années avant l'acquisition du fonds apporté à la SCI, laquelle est intervenue dix ans après les acquisitions des consorts U..., W..., Q... et T....

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les dispositions de l'acte de division ne contredisaient pas la présomption résultant des signes apparents de servitude qu'elle avait retenus, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en réparation du trouble de jouissance, alors « que la victime d'un dommage doit être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en déboutant la SCI Immobess de sa demande de réparation de son préjudice de jouissance après avoir constaté que le grillage n'avait été retiré qu'à la réception de l'assignation, le 6 mai 2014, ce qui donnait le droit à la SCI Immobess d'être indemnisée au moins du trouble subi entre le 25 février 2014, date de constatation de la mise en place du grillage et le 6 mai 2014, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

13. Selon ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

14. Pour rejeter la demande de la SCI en réparation du trouble de jouissance, l'arrêt retient, par motif adopté, que le grillage ayant, selon elle, empêché l'accès à son garage avait été enlevé dès la délivrance de l'assignation et, par motif propre, qu'il ne résulte pas des pièces produites en appel qu'elle ait subi un préjudice.

15. En statuant ainsi, alors que le préjudice invoqué portait sur une période antérieure à l'introduction de l'instance et que le premier juge avait relevé que l'enlèvement du grillage avait permis l'accès au garage de la SCI, ce dont il résultait que le préjudice de la SCI tenant à l'impossibilité d'utiliser son garage durant la période invoquée était établi en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation solidaire des consorts U..., W..., Q... et T... à réaliser à leurs frais les travaux de réfection nécessaires du revêtement du fonds servant, sous astreinte, en ce qu'il a dit que l'écoulement des eaux pluviales sur le fonds de la SCI Immobess résulte d'une servitude par destination du père de famille et en ce qu'il a rejeté la demande de la société Immobess en paiement de la somme de 10 000 euros au titre du trouble de jouissance, l'arrêt rendu le 16 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne les consorts U..., W..., Q... et T... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les consorts U..., W..., Q... et T... et les condamne in solidum à payer à la SCI Immobess la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Immobess

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la SCI Immobess de sa demande de condamnation des consorts Q..., W..., U... et T... à réaliser à leurs frais les travaux de réfection nécessaires au revêtement du fonds servant sous astreinte de 500 par jour de retard ;

Aux motifs que l'analyse des titres de propriété des parties et des documents produits à titre de preuve des dégradations ne peut emporter l'adhésion de la Cour ; qu'en effet, l'obligation d'entretien dont se prévaut la SCI Immobess n'est pas contestée par les intimés qui en admettent l'existence, mais opposent que les dégradations invoquées par l'appelante sont survenues par son fait, qu'il y a été mis fin le fonds servant se trouvant désormais en bon état, et que la SCI Immobess est elle-même tenue à l'obligation d'entretien ; que s'agissant de ce dernier point, les actes d'acquisition des fonds des intimés stipulent qu'un droit de passage à toute heure et avec tous véhicules et matériels a été institué au profit des propriétaires des parcelles [...] , [...] , [...] , [...], [...], [...], dont les fonds servants sont les parcelles [...] et [...] , et que la parcelle [...] bénéficie elle-même d'un droit de passage sur la parcelle [...] accueillant le parking du centre commercial voisin ; que les intimés, qui sont propriétaires d'un fonds inclus dans le lotissement, ont souscrit au règlement de ce lotissement définissant leurs rapports entre eux et prévoyant que l'accès à leur lot depuis la voie privée ouverte à la circulation publique du centre commercial jusqu'au droit du tennis restera en indivision des propriétaires des lots 1, 2, 3, du propriétaire du tennis, et du propriétaire du solde de la parcelle [...], que chaque indivisaire bénéficiera du droit de passage le plus étendu pour lui et ses ayants-droits, qu'une convention d'entretien sera établie par le notaire avant l'acte de cession et qu'en cas de division d'une des parcelles appartenant à l'un des coindivisaires le nouvel utilisateur de la voie devra signer la convention d'entretien et assurer sa quote part correspondante ; que ce règlement est toutefois inséré dans leurs titres de propriété et a également valeur contractuelle dans leurs rapports avec leur vendeur ; que l'acte de vente constituant le titre des époux F
qui ont par la suite transféré leur bien à la SCI Immobess qu'ils ont constitué avec leurs enfants, du 4 mai 2007, mentionne que la parcelle [...] provient de la division de la parcelle [...] , rappelle l'existence de la servitude litigieuse et précise que l'entretien et si besoin la réfection de l'assiette foncière constituant le passage desservant les dits immeubles seront supportés par les propriétaires des parcelles [...] , [...], [...] et les propriétaires des parcelles cadastrées section [...] et [...] proportionnellement entre eux ; que si la SCI Immobess en a déduit qu'à défaut d'être incluse dans cette liste la parcelle [...] dont est issue la parcelle [...] est bien un fonds dominant mais dont le propriétaire n'est pas assujetti à l'obligation d'entretien de la servitude, il ressort cependant de l'état hypothécaire de la parcelle [...] délivré par la conservation des hypothèques d'Agen le 9 juin 2010 que la parcelle [...] provient de la division de la parcelle [...] laquelle provient de la division de la parcelle [...] ; qu'or la stipulation dont se prévaut la SCI Immobess est précédée d'une autre stipulation identique à la stipulation précitée figurant dans les actes des intimés qui mentionne qu'afin de respecter les dispositions du règlement du lotissement l'assiette du droit de passage est demeurée indivise entre les propriétaires des fonds dominants acquéreurs de lots mais également du propriétaire du tennis et du propriétaire de la parcelle [...], lequel bénéficiera en qualité d'indivisaire du droit de passage et supportera sa quote part de frais d'entretien ; qu'il résulte de cette mention à laquelle ont consenti les époux F
et qui est également insérée dans l'acte constitutif de la SCI Immobess qui y a donc également consenti, que l'obligation d'entretien de la servitude de passage prévue dans le règlement de lotissement incombe à l'ensemble des fonds dominants et non aux seuls signataires du règlement du lotissement ; qu'y ayant consenti, et s'étant portés acquéreurs de la parcelle [...] qui provient de divisions successives de la parcelle [...], les époux F
puis la SCI se sont engagés à supporter à proportion de leurs droits l'entretien de l'assiette de la servitude de passage ; que les intimés sont donc fondés à faire valoir que la SCI Immobess est tenue de contribuer à raison de sa quote part à l'entretien de la servitude de passage ; que s'agissant des dégradations alléguées, la SCI Immobess, à laquelle incombe la charge de leur preuve, produit des clichés photographiques non datés et dont les conditions de réalisation ne sont pas connues, qui ne permettent pas de déterminer l'existence de dégradations; qu'elle verse en outre deux constats d'huissier établis par Maître I... B..., huissier de justice à Agen, les 25 février et 16 mai 2014 ; que le procès-verbal de constat du 25 février 2014 mentionne en page 3 que le revêtement de la rue le long de laquelle sont édifiées les maisons d'habitation de la SCI Immobess est très ancien et très dégradé avec la présence de trous dits nids de poules, mention illustrée par un cliché photographique ; que cependant, le procès-verbal de constat du 16 mai 2014 ne comporte aucune mention sur l'état des chaussées ; que les photographies versées par les intimés qui soutiennent avoir entretenu l'assiette de la servitude convenablement montrent un sol paraissant aplani et exempt de trous, mais elles ne sont pas datées et il ne peut être établi qu'elles soient postérieures aux documents précités ; que pour autant, les mentions de ces procès-verbaux ne suffisent pas à démontrer l'existence d'un défaut d'entretien de l'assiette de la servitude et l'appelante n'a ni décrit ni évalué le coût des travaux nécessaires ; qu'il ne peut donc être fait droit à la demande de condamnation présentée par la SCI Immobess au titre de l'obligation d'entretien.;

Alors 1°) que le procès-verbal de constat du 16 mai 2014 établi par le même huissier de justice que celui du 25 février 2014 venait compléter le précédent relatif au revêtement de la rue ainsi que les photographies produites par la SCI Immobess, et n'avait vocation qu'à constater l'état d'accessibilité de la servitude de passage sur les parcelles cadastrées [...] et [...] sans procéder à une nouvelle constatation des faits de dégradation du revêtement déjà constatés ; qu'en s'étant fondée sur le fait que le constat du 16 mai 2014 ne comportait aucune mention sur l'état des chaussées pour en déduire que l'existence d'un défaut d'entretien de l'assiette de la servitude n'était pas démontrée, après avoir constaté que des photographies produites par la SCI Immobess avaient établi le mauvais état de l'assiette de la servitude, notamment par l'existence de nids de poule, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que la personne tenue d'assurer le bon entretien de l'immeuble sur lequel s'exerce une servitude de passage et qui prétend s'être libérée de cette obligation de manière satisfaisante, face au créancier de cette obligation qui se plaint du contraire et à plus forte raison s'il établit des éléments révélant un défaut d'entretien, a la charge de prouver le contraire ;
qu'en déboutant la SCI Immobess de sa demande de réalisation des travaux de réfection nécessaires, en retenant qu'elle avait la charge de la preuve et en raison de l'insuffisance des preuves par elle rapportées, après avoir cependant constaté qu'elle avait produit un constat d'huissier établissant le mauvais état de la chaussée sur laquelle devait s'exercer la servitude, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause ;

Alors 3°) que la partie qui se prévaut d'un défaut d'entretien de l'assiette d'une servitude imputable à son adversaire n'a pas à décrire ni à évaluer le coût des travaux nécessaires ; qu'en déboutant la SCI Immobess de sa demande à ce titre en raison de son absence de description ni d'évaluation du coût des travaux nécessaires, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 4°) que la stipulation de l'acte de de vente du 4 mai 2007 « servitudes actives » prévoyait en préambule qu'afin de respecter le règlement du lotissement, l'assiette du droit de passage demeurait indivise entre les propriétaires de fonds dominants acquéreurs de lots et des propriétaires du tennis et de la parcelle [...] [dont est effectivement issue la parcelle de la SCI Immobess], qu'une convention d'entretien serait établie par le notaire avant l'acte de cession et qu'en conséquence, afin de respecter lesdites dispositions, l'entretien et si besoin la réfection de l'assiette foncière constituant le passage desservant les parcelles cadastrées section [...] , [...], [...] et [...] seront supportés par les propriétaires des lots n°1, 2 et 3 (p. 5) ; qu'en privant de tout effet cette stipulation, en se fondant sur une autre stipulation qui précédait, cependant qu'il ne s'agissait nullement d'une autre stipulation, mais du préambule précité de la même stipulation, qui prévoyait certes une indivision de l'assiette de servitude entre les propriétaires des lots du lotissement et celui de la parcelle [...], mais ne faisait clairement peser la charge de l'entretien de l'assiette de la servitude que sur les acquéreurs de lots, c'est-à-dire les membres du lotissement, la cour d'appel a dénaturé cette clause, en violation du principe d'interdiction de dénaturer les pièces du dossier.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'écoulement des eaux pluviales sur le fonds de la SCI Immobess résultait d'une servitude par destination du père de famille ;

Aux motifs qu'il résultait des articles 692 et suivants du code civil que la destination du père de famille valait titre à l'égard des servitudes continues et apparentes, ce qui était le cas de l'écoulement des eaux de pluie, lorsqu'il était établi que les fonds actuellement divisés avaient appartenu au même propriétaire et que c'est par lui que les choses avaient été mises en l'état duquel résultait la servitude ; qu'il résultait des actes de cession versés aux débats que les fonds des parties au litige avaient appartenu aux époux M... qui avaient initié un projet de lotissement et avaient dans ce cadre prévu l'établissement des droits et des installations nécessaires à l'édification de maisons à usage d'habitation et notamment les réseaux d'alimentation et d'évacuation de fluides ; que ces réseaux avaient été réalisés et l'état actuel des lieux établi plusieurs années avant l'achat de leur fonds par les époux L..., intervenue dix ans après les achats des intimés ; que la réalisation effective de ces réseaux prévue par les autorisations d'urbanisme délivrées par la municipalité avait été confirmée lors de la réalisation à l'occasion d'un autre litige d'une expertise par le cabinet F... ; que la mise en cause de l'impartialité de cet expert par la SCI Immobess n'avait pas été estimée pertinente par le premier juge compte tenu de la connaissance de ses missions antérieures par la SCI et ses constatations n'avaient pas été remises en cause par des éléments probants contraires ;

Alors 1°) que l'existence d'une servitude par destination du père de famille, lorsqu'il existe des signes apparents de servitude, peut être écartée par les dispositions contraires de l'acte de division ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si les stipulations de l'acte notarié du 4 mai 2007 selon lesquelles « le vendeur déclare que l'immeuble vendu n'est grevé d'aucune servitude que celle pouvant résulter de la situation naturelle des lieux, de la loi ou de l'urbanisme ainsi que celles constituée et rappelée ci-avant en partie normalisée » (p. 14) et selon lesquelles (p. 15) « le vendeur déclare qu'à sa connaissance, il n'existe aucune servitude sur l'immeuble tant de son chef que de celui des précédents propriétaires à l'exception de celles qui pourraient être rappelées ou constituées ci-dessus » ne s'opposaient pas à l'existence de la servitude par destination du père de famille revendiquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 694 du code civil ;

Alors 2°) et en tout état de cause que les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si le non achèvement des travaux afférents aux réseaux ainsi que l'absence de plan de récolement ayant empêché le concessionnaire des réseaux de valider la réalisation des travaux, n'avaient pas entraîné l'extinction d'une éventuelle servitude par destination du père de famille, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 703 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant débouté la SCI Immobess des demandes tendant à ce qu'il soit mis fin à l'appropriation du fonds servant à des fins privatives et en réparation du trouble de jouissance ;

Aux motifs propres que le tribunal avait à bon droit rejeté la demande indemnitaire de la SCI Immobess en considérant qu'elle n'avait pas été empêchée de mener à terme les travaux d'édification de son garage, que l'enlèvement du grillage était intervenu dès la délivrance de l'assignation et que s'agissant de l'appropriation par G... T... d'une partie de l'assiette de la servitude de passage, cet acte, quelles qu'aient pu être les conditions de sa conclusion, n'avait pas privé la SCI Immobess des accès à ses parcelles s'agissant de l'extrémité du chemin situé à l'opposé de ses biens qui ne desservait que le fonds de G... T..., aucun autre accès n'étant avéré ; qu'il ne résultait pas des pièces versées aux débats en cause d'appel l'existence d'un préjudice subi par la SCI Immobess qui n'était en conséquence pas fondée en ses prétentions visant à obtenir réparation financière ou le rétablissement de la parcelle cédée à G... T... en son état antérieur ; et aux motifs adoptés du tribunal que la SCI Immobess avait pu réaliser sans contrainte l'édification de son garage ; que si le 25 février 2014, il avait été constaté la mise en place du grillage, il avait été procédé dès réception de l'assignation, le 6 mai 2014, à l'enlèvement pour le moins partiel de ce grillage comme le constatait le procès-verbal du 16 mai 2014, permettant ainsi l'accès au garage ; que compte tenu du litige opposant les parties et en l'absence de tout élément démontrant l'existence d'un véritable trouble de jouissance, il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande d'indemnisation du trouble de jouissance ;

Alors 1°) que la victime d'un dommage doit être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en déboutant la SCI Immobess de sa demande de réparation de son préjudice de jouissance après avoir constaté que le grillage n'avait été retiré qu'à la réception de l'assignation, le 6 mai 2014, ce qui donnait le droit à la SCI Immobess d'être indemnisée au moins du trouble subi entre le 25 février 2014, date de constatation de la mise en place du grillage et le 6 mai 2014, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;

Alors 2°) que les juges ne peuvent débouter une partie de ses prétentions sans se prononcer sur l'ensemble des documents produits ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si les photographies versées aux débats par la SCI Immobess ne laissaient pas apparaître l'existence d'une abondante végétation et d'encombrants rendant impossible le passage de tout véhicule et encore moins d'un camion afin d'accéder au garage et s'il ne résultait pas du procèsverbal de constat du 25 février 2014 qu'il existait une possibilité de rejoindre un terrain public situé en bordure permettant un accès plus rapide à la maison de la SCI Immobess supprimé par la construction par Mme T... d'une palissade dans laquelle était aménagé un portail fermé par un cadenas, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que le propriétaire du fonds servant ne peut rien faire qui diminue l'usage de la servitude ; qu'en s'étant bornée à relever que la SCI n'était pas privée de l'accès à ses parecelles, sans avoir recherché, comme elle y était invitée (conclusions de la SCI Immobess p. 17) si le constat d'huissier du 25 février 2014 versé aux débats n'établissait pas qu'il existait auparavant une possibilité, au travers la parcelle appropriée, de rejoindre un terrain public situé en bordure permettant un accès plus rapide à la maison de la SCI Immobess, accès supprimé par la construction d'une palissade dans laquelle était aménagé un portail fermé par un cadenas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 701 du code civil.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-24254
Date de la décision : 28/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 16 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 28 jan. 2021, pourvoi n°19-24254


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24254
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