LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 janvier 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 122 F-D
Pourvoi n° D 19-19.261
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021
1°/ Mme D..., J... I...,
2°/ Mme D..., W... M..., veuve I...,
domiciliées toutes deux [...],
3°/ M. D..., A... I..., domicilié [...] ,
tous trois pris en leur qualité d'héritiers de D... R... N... I..., décédé le [...],
ont formé le pourvoi n° D 19-19.261 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2019 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ au syndicat des copropriétaires [...] , dont le siège est [...] , représenté par son syndic la société Habitat Contact - Citya, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Entreprise A. Maigne, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [...] , société d'assurance mutuelle,
5°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [...] ,
6°/ à M. X... S..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme D... J... I..., de Mme D... W... M... et de M. D... A... I..., de la SCP Spinosi et Sureau, avocat du syndicat des copropriétaires [...] , après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement
1.Il est donné acte à Mme D... J... I..., Mme D... W... M... et M. D... A... I..., venant aux droits de D... I..., du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Entreprise A. Maigne, la Compagnie Axa France Iard, la SMABTP, la Mutuelle des Architectes Français et M. S....
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 avril 2019), M. D... I..., propriétaire de lot dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, s'étant plaint d'infiltrations à la suite de travaux d'étanchéité en toiture réalisés sous la maîtrise d'ouvrage du syndicat des copropriétaires (le syndicat), est intervenu à l'instance opposant le syndicat aux constructeurs, à leurs assureurs et à l'assureur dommages-ouvrage, et a demandé au syndicat l'indemnisation d'un préjudice financier né du retard dans la vente de son bien.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Les consorts I... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre du syndicat, alors « que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et qu'en l'absence de toute précision dans les écritures sur le fondement de la demande, les juges du fond doivent examiner les faits sous tous leurs aspects juridiques, conformément aux règles de droit qui leur sont applicables ; que la cour a constaté en l'espèce que si les consorts I... faisaient certes état de carences du syndicat des copropriétaires, ils ne visaient toutefois « aucun fondement juridique à l'appui de leurs demandes de condamnations formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires » ; qu'en statuant dès lors de la sorte, motif pris que la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne pouvait être engagée qu'en cas de faute, laquelle n'était pas établie en l'espèce, quand il lui appartenait de se prononcer, en application de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, sur la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires à raison du vice de construction qu'elle relevait, et tenant au défaut d'étanchéité de la toiture terrasse, la cour a violé l'article 12 du code de procédure civile.»
Réponse de la Cour
Vu l'article 12 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
6. Pour rejeter les demandes des consorts I... qui soutenaient que les infiltrations à l'origine des préjudices de M. I... trouvaient leur origine dans les travaux exécutés sur les parties communes, l'arrêt retient que les consorts I... ne visent aucun fondement juridique à l'appui de leurs demandes, que la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne peut être engagée qu'en cas de preuve d'une faute caractérisée soit par un manquement au règlement de copropriété, soit par un manquement à la loi, et qu'aucune faute du syndicat n'est prouvée.
7. En statuant ainsi, alors que le syndicat des copropriétaires est responsable de plein droit des vices de construction de l'immeuble sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, la cour d'appel, qui, en l'absence de toute précision sur le fondement de la demande, devait examiner les faits sous tous leurs aspects juridiques, conformément aux règles de droit qui leur étaient applicables, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de Mme D... J... I..., de Mme D... W... M... et de M. D... A... I... à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [...] , l'arrêt rendu le 15 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne le syndicat des copropriétaires du [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires du [...] et le condamne à payer à Mme D... J... I..., Mme D... W... M... et M. D... A... I... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme D... J..., I..., Mme D..., W... M..., veuve I... et M. D..., A... I....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté les consorts I... de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre le syndicat des copropriétaires sis [...] ;
AUX MOTIFS QUE les infiltrations subies trouvaient leur origine dans un défaut de soudure réalisée lors des travaux de la société Maigne causant un défaut d'étanchéité de la toiture terrasse ; que les désordres résultaient des travaux de couverture réalisés par la société Maigne qui engageaient sa responsabilité décennale et la garantie décennale ; que sur l'appel incident des consorts I..., propriétaires de l'appartement endommagé, D... I... a été indemnisé au titre des préjudices matériels par la société Maigne et son assureur selon un protocole d'accord indépendant de la procédure judiciaire ; qu'il a également obtenu en première instance la condamnation du syndicat des copropriétaires à lui payer les sommes de : 23 660,91 € au titre des frais de l'emprunt-relais et des intérêts, 30 000 € au titre des revenus de placement du capital et 14 413,42 € au titre de l'indemnité de défaillance ; que le jugement l'a toutefois débouté de ses demandes au titre des charges de copropriété et taxes et au titre de la carence du syndicat ; que Madame D... I... et ses deux enfants, D... J... I... et D... A... I..., (ci-après les consorts I...) se prévalent de carences du syndicat des copropriétaires faisant valoir que D... I... lui a notifié dès le mois d'octobre 2008 d'importantes infiltrations d'eau en plafond qui n'ont donné lieu à déclaration que le 25 novembre 2009, et qu'après refus de garantie de l'assureur DO, le syndicat a refusé toute intervention, ce qui l'a contraint à agir en justice pour solliciter le 22 juin 2010 une expertise ; que les consorts I... ne critiquent pas la condamnation au titre de l'indemnité de défaillance mais ils sollicitent l'infirmation du montant accordé afin d'obtenir la condamnation du syndicat des copropriétaires à leur verser : 15 990 € au titre des frais supplémentaires de l'emprunt-relais et des intérêts, à ajouter à la somme de 23 660,91 € déjà obtenue en première instance, 60 000 € au titre des revenus de placement du capital, 28 644,58 € au titre des charges de copropriété et taxes et au titre de la carence du syndicat ; que la société Maigne et son assureur la SMABTP sollicitent également de constater un défaut de diligence caractérisé du syndicat des copropriétaires pour remédier aux infiltrations constatées chez Monsieur I..., entre le mois de novembre 2008 et la déclaration à la société Axa France lard en date du 25 novembre 2009 ; que le syndicat des copropriétaires conclut au rejet de l'ensemble des demandes en faisant valoir que les demandes ne sont dirigées qu'à son encontre alors qu'aucune faute n'est établie puisqu'il a été diligent en missionnant la société Maigne le 3 décembre 2008, deux jours après la déclaration de sinistre de Monsieur I... le 1er décembre 2008, et en réalisant une déclaration de sinistre le 16 avril 2009 puis le 22 juin 2009 pour une aggravation des dégâts ; qu'il soutient également qu'il n'est pas justifié que Monsieur T... a renoncé à acquérir l'appartement du fait du désordre ou du retard de gestion du sinistre ; qu'en première instance, D... I... avait fait valoir qu'il avait mis en vente son appartement de Suresnes dans l'intention de s'établir définitivement dans le sud de la France, à Narbonne, et que l'acquéreur potentiel, Monsieur T... avait renoncé à acquérir le bien puisqu'au cours de la visite du 25 septembre 2009, l'appartement n'avait pas été remis en état ; qu'il convient de relever au préalable que si le jugement détaille les différents préjudices financiers subis par Monsieur I... en raison du retard de la vente de son appartement, il n'est nullement mentionné de faute du syndicat des copropriétaires qui justifierait de lui imputer cette responsabilité ; qu'au contraire, le jugement rejette la demande de condamnation présentée par D... I... à titre de dommages et intérêts contre le syndicat au motif que sa carence n'était pas démontrée ; que le jugement comporte donc une motivation contradictoire ; que la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne peut être engagée qu'en cas de preuve d'une faute qui se caractérise soit par un manquement au règlement de copropriété, soit par un manquement à la loi ; que la preuve du manquement incombe au demandeur, en l'espèce, aux consorts I... ; que dans leurs conclusions devant la cour, les consorts I... se prévalent de deux carences qui ont causé préjudice financier : la première, entre la notification des infiltrations du mois d'octobre 2008 et la déclaration de sinistre du syndic du 25 novembre 2009 et la seconde, entre le refus de l'assureur dommages-ouvrage de janvier 2010 et l'action judiciaire engagée au mois de juin 2010 ; qu'il ne visent aucun fondement juridique à l'appui de leurs demandes de condamnations formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires exclusivement ; que la première carence alléguée n'est pas démontrée : la déclaration de sinistre du mois d'octobre 2008 qui permettrait d'établir avec précision la date de cette notification du sinistre au syndic n'est pas présentée au dossier de la cour par les demandeurs alors que le syndicat des copropriétaires a soutenu avoir fait toutes diligences et contestait ainsi expressément toute faute ; que les consorts I... affirment dans leurs conclusions devant la cour d'appel qu'une première déclaration de sinistre avait été effectuée en octobre 2008 mais le rapport d'expertise comporte un dire de leur conseil daté du 31 mars 2011 indiquant à l'expert « Les sinistres ont eu lieu en novembre 2008 et septembre 2009 et non en octobre 2008 et mai 2009 »; que de plus, le rapport d'expertise mentionne en page 4 un premier sinistre en novembre 2008 (sans précision de date exacte) et le syndicat présente pour sa part un ordre de service à la société Maigne du 2 décembre 2008, dont copie a été adressée au maître d'oeuvre ; que la seconde carence alléguée n'est pas davantage établie puisqu'il a été précédemment rappelé que dès que les conclusions du rapport de la société Saretec ont été connues du syndic en janvier 2010, celuici a mandaté de nouveau la société Maigne qui a alors pu constater l'existence des infiltrations sur la toiture terrasse ; qu'aucune faute du syndicat des copropriétaires n'étant prouvée, il convient d'infirmer le jugement en toutes ses condamnations prononcées à son encontre ; que les consorts I... n'ont pas formé de demande subsidiaire contre les constructeurs et leurs assureurs ;
1°) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et qu'en l'absence de toute précision dans les écritures sur le fondement de la demande, les juges du fond doivent examiner les faits sous tous leurs aspects juridiques, conformément aux règles de droit qui leur sont applicables ; que la Cour a constaté en l'espèce que si les consorts I... faisaient certes état de carences du syndicat des copropriétaires, ils ne visaient toutefois « aucun fondement juridique à l'appui de leurs demandes de condamnations formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires » ; qu'en statuant dès lors de la sorte, motif pris que la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne pouvait être engagée qu'en cas de faute, laquelle n'était pas établie en l'espèce, quand il lui appartenait de se prononcer, en application de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, sur la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires à raison du vice de construction qu'elle relevait, et tenant au défaut d'étanchéité de la toiture terrasse, la Cour a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS, en outre, QUE le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction des parties communes ; qu'en statuant de la sorte, pour cela que la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne pouvait être engagée qu'en cas de faute, sans rechercher, comme elle le devait, en l'absence de précision par les consorts I... du fondement de leurs demandes, si le dommage dont ils demandaient réparation n'était pas la conséquence du vice de construction qu'elle constatait, et si la responsabilité du syndicat n'était dès lors pas engagée de plein droit en application de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de ce texte.