LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 janvier 2021
Annulation sans renvoi
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 141 F-D
Pourvoi n° J 15-17.042
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021
Mme V... Y..., domiciliée [...] , agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de sa mère B... F..., divorcée Y..., décédée, a formé le pourvoi n° J 15-17.042 contre l'ordonnance rendue le 9 octobre 2014 par le juge de l'expropriation du département du Finistère siégeant au tribunal de grande instance de Brest, dans le litige l'opposant à la société Brest métropole aménagement, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de Mme Y..., de la SCP Gaschignard, avocat de la société Brest métropole aménagement, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Mme V... Y... s'est pourvue en cassation contre l'ordonnance du juge de l'expropriation du département du Finistère du 9 octobre 2014 ayant ordonné le transfert de propriété, au profit de la société anonyme d'économie mixte Brest métropole aménagement (la SAEM Brest métropole aménagement), de parcelles ayant appartenu à B... Y..., aux droits desquels vient Mme V... Y....
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. Mme Y... fait grief à l'ordonnance d'envoyer la SAEM Brest métropole aménagement en possession des parcelles [...] à [...] , alors « que l'annulation à intervenir de l'arrêté préfectoral n° 2014087-008 du 28 mars 2014 déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la ZAC de [...] et de l'arrêté préfectoral n° AP 2014-104-0015 du 14 avril 2014 déclarant cessibles les immeubles nécessaires à l'aménagement de la ZAC de [...], lesquels ont été frappés d'un recours pour excès de pouvoir actuellement pendant devant le tribunal administratif de Rennes, privera l'ordonnance attaquée de base légale et entraînera, par voie de conséquence, son annulation en application des articles L. 11-8 et L. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 221-1, R. 221-1 et R. 221-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
3. Il résulte de ces textes que l'annulation par la juridiction administrative des arrêtés de déclaration d'utilité publique ou de cessibilité entraîne par voie de conséquence l'annulation de l'ordonnance portant transfert de propriété.
4. La juridiction administrative ayant, par une décision irrévocable, annulé l'arrêté portant déclaration d'utilité publique du 28 mars 2014, l'ordonnance doit être annulée par voie de conséquence.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 octobre 2014, entre les parties, par le juge de l'expropriation du département du Finistère, siégeant au tribunal de grande instance de Brest ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société anonyme d'économie mixte Brest métropole aménagement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société anonyme d'économie mixte Brest métropole aménagement et la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir envoyé la SAEM Brest Métropole Aménagement, concessionnaire de la communauté urbaine de Brest, autorité expropriante, en possession d'immeubles, portions d'immeubles et droits réels immobiliers, dont les parcelles [...] à [...] , à charge pour elle de se conformer aux dispositions du chapitre III et du chapitre V du titre 1er de la première partie du code de l'expropriation ;
AUX MOTIFS QUE :
« Déclarons expropriés immédiatement pour cause d'utilité publique au profit de la S.A.E.M. Brest Métropole Aménagement, concessionnaire de la communauté urbaine de Brest les immeubles, portions d'immeubles et droits réels immobiliers désignés ci-dessous dont l'acquisition est nécessaire pour parvenir à l'exécution de l'acte déclaratif et ce conformément à l'état parcellaire.
A Brest :
- les parcelles sur lesquelles est édifiée un maison occupée par la propriétaire et sa fille :
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 13 a 30 ca pour une emprise totale
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 13 a 25 ca pour une emprise totale
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 6 a 80 ca pour une emprise totale
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 17 a 80 ca pour une emprise totale
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 31 a 70 ca pour une emprise totale
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 73 a 85 ca pour une emprise totale
Inscrites à la matrice cadastrale au nom de :
B... M... Q... F... divorcée Y...
née le [...] à Lorient (Morbihan)
Pour les parcelles [...] , [...], [...], [...], [...] et [...] sur lesquelles est édifiée une maison occupée par la propriétaire et sa fille
(
)
Et déclarée appartenir à :
B... M... Q... F... divorcée Y...
née le [...] à Lorient (Morbihan)
Pour les parcelles [...] , [...], [...], [...], [...] et [...] sur lesquelles est édifiée une maison occupée par la propriétaire et sa fille » ;
ALORS QUE l'annulation à intervenir de l'arrêté préfectoral n° 2014087-008 du 28 mars 2014 déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la ZAC de [...] et de l'arrêté préfectoral n° AP 2014-104-0015 du 14 avril 2014 déclarant cessibles les immeubles nécessaires à l'aménagement de la ZAC de [...], lesquels ont été frappés d'un recours pour excès de pouvoir actuellement pendant devant le tribunal administratif de Rennes, privera l'ordonnance attaquée de base légale et entraînera, par voie de conséquence, son annulation en application des articles L.11-8 et L.12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir envoyé la SAEM Brest Métropole Aménagement, concessionnaire de la communauté urbaine de Brest, autorité expropriante, en possession d'immeubles, portions d'immeubles et droits réels immobiliers, dont les parcelles [...] à [...] , à charge pour elle de se conformer aux dispositions du chapitre III et du chapitre V du titre 1er de la première partie du code de l'expropriation ;
AUX MOTIFS QUE :
« Déclarons expropriés immédiatement pour cause d'utilité publique au profit de la S.A.E.M. Brest Métropole Aménagement, concessionnaire de la communauté urbaine de Brest les immeubles, portions d'immeubles et droits réels immobiliers désignés ci-dessous dont l'acquisition est nécessaire pour parvenir à l'exécution de l'acte déclaratif et ce conformément à l'état parcellaire.
A Brest :
- les parcelles sur lesquelles est édifiée un maison occupée par la propriétaire et sa fille :
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 13 a 30 ca pour une emprise totale
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 13 a 25 ca pour une emprise totale
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 6 a 80 ca pour une emprise totale
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 17 a 80 ca pour une emprise totale
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 31 a 70 ca pour une emprise totale
- la parcelle [...] section [...] d'une superficie totale de 73 a 85 ca pour une emprise totale
Inscrites à la matrice cadastrale au nom de :
B... M... Q... F... divorcée Y...
née le [...] à Lorient (Morbihan)
Pour les parcelles [...] , [...], [...], [...], [...] et [...] sur lesquelles est édifiée une maison occupée par la propriétaire et sa fille
(
)
Et déclarée appartenir à :
B... M... Q... F... divorcée Y...
née le [...] à Lorient (Morbihan)
Pour les parcelles [...] , [...], [...], [...], [...] et [...] sur lesquelles est édifiée une maison occupée par la propriétaire et sa fille » ;
ALORS, D'UNE PART QUE l'article L.12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit que l'ordonnance d'expropriation est rendue au vu des pièces constatant que les formalités prescrites par le code de l'expropriation ont été accomplies ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de la délibération de la communauté urbaine de Brest du 7 février 2014 qu'une offre d'achat avait été adressée à Mme B... F... Y... et qu'il était recommandé de réitérer cette offre ; que faute de viser les pièces concernant cette offre et les suites réservées à celle-ci, alors que ces mentions étaient nécessaires pour justifier l'accomplissement des formalités légales, l'ordonnance attaquée est entachée d'un vice de forme qui doit en faire prononcer l'annulation ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans une lettre du 13 mai 2013, France Domaine faisait état d'une évaluation « sommaire et globale » des biens immobiliers de Mme Y... et précisait que « l'évaluation contenue dans le présent avis correspondant à la valeur vénale actuelle, une nouvelle consultation du Domaine serait nécessaire si l'opération n'était pas réalisée dans le délai d'un an » ; qu'en rendant l'ordonnance d'expropriation le 9 octobre 2014, soit plus d'un an après la lettre du 13 mai 2013, sans constater qu'une nouvelle consultation du Domaine était intervenue dans le délai utile, le juge de l'expropriation a violé les articles L.11-1 à L.12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.